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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 28 mai 2025, n° 25/04789

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

KC 20 (SNC)

Défendeur :

Lam's (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Masseron

Conseillers :

Mme Chopin, M. Najem

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Guillot-Tantay

TJ Paris, du 5 mars 2025, n° 25/50364

5 mars 2025

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'un acte sous seing privé signé le 21 juillet 2023, la société KC 20 a consenti à la société Lam's, en cours d'immatriculation et représentée par M. [M], un contrat de bail commercial portant sur un local n°1010 situé au sein du centre commercial [Adresse 5] [Adresse 7] (Seine-Saint-Denis).

Par acte extrajudiciaire du 24 juin 2024, le bailleur a délivré au preneur un commandement de payer la somme de 25 649, 32 euros au titre des loyers impayés et du coût du commandement de payer.

Par acte du 12 décembre 2024, la société KC 20 a fait assigner la société Lam's devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé aux fins de, notamment :

constater l'acquisition de la clause résolutoire au 24 juillet 2024 ;

ordonner l'expulsion de la défenderesse et de tout occupant de son chef avec au besoin l'assistance de la force publique et d'un serrurier, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision et se réserver la liquidation de l'astreinte, outre la séquestration des biens laissés ;

juger que les sommes dues seront majorées de 10%, conformément à l'article 29 du bail ;

condamner la défenderesse au paiement de la somme provisionnelle de 24.425,24 euros TTC à parfaire au titre de la dette locative échue au 13 juin 2024 ; et

la condamner au paiement, à titre de provision, d'une indemnité d'occupation fixée à 1% du loyer annuel facturé et indexé de la dernière année de location, à compter du 24 juillet 202, jusqu'à libération des lieux, dans un état conforme aux stipulations du bail.

La société Lam's n'a pas constitué avocat.

Par ordonnance réputée contradictoire du 5 mars 2025, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris :

s'est déclaré territorialement incompétent ;

a renvoyé l'affaire et les parties devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny statuant en référé ;

a ordonné que la décision soit notifiée aux parties par lettre recommandée en application de l'article 84 du code de procédure civile ; et

a dit qu'à défaut d'appel dans un délai de quinze jours à compter de cette notification, le dossier de l'affaire sera transmis par le secrétariat avec une copie de la décision de renvoi à la juridiction désignée, en application de l'article 82 du code de procédure civile.

Par déclaration du 18 mars 2025, la société KC 20 a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 25 mars 2025, le délégataire du premier président de la cour d'appel de Paris a autorisé la société KC 20 à assigner la société Lam's à jour fixe.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 18 mars 2025, la société KC 20 demande à la cour, sur le fondement des articles 48, 83 et suivants et 88 du code de procédure civile, 1104 et 1728 du code civil et L. 145-41 et R145-23 du code de commerce, de :

la juger recevable et bien fondée dans ses demandes ;

reformer l'ordonnance de référé rendue le 5 mars 2025 par le président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il s'est déclaré territorialement incompétent pour statuer sur ses demandes et ce qu'il a renvoyé l'affaire et les parties devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny statuant en référé ;

déclarer que le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris est compétent pour statuer sur le présent litige ;

évoquer l'affaire au principal ;

en conséquence,

constater que la société Lam's n'a pas réglé, dans le mois suivant sa délivrance ni postérieurement, les causes du commandement de payer signifié le 24 juin 2024, la somme de 24.425,24 euros, en principal due à cette date au titre des loyers et accessoires, outre le coût de l'acte visant la clause résolutoire figurant à l'article 30 du bail d'un montant de 224,08 euros ;

constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail à la date du 24 juillet 2024 ;

ordonner l'expulsion de la société Lam's des lieux loués, ainsi que celle de tout occupant de sons chef, et ce avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu, et ceci sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

réserver la liquidation de l'astreinte ;

juger que les sommes dues seront majorées de 10% conformément à l'article 29 du bail ;

juger que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L.433-1 et R433-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

condamner la société Lam's au paiement de la somme de 75.631,43 euros TTC à parfaire, au titre de l'arriéré de loyers et accessoires dus en exécution du bail suivant décompte arrêté au 13 juin 2024, sauf à parfaire ;

condamner la société Lam's au paiement à la société KC 20 d'une indemnité d'occupation fixée en application de l'article 31 du bail, à 1% du loyer annuel facturé et indexé de la dernière année de location, à compter du 24 juillet 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux, dans un état conforme aux stipulations du bail ;

juger que le dépôt de garantie restera acquis à la société KC20 en application des dispositions de l'article 30.5 du bail sans préjudicie de son droit au paiement de toutes sommes au titre du bail et dommages et intérêts ;

en tout état de cause,

condamner la société Lam's à régler à la société KC20 la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Lam's aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais liés au commandement de payer, et d'appel ; et

autoriser la société LX [Localité 6] Versailles Reims, par Me Boccon-Gibod, avocat au barreau de Paris, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que l'article R.145-23 du code de commerce n'est pas d'ordre public ; que la clause attributive de compétence a été consentie entre commerçants et figure dans le contrat en caractères apparents de sorte qu'elle est valable conformément aux dispositions de l'article 48 du code de procédure civile. Elle se prévaut de deux arrêts de la présente cour en ce sens.

Elle considère qu'il est d'une bonne administration de la justice qu'il soit statué sur le fond de ses demandes et se prévaut du mécanisme d'acquisition de la clause résolutoire.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Par acte de commissaire de justice du 27 mars 2025 remis à personne morale, la société KC 20 lui a fait signifier la déclaration d'appel, l'ordonnance du premier président de la cour d'appel du 25 mars 2025 et ses conclusions.

La société Lam's n'a pas constitué avocat.

SUR CE,

La société Lam's n'ayant pas constitué avocat, il appartient à la cour, en application de l'article 472 du code de procédure civile, de ne faire droit à la demande de la société KC 20 SNC que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur l'exception d'incompétence territoriale

Aux termes de l'article R. 145-23 du code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.

Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent.

La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble.

Selon l'article R. 211-4 du code de l'organisation judiciaire, en matière civile, les tribunaux judiciaires spécialement désignés sur le fondement de l'article L. 211-9-3 connaissent seuls, dans l'ensemble des ressorts des tribunaux judiciaires d'un même département ou, dans les conditions prévues au III de l'article L. 211-9-3, dans deux départements (...) des actions relatives aux baux commerciaux fondées sur les articles L. 145-1 à L. 145-60 du code de commerce.

L'article 48 du code de procédure civile dispose que toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.

Il se déduit de la combinaison de ces textes que les parties contractant en qualité de commerçantes un bail commercial peuvent prévoir par une clause, spécifiée de façon très apparente dans l'acte, de déroger à la règle prévue par l'article R. 145-23 précité selon laquelle "la juridiction compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble", sous réserve de respecter les dispositions de l'article R. 211-4 du code de l'organisation judiciaire. Cette règle de compétence ne présente donc pas un caractère d'ordre public.

En l'espèce, la société KC 20 SNC, qui sollicite l'infirmation de l'ordonnance, a fait assigner la société Lam's devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins, notamment, de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et la voir condamnée, à titre provisionnel, au paiement de l'arriéré des loyers et charges dus et à une indemnité d'occupation.

Les deux parties, commerçantes, ont contracté, en cette qualité, un bail commercial ayant pour objet un immeuble situé à [Localité 8].

Le bail contient une clause, spécifiée de façon très apparente, ainsi libellée : « article 37 -compétence - Tout litige relatif aux présente et à leurs suites sera de la compétence des Tribunaux de Paris. »

En outre, la juridiction choisie par les parties est parfaitement déterminable.

Cette clause remplit, en conséquence, les exigences de l'article 48 du code de procédure civile précité.

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris est donc territorialement compétent pour connaître du litige.

L'ordonnance entreprise sera dès lors infirmée en ce qu'elle a déclaré le tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, territorialement incompétent et renvoyé l'examen du dossier devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny statuant en référé.

Sur l'évocation

Aux termes de l'article 88 du code de procédure civile, lorsque la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.

Au soutien de sa demande d'évocation, la société KC 20 fait valoir que la dette s'élève à la somme de 75.631,43 euros au 4 février 2025 et ne fera que croître.

Au cas présent, eu égard à la nature du litige pour lequel l'expulsion est requise, il n'apparaît pas d'une bonne justice d'évoquer les points non jugés par le premier juge et d'écarter ainsi le principe du double degré de juridiction.

Il convient de renvoyer à la juridiction initialement saisie l'examen du fond du litige entre les parties.

Sur les demandes accessoires

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

Dit que le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris est compétent ;

Dit n'y avoir lieu à évocation ;

Ordonne le renvoi de l'affaire à la juridiction initialement saisie ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Rejette la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

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