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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 28 mai 2025, n° 24/16379

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Kumk (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Masseron

Conseillers :

Mme Chopin, M. Najem

Avocats :

Me Pachalis, Me Aguttes, Me Fellah, SCP Regnier-Serre-Fleurier-Fellah-Godard

TJ Sens, du 12 juill. 2024, n° 24/00046

12 juillet 2024

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 16 mars 2021, M. [B] a consenti à la société Volkii sushi, laquelle a cédé son fonds de commerce à la société Ku.mk dont l'enseigne est Chicken time, le 4 mars 2022, un bail commercial portant sur des locaux sis [Adresse 2], à [Localité 3].

Par acte extra-judiciaire du 18 décembre 2023, M. [B] a fait délivrer à la société Ku.mk un commandement de payer visant la clause résolutoire.

Par exploit du 8 février 2024, M. [B] a fait assigner la société Ku.mk devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Sens aux fins de voir :

Constater que la clause résolutoire contenue dans l'acte de bail liant les parties est acquise au bailleur et qu'en conséquence, la résiliation du bail est intervenue ;

Ordonner l'expulsion tant de la société Ku.mk que de tous occupants de son chef des locaux qu'elle occupe dans un immeuble sis à [Adresse 2], et ce, si besoin, avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

Condamner la société Ku.mk à payer à M. [B] une somme de 258,50 euros correspondant à la dette locative, terme du mois de juin 2024 inclus ;

Condamner la société Ku.mk à payer à M. [B] une somme mensuelle de 590 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période postérieure à la résiliation du bail, soit à compter du 1er février 2024, jusqu'au jour de la libération effective des lieux ;

Dire et juger que le dépôt de garantie d'un montant de 3.540 euros restera acquis à M. [B].

Par ordonnance du 12 juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Sens a :

Constaté l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans l'acte de bail conclu entre les parties ;

Constaté en conséquence la résiliation du bail à compter du 18 janvier 2024 ;

Ordonné l'expulsion de la société Ku.mk ainsi que celle de tous occupants de son chef avec, au besoin, l'assistance de la force publique et d'un serrurier, des lieux situés [Adresse 2] ;

Condamné à titre provisionnel la société Ku.mk à payer à M. [B] les sommes de :

258,50 euros correspondant au montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères des années 2022 et 2023 ;

590 euros par mois à compter du mois de février 2024 et jusqu'à libération effective des lieux, à titre d'indemnité mensuelle d'occupation ;

Autorisé M. [B] à conserver le dépôt de garantie ;

Rejeté le surplus des demandes ;

Condamné la société Ku.mk aux dépens ;

Rappelé que l'ordonnance est, de droit, exécutoire par provision.

Par déclaration du 19 septembre 2024, la société Ku.mk a interjeté appel de cette décision.

Par jugement du 11 février 2025, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Sens a accordé à la société Ku.mk un délai de 12 mois pour se maintenir dans le local loué.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 17 mars 2025, la société Ku.mk demande à la cour de :

Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé en date du 12 juillet 2024,

Statuant à nouveau,

Suspendre les effets de la clause résolutoire contenue au bail en date du 16 mars 2021,

En conséquence,

Dire que le bail en date du 16 mars 2021 n'est pas résilié et se poursuit entre les parties,

Débouter M. [B] de sa demande en expulsion et de toutes ses demandes afférentes,

Condamner M. [B] à verser à la société Ku.mk la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 13 janvier 2025, M. [B] demande à la cour, au visa des articles L145-41 du code de commerce, 1103, 1104, 1728 du code civil, et 835 du code de procédure civile, de :

Confirmer l'ordonnance de référé rendue le 12 juillet 2024 en toutes ses dispositions,

Débouter la société Ku.mk de l'ensemble de ses demandes,

Condamner la société Ku.mk à payer à M. [B] une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

La condamner aux entiers dépens d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 mars 2025.

SUR CE,

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement.

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

La société Ku.mk soutient notamment qu'elle a réglé la somme de 2.950 euros le 7 mars 2024, de sorte que la demande de suspension des effets de la clause résolutoire est justifiée, étant relevé qu'elle a réglé la totalité des loyers dus au titre de l'année 2024, ainsi que la taxe sur les ordures ménagères. Elle précise qu'elle s'est heurtée à l'existence de fuites d'eau, alors que le bailleur a manqué à ses obligations en refusant d'effectuer les travaux nécessaires et en adoptant un comportement véhément voire violent, de sorte qu'elle a à tort cessé le règlement des loyers. Elle ajoute qu'une expulsion entrainerait la perte du fonds de commerce avec ses conséquences financières, alors que l'activité de la société constitue le seul revenu de son gérant qui subvient aux besoins de sa famille.

M. [B] expose notamment que la clause résolutoire insérée dans le bail qui lie les parties est acquise et qu'à la date d'acquisition de cette clause résolutoire une somme de 1.770 euros lui était due, somme qui a été réglée postérieurement, laissant subsister le règlement des taxes sur les ordures ménagères. Elle ajoute que les manquements qui lui sont reprochés sont contestés, la société Ku.mk ayant déclaré accepter les locaux en l'état.

Les conditions d'acquisition de la clause résolutoire ne sont pas discutées, celle-ci étant acquise au 18 janvier 2024.

Par ailleurs, la société Ku.mk se prévaut de manquements du bailleur, manquements qui ne sont pas établis mais la lecture de ses écritures, et de leur dispositif permet de comprendre que l'appelante ne retire pas de conséquences juridiques de l'exception d'inexécution qu'elle fait valoir, donnant en réalité une explication au défaut de paiement des loyers qui lui est reproché. La cour n'est donc saisie d'aucune demande de ce chef.

Ensuite, il apparaît que l'arriéré locatif est nul, la société Ku.mk ayant procédé, postérieurement à la date d'acquisition de la clause résolutoire, au règlement de l'arriéré locatif, ce par règlement dès le 7 mars 2024 de la somme de 2.950 euros, repris le règlement des loyers courants et celui de la taxe des ordures ménagères pour les années 2022, 2023 et 2024.

La bonne foi et les efforts de paiement de la locataire sont donc réels, celle-ci ayant non seulement apuré les causes du commandement mais surtout, réglé ses loyers courants depuis lors.

Aussi convient-il de lui accorder des délais rétroactifs en application des articles L. 145-41 du code de commerce et 1343-5 du code civil précités, ce qu'elle demande implicitement en sollicitant la suspension des effets des effets de la cause résolutoire en conséquence du règlement de sa dette locative, cela sur une durée de dix mois et, constatant que cet échéancier a été intégralement respecté, de dire que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué.

La locataire n'étant plus, à ce jour, débitrice d'aucune somme à l'égard de sa bailleresse, l'ordonnance entreprise sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a ordonné l'expulsion de la société Ku.mk et l'a condamnée au paiement d'une provision et d'une indemnité d'occupation.

Sur les frais et dépens

Le sort des dépens ainsi que celui des frais irrépétibles ont été exactement appréciés par le premier juge.

L'issue du litige en appel commande de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens et frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Accorde à la société Ku.mk un délai de dix mois pour s'acquitter de sa dette locative et suspend les effets de la clause résolutoire pendant ce délai ;

Constate que la société Ku.mk s'est intégralement acquittée dans ce délai des causes du commandement de payer et de son arriéré locatif ;

Dit en conséquence que la clause résolutoire est réputée n'avoir pas joué ;

Déboute M. [B] de ses demandes de résiliation du bail et d'expulsion subséquente ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés en appel ;

Rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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