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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 28 mai 2025, n° 24/20339

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/20339

28 mai 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 28 MAI 2025

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/20339 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKPK6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2024 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris - RG n° 24/10382

APPELANT

M. [N] [B] [S] [U] [K] exerçant la profession d'Avocat, inscrit sous le numéro SIREN [Numéro identifiant 10]

S DRIME

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représenté par Me Jérémy MARUANI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1555

INTIMÉS

Organisme UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECU RITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 12]

Assignation à personne morale conformément aux dispositions de l'article 654 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 6 janvier 2025)

Etablissement CAISSE NATIONALE DES BARREAUX FRANCAIS agissant poursuites et diligences de son président du conseil d'administration et de son directeur en exercice

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Karl SKOG, avocat au barreau de PARIS, toque : E1677

Mme LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 4]

[Localité 9]

Organisme ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE PARIS Pris en la personne de Monsieur [G] [Y], es qualité de Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de PARIS

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Fanny LAUTHIER de l'AARPI AKCS AVOCATS, avocate au barreau de PARIS

Représentée par Me Xavier PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1617

S.C.P. BTSG prise en la personne de Me [M] [T] ès-qualités de Liquidateur judiciaire

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentée par Me Fabrice DALAT de la SELEURL DALAT - WERNERT - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0367

Substitué par Me Céline LEBEDEL, avocvate au barreau de PARIS, toque : P367

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie MOLLAT, Présidente

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Caroline TABOUROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

Monsieur [N]-[B] [S] [U] [K] est avocat au Barreau de Paris et a été condamné à une sanction d'interdiction temporaire d'exercer de deux années, assortie d'un an de sursis.

Par acte de commissaire de justice du 22 juillet 2024, la Caisse Nationale des Barreaux Français, ci-après CNBF, a fait assigner M. [U] [K] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et subsidiairement de redressement judiciaire.

A l'appui de sa demande, la CNBF fait valoir que M. [U] [K] reste lui devoir la somme de 252.883,64 euros au titre des cotisations des années 2015 à 2021 et que les mesures d'exécution sont restées infructueuses.

Par jugement du 21 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Paris a:

- Constaté que Monsieur [N]-[B] [S] [U] [K] est en état de cessation des paiements ;

- Constaté que Monsieur [N]-[B] [S] [U] [K] n'est pas en etat de surendettement ;

- Constaté que Monsieur [N]-[B] [S] [U] [K] est dans l'impossibilité manifeste de redresser sa situation ;

- Constaté que les droits des créanciers nés à l'occasion de l'activité professionnelle de Monsieur [N]-[B] [S] [U] [K] portent sur son patrimoine professionnel et personnel;

- Prononcé, par conséquent, 1'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire sur le patrimoine professionnel et personnel de Monsieur [N]-[B] [S] [U] [K] ;

- Fixé la date de cessation des paiements au 21 mai 2023 ;

- Désigné la SCP BTSG, prise en la personne de Maitre [M] [T], en qualité de liquidateur.

Par déclaration du 2 décembre 2025, M. [U] [K] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 23 février 2025, M. [U] [K] demande à la cour de:

- le déclarer recevable et bien-fondé ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une procédure de liquidation judiciaire

Et, statuant à nouveau des chefs infirmés :

- Juger que le redressement de Monsieur [N]-[B] [S] [U] [K] n'est pas manifestement impossible ;

- Ouvrir une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de Monsieur [N]-[B] [S] [U] [K] ;

- Fixer la date de cessation des paiements ;

- Renvoyer l'affaire et les parties devant le tribunal judiciaire de Paris pour la désignation des organes de la procédure (en dispensant la société de la nomination d'un administrateur judiciaire compte tenu de son activité, de l'absence de salariés et de plan de cession/restructuration envisagé), l'accomplissement des formalités légales et la poursuite des opérations de la procédure de redressement judiciaire ;

- Désigner tel mandataire judiciaire qu'il plaira à la cour

- Fixer la durée de la période d'observation ;

- Juger que les dépens suivront ceux de l'instance au fond.

*****

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 24 avril 2025, la société BTSG ès-qualités de liquidateur demande à la cour de:

- Confirmer le jugement de liquidation judiciaire du tribunal judiciaire de Paris en date du 21 novembre 2024 dans toutes ses dispositions,

- Condamner Monsieur [N] [B] [U] [K] à verser à SCP BTSG², prise en la personne de Maître [M] [T], ès-qualités, la somme de 3.000 ' au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

*****

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 23 avril 2025, l'Ordre des avocats du Barreau de Paris, pris en la personne de Maître [G] [Y], ès-qualités de Bâtonnier de l'Ordre des avocats du Barreau de Paris demande à la cour de:

- Ecarter des débats la pièce n° 5 communiquée par l'appelant sous l'intitulé « Offre de mission démarrant au 01.11.25 »

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 21 novembre 2024 (RG 24/10382).

*****

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 27 mars 2025, la caisse nationale des barreaux français (CNBF) demande à la cour de:

- confirmer le jugement rendu le 21 novembre 2024 par le tribunal Judiciaire de Paris en ce qu'il a constaté que Monsieur [N]-[B] [U] [K] est en état de cessation des paiements;

- statuer ce que de droit sur la demande de Monsieur [N]-[B] [U] [K] d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard ;

En tout état de cause,

- condamner Monsieur [N]-[B] [U] [K] à payer à la CNBF une somme de 2.000 Euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire et juger que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective et admettre Maître Karl Fredrik SKOG, avocat postulant près la cour d'appel de Paris, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été ordonnée le 30 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, sur l'irrecevabilité de la pièce n° 5.

L'Ordre des avocats demande à la cour d'écarter des débats la pièce n°5 communiquée par l'appelant sous l'intitulé 'offre de mission démarrant au 01.11.25", en ce qu'elle fait apparaître le nom et les coordonnées d'un client de M. [U] [K].

La cour constate que sur la pièce n°5 qui a été versée aux débats, le nom et les coordonnées du client ont été biffés. Aussi, il n'y a pas lieu à écarter cette pièce n°5.

La cour déboutera l'Ordre des avocats de leur demande.

Sur la liquidation judiciaire de M. [U] [K].

Monsieur [U] [K] soutient que son redressement n'est pas manifestement impossible, quand bien même il ne peut pas générer d'activité avant le 1er novembre 2025. Il affirme que dès cette date, il pourra redémarrer son activité, et démontre être en mesure de présenter un plan de redressement. Il assure qu'il a d'ores et déjà une offre qui lui permettrait de générer, sur les deux premières années, un chiffre d'affaires mensuel de 18.000 euros H.T. En outre, il soutient qu'il n'a aucune charge d'exploitation puisqu'il n'a pas de salarié ou de collaborateur, n'a pas de bureau (si ce n'est une simple domiciliation à hauteur de 200 euros H.T., qu'il reprendra au moment de son exercice), et exerce à titre individuel. Il expose que son prévisionnel d'exploitation justifie de l'absence de création de nouvelles dettes et d'un résultat, à l'issue de la période d'observation, qui permettra de construire et de proposer un plan de redressement.

Le liquidateur sollicite la confirmation du jugement. A ce titre, il soutient que le prévisionnel d'activité et de trésorerie se fonde uniquement sur une seule offre « de contrat de mission et de rémunération », signée entre M. [U] [K] et un potentiel futur client et prévoyant un honoraire forfaitaire mensuel d'un montant de 18.000 ' HT sur une période de 24 mois, soit un total de 432.000 ' HT. Il ressort de cette offre qu'elle est conclue sous la condition suspensive de la reprise d'activité par le débiteur et il est expressément indiqué que « Cette Convention s'analyse comme une offre de contrat qui ne pourra être signée et acceptée qu'à compter de la reprise d'activité légale de Maître [K] [U] [N]-[B], soit au plus tôt, dans un an à compter de l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris, en date du 24 octobre 2024 ». Ainsi, faire reposer l'entier projet de redressement du débiteur sur une unique offre de mission, qui ne pourrait faire l'objet d'un contrat définitif qu'à compter du 1er novembre 2025 sous réserve de son acceptation, apparaît risqué et démontre son manque de consistance. En l'absence de revenus pendant la période d'observation, il semble complexe de bâtir un plan de continuation.

L'ordre des avocats précise que M. [U] [K] fait l'objet d'une interdiction temporaire d'exercer à titre de sanction en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 octobre 2024 d'une durée d'une durée de deux années, assortie d'un an de sursis. Cette interdiction temporaire d'exercer a commencé à courir à compter de la notification de l'arrêt aux parties (soit à compter du 5 novembre 2024) mais a été suspendue par l'effet de l'ouverture de la liquidation judiciaire en raison de l'interdiction d'exercer attachée à la liquidation judiciaire en application de l'article L 641-9 III et ne reprendra effet qu'à la date :

- du jugement de clôture de la liquidation judiciaire

- ou de l'arrêt d'appel qui infirmerait le Jugement et ouvrirait un redressement judiciaire.

Néanmoins, la peine d'un an ferme d'interdiction d'exercer a été exécutée pendant 16 jours, du 5 au 21 novembre, de sorte qu'il reste 11 mois et 14 jours à exécuter. Ce délai de 11 mois et 14 jours restant à exécuter au titre de la peine ne paraît pas compatible avec le déroulement de la période d'observation du redressement judiciaire, laquelle est d'une durée de 12 mois pouvant, à titre exceptionnel, être renouvelée une fois à la demande du ministère public. Pendant cette période d'interdiction sanction, les charges professionnelles, notamment vis-à-vis de la CNBF et des organismes sociaux continueront à courir, sans possibilité d'encaissement de revenus professionnels. Or, il ne ressort pas des pièces produites par l'appelant qu'il serait en mesure de faire face à ses charges courantes sans revenus professionnels pendant cette période de 11 mois et 14 jours, d'autant que cette période ferait suite à la période de liquidation judiciaire. L'ordre des avocats conclut qu'en considération de cette durée de peine restant à exercer, le redressement de M. [U] [K] paraît manifestement impossible.

La CNBF soutient qu'elle détient une créance de cotisations à hauteur de 150.421,24 euros qui semble difficile à apurer au travers d'un plan de redressement compte tenu notamment de l'activité à venir de l'appelant. Mais si les débats et/ou l'enquête prévue par les dispositions des articles L. 621-1 alinéa 3 et R. 621-3 du Code de Commerce devaient révéler une possibilité de redressement judiciaire, la CNBF y serait favorable.

Sur ce,

Selon l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [U] [K] est en état de cessation des paiements. Le passif déclaré dans le cadre de la liquidation judiciaire s'élève à la somme de 501.426,24 ' dont 150.421,24 ' pour la CNBF et 145.791 ' pour l'URSSAF à titre chirographaire. Aucun actif disponible n'a été produit.

Quant aux perspectives de redressement, il faut souligner que M. [U] [K] a été condamné à une interdiction d'exercer et ne peut de ce fait exercer sa profession d'avocat pendant la période d'observation. Comme le souligne l'Ordre des avocats, cette interdiction a commencé à courir à compter de la notification de la condamnation soit à compter du 5 novembre 2024 mais a été suspendue par l'effet de l'ouverture de la liquidation judiciaire et ne reprendra effet qu'à la date du jugement de clôture de la liquidation judiciaire ou de l'arrêt d'appel qui infirmerait le jugement et ouvrirait un redressement judiciaire. La peine d'un an ferme d'interdiction d'exercer ayant été exécutée pendant 16 jours, du 5 au 21 novembre, il reste à M. [U] [K] 11 mois et 14 jours à exécuter.

M. [U] [K] sollicite de ce fait l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire pour que la période d'observation qui en découlerait, soit utilisée pour purger sa peine et que cette période d'observation dure douze mois.

Il ressort cependant de l'article L.622-9 du code de commerce que l'activité de l'entreprise doit se poursuivre pendant la période d'observation.

La période d'observation a ainsi été prévue par le législateur pour qu'un plan puisse se préparer pendant que l'activité du débiteur continue. Elle ne peut être utilisée comme l'unique moyen de purger une condamnation disciplinaire ou pénale qui interdirait tout exercice de sa profession au débiteur.

Par ailleurs, la cour relève que le prévisionnel produit se fonde sur une seule offre « de contrat de mission et de rémunération », prévoyant un honoraire forfaitaire mensuel d'un montant de 18.000 ' HT sur une période de 24 mois, soit un total de 432.000 ' HT qui ne pourrait faire l'objet d'un contrat définitif qu'à compter du 1er novembre 2025. Cette seule et unique offre est insuffisante pour établir un projet de redressement du débiteur.

Par conséquent, l'état de cessation des paiements de M. [U] [K] est caractérisé et aucune perspective de redressement n'est démontrée.

Le jugement sera confirmé.

Sur les frais de procédure

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens.

Les dépens d'appel seront également passés en frais privilégiés de procédure collective.

L'équité commande à ce que M.[U] [K] soit condamné à payer à la société BTSG ès-qualités et la CNBF la somme de 1500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, par arrêt contradictoire

Dit n'y avoir lieu à écarter la pièce n°5 de l'appelant;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 21 novembre 2024 ;

Condamne M. [U] [K] à verser à la sociétés BTSG ès-qualités de liquidateur et la CNBF la somme de 1500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'emploi de dépens d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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