CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 28 mai 2025, n° 24/19298
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 28 MAI 2025
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/19298 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKMFH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Octobre 2024 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 23/13213
APPELANTE
S.C.I. MONDORIVOLI représentée par ses co-gérants, MM. [D], [G] et [C] [U]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 528 960 297
Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Représentée par Me Ketty LEROUX de la SELARL NAÏM ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : C1703
INTIMÉS
Mme . LE PROCUREUR GENERAL
[Adresse 3]
[Localité 6]
Société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK EG. MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK eG, société coopérative de droit allemand
[Adresse 10]
[Localité 9]
Immatriculée au Registre des Coopératives auprès du Tribunal d'Instance de Munich sous le n°G n R 396
Représentée par Me David MEAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0705
S.E.L.A.R.L. FIDES en la personne de Me [L] [R], es-qualités de liquidateur de la S.C.I. MONDORIVOLI
[Adresse 4]
[Localité 7]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 451 953 392
Représentée par Me Rodolphe MADER de la SELEURL MADER AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : EV
S.E.L.A.R.L. ASCAGNE ès-qualités d'administrateur judiciaire de la S.C.I. MONDORIVOLI, la mission étant conduite par Maître [Y] [F]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 803 117 688
Représentée par Me Stéphane CATHELY de l'AARPI CATHELY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0986
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La société civile immobilière Mondorivoli a pour activité l'acquisition et la gestion de biens immobiliers.
Elle a été constituée le 1er décembre 2010 et son capital est réparti entre MM. [C] et [H] [U], à hauteur de 50 % chacun. Elle est propriétaire de sept lots immobiliers dépendant d'une copropriété située au [Adresse 2].
Les biens de la société ont été acquis par acte de vente du 15 mars 2011 pour le prix de 15 000 000 euros. Le prix de vente a été payé au moyen d'un prêt bancaire à hauteur de 8 000 000 euros consenti par la banque allemande Landesbank, et d'un crédit-vendeur à hauteur de 7 000 000 euros, remboursable au plus tard le 15 mars 2044. Le vendeur est M. [W] [U], père des acquéreurs.
Par acte du 26 juillet 2012, la société allemande Münchener Hypothekenbank EG a consenti un prêt d'un montant de 10 500 000 euros à la société Mondorivoli, remboursable en 28 échéances trimestrielles, destiné à rembourser le prêt initial de 8 000 000 euros et à reconstituer la trésorerie de la société.
Par arrêt du 26 juin 2023, la cour d'appel de Paris a prononcé la nullité de ce contrat de prêt et condamné la société à rembourser à la société Münchener Hypothekenbank EG les sommes de 10 247 735,62 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2012, ainsi que 3 000 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Un contentieux entre la société et l'un de ses locataires qui a cessé de régler ses loyers, la société Hilditch & Key, est en cours devant le tribunal judiciaire de Paris. Le montant de la créance locative a été chiffré à 1 563 164 euros en octobre 2023.
Par jugement du 30 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Mondorivoli et fixé la date de cessation des paiements au 13 octobre 2023. Il a désigné la SELAS Ascagne AJ, en la personne de Me [F], en qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL Fides, en la personne de Me [I], en qualité de mandataire judiciaire.
Par ordonnance du 19 mars 2024, le juge-commissaire a désigné la société Münchener Hypothekenbank EG en qualité de contrôleur à la procédure.
Par ordonnance du 15 mai 2024, le juge-commissaire a désigné un expert judiciaire afin de réaliser une estimation de l'ensemble immobilier dépendant du patrimoine de la société Mondorivoli.
Le 16 mai 2024, la société Mondorivoli a déposé un projet de plan de redressement au terme duquel elle propose de régler le passif d'un montant de 15 881 820 euros, qui ne comprend pas les créances contestées, en dix annuités progressives financées par ses recettes et les apports des associés.
Par jugement du 6 juin 2024, la période d'observation a été prolongée pour une durée de cinq mois et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 17 octobre 2024.
Le plan de redressement de la société a été circularisé par la SELARL Fides auprès des créanciers le 13 septembre 2024.
Par jugement du 31 octobre 2024, sur requêtes distinctes du contrôleur à la procédure et du liquidateur, le tribunal judiciaire de Paris a constaté que la société Mondorivoli était dans l'impossibilité de présenter un plan et que les offres de cession présentées n'étaient pas satisfaisantes, et a converti la procédure de redressement en une procédure de liquidation judiciaire. Il a désigné la SELARL Fides en la personne de Me [I] en qualité de liquidateur.
Par déclaration du 15 novembre 2024, la société Mondorivoli a interjeté appel du jugement.
*****
Par conclusions signifiées par voie électronique le 6 mai 2025, la société Mondorivoli demande à la cour de :
- Déclarer recevable son appel à l'encontre du jugement rendu le 31 octobre 2024 par le Tribunal Judiciaire de PARIS des chefs lui faisant grief en ce qu'il a :
o Constaté que la SCI Mondorivoli est dans l'impossibilité de présenter un plan ;
o Constaté que les offres de cession présentée ne sont pas satisfaisantes ;
o Converti, par conséquence, la procédure de redressement judiciaire prononcée le 30 novembre 2023 en procédure de liquidation judiciaire ;
o Mis fin aux opérations de procédure de redressement judiciaire ;
o Rappelé que la date de cessation des paiements a été fixée au 13 octobre 2023 par le jugement du 30 novembre 2023 ouvrant la procédure de redressement judiciaire ;
o Désigné la SELARL Fides prise en la personne de Me [L] [X] dont le siège social se situe [Adresse 5] en qualité de liquidateur ;
o Fixé le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée par le tribunal à deux ans ;
o Fixé le délai dans lequel le mandataire judiciaire établit la liste des créances visées par l'article L. 624-1 du code de commerce à 12 mois, qui courra à compter de la date de la publication de la présente décision au BODACC ;
o Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire ;
In limine litis, à titre principal,
- Dire nul et de nul effet le jugement du tribunal judiciaire du 31 octobre 2024 ;
- En conséquence, annuler le jugement ;
- Se déclarer non saisie par l'effet dévolutif de l'appel ;
- Renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Paris afin de statuer sur la période d'observation et le redressement judiciaire de la société Mondorivoli ;
A titre subsidiaire,
- Infirmer ledit jugement en ce qu'il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Mondorivoli ;
- Juger que la société Mondorivoli dispose de capacités financières suffisantes pour poursuivre la période d'observation ;
- Juger que sa situation permet d'envisager l'élaboration d'un plan de redressement ;
- Juger que ce redressement n'est pas manifestement impossible ;
Et statuant à nouveau,
- Ordonner la poursuite de la période d'observation pour une durée de trois mois de la société Mondorivoli en application de l'article L. 661-9 alinéa 1 du code de commerce.
*****
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 avril 2025, la SELARL Ascagne, ès-qualités, demande à la cour de :
A titre principal,
- Annuler le jugement rendu le 31 octobre 2024 par le tribunal judiciaire de Paris ;
A titre subsidiaire,
- Infirmer le jugement rendu le 31 octobre 2024 par le tribunal judiciaire de Paris ;
En toute hypothèse,
- Renvoyer la société Mondorivoli devant le tribunal judiciaire à telle audience qu'il lui plaira de fixer en vue de la présentation de son plan de redressement et de la présentation des offres de cession permettant de vérifier, dans le respect des droits du débiteur, la possibilité de redressement de son entreprise ;
- Débouter la SELARL Fides, ès-qualités, la société Münchener Hypothekenbank EG et Mme la procureure générale de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Admettre les dépens en frais privilégiés de redressement judiciaire de la société Mondorivoli.
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Par conclusions signifiées par voie électronique le 12 mars 2025, la société Münchener Hypothekenbank EG demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 31 octobre 2024 du tribunal judiciaire de Paris ;
- Débouter la société Mondorivoli représentée par ses gérants de toutes ses demandes, fins et conclusions.
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Par conclusions signifiées par voie électronique le 14 avril 2025, la SELARL Fides, ès-qualités, demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Paris le 31 octobre 2024 ;
- Débouter les cogérants de la société Mondorivoli et l'administrateur judiciaire de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
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Par avis signifié par voie électronique le 11 mars 2025, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 31 octobre 2024 en ce qu'il a converti la procédure de redressement judiciaire prononcée le 30 novembre 2023 en liquidation judiciaire.
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Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée 6 mai 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du jugement pour défaut de convocation du débiteur
La société Mondorivoli fait valoir que le tribunal a écarté le plan de continuation et les offres de reprise alors qu'elle n'a pas été régulièrement convoquée à l'audience du 17 octobre 2024. Elle soutient qu'il ressort des articles R. 626-17 et L. 631-15 du code de commerce que le débiteur doit être convoqué dès le dépôt au greffe de son projet de plan, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par notification par acte d'huissier et que la société a déposé son plan le 16 mai 2024, mais n'a reçu aucune lettre recommandée en vue de son examen ; que la convocation ne peut pas non plus résulter du jugement du 6 octobre 2024 qui a prolongé la période d'observation de 5 mois et renvoyé l'affaire à l'audience du 17 octobre 2024, car il ne précise pas que cette audience avait pour objet l'examen de son plan de continuation. Elle ajoute que son conseil a été convoqué moins de 8 jours avant l'audience, ce qui est insuffisant pour organiser le déplacement des dirigeants qui résident aux Etats-Unis et leur défense, portant ainsi atteinte au principe de la contradiction.
La SELARL Ascagne, ès-qualités, soutient que le débiteur a été privé de la possibilité de présenter son plan de redressement pourtant déposé au greffe le 16 mai 2024 ; que le jugement du 6 juin 2024 indiquait que la période d'observation était renouvelée pour une durée de cinq mois afin de permettre à la société de présenter son plan de redressement, l'affaire étant renvoyée à l'audience du 17 octobre 2024 ; que le dispositif n'indiquait pas que cette audience avait pour objet la présentation du plan du débiteur, et qu'il ne s'agissait que d'un jugement de renouvellement de la période d'observation. Elle note que la société n'a pas été en mesure de présenter son plan car le délai imparti aux créanciers pour répondre à sa circularisation n'était pas encore expiré au jour de l'audience, ce qui avait justifié un renvoi. Elle ajoute que l'intervention de l'administrateur n'est pas une condition à la recevabilité du plan de redressement et que celui-ci a été régulièrement déposé par le débiteur. Elle conclut au renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire après avoir prononcé la nullité du jugement, sauf à méconnaître le droit du débiteur au double degré de juridiction.
La SELARL Fides, ès-qualités, ajoute qu'il résulte des dispositions des articles L. 631-19 I, R. 626-17 et R. 631-15 du code de commerce qu'en procédure de redressement judiciaire, il appartient à l'administrateur d'établir le projet de plan de redressement et de le déposer au greffe, alors qu'en l'espèce, il a été établi et signé par les seuls cogérants de la société Mondorivoli et déposé par leur conseil, de sorte que le greffe n'avait pas l'obligation légale de convoquer la société à l'audience du 17 octobre 2024. En tout état de cause, le liquidateur soutient que le jugement vaut convocation, qu'il a été régulièrement notifié, et que la société et son administrateur judiciaire avaient été informés de la date de renvoi qu'ils avaient eux-mêmes demandée à l'issue de l'audience. Il ajoute que le greffe a convoqué la société, son avocat et ses co-gérants par lettre recommandée avec avis de réception 15 jours avant l'audience, ce qui n'est pas tardif.
La société Münchener Hypothekenbank EG réplique que la société Mondorivoli a déposé son plan de redressement le jour même de l'audience, le 16 mai 2024, demandant le renvoi de l'affaire et le renouvellement de la période d'observation pour qu'il puisse être examiné ; qu'un renvoi de l'examen du plan au 17 octobre 2024 a été ordonné par le tribunal et la mention figurait dans le jugement reçu par les parties ; que l'avocat de la société était par ailleurs présent à l'audience. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le non-respect éventuel de l'article R. 626-17 du code de commerce n'est pas sanctionné par la nullité du jugement.
Le ministère public soutient qu'il est indiqué dans le jugement du tribunal judiciaire du 6 juin 2024 que la période d'observation est renouvelée pour une période de 5 mois afin de permettre à la société Mondorivoli de présenter un plan de redressement, et que l'affaire a été renvoyée à l'audience du 17 octobre 2024. Il soutient que cette mention vaut convocation à l'examen du projet de plan de redressement.
Sur ce,
L'article L. 631-15 du code de commerce dispose qu'A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et la ou les personnes désignées par le comité social et économique, et avoir recueilli l'avis du ministère public.
L'article R. 626-17 du code de commerce ajoute que Dès le dépôt au greffe du projet de plan par le débiteur, le greffier convoque, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le débiteur, les représentants de la délégation du personnel du comité social et économique et les contrôleurs.
En l'espèce, force est de constater que le jugement du tribunal judiciaire du 6 juin 2024 indiquait que la période d'observation était renouvelée pour une période de 5 mois afin de permettre à la société Mondorivoli de présenter un plan de redressement, et que l'affaire a été renvoyée à l'audience du 17 octobre 2024.
La cour retiendra que cette mention vaut convocation à l'examen du projet de plan de redressement, dès lors que le jugement a été régulièrement notifié, et que la société et son administrateur judiciaire avaient été informés de la date de renvoi qu'ils avaient eux-mêmes sollicitée à l'issue de l'audience.
Enfin, il est constaté que le greffe a convoqué la société Mondorivoli, son avocat et ses co-gérants par lettre recommandée avec avis de réception 15 jours avant l'audience, ce qui n'est pas tardif au regard des circonstances de l'espèce.
Il s'ensuit que le principe de la contradiction a été respecté, et qu'il y a lieu de rejeter la demande de nullité du jugement rendu le 31 octobre 2024.
Sur l'infirmation du jugement
Sur le plan de redressement
La société Mondorivoli fait valoir que son passif échu s'élève à la somme de 15 881 820 euros et est composé de la créance de la banque qui est acceptée à hauteur de 14 827 739,20 euros et contestée à hauteur de 1 054 081,70 euros. Elle ajoute que son passif à échoir s'élève à la somme de 7 000 000 euros au titre d'une créance crédit-vendeur de M. [W] [U] exigible en 2044, et son passif non définitif est composé de trois créances contestées du Pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 11] pour 16 000 euros, du locataire Cie Rivoli pour 119 484 euros et du locataire Hilditch & Key pour 800 000 euros. Elle explique que son actif est composé de sept lots dans une copropriété [Adresse 12] dont la valeur totale a été estimée par l'expert judiciaire entre 23 765 810 euros et 24 490 810 euros, que sa situation va s'améliorer car l'un de ses locataires, la société Hilditch & Key, qui occupait un local de 230 m2, qui ne payait plus ses loyers depuis 10 ans et qui est en liquidation judiciaire, vient de quitter les lieux. Elle soutient être en capacité de régler l'entièreté de son passif en dix annuités, grâce à ses recettes et à l'apport de 300 000 euros que ses associés peuvent faire.
La SELARL Ascagne, ès-qualités, soutient qu'il ne peut être statué sur l'impossibilité manifeste de redressement du débiteur alors que celui-ci n'a pas été en mesure de présenter son plan et que les candidats repreneurs n'ont pas pu présenter leur offre, n'ayant pas été convoqués par le greffe.
La SELARL Fides, ès-qualités, réplique que le projet de plan de redressement n'est pas recevable car il a été élaboré et déposé au greffe par la société, sans validation de l'administrateur judiciaire, en contradiction avec les articles L. 631-19 I et R. 631-15 du code de commerce. Par ailleurs, elle fait valoir que le plan n'est pas viable, en ce que son passif échu s'élève à la somme de 15 933 656,44 euros, et son passif à échoir à la somme de 7 000 000 euros, au titre de la créance crédit-vendeur de M. [W] [U], exigible en 2044, que son passif définitif est donc de 22 933 656,44 euros, que son passif non définitif est composé d'une créance provisionnelle du PRS Parisien dont le montant devrait être fixé à 15 584 euros à titre définitif, et d'une créance de 800 000 euros de la société Hilditch & Key, qui est contestée et fait l'objet d'une instance en cours. Le liquidateur soutient que le passif à prendre en compte pour l'élaboration du plan s'élève donc à 16 749 656 euros, car il convient d'intégrer la créance de 800 000 euros de la société Hilditch & Key, conformément à l'article L. 626-10 alinéa 2, celle-ci n'ayant pas fait l'objet d'une attestation d'un expert-comptable. Il fait en outre valoir que les capacités de remboursement de la société ne sont pas suffisantes, que le projet de plan prévoit un apurement du passif en dix annuités grâce à un apport en compte courant de 300 000 euros et des recettes locatives de 1 431 000 euros par an, alors que l'apport ne fait l'objet d'aucune garantie et que le revenu annuel annoncé repose sur des conjectures ; que les revenus locatifs annuels s'élèvent à 116 784 euros par an ; et que le principal local commercial ne peut être remis en location en raison du contentieux avec la société Hilditch & Key. Enfin, le liquidateur fait valoir que le projet de plan a été refusé par la majorité des créanciers.
La société Münchener Hypothekenbank EG réplique que le plan présenté sous-évalue le passif de la société car il ne prend pas en compte l'ensemble des créances déclarées, en contradiction avec l'article L. 626-10 du code de commerce. Elle expose que sa créance est contestée à hauteur de 1 054 081,75 euros alors que le juge-commissaire l'a confirmée, et celle de l'administration fiscale l'est également au motif que les associés de la société n'occuperaient pas l'appartement concerné, alors que l'occupation a été constatée par l'expert dans son rapport. Elle estime que le passif déclaré de la société s'élève à près de 24 millions d' euros au 6 mai 2024. De plus, elle soutient que le plan surévalue les recettes de la société qui ne peuvent s'élever qu'à un montant maximum de 142 386,80 euros, la société ayant surévalué la superficie de tous les appartements afin de prétendre à la possibilité de percevoir des loyers importants, et qu'il ressort d'ailleurs de son plan que le montant net de ses recettes n'a été que de 48 323 euros sur 4 mois ; que quand bien même la société pourrait percevoir la somme de 802 950 euros au titre des loyers annuels, tel qu'il est indiqué dans son plan, elle ne pourrait rembourser en 10 ans que la somme de 8 029 950 euros sur la créance de 15 881 820 euros de la banque. Elle expose enfin que le local libéré par la société Hilditch & Key qui est en liquidation judiciaire ne pourra pas être reloué et donner lieu à des loyers, car un bail a été signé le 3 avril 2024 avec la société Kernevic dont le gérant n'est autre que M. [W] [U].
Le ministère public soutient que le plan de redressement proposé ne remplit pas les conditions de l'articles L. 626-10 du code de commerce car il ne prend pas en compte l'ensemble des créances déclarées. Il prend en compte un passif de 15 881 820 euros alors que le passif déclaré s'élève à 23 819 328,31 euros. Il ajoute que la société ne démontre pas la capacité financière de ses associés à réaliser les apports proposés, et que le prévisionnel établi n'est pas cohérent avec le résultat des précédents exercices et celui constaté pendant la période d'observation, soit 124 000 euros entre décembre 2023 et août 2024.
Sur ce,
L'article L. 631-1 du code de commerce dispose que La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation.
L'article L. 631-15 du code de commerce dispose qu'A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
En l'espèce, le passif échu de la société débitrice s'élève à la somme de 15 933 656,44 euros, et son passif à échoir à la somme de 7 000 000 euros, au titre de la créance crédit-vendeur de M. [W] [U], exigible en 2044, de sorte que son passif définitif est de 22 933 656,44 euros. Son passif provisoire est composé d'une créance provisionnelle du Pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 11] dont le montant devrait être fixé à 15 584 euros à titre définitif, selon le mandataire, et d'une créance de 800 000 euros de la société Hilditch & Key, ancien locataire du local commercial, qui est contestée et fait l'objet d'une instance en cours.
Il convient d'intégrer la créance de 800 000 euros de la société Hilditch & Key, en ce que celle-ci n'a pas fait l'objet d'une attestation d'un expert-comptable, conformément à l'article L. 626-10 alinéa 2, dans le passif à prendre en compte pour l'élaboration du plan de redressement, ce qui conduit à l'établir à la somme de 16 749 656 euros et non à 15 881 820 euros.
En outre, s'agissant de l'actif disponible de la société Mondorivoli, ses capacités de remboursement n'apparaissent pas suffisantes, en ce que le projet de plan prévoit un apurement du passif en dix annuités grâce à un apport en compte courant de 300 000 euros et des recettes locatives de 1 431 000 euros par an, alors que, d'une part, l'apport ne fait l'objet d'aucune garantie, d'autant plus qu'un premier apport des associés devait intervenir « sous huitaine » à compter du 16 mai 2024, lequel n'a toujours pas été versé au jour de l'audience du 17 octobre 2024, que d'autre part, il ressort du bilan économique et social de la société que le revenu annuel annoncé repose sur des conjectures à 96% du montant annoncé et que les revenus locatifs annuels s'élèvent à 116 784 euros par an, et ce sous réserve que la société Rivolie Cie n'invoque pas la compensation de sa créance connexe admise par le juge-commissaire à hauteur de 49 812 euros. Il est observé à ce titre que le principal local commercial ne peut être remis en location en raison du contentieux avec la société Hilditch & Key.
Enfin, force est de constater que le projet de plan a été refusé par la majorité des créanciers, notamment par les sociétés Münchener Hypothekenbank et Rivoli Cie dont le montant total des créances admises s'élève à 15 931 633 euros, soit 67% du passif.
Par conséquent, le plan de redressement présenté par la société débitrice n'apparaît pas viable. Au regard de ce qui précède, la cour considère qu'il n'y a pas lieu d'examiner la recevabilité du plan au motif qu'il aurait été élaboré et déposé au greffe par la société, sans validation de l'administrateur judiciaire, en contradiction avec les articles L. 631-19 I et R. 631-15 du code de commerce.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté que la société Mondorivoli était dans l'impossibilité de présenter un plan viable.
Sur la cession de l'entreprise
La société Mondorivoli fait valoir que des offres sérieuses ont été déposées par des candidats intéressés, ce qui confirme l'existence d'une alternative à la liquidation judiciaire.
La SELARL Ascagne, ès-qualités, soutient que la société Mondorivoli justifie bien d'une activité économique donc d'une entreprise pouvant être cédée et générant des revenus importants ; que son existence n'est pas uniquement liée à de la gestion patrimoniale et l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard justifie de l'existence de cette activité. Elle ajoute que les candidats repreneurs n'ont pas pu présenter leur offre, n'ayant pas été convoqués par le greffe, et que les premières offres permettraient de garantir une part substantielle du passif ; que la circonstance que les prix de cession proposés par les candidats sont inférieurs au passif est indifférente dans l'appréciation des possibilités de redressement du débiteur, le législateur n'ayant pas subordonné l'adoption des plans de cession à l'apurement total du passif. Elle ajoute que la qualité des offres ne peut être appréciée qu'après le second tour permettant leur amélioration. Elle soutient qu'il convient d'appliquer des décotes sur la valorisation de l'actif de la société en raison de la situation litigieuse des biens, ramenant leur valorisation initiale de 24 millions d' euros à une fourchette entre 17 millions et 18 millions d'euros.
La SELARL Fides, ès-qualités, réplique qu'il n'y a pas d'entreprise à céder ; qu'il ressort en effet de l'article L. 642-1 du code de commerce qu'un plan de cession ne peut porter que sur des éléments d'actif ; que la cession d'une société civile immobilière ne serait donc possible que si la société a pour objet l'exploitation économique d'un ou de plusieurs immeubles ou qu'elle abrite des locaux d'exploitation, alors que la société Mondorivoli a été créée dans le cadre d'un montage patrimonial, n'emploie aucun salarié et ne dispose d'aucune clientèle rattachée à un fonds, la seule perception de loyers n'étant pas suffisante. Le liquidateur soutient en outre qu'aucune convocation pour l'examen des offres de reprise à l'audience du 17 octobre 2024 n'a pu été adressée par le greffe ; que le greffe n'a réceptionné le rapport de l'administrateur judiciaire présentant les offres de cession que le 30 septembre 2024, et le juge-commissaire n'a rendu aucune ordonnance définissant l'étendue d'une publicité par voie de presse. Enfin, le liquidateur expose que l'offre la plus élevée, de 13 millions d' euros, est trop faible, et qu'il ne sera pas possible d'obtenir des offres améliorées. Il énonce enfin que l'estimation faite par l'expert s'élève à la somme de 24 128 310 euros mais il l'aurait revue à la baisse à 18 206 770 euros sur demande de l'administrateur judiciaire, ce qui n'est pas satisfaisant pour les créanciers tiers.
La société Münchener Hypothekenbank EG soutient que la meilleure offre de rachat s'élève à 13 millions d' euros alors que l'actif est évalué à plus de 24 000 000 d' euros ; que même en ne prenant pas en compte la créance de 7 000 000 euros déclarée par M. [W] [U], le passif s'élève encore à 17 000 000 d' euros ; que les décotes sur la valorisation de l'immeuble dont il est fait état dans le rapport de l'administrateur judiciaire au titre du contentieux avec la société Hilditch & Key et de l'occupation d'un appartement par M. [W] [U] et son épouse ne sont pas justifiées, au motif que ces circonstances sont sans emport sur la valeur de l'immeuble.
Le ministère public fait valoir que le plan proposé par la société Mondorivoli apparaît manifestement insusceptible de permettre le redressement de l'entreprise, de sorte qu'il est possible de prononcer la cession forcée et que l'offre de rachat d'un montant de 13 000 000 euros semble insuffisante au regard de l'importance du passif qui s'élève à 23 819 328,31 euros. Il conclut que les offres de cession ne sont pas satisfaisantes.
Sur ce,
L'article L. 631-22 du code de commerce dispose qu'A la demande de l'administrateur, le tribunal peut ordonner la cession totale ou partielle de l'entreprise si le ou les plans proposés apparaissent manifestement insusceptibles de permettre le redressement de l'entreprise ou en l'absence de tels plans. Les dispositions de la section 1 du chapitre II du titre IV, à l'exception du I de l'article L. 642-2, et l'article L. 642-22 sont applicables à cette cession. Le mandataire judiciaire exerce les missions dévolues au liquidateur.
En l'espèce, si la société Mondorivoli a été créée dans le cadre d'un montage patrimonial, n'emploie aucun salarié et ne dispose d'aucune clientèle rattachée à un fonds, force est toutefois de constater qu'elle a pour objet l'exploitation économique de l'immeuble et qu'elle abrite des locaux d'exploitation, avec la perception de loyers, de sorte que la cession envisagée porte bien sur des éléments d'actif et qu'elle entre dans le champ de l'article L. 642-1 du code de commerce en ce que la cession envisagée a bien pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome et d'apurer le passif.
Il est en outre observé qu'aucune convocation pour l'examen des offres de reprise à l'audience du 17 octobre 2024 n'a pu été adressée par le greffe, que le greffe n'a réceptionné le rapport de l'administrateur judiciaire présentant les offres de cession que le 30 septembre 2024, et que le juge-commissaire n'a pas défini l'étendue d'une publicité par voie de presse, conformément à l'article R. 642-10 du code de commerce.
Enfin et surtout, il résulte des pièces versées aux débats que l'offre la plus élevée, de 13 millions d' euros, apparaît insuffisante et que, selon le liquidateur, il sera impossible d'obtenir des offres améliorées présentant un prix supérieur, alors que l'estimation faite par l'expert s'élève à la somme de 24 128 310 euros - revue à la baisse à 18 206 770 euros sur demande de l'administrateur judiciaire - ce qui demeure insuffisant pour les créanciers au regard de l'importance du passif.
Il est également relevé que la période d'observation a expiré le 30 octobre 2024 après avoir été renouvelée une fois le 6 juin 2024, et que le ministère public n'a pas demandé de renouvellement exceptionnel. Si l'estimation faite par l'expert, qui s'élevait à l'origine à la somme de 24 128 310 euros, a été revue à la baisse pour la porter à la somme de 18 206 770 euros sur demande de l'administrateur judiciaire, cette évaluation reste insatisfaisante pour les créanciers tiers.
Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les offres de cession présentées n'étaient pas satisfaisantes.
Sur la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire
La société Mondorivoli fait valoir que la valeur de son actif est supérieure à son passif.
La SELARL Ascagne, ès-qualités, soutient que la société dispose de capacités de redressement permettant un apurement substantiel si ce n'est total de son passif.
La SELARL Fides, ès-qualités, réplique que la conversion de la procédure doit être prononcée conformément à l'article L. 631-15 II, en ce que le redressement de la société est manifestement impossible, ajoutant que le tribunal a bien entendu le débiteur, l'administrateur judiciaire, le contrôleur et a recueilli l'avis du ministère public.
La société Münchener Hypothekenbank EG fait valoir que la société n'a pas la capacité financière de présenter un plan de redressement susceptible de rembourser son passif et que les offres de cession produites ne sont pas satisfaisantes. Elle conclut à la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire.
Le ministère public expose que le plan de redressement proposé par la société ne lui permet pas de rembourser son passif, que les offres de cession sont insuffisantes, que le recouvrement des loyers impayés depuis 10 ans par la société Hilditch & Key est incertain au regard de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à son égard, et qu'il n'est pas établi que les loyers perçus, dans l'hypothèse d'un bail accordé dans le lot libéré, seront suffisants pour permettre à la société de faire face au passif. Le redressement de la société apparaissant manifestement impossible, il conclut à la conversion de la procédure en liquidation judiciaire.
Sur ce,
L'article L. 631-15 II du code de commerce dispose qu'A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et la ou les personnes désignées par le comité social et économique, et avoir recueilli l'avis du ministère public.
En l'espèce, le plan de redressement proposé par la société Mondorivoli ne lui permet pas de rembourser son passif. En outre, force est de constater que les offres de cession sont insuffisantes au regard de l'importance du passif et que le recouvrement des loyers impayés depuis 10 ans par la société Hilditch & Key est incertain au regard de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à son égard.
Enfin, il n'est pas établi que les loyers à percevoir évalués à 1,4 millions, laquelle évaluation apparaît irréaliste au regard des loyers perçus en 2023 à hauteur de 116 784 euros, dans l'hypothèse d'un bail accordé dans le lot libéré, seraient suffisants pour permettre à la société de faire face à son passif.
En présence d'une telle carence de preuve s'agissant des perspectives de redressement, il y a lieu de considérer que le redressement de la société Mondorivoli apparaît manifestement impossible, de sorte que c'est par une exacte appréciation des faits et du droit que le tribunal a prononcé la conversion de la procédure en liquidation judiciaire.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Au regard de ce qui précède, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la prolongation éventuelle de la période d'observation, telle que sollicitée à titre subsidiaire par la société Mondorivoli sur le fondement de l'article L. 661-9 du code de commerce.
Sur les frais du procès
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens.
En outre, les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel :
Y ajoutant :
Dit que les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 28 MAI 2025
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/19298 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKMFH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Octobre 2024 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 23/13213
APPELANTE
S.C.I. MONDORIVOLI représentée par ses co-gérants, MM. [D], [G] et [C] [U]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 528 960 297
Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Représentée par Me Ketty LEROUX de la SELARL NAÏM ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : C1703
INTIMÉS
Mme . LE PROCUREUR GENERAL
[Adresse 3]
[Localité 6]
Société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK EG. MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK eG, société coopérative de droit allemand
[Adresse 10]
[Localité 9]
Immatriculée au Registre des Coopératives auprès du Tribunal d'Instance de Munich sous le n°G n R 396
Représentée par Me David MEAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0705
S.E.L.A.R.L. FIDES en la personne de Me [L] [R], es-qualités de liquidateur de la S.C.I. MONDORIVOLI
[Adresse 4]
[Localité 7]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 451 953 392
Représentée par Me Rodolphe MADER de la SELEURL MADER AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : EV
S.E.L.A.R.L. ASCAGNE ès-qualités d'administrateur judiciaire de la S.C.I. MONDORIVOLI, la mission étant conduite par Maître [Y] [F]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 803 117 688
Représentée par Me Stéphane CATHELY de l'AARPI CATHELY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0986
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La société civile immobilière Mondorivoli a pour activité l'acquisition et la gestion de biens immobiliers.
Elle a été constituée le 1er décembre 2010 et son capital est réparti entre MM. [C] et [H] [U], à hauteur de 50 % chacun. Elle est propriétaire de sept lots immobiliers dépendant d'une copropriété située au [Adresse 2].
Les biens de la société ont été acquis par acte de vente du 15 mars 2011 pour le prix de 15 000 000 euros. Le prix de vente a été payé au moyen d'un prêt bancaire à hauteur de 8 000 000 euros consenti par la banque allemande Landesbank, et d'un crédit-vendeur à hauteur de 7 000 000 euros, remboursable au plus tard le 15 mars 2044. Le vendeur est M. [W] [U], père des acquéreurs.
Par acte du 26 juillet 2012, la société allemande Münchener Hypothekenbank EG a consenti un prêt d'un montant de 10 500 000 euros à la société Mondorivoli, remboursable en 28 échéances trimestrielles, destiné à rembourser le prêt initial de 8 000 000 euros et à reconstituer la trésorerie de la société.
Par arrêt du 26 juin 2023, la cour d'appel de Paris a prononcé la nullité de ce contrat de prêt et condamné la société à rembourser à la société Münchener Hypothekenbank EG les sommes de 10 247 735,62 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2012, ainsi que 3 000 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Un contentieux entre la société et l'un de ses locataires qui a cessé de régler ses loyers, la société Hilditch & Key, est en cours devant le tribunal judiciaire de Paris. Le montant de la créance locative a été chiffré à 1 563 164 euros en octobre 2023.
Par jugement du 30 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Mondorivoli et fixé la date de cessation des paiements au 13 octobre 2023. Il a désigné la SELAS Ascagne AJ, en la personne de Me [F], en qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL Fides, en la personne de Me [I], en qualité de mandataire judiciaire.
Par ordonnance du 19 mars 2024, le juge-commissaire a désigné la société Münchener Hypothekenbank EG en qualité de contrôleur à la procédure.
Par ordonnance du 15 mai 2024, le juge-commissaire a désigné un expert judiciaire afin de réaliser une estimation de l'ensemble immobilier dépendant du patrimoine de la société Mondorivoli.
Le 16 mai 2024, la société Mondorivoli a déposé un projet de plan de redressement au terme duquel elle propose de régler le passif d'un montant de 15 881 820 euros, qui ne comprend pas les créances contestées, en dix annuités progressives financées par ses recettes et les apports des associés.
Par jugement du 6 juin 2024, la période d'observation a été prolongée pour une durée de cinq mois et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 17 octobre 2024.
Le plan de redressement de la société a été circularisé par la SELARL Fides auprès des créanciers le 13 septembre 2024.
Par jugement du 31 octobre 2024, sur requêtes distinctes du contrôleur à la procédure et du liquidateur, le tribunal judiciaire de Paris a constaté que la société Mondorivoli était dans l'impossibilité de présenter un plan et que les offres de cession présentées n'étaient pas satisfaisantes, et a converti la procédure de redressement en une procédure de liquidation judiciaire. Il a désigné la SELARL Fides en la personne de Me [I] en qualité de liquidateur.
Par déclaration du 15 novembre 2024, la société Mondorivoli a interjeté appel du jugement.
*****
Par conclusions signifiées par voie électronique le 6 mai 2025, la société Mondorivoli demande à la cour de :
- Déclarer recevable son appel à l'encontre du jugement rendu le 31 octobre 2024 par le Tribunal Judiciaire de PARIS des chefs lui faisant grief en ce qu'il a :
o Constaté que la SCI Mondorivoli est dans l'impossibilité de présenter un plan ;
o Constaté que les offres de cession présentée ne sont pas satisfaisantes ;
o Converti, par conséquence, la procédure de redressement judiciaire prononcée le 30 novembre 2023 en procédure de liquidation judiciaire ;
o Mis fin aux opérations de procédure de redressement judiciaire ;
o Rappelé que la date de cessation des paiements a été fixée au 13 octobre 2023 par le jugement du 30 novembre 2023 ouvrant la procédure de redressement judiciaire ;
o Désigné la SELARL Fides prise en la personne de Me [L] [X] dont le siège social se situe [Adresse 5] en qualité de liquidateur ;
o Fixé le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée par le tribunal à deux ans ;
o Fixé le délai dans lequel le mandataire judiciaire établit la liste des créances visées par l'article L. 624-1 du code de commerce à 12 mois, qui courra à compter de la date de la publication de la présente décision au BODACC ;
o Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire ;
In limine litis, à titre principal,
- Dire nul et de nul effet le jugement du tribunal judiciaire du 31 octobre 2024 ;
- En conséquence, annuler le jugement ;
- Se déclarer non saisie par l'effet dévolutif de l'appel ;
- Renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Paris afin de statuer sur la période d'observation et le redressement judiciaire de la société Mondorivoli ;
A titre subsidiaire,
- Infirmer ledit jugement en ce qu'il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Mondorivoli ;
- Juger que la société Mondorivoli dispose de capacités financières suffisantes pour poursuivre la période d'observation ;
- Juger que sa situation permet d'envisager l'élaboration d'un plan de redressement ;
- Juger que ce redressement n'est pas manifestement impossible ;
Et statuant à nouveau,
- Ordonner la poursuite de la période d'observation pour une durée de trois mois de la société Mondorivoli en application de l'article L. 661-9 alinéa 1 du code de commerce.
*****
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 avril 2025, la SELARL Ascagne, ès-qualités, demande à la cour de :
A titre principal,
- Annuler le jugement rendu le 31 octobre 2024 par le tribunal judiciaire de Paris ;
A titre subsidiaire,
- Infirmer le jugement rendu le 31 octobre 2024 par le tribunal judiciaire de Paris ;
En toute hypothèse,
- Renvoyer la société Mondorivoli devant le tribunal judiciaire à telle audience qu'il lui plaira de fixer en vue de la présentation de son plan de redressement et de la présentation des offres de cession permettant de vérifier, dans le respect des droits du débiteur, la possibilité de redressement de son entreprise ;
- Débouter la SELARL Fides, ès-qualités, la société Münchener Hypothekenbank EG et Mme la procureure générale de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Admettre les dépens en frais privilégiés de redressement judiciaire de la société Mondorivoli.
*****
Par conclusions signifiées par voie électronique le 12 mars 2025, la société Münchener Hypothekenbank EG demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 31 octobre 2024 du tribunal judiciaire de Paris ;
- Débouter la société Mondorivoli représentée par ses gérants de toutes ses demandes, fins et conclusions.
*****
Par conclusions signifiées par voie électronique le 14 avril 2025, la SELARL Fides, ès-qualités, demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Paris le 31 octobre 2024 ;
- Débouter les cogérants de la société Mondorivoli et l'administrateur judiciaire de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
*****
Par avis signifié par voie électronique le 11 mars 2025, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 31 octobre 2024 en ce qu'il a converti la procédure de redressement judiciaire prononcée le 30 novembre 2023 en liquidation judiciaire.
*****
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée 6 mai 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du jugement pour défaut de convocation du débiteur
La société Mondorivoli fait valoir que le tribunal a écarté le plan de continuation et les offres de reprise alors qu'elle n'a pas été régulièrement convoquée à l'audience du 17 octobre 2024. Elle soutient qu'il ressort des articles R. 626-17 et L. 631-15 du code de commerce que le débiteur doit être convoqué dès le dépôt au greffe de son projet de plan, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par notification par acte d'huissier et que la société a déposé son plan le 16 mai 2024, mais n'a reçu aucune lettre recommandée en vue de son examen ; que la convocation ne peut pas non plus résulter du jugement du 6 octobre 2024 qui a prolongé la période d'observation de 5 mois et renvoyé l'affaire à l'audience du 17 octobre 2024, car il ne précise pas que cette audience avait pour objet l'examen de son plan de continuation. Elle ajoute que son conseil a été convoqué moins de 8 jours avant l'audience, ce qui est insuffisant pour organiser le déplacement des dirigeants qui résident aux Etats-Unis et leur défense, portant ainsi atteinte au principe de la contradiction.
La SELARL Ascagne, ès-qualités, soutient que le débiteur a été privé de la possibilité de présenter son plan de redressement pourtant déposé au greffe le 16 mai 2024 ; que le jugement du 6 juin 2024 indiquait que la période d'observation était renouvelée pour une durée de cinq mois afin de permettre à la société de présenter son plan de redressement, l'affaire étant renvoyée à l'audience du 17 octobre 2024 ; que le dispositif n'indiquait pas que cette audience avait pour objet la présentation du plan du débiteur, et qu'il ne s'agissait que d'un jugement de renouvellement de la période d'observation. Elle note que la société n'a pas été en mesure de présenter son plan car le délai imparti aux créanciers pour répondre à sa circularisation n'était pas encore expiré au jour de l'audience, ce qui avait justifié un renvoi. Elle ajoute que l'intervention de l'administrateur n'est pas une condition à la recevabilité du plan de redressement et que celui-ci a été régulièrement déposé par le débiteur. Elle conclut au renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire après avoir prononcé la nullité du jugement, sauf à méconnaître le droit du débiteur au double degré de juridiction.
La SELARL Fides, ès-qualités, ajoute qu'il résulte des dispositions des articles L. 631-19 I, R. 626-17 et R. 631-15 du code de commerce qu'en procédure de redressement judiciaire, il appartient à l'administrateur d'établir le projet de plan de redressement et de le déposer au greffe, alors qu'en l'espèce, il a été établi et signé par les seuls cogérants de la société Mondorivoli et déposé par leur conseil, de sorte que le greffe n'avait pas l'obligation légale de convoquer la société à l'audience du 17 octobre 2024. En tout état de cause, le liquidateur soutient que le jugement vaut convocation, qu'il a été régulièrement notifié, et que la société et son administrateur judiciaire avaient été informés de la date de renvoi qu'ils avaient eux-mêmes demandée à l'issue de l'audience. Il ajoute que le greffe a convoqué la société, son avocat et ses co-gérants par lettre recommandée avec avis de réception 15 jours avant l'audience, ce qui n'est pas tardif.
La société Münchener Hypothekenbank EG réplique que la société Mondorivoli a déposé son plan de redressement le jour même de l'audience, le 16 mai 2024, demandant le renvoi de l'affaire et le renouvellement de la période d'observation pour qu'il puisse être examiné ; qu'un renvoi de l'examen du plan au 17 octobre 2024 a été ordonné par le tribunal et la mention figurait dans le jugement reçu par les parties ; que l'avocat de la société était par ailleurs présent à l'audience. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le non-respect éventuel de l'article R. 626-17 du code de commerce n'est pas sanctionné par la nullité du jugement.
Le ministère public soutient qu'il est indiqué dans le jugement du tribunal judiciaire du 6 juin 2024 que la période d'observation est renouvelée pour une période de 5 mois afin de permettre à la société Mondorivoli de présenter un plan de redressement, et que l'affaire a été renvoyée à l'audience du 17 octobre 2024. Il soutient que cette mention vaut convocation à l'examen du projet de plan de redressement.
Sur ce,
L'article L. 631-15 du code de commerce dispose qu'A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et la ou les personnes désignées par le comité social et économique, et avoir recueilli l'avis du ministère public.
L'article R. 626-17 du code de commerce ajoute que Dès le dépôt au greffe du projet de plan par le débiteur, le greffier convoque, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le débiteur, les représentants de la délégation du personnel du comité social et économique et les contrôleurs.
En l'espèce, force est de constater que le jugement du tribunal judiciaire du 6 juin 2024 indiquait que la période d'observation était renouvelée pour une période de 5 mois afin de permettre à la société Mondorivoli de présenter un plan de redressement, et que l'affaire a été renvoyée à l'audience du 17 octobre 2024.
La cour retiendra que cette mention vaut convocation à l'examen du projet de plan de redressement, dès lors que le jugement a été régulièrement notifié, et que la société et son administrateur judiciaire avaient été informés de la date de renvoi qu'ils avaient eux-mêmes sollicitée à l'issue de l'audience.
Enfin, il est constaté que le greffe a convoqué la société Mondorivoli, son avocat et ses co-gérants par lettre recommandée avec avis de réception 15 jours avant l'audience, ce qui n'est pas tardif au regard des circonstances de l'espèce.
Il s'ensuit que le principe de la contradiction a été respecté, et qu'il y a lieu de rejeter la demande de nullité du jugement rendu le 31 octobre 2024.
Sur l'infirmation du jugement
Sur le plan de redressement
La société Mondorivoli fait valoir que son passif échu s'élève à la somme de 15 881 820 euros et est composé de la créance de la banque qui est acceptée à hauteur de 14 827 739,20 euros et contestée à hauteur de 1 054 081,70 euros. Elle ajoute que son passif à échoir s'élève à la somme de 7 000 000 euros au titre d'une créance crédit-vendeur de M. [W] [U] exigible en 2044, et son passif non définitif est composé de trois créances contestées du Pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 11] pour 16 000 euros, du locataire Cie Rivoli pour 119 484 euros et du locataire Hilditch & Key pour 800 000 euros. Elle explique que son actif est composé de sept lots dans une copropriété [Adresse 12] dont la valeur totale a été estimée par l'expert judiciaire entre 23 765 810 euros et 24 490 810 euros, que sa situation va s'améliorer car l'un de ses locataires, la société Hilditch & Key, qui occupait un local de 230 m2, qui ne payait plus ses loyers depuis 10 ans et qui est en liquidation judiciaire, vient de quitter les lieux. Elle soutient être en capacité de régler l'entièreté de son passif en dix annuités, grâce à ses recettes et à l'apport de 300 000 euros que ses associés peuvent faire.
La SELARL Ascagne, ès-qualités, soutient qu'il ne peut être statué sur l'impossibilité manifeste de redressement du débiteur alors que celui-ci n'a pas été en mesure de présenter son plan et que les candidats repreneurs n'ont pas pu présenter leur offre, n'ayant pas été convoqués par le greffe.
La SELARL Fides, ès-qualités, réplique que le projet de plan de redressement n'est pas recevable car il a été élaboré et déposé au greffe par la société, sans validation de l'administrateur judiciaire, en contradiction avec les articles L. 631-19 I et R. 631-15 du code de commerce. Par ailleurs, elle fait valoir que le plan n'est pas viable, en ce que son passif échu s'élève à la somme de 15 933 656,44 euros, et son passif à échoir à la somme de 7 000 000 euros, au titre de la créance crédit-vendeur de M. [W] [U], exigible en 2044, que son passif définitif est donc de 22 933 656,44 euros, que son passif non définitif est composé d'une créance provisionnelle du PRS Parisien dont le montant devrait être fixé à 15 584 euros à titre définitif, et d'une créance de 800 000 euros de la société Hilditch & Key, qui est contestée et fait l'objet d'une instance en cours. Le liquidateur soutient que le passif à prendre en compte pour l'élaboration du plan s'élève donc à 16 749 656 euros, car il convient d'intégrer la créance de 800 000 euros de la société Hilditch & Key, conformément à l'article L. 626-10 alinéa 2, celle-ci n'ayant pas fait l'objet d'une attestation d'un expert-comptable. Il fait en outre valoir que les capacités de remboursement de la société ne sont pas suffisantes, que le projet de plan prévoit un apurement du passif en dix annuités grâce à un apport en compte courant de 300 000 euros et des recettes locatives de 1 431 000 euros par an, alors que l'apport ne fait l'objet d'aucune garantie et que le revenu annuel annoncé repose sur des conjectures ; que les revenus locatifs annuels s'élèvent à 116 784 euros par an ; et que le principal local commercial ne peut être remis en location en raison du contentieux avec la société Hilditch & Key. Enfin, le liquidateur fait valoir que le projet de plan a été refusé par la majorité des créanciers.
La société Münchener Hypothekenbank EG réplique que le plan présenté sous-évalue le passif de la société car il ne prend pas en compte l'ensemble des créances déclarées, en contradiction avec l'article L. 626-10 du code de commerce. Elle expose que sa créance est contestée à hauteur de 1 054 081,75 euros alors que le juge-commissaire l'a confirmée, et celle de l'administration fiscale l'est également au motif que les associés de la société n'occuperaient pas l'appartement concerné, alors que l'occupation a été constatée par l'expert dans son rapport. Elle estime que le passif déclaré de la société s'élève à près de 24 millions d' euros au 6 mai 2024. De plus, elle soutient que le plan surévalue les recettes de la société qui ne peuvent s'élever qu'à un montant maximum de 142 386,80 euros, la société ayant surévalué la superficie de tous les appartements afin de prétendre à la possibilité de percevoir des loyers importants, et qu'il ressort d'ailleurs de son plan que le montant net de ses recettes n'a été que de 48 323 euros sur 4 mois ; que quand bien même la société pourrait percevoir la somme de 802 950 euros au titre des loyers annuels, tel qu'il est indiqué dans son plan, elle ne pourrait rembourser en 10 ans que la somme de 8 029 950 euros sur la créance de 15 881 820 euros de la banque. Elle expose enfin que le local libéré par la société Hilditch & Key qui est en liquidation judiciaire ne pourra pas être reloué et donner lieu à des loyers, car un bail a été signé le 3 avril 2024 avec la société Kernevic dont le gérant n'est autre que M. [W] [U].
Le ministère public soutient que le plan de redressement proposé ne remplit pas les conditions de l'articles L. 626-10 du code de commerce car il ne prend pas en compte l'ensemble des créances déclarées. Il prend en compte un passif de 15 881 820 euros alors que le passif déclaré s'élève à 23 819 328,31 euros. Il ajoute que la société ne démontre pas la capacité financière de ses associés à réaliser les apports proposés, et que le prévisionnel établi n'est pas cohérent avec le résultat des précédents exercices et celui constaté pendant la période d'observation, soit 124 000 euros entre décembre 2023 et août 2024.
Sur ce,
L'article L. 631-1 du code de commerce dispose que La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation.
L'article L. 631-15 du code de commerce dispose qu'A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
En l'espèce, le passif échu de la société débitrice s'élève à la somme de 15 933 656,44 euros, et son passif à échoir à la somme de 7 000 000 euros, au titre de la créance crédit-vendeur de M. [W] [U], exigible en 2044, de sorte que son passif définitif est de 22 933 656,44 euros. Son passif provisoire est composé d'une créance provisionnelle du Pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 11] dont le montant devrait être fixé à 15 584 euros à titre définitif, selon le mandataire, et d'une créance de 800 000 euros de la société Hilditch & Key, ancien locataire du local commercial, qui est contestée et fait l'objet d'une instance en cours.
Il convient d'intégrer la créance de 800 000 euros de la société Hilditch & Key, en ce que celle-ci n'a pas fait l'objet d'une attestation d'un expert-comptable, conformément à l'article L. 626-10 alinéa 2, dans le passif à prendre en compte pour l'élaboration du plan de redressement, ce qui conduit à l'établir à la somme de 16 749 656 euros et non à 15 881 820 euros.
En outre, s'agissant de l'actif disponible de la société Mondorivoli, ses capacités de remboursement n'apparaissent pas suffisantes, en ce que le projet de plan prévoit un apurement du passif en dix annuités grâce à un apport en compte courant de 300 000 euros et des recettes locatives de 1 431 000 euros par an, alors que, d'une part, l'apport ne fait l'objet d'aucune garantie, d'autant plus qu'un premier apport des associés devait intervenir « sous huitaine » à compter du 16 mai 2024, lequel n'a toujours pas été versé au jour de l'audience du 17 octobre 2024, que d'autre part, il ressort du bilan économique et social de la société que le revenu annuel annoncé repose sur des conjectures à 96% du montant annoncé et que les revenus locatifs annuels s'élèvent à 116 784 euros par an, et ce sous réserve que la société Rivolie Cie n'invoque pas la compensation de sa créance connexe admise par le juge-commissaire à hauteur de 49 812 euros. Il est observé à ce titre que le principal local commercial ne peut être remis en location en raison du contentieux avec la société Hilditch & Key.
Enfin, force est de constater que le projet de plan a été refusé par la majorité des créanciers, notamment par les sociétés Münchener Hypothekenbank et Rivoli Cie dont le montant total des créances admises s'élève à 15 931 633 euros, soit 67% du passif.
Par conséquent, le plan de redressement présenté par la société débitrice n'apparaît pas viable. Au regard de ce qui précède, la cour considère qu'il n'y a pas lieu d'examiner la recevabilité du plan au motif qu'il aurait été élaboré et déposé au greffe par la société, sans validation de l'administrateur judiciaire, en contradiction avec les articles L. 631-19 I et R. 631-15 du code de commerce.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté que la société Mondorivoli était dans l'impossibilité de présenter un plan viable.
Sur la cession de l'entreprise
La société Mondorivoli fait valoir que des offres sérieuses ont été déposées par des candidats intéressés, ce qui confirme l'existence d'une alternative à la liquidation judiciaire.
La SELARL Ascagne, ès-qualités, soutient que la société Mondorivoli justifie bien d'une activité économique donc d'une entreprise pouvant être cédée et générant des revenus importants ; que son existence n'est pas uniquement liée à de la gestion patrimoniale et l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard justifie de l'existence de cette activité. Elle ajoute que les candidats repreneurs n'ont pas pu présenter leur offre, n'ayant pas été convoqués par le greffe, et que les premières offres permettraient de garantir une part substantielle du passif ; que la circonstance que les prix de cession proposés par les candidats sont inférieurs au passif est indifférente dans l'appréciation des possibilités de redressement du débiteur, le législateur n'ayant pas subordonné l'adoption des plans de cession à l'apurement total du passif. Elle ajoute que la qualité des offres ne peut être appréciée qu'après le second tour permettant leur amélioration. Elle soutient qu'il convient d'appliquer des décotes sur la valorisation de l'actif de la société en raison de la situation litigieuse des biens, ramenant leur valorisation initiale de 24 millions d' euros à une fourchette entre 17 millions et 18 millions d'euros.
La SELARL Fides, ès-qualités, réplique qu'il n'y a pas d'entreprise à céder ; qu'il ressort en effet de l'article L. 642-1 du code de commerce qu'un plan de cession ne peut porter que sur des éléments d'actif ; que la cession d'une société civile immobilière ne serait donc possible que si la société a pour objet l'exploitation économique d'un ou de plusieurs immeubles ou qu'elle abrite des locaux d'exploitation, alors que la société Mondorivoli a été créée dans le cadre d'un montage patrimonial, n'emploie aucun salarié et ne dispose d'aucune clientèle rattachée à un fonds, la seule perception de loyers n'étant pas suffisante. Le liquidateur soutient en outre qu'aucune convocation pour l'examen des offres de reprise à l'audience du 17 octobre 2024 n'a pu été adressée par le greffe ; que le greffe n'a réceptionné le rapport de l'administrateur judiciaire présentant les offres de cession que le 30 septembre 2024, et le juge-commissaire n'a rendu aucune ordonnance définissant l'étendue d'une publicité par voie de presse. Enfin, le liquidateur expose que l'offre la plus élevée, de 13 millions d' euros, est trop faible, et qu'il ne sera pas possible d'obtenir des offres améliorées. Il énonce enfin que l'estimation faite par l'expert s'élève à la somme de 24 128 310 euros mais il l'aurait revue à la baisse à 18 206 770 euros sur demande de l'administrateur judiciaire, ce qui n'est pas satisfaisant pour les créanciers tiers.
La société Münchener Hypothekenbank EG soutient que la meilleure offre de rachat s'élève à 13 millions d' euros alors que l'actif est évalué à plus de 24 000 000 d' euros ; que même en ne prenant pas en compte la créance de 7 000 000 euros déclarée par M. [W] [U], le passif s'élève encore à 17 000 000 d' euros ; que les décotes sur la valorisation de l'immeuble dont il est fait état dans le rapport de l'administrateur judiciaire au titre du contentieux avec la société Hilditch & Key et de l'occupation d'un appartement par M. [W] [U] et son épouse ne sont pas justifiées, au motif que ces circonstances sont sans emport sur la valeur de l'immeuble.
Le ministère public fait valoir que le plan proposé par la société Mondorivoli apparaît manifestement insusceptible de permettre le redressement de l'entreprise, de sorte qu'il est possible de prononcer la cession forcée et que l'offre de rachat d'un montant de 13 000 000 euros semble insuffisante au regard de l'importance du passif qui s'élève à 23 819 328,31 euros. Il conclut que les offres de cession ne sont pas satisfaisantes.
Sur ce,
L'article L. 631-22 du code de commerce dispose qu'A la demande de l'administrateur, le tribunal peut ordonner la cession totale ou partielle de l'entreprise si le ou les plans proposés apparaissent manifestement insusceptibles de permettre le redressement de l'entreprise ou en l'absence de tels plans. Les dispositions de la section 1 du chapitre II du titre IV, à l'exception du I de l'article L. 642-2, et l'article L. 642-22 sont applicables à cette cession. Le mandataire judiciaire exerce les missions dévolues au liquidateur.
En l'espèce, si la société Mondorivoli a été créée dans le cadre d'un montage patrimonial, n'emploie aucun salarié et ne dispose d'aucune clientèle rattachée à un fonds, force est toutefois de constater qu'elle a pour objet l'exploitation économique de l'immeuble et qu'elle abrite des locaux d'exploitation, avec la perception de loyers, de sorte que la cession envisagée porte bien sur des éléments d'actif et qu'elle entre dans le champ de l'article L. 642-1 du code de commerce en ce que la cession envisagée a bien pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome et d'apurer le passif.
Il est en outre observé qu'aucune convocation pour l'examen des offres de reprise à l'audience du 17 octobre 2024 n'a pu été adressée par le greffe, que le greffe n'a réceptionné le rapport de l'administrateur judiciaire présentant les offres de cession que le 30 septembre 2024, et que le juge-commissaire n'a pas défini l'étendue d'une publicité par voie de presse, conformément à l'article R. 642-10 du code de commerce.
Enfin et surtout, il résulte des pièces versées aux débats que l'offre la plus élevée, de 13 millions d' euros, apparaît insuffisante et que, selon le liquidateur, il sera impossible d'obtenir des offres améliorées présentant un prix supérieur, alors que l'estimation faite par l'expert s'élève à la somme de 24 128 310 euros - revue à la baisse à 18 206 770 euros sur demande de l'administrateur judiciaire - ce qui demeure insuffisant pour les créanciers au regard de l'importance du passif.
Il est également relevé que la période d'observation a expiré le 30 octobre 2024 après avoir été renouvelée une fois le 6 juin 2024, et que le ministère public n'a pas demandé de renouvellement exceptionnel. Si l'estimation faite par l'expert, qui s'élevait à l'origine à la somme de 24 128 310 euros, a été revue à la baisse pour la porter à la somme de 18 206 770 euros sur demande de l'administrateur judiciaire, cette évaluation reste insatisfaisante pour les créanciers tiers.
Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les offres de cession présentées n'étaient pas satisfaisantes.
Sur la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire
La société Mondorivoli fait valoir que la valeur de son actif est supérieure à son passif.
La SELARL Ascagne, ès-qualités, soutient que la société dispose de capacités de redressement permettant un apurement substantiel si ce n'est total de son passif.
La SELARL Fides, ès-qualités, réplique que la conversion de la procédure doit être prononcée conformément à l'article L. 631-15 II, en ce que le redressement de la société est manifestement impossible, ajoutant que le tribunal a bien entendu le débiteur, l'administrateur judiciaire, le contrôleur et a recueilli l'avis du ministère public.
La société Münchener Hypothekenbank EG fait valoir que la société n'a pas la capacité financière de présenter un plan de redressement susceptible de rembourser son passif et que les offres de cession produites ne sont pas satisfaisantes. Elle conclut à la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire.
Le ministère public expose que le plan de redressement proposé par la société ne lui permet pas de rembourser son passif, que les offres de cession sont insuffisantes, que le recouvrement des loyers impayés depuis 10 ans par la société Hilditch & Key est incertain au regard de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à son égard, et qu'il n'est pas établi que les loyers perçus, dans l'hypothèse d'un bail accordé dans le lot libéré, seront suffisants pour permettre à la société de faire face au passif. Le redressement de la société apparaissant manifestement impossible, il conclut à la conversion de la procédure en liquidation judiciaire.
Sur ce,
L'article L. 631-15 II du code de commerce dispose qu'A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et la ou les personnes désignées par le comité social et économique, et avoir recueilli l'avis du ministère public.
En l'espèce, le plan de redressement proposé par la société Mondorivoli ne lui permet pas de rembourser son passif. En outre, force est de constater que les offres de cession sont insuffisantes au regard de l'importance du passif et que le recouvrement des loyers impayés depuis 10 ans par la société Hilditch & Key est incertain au regard de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à son égard.
Enfin, il n'est pas établi que les loyers à percevoir évalués à 1,4 millions, laquelle évaluation apparaît irréaliste au regard des loyers perçus en 2023 à hauteur de 116 784 euros, dans l'hypothèse d'un bail accordé dans le lot libéré, seraient suffisants pour permettre à la société de faire face à son passif.
En présence d'une telle carence de preuve s'agissant des perspectives de redressement, il y a lieu de considérer que le redressement de la société Mondorivoli apparaît manifestement impossible, de sorte que c'est par une exacte appréciation des faits et du droit que le tribunal a prononcé la conversion de la procédure en liquidation judiciaire.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Au regard de ce qui précède, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la prolongation éventuelle de la période d'observation, telle que sollicitée à titre subsidiaire par la société Mondorivoli sur le fondement de l'article L. 661-9 du code de commerce.
Sur les frais du procès
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens.
En outre, les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel :
Y ajoutant :
Dit que les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE