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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 28 mai 2025, n° 24/16791

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Consuel (Association)

Défendeur :

Allianz IARD (SA), AMK ISO (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rispe

Conseillers :

Mme Blanc, Mme Georget

Avocats :

Me Hatet-Sauval, Me Coppinger, Me Didi Moulai

TJ Meaux, du 4 sept. 2024, n° 24/00390

4 septembre 2024

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

M. et Mme [Y] ont fait construire par la société Sogesmi une maison individuelle sur un terrain situé [Adresse 2] à [Localité 6].

Des travaux d'électricité ont notamment été réalisés.

Le 26 février 2021, l'association Comité national sécurité usager electricité (Consuel) a visé l'attestation de conformité de l'installation électrique.

Le 2 octobre suivant, un incendie s'est déclaré au niveau du tableau électrique de la maison.

Par acte du 14 juin 2023, les époux [Y] et leur assureur, la société Pacifica, ont assigné la société Sogesmi, ses sous-traitants et leurs assureurs en référé aux fins d'expertise devant le président du tribunal judiciaire de Meaux qui, par ordonnance de référé du 6 septembre suivant, a fait droit à leur demande.

Par acte du 26 avril 2024, les sociétés AMK ISO, qui est intervenue sur le tableau électrique, et Allianz IARD, son assureur, ont assigné l'association Consuel devant le même juge aux fins de lui voir déclarer les opérations d'expertise communes et opposables.

Par ordonnance contradictoire du 4 septembre 2024, celui-ci a fait droit à cette demande, dit que les sociétés Allianz IARD et AMK ISO devront consigner 1 000 euros au titre de la provision complémentaire, laissé les dépens à la charge de la société Allianz IARD et de la société AMK ISO et rejeté la demande de l'association Consuel fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 27 septembre 2024, cette dernière a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble des chefs de son dispositif.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 18 février 2025, elle demande à la cour de :

recevoir l'association Consuel en son appel ainsi qu'en ses demandes et l'y déclarer bien fondée ;

infirmer l'ordonnance de référé rendue le 4 septembre 2024 (RG n°24/00390), en toutes ses dispositions et tous chefs de jugement portant grief à l'association Consuel soit en ce qu'elle a notamment :

'Dit que les dispositions de l'ordonnance de référé rendue le 06 septembre 2023 (RG n°23/568, n° de minute 23/494) sont communes et opposables à l'association Comité National Sécurité Usager Electricité, qui participera de ce fait à l'expertise et sera en mesure d'y faire valoir ses droits, le cas échéant,

Dit que l'expert commis voit sa mission étendue pour inclure l'association Comité National Sécurité Usager Electricité parmi les parties à l'expertise diligentée, et qu'il devra l'appeler à participer aux opérations d'expertise dès réception de la présente ordonnance, Rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,'

par conséquent, statuant à nouveau,

juger que les sociétés Allianz et AMK ISO ne justifient d'aucun motif légitime à la participation du Consuel aux opérations d'expertise ordonnées le 6 septembre 2023

mettre hors de cause l'association Consuel ;

rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

condamner solidairement les sociétés AMK ISO et Allianz IARD à s'acquitter de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner solidairement les sociétés AMK ISO et Allianz IARD au paiement des entiers frais et dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Caroline Hatet.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 15 janvier 2025, la compagnie Allianz IARD et la société AMK ISO demandent à la cour de :

confirmer intégralement les termes de l'ordonnance de référé du 4 septembre 2024 entreprise ;

en conséquence, débouter l'association Consuel de l'ensemble de ses demandes ;

condamner l'association Consuel au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner l'association Consuel aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Samia Didi Moulai.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

Selon l'article 145 du code de procédure civile, 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

Pour la mise en oeuvre de ces dispositions, il appartient au juge d'apprécier la perspective d'un procès potentiel non manifestement voué à l'échec et de caractériser l'existence d'un motif légitime de rechercher ou de conserver des éléments de preuve.

Par ailleurs, si l'article 245 du code de procédure civile prévoit que l'avis de l'expert doit être recueilli avant une extension de mission, cet avis, qui n'est pas nécessaire pour rendre une ordonnance commune à de nouvelles parties, ne dispense, en tout état de cause, pas les demandeur à la mesure in futurum d'apporter la preuve d'un motif légitime.

En outre, les articles D 342-19 et D 342-20 du code de l'énergie prévoient que toute nouvelle installation électrique à caractère définitif raccordée au réseau public de distribution d'électricité doit faire l'objet, préalablement à sa mise sous tension par un distributeur d'électricité, d'une attestation de conformité aux prescriptions de sécurité imposées par les règlements en vigueur pour le type d'installation considérée et que cette attestation, établie par écrit et sous sa responsabilité par l'installateur, est soumise, par son auteur, au visa d'un organisme agréé qui fait procéder ou procède directement au contrôle des installations qu'il estime nécessaire, le cas échéant, sur la base d'un échantillon statistique des installations considérées dans les conditions approuvées par le ministre chargé de l'électricité et doit, le cas échéant, subordonner son visa à l'élimination des défauts de l'installation constatés au cours de ce contrôle.

L'association Consuel a été agréée par arrêté ministériel du 17 octobre 1973 pour délivrer et viser les attestations de conformité susmentionnés.

L'article 9 du règlement d'intervention de cette association annexé à l'arrêté du 22 novembre 2011 modifiant l'arrêté du 17 octobre 1973 pour le visa des formulaires d'attestation de conformité établie selon les dispositions du décret n°72-1120 du 14 décembre 1972 modifié, dans sa version en vigueur dispose notamment que les non-conformités aux règlements et normes de sécurité en vigueur des installations qui, bien qu'apparentes, ne sont pas signalées dans le rapport de visite engagent la responsabilité du Consuel dans la mesure où un manquement ou un non-respect du présent règlement d'intervention est prouvé et pour les seuls dommages en résultant directement, la ou les non-conformités doivent alors être apparentes, visibles, accessibles et susceptibles d'être relevées suivant les méthodes de visite du Consuel définies dans ses fiches techniques ad hoc.

Au cas présent, il s'ensuit que, si comme le souligne l'appelante, d'une part, le simple fait que l'expert ait émis un avis favorable à sa mise en cause ne dispense pas les intimées de la démonstration d'un motif légitime et, d'autre part, elle ne peut être assimilée à un bureau de contrôle, à un bureau d'étude technique, à un contrôleur technique au sens des dispositions du code de la construction et de l'habitation, à un maître d'oeuvre, ni de façon plus générale, à un constructeur au sens des articles 1792 et suivants du code civil, il n'en demeure pas moins que, dans la mesure où le défaut de conformité de l'installation électrique peut être à l'origine du sinistre, sa responsabilité pour faute prouvée est susceptible d'être engagée dans les conditions susmentionnées, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas, de sorte qu'un procès potentiel à son endroit sur un fondement juridique suffisamment précis est bien caractérisé.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme l'appelante, alors que la mesure d'instruction a précisément pour objet d'améliorer la situation probatoire des intimées en précisant les responsabilités respectives des intervenants, le simple fait que les socités Allianz et AMK ISO ne ne précisent pas, à ce stade de la procédure, la nature du manquement susceptible d'être reproché à l'association ne permet pas d'affirmer que ce procès potentiel est manifestement voué à l'échec. Il en est de même du seul fait que les causes plausibles d'origine du sinistre ' à savoir le compteur électrique ou les câbles électriques situés en amont du disjoncteur de branchement ' concernent des éléments exclus du périmètre du visa de l'association Consuel.

Par suite, dans la mesure où il est établi que la mesure demandée est de nature à améliorer la situation probatoire des intimées dans le cadre d'un procès potentiel sur un fondement juridique suffisamment précis et non manifestement voué à l'échec, la décision querellée sera confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

La partie défenderesse à une demande de mesure d'instruction, ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, cette mesure d'instruction n'étant pas destinée à éclairer le juge d'ores et déjà saisi d'un litige, mais n'étant ordonnée qu'au bénéfice de celui qui la sollicite en vue d'un éventuel futur procès au fond. Elle ne peut donc être condamnée ni aux dépens ni sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (2ème Civ. , 21 novembre 2024, n° 22-16.763).

Dès lors, les sociétés Allianz Iard et AMK ISO seront condamnées aux dépens ce sans solidarité, celle-ci ne se présumant pas. En application de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Hatet qui en fait la demande sera autorisée à procéder directement au recouvrement de ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne les sociétés Allianz IARD et AMK ISO aux dépens de l'appel avec application au profit de Maître Hatet des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de condamnation solidaire à ce titre ;

Rejette les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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