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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 6, 30 mai 2025, n° 22/03960

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Axa France IARD (SA)

Défendeur :

Axa France IARD (SA), FP2E (SARL), Allianz IARD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Delacourt

Conseillers :

Mme Tardy, Mme Szlamovicz

Avocats :

Me Fromantin, Me Bonneau, Me Boccon Gibod, Me Schweblin, Me Caillaud, Me Dupuy, Me Haddadi, Me Pales

TJ Paris, du 25 janv. 2022, n° 19/14920

25 janvier 2022

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SCI [Adresse 1] a fait appel à la société FP2E pour procéder à des travaux sur la terrasse de l'immeuble dont elle est propriétaire.

La société FP2E a émis un devis de 9 405 euros TTC, accepté le 1er avril 2015 pour des travaux complets d'entretien comprenant :

des travaux d'entretien avec ouverture de joints existants avec petite meuleuse et nettoyage avec aspirateur,

la réalisation des joints de pierre sur la totalité de la terrasse de 20m sur 3,74m et tout au long de l'orangerie, avec application d'un produit hydrofuge et une cristallisation.

Les travaux ont été réalisés, facturés et payés.

La société FP2E a été assurée par la société Axa France IARD (la société Axa) pour les chantiers ouverts après le 1er janvier 2016 et jusqu'au 1er janvier 2017, et par la société Allianz IARD (la société Allianz) pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 avril 2017, le maître de l'ouvrage s'est plaint auprès de l'entreprise FP2E d'importants problèmes d'évacuation de l'eau de pluie.

D'autres correspondances ont suivi sans qu'une solution amiable soit trouvée entre les parties.

Le 13 septembre 2018, le juge des référés a ordonné une expertise judiciaire et a désigné pour y procéder M. [I].

Le 26 septembre 2019, M. [I] a déposé son rapport.

Les 11 et 13 octobre 2019, la SCI [Adresse 1] a fait assigner la société FP2E et son assureur, la société Axa, aux fins de les voir condamner in solidum à l'indemniser pour ses préjudices matériel, esthétique et de jouissance.

Par exploit d'huissier du 31 mars 2020, la SCI [Adresse 1] a fait assigner la société Allianz en intervention forcée.

Le 19 octobre 2020, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.

Par jugement du 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

Dit que les désordres constatés par l'expert dans le rapport du 26 septembre 2019 ne présentent pas un caractère décennal au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil mais des non-conformités ;

Dit que la société FP2E est contractuellement responsable des désordres ainsi constatés;

Fixe le coût TTC des travaux de reprise à 17 325 euros et le préjudice de jouissance à 2 500 euros ;

Condamne in solidum la société FP2E et la société Axa à payer à la SCI [Adresse 1] la somme de 19 825 euros ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne in solidum la société FP2E et la société Axa à payer à la SCI [Adresse 1] la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société FP2E et la société Axa de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société FP2E et la société Axa aux entiers dépens en ce compris ceux de la procédure de référé et d'expertise ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement

Par déclaration en date du 17 février 2022, la société Axa a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

la société [Adresse 1],

la société FP2E,

la société Allianz.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 juillet 2022, la société FP2E demande à la cour de :

Déclarer la société FP2E recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

Déclarer en conséquence, la société FP2E recevable en son appel incident ;

A titre principal :

Infirmer le jugement rendu le 25 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Débouter la SCI [Adresse 1] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour retient la responsabilité de la société FP2E,

Condamner la société Axa ou la société Allianz à garantir la société FP2E de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre

Limiter l'indemnisation de la SCI [Adresse 1] au titre du préjudice matériel au nettoyage de la terrasse soit à une somme de 4 400 euros HT soit 4 840 euros TTC

A titre infiniment subsidiaire, limiter l'indemnisation de la SCI [Adresse 1] à la somme de 17 325 euros en réparation du préjudice matériel ;

En tout état de cause,

Condamner la société Axa et Allianz à garantir la société FP2E de toutes condamnations éventuelles à venir ;

Condamner la SCI [Adresse 1] ou tout autre succombant à verser à la société FP2E la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SCI [Adresse 1] ou tout autre succombant aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me [O] pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 octobre 2022, la société Axa demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu le 25 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris (RG 19/14920) en ce qu'il a :

déclaré irrecevable la demande de la société Axa tendant à juger que la garantie d'assurance mobilisable est celle de la police valide au jour de la réclamation et en conséquent mettre hors de cause la société Axa,

déclaré irrecevable la demande de la société Axa à l'encontre de la SCI [Adresse 1] à payer à la concluante la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

déclaré la société FP2E responsable des désordres,

mis hors de cause la société Allianz,

Et par conséquent en ce qu'il a :

condamné la société Axa à verser à la SCI [Adresse 1] à payer la somme de 19 825 euros au titre des préjudices matériels et de jouissance

condamné la société Axa à verser à la SCI [Adresse 1] à payer la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Axa aux entiers dépens en ce compris ceux de la procédure de référé et d'expertise.

Et, statuant à nouveau :

Mettre hors de cause la société Axa, au motif que la police d'assurance de la société d'Axa n'était pas mobilisable,

Rejeter l'ensemble des demandes de paiement formées à l'encontre de la société Axa,

Juger que la société FP2E n'est pas responsable des désordres,

Juger que la garantie de la société Allianz est applicable et par conséquent condamner in solidum la société PF2E et la société Allianz au paiement des éventuelles condamnations à intervenir au titre des demandes principales, des frais irrépétibles dont ceux de la procédure d'appel et des dépens dans l'éventualité où la responsabilité de la société FP2E serait retenue.

Condamner la société Allianz à relever et garantir la société Axa de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

Rejeter les demandes d'appel en garantie formées par la société Allianz et la société FP2E à l'encontre de la société Axa,

Rejeter les demandes de la SCI [Adresse 1] au titre du préjudice esthétique et des préjudices de jouissance,

Rejeter la demande de la SCI [Adresse 1] au titre des travaux réparatoires et à défaut limiter le montant à la somme 4 840 euros,

Rejeter l'ensemble des demandes de la SCI [Adresse 1] formées à l'encontre de la société Axa au titre des frais irrépétibles et des dépens,

En tout état de cause :

Condamner la société [Adresse 1] au paiement des entiers dépens, et dire que ces derniers pourront être directement recouvrés par Me Fromantin, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamner la société [Adresse 1] ou tout autre succombant à payer à la société Axa la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 octobre 2022, la société Allianz demande à la cour de :

A titre principal,

Confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la société Allianz,

Infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société FP2E et en ce qu'il a fait droit aux demandes pourtant contestables de la SCI [Adresse 1],

Juger que la responsabilité de la société FP2E n'est pas engagée,

Rejeter les demandes de la SCI [Adresse 1] au titre du préjudice esthétique et du préjudice de jouissance,

Débouter la SCI [Adresse 1], la société FP2E et la société Axa de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Prononcer la mise hors de cause de la société Allianz

A titre subsidiaire et pour le cas où la responsabilité de la société PF2E était retenue,

Juger que la société Axa doit garantir la responsabilité de la société FP2E,

Juger la société Allianz bien fondée à opposer les exclusions visées aux articles 3.5, 3.4.1, 3.4.3.1 et 3.4.3.4 des conditions générales de sa police,

Juger que les garanties de la société Allianz ne sont pas mobilisables

Prononcer la mise hors de cause de la société Allianz

En toute hypothèse,

Infirmer le jugement en ce qu'il a alloué à la SCI [Adresse 1] la somme de 19 825 euros au titre de ses préjudices,

Juger que la demande de la SCI [Adresse 1] au titre du préjudice matériel ne peut excéder la somme de 4 840 euros TTC et subsidiairement celle de 17 325 euros,

Infirmer le jugement en ce qu'il a alloué au bénéfice de la SCI [Adresse 1] la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejeter les demandes de la SCI [Adresse 1] et en toute hypothèse les réduire à de plus justes proportions.

Juger la société Allianz bien fondée à opposer à la société FP2E ainsi qu'à toutes autres parties ses limitations contractuelles et en particulier le montant de sa franchise, s'agissant de garantie facultative,

Condamner la société PF2E au paiement de sa franchise contractuelle correspondant à 10 % du montant du sinistre avec un minimum de 1 600 euros et un maximum de 6 400 euros,

Condamner tout succombant à payer à la société Allianz la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2024, la SCI [Adresse 1] demande à la cour de :

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 25 janvier 2022 en ce qu'il a :

dit que la société FP2E était contractuellement responsable des désordres constatés ;

débouté la société FP2E et la société Axa de leurs demandes ;

condamné in solidum la société FP2E et la société Axa à indemniser le préjudice de jouissance de la société FP2E (sic) et à prendre en charge les travaux de reprise ;

condamné in solidum la société FP2E et la société Axa aux entiers dépens d'instance, en ce compris ceux de la procédure de référé et d'expertise ;

condamné in solidum la société FP2E et la société Axa à payer les frais irrépétibles de la SCI [Adresse 1] ;

ordonné l'exécution provisoire de la décision de première instance.

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 25 janvier 2022 en ce qu'il a :

limité le coût des travaux de reprise à la somme de 17 325 euros et le préjudice de jouissance à 2 500 euros

limité à un montant de 19 825 euros le montant que la société FP2E et la société Axa ont été condamnées à payer in solidum à La SCI [Adresse 1],

rejeté la demande d'indemnisation formée par la SCI [Adresse 1] au titre du préjudice esthétique,

limité à un montant de 12 000 euros le montant alloué à la SCI [Adresse 1] au titre des frais irrépétibles,

Et statuant à nouveau :

Déclarer la SCI [Adresse 1] recevable et bien fondée en ses demandes ;

Juger que la société FP2E est responsable du préjudice subi par la SCI [Adresse 1];

En conséquence :

Condamner in solidum la société FP2E et la société Axa, ou tout autre assureur garantissant la société FP2E pour les dommages causés, à verser à la SCI [Adresse 1] la somme de 18 277,6 euros au titre des travaux de reprise ;

Condamner in solidum la société FP2E et la société Axa, ou tout autre assureur garantissant la société FP2E pour les dommages causés, à verser à la SCI [Adresse 1] la somme de 5 000 euros au titre de la réparation de son préjudice de jouissance;

Condamner in solidum la société FP2E et la société Axa, ou tout autre assureur garantissant la société FP2E pour les dommages causés, à verser à la SCI [Adresse 1] la somme de 1 000 euros au titre de la réparation de son préjudice esthétique ;

Condamner in solidum la société FP2E et la société Axa, ou tout autre assureur garantissant la société FP2E pour les dommages causés, à verser à la SCI [Adresse 1] la somme de 17 783,05 euros TTC au titre des frais irrépétibles de première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner in solidum la société FP2E et la société Axa, et la société Allianz, ou tout autre assureur garantissant la société FP2E pour les dommages causés, à verser à la SCI [Adresse 1] la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner in solidum la société FP2E, la société Axa, et la société Allianz, ou tout autre assureur garantissant la société FP2E pour les dommages causés, à verser à la SCI [Adresse 1], les entiers dépens, en ce compris la rémunération de l'expert et les dépens supportés dans le cadre de la procédure de référé-expertise d'un montant de 4 771,20 euros TTC ;

Débouter la société FP2E, la société Axa, et la société Allianz de toutes leurs demandes.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 24 octobre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 21 novembre 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la responsabilité contractuelle de la société FP2E

Moyens des parties

La SCI [Adresse 1] fonde sa demande sur la faute contractuelle de la société FP2E qui a manqué à son obligation de conseil à son égard et a mal réalisé les travaux.

S'agissant du devoir de conseil, la société FP2E n'a pas préconisé les travaux de rénovation les plus adaptés au regard de la surface concernée et de la spécificité des matériaux sur lesquels une intervention était prévue.

S'agissant de la réalisation des travaux, la société FP2E a mal exécuté le contrat conclu en utilisant des matériaux inadaptés à la surface traitée et en ne repositionnant pas les pierres dans le bon sens d'inclinaison.

La société FP2E conteste toute faute contractuelle et sa responsabilité puisqu'elle est intervenue pour une prestation limitée à des travaux d'entretien des joints. Elle affirme ne pas être à l'origine de la contrepente des pierres en bordure de la terrasse, cette contrepente existant avant son intervention sur les pierres de la margelle. Elle précise n'être jamais intervenue pour la réfection totale de la terrasse, la SCI [Adresse 1] sollicitant qu'elle n'intervienne pas sur la contrepente. Elle indique que son intervention a été limitée au recollage des pierres décollées moyennent un devis complémentaire de 525 euros HT et que sur cette seule intervention, elle ne pouvait pas rétablir une pente compte tenu de la configuration de pierres de bordure à recoller qui ne permettait pas de modifier leur sens d'inclinaison. Elle soutient encore que l'origine des traces blanchâtres n'a pas été déterminée par l'expert judiciaire et peut provenir de la stagnation des eaux de pluie ou de l'utilisation d'un produit d'entretien non adapté.

La société Axa fait valoir que le désordre résultant de l'absence de contre-pente résulterait de l'absence de devoir de conseil et non d'une mauvaise exécution des travaux de la société FP2E et que celle-ci n'étant pas intervenue sur l'ouvrage dans son ensemble, elle n'est pas concernée par l'éventuelle contrepente qui préexistait à son intervention. Elle n'était donc pas redevable d'un devoir de conseil à ce titre.

Elle fait valoir que les traces blanchâtres pourraient venir de la stagnation de l'eau de pluie de quelques millimètres liés aux pierres en bordure qui auraient été déposées et reposées dans le mauvais sens mais que les désordres pourraient également venir de l'utilisation d'un produit pour réaliser les joints qui serait incompatible avec l'esthétique de la terrasse et que le laps de temps entre la fin des travaux et la première réclamation va dans le sens d'une détérioration liée un produit d'entretien et non dans le sens retenu par l'expert judiciaire, c'est-à-dire d'une mauvaise mise en 'uvre qui aurait entrainé l'apparition desdites traces dès les premiers mois, d'autant que celui-ci n'a pas contacté le fabriquant afin de savoir si son produit pouvait réagir avec la pierre de terrasse.

S'agissant des pierres de bordure, elle rappelle qu'elles forment un arc de cercle, de sorte qu'il est impossible de les reposer à l'envers, ces dernières ne pouvant rentrer dans leur emplacement lorsqu'elles sont dans un mauvais sens.

La société Allianz conteste la responsabilité contractuelle de la société FP2E au motif qu'un défaut d'écoulement des eaux n'a jamais été constaté par l'expert judiciaire, que la contrepente alléguée au niveau des pierres en bordure de la terrasse n'est pas constitutive d'un dommage, d'autant que cette configuration préexistait aux travaux.

Elle soutient que même si la contrepente alléguée constituait un préjudice, cette contrepente ne peut être imputée à la société FP2E qui n'a effectué qu'un entretien et qui a été sollicitée pour recoller certaines margelles partiellement décollées, qu'elle a déposées puis reposées.

Elle argue que la contrepente était visible et que le règlement sans réserve de la facture de la société FP2E s'analyse comme une réception tacite qui a purgé les éventuels vices apparents n'ayant pas donné lieu à l'émission de réserves.

Elle fait valoir que l'imputabilité des traces blanchâtres à la société FP2E n'est pas non plus établie.

Réponse de la cour

sur les travaux exécutés par la société FP2E

S'agissant des travaux d'entretien conformément au devis, ils ne sont pas contestés dans leur réalisation mais dans la qualité de celle-ci.

S'agissant des dalles, la SCI [Adresse 1] n'établit pas qu'elle a demandé à la société FP2E la réfection de la terrasse et la société FP2E ne produit pas le devis complémentaire dont elle fait état dans ses écritures. Cependant, l'expert a constaté qu'elle avait déplacé quelques pierres de la terrasse sans affirmer qu'elle était à l'origine de la contrepente de celle-ci.

Il n'est donc pas établi par la SCI [Adresse 1], à qui incombe la charge de la preuve de ce qu'elle prétend, que la contrepente résulte des travaux réalisés par la société FP2E et constitue une faute de cette dernière.

sur la réception tacite

La réception sans réserve couvre les désordres apparents qui ne peuvent pas être pris en charge au titre de la garantie décennale pas plus qu'au titre de la responsabilité contractuelle.

Les défauts de conformité contractuels apparents et les vices de construction apparents sont couverts par la réception sans réserve et ne peuvent donner lieu à réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée.

La réception tacite est subordonnée à la preuve d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir celui-ci avec ou sans réserve.

Les travaux d'entretien et les recollements de dalles effectués par la société FP2E n'ont pas inclus de techniques de construction, ni d'apport de matériaux nouveaux autres que du joint et du produit hydrofuge, il n'y a pas eu de percement de la dalle, de sorte que ces travaux n'ont pas la nature d'un ouvrage relevant, des dispositions de l'article 1792 du code civil.

Les recollements de dalles effectués par la société FP2E ne sont pas à l'origine de la contrepente apparente de la terrasse, laquelle préexistait à son intervention, néanmoins l'expert retient qu'au moins deux dalles ont été reposées en l'état par la société FP2E c'est-à-dire avec contrepente.

Le recollement des dalles à l'identique et donc avec contrepente était apparent pour le maître de l'ouvrage qui n'a adressé aucune réserve puisqu'il a procédé au règlement des travaux et n'a formulé une réclamation que le 13 avril 2017 soit deux ans après leur exécution et les avoir payés.

Il y a donc une réception tacite du maître d'ouvrage concernant la repose de ces deux dalles qui purge ainsi le vice de la contrepente à l'égard de la société FP2E concernant les travaux de recollement des dalles.

La responsabilité de la société FP2E

Aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'occurrence en raison de la date d'acceptation du devis, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'entrepreneur est tenu d'une obligation de résultat à l'égard du maître de l'ouvrage. Il est également tenu d'un devoir de conseil qui s'étend notamment aux risques présentés par la réalisation de l'ouvrage envisagé, eu égard, en particulier, à la qualité des existants sur lesquels il intervient.

La société FP2E a pour activité l'exécution de travaux de rénovation, de ravalement de peinture intérieure et extérieure, de revêtement de sols et murs, de petites maçonneries, d'entretien, d'agencement et de décoration.

Elle a réalisé des travaux d'entretien avec réfection du joint et application d'une résine Epoxy sur la totalité de la terrasse et tout au long de l'orangerie, à l'occasion de ces travaux elle a recollé des dalles de la terrasse à l'identique de leur position d'origine.

Après la révélation des désordres par le maître d'ouvrage par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 avril 2017, l'expert a noté en 2018 que les joints présentent des traces blanchâtres non liées à l'usure mais s'apparentant à l'efflorescence du ciment provenant des mauvaises conditions de mise en 'uvre du produit utilisé qui contient de la résine et qui impose des conditions précises de mise en 'uvre.

La fiche technique du produit " Protect Guard EM Premium " prescrit un essai préalable du produit hydrofuge oléofuge et antitaches avec effet mouillé intense utilisé et précise que le produit est censé protéger durablement les matériaux, prévenir les principales cause de dégradations, retarder le vieillissement du support et faciliter son entretien.

La société FP2E qui conteste être à l'origine des désordres ne justifie d'aucune cause étrangère exonératoire pouvant provenir non pas du produit qu'elle a utilisé mais d'un produit d'entretien de ménage pour nettoyer la terrasse ou obsolescence programmée des joints.

En l'absence d'élément sur l'état antérieur de la terrasse, la contrepente existante au moment des constatations expertales ne peut pas être attribuée à l'intervention de la société FP2E.

Cependant, intervenant sur la terrasse tant à l'occasion de l'ouverture des joints et de leur réfection qu'à l'occasion du recollement de certaines dalles, il relevait de son obligation de conseiller le maître d'ouvrage quant à l'impact de la contrepente existante sur les risques relatifs à un mauvais écoulement des eaux pluviales et de vérifier cet écoulement au regard de son effet sur les travaux exécutés et les risques des stagnations sur le décollement des dalles et la réfection des joints.

L'expert a ainsi relevé que les travaux exécutés devaient imposer une réflexion d'ensemble sur l'état du support et entraîner une proposition de mise en conformité de la terrasse.

En l'absence d'éléments nouveaux, la décision du tribunal est confirmée quant à la responsabilité contractuelle de la société FP2E tant au regard de son absence de conseil que du défaut d'exécution des travaux d'entretien devisés.

Sur le préjudice de la SCI [Adresse 1]

Moyens des parties

La SCI [Adresse 1] indique qu'elle a déboursé une somme totale de 18 277,60 euros pour effectuer les réparations incluant 952,60 euros de cautionnement qui n'ont pas été pris en considération par le tribunal. Elle demande 5 000 euros au titre de son préjudice de jouissance et 1 000 euros au titre du préjudice esthétique.

La société FP2E conteste avoir l'obligation de remédier à la contrepente et de payer les travaux correspondants inclus dans la solution réparatoire retenue par le tribunal. Elle estime que le désordre lié aux joints impose une solution réparatoire qui peut être estimée à 4 400 euros HT. Elle conteste également les demandes présentées au titre des préjudices esthétique et de jouissance en l'absence d'éléments probants produits par le maître d'ouvrage.

La société Axa estime que le préjudice doit se limiter à 4 840 euros correspondant au nettoyage de la terrasse et que les sommes demandées par le maître d'ouvrage au titre des préjudices esthétique et de jouissance présentent un caractère forfaitaire qui ne résulte d'aucune évaluation précise. Elle soutient que la terrasse n'est pas un espace de vie mais un espace extérieur, que son esthétique n'est pas perturbée par la présence de tâches blanchâtres puisqu'une terrasse reçoit également de feuilles et d'autres dépôts et que le maître d'ouvrage ne rapporte pas que les travaux réalisés en hiver ont engendré des désagréments dans l'usage de la terrasse.

La société Allianz fait valoir une argumentation similaire et demande que l'indemnisation du préjudice soit limitée à 4 400 euros HT au motif que les autres postes sont étrangers au désordre.

Réponse de la cour

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu (1re Civ., 9 mai 1996, pourvoi n° 94-16.114 ; 2e Civ., 13 janvier 1988, pourvoi n° 86-16.046 ; Com., 10 janvier 2012, pourvoi n° 10-26.837).

Les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit (2e Civ., 23 janvier 2003, pourvoi n° 01-00.200, Bull n° 20 ; 2e Civ., 29 mars 2006, n° 04-15.776 ; 3e Civ., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.869, Bull n° 20).

En l'espèce, la solution réparatoire retenue par l'expert comprend un poste relatif à la dépose et repose des 14 pierres afin de les replacer pour éviter la stagnation d'eau localisées en bordure de marche. Ce poste n'inclut pas les dalles reposées avec contrepente par la société FP2E.

Aussi, en l'absence d'éléments nouveaux sur la solution réparatoire proposée par le maître d'ouvrage et retenue par le tribunal laquelle implique la réalisation de travaux permettant une solution pérenne, il convient de la confirmer sans qu'il y ait lieu de rajouter le cautionnement pour la location de la roulotte qui constitue une avance qui sera récupérée par le maître d'ouvrage.

S'agissant du préjudice de jouissance réclamée au titre de l'esthétique de la terrasse et de son usage, en l'absence d'éléments nouveaux, il n'y a pas lieu de revenir sur le montant octroyé par le tribunal de 2 500 euros.

Sur la garantie des assureurs

Moyens des parties

La société Axa fait valoir que ses garanties ne sont pas mobilisables sur la base réclamation en ce que son contrat à effet du 1er janvier 2015 a été résilié le 1er janvier 2017 et que la réclamation du maître d'ouvrage est du 13 avril 2017.

Elle soutient que la société Allianz était l'assureur de la société FP2E à compter du 1er janvier 2017 et que sa garantie est mobilisable en base réclamation.

Elle conteste l'argumentation de la société Allianz qui ne peut s'appliquer qu'en cas de désordres de nature décennale.

La société Allianz fait valoir que la garantie de la société Axa est due et que celle-ci ne peut pas la contester, d'autant qu'elle est mobilisable même en base réclamation dès lors que les désordres sont intervenus avant la résiliation de sa police. Elle soutient qu'elle n'assure pas les conséquences des sinistres dont l'assuré avait connaissance à la date de souscription de la garantie. Elle invoque également des exclusions de garantie au titre des articles 3.4.1 et 3.4.3.1 des conditions générales s'agissant de reprendre des travaux exécutés par la société FP2E. Elle revendique également que la société FP2E avait connaissance de la contrepente qui préexistait à son intervention, ce qui exclut sa garantie au titre de l'article 3.4.3.4 des conditions générales.

Subsidiairement, elle se prévaut des limites contractuelles et notamment la franchise s'agissant d'une assurance facultative.

La société FP2E fait valoir que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la garantie de la société Axa dès lors que le fait dommageable est antérieur à la résiliation et la cause génératrice du dommage est survenue en 2015.

Elle soutient que les conditions générales produites par la société Axa et qui datent de 2013 ne sont pas celles à rattacher au contrat et qu'en tout état de cause, la société Axa est tenue de la garantir sur une période subséquente.

Subsidiairement, elle revendique la garantie de la société Allianz et ajoute qu'en l'absence d'interruption entre les deux contrats, l'un des deux assureurs doit la garantir.

La SCI [Adresse 1] sollicite la condamnation solidaire de la société Axa ou de tout autre assureur avec la société FP2E.

Réponse de la cour

Selon l'article L. 124-5 du code des assurances qui est d'ordre public en application de l'article L. 111-2 du même code, la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation. La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux garanties d'assurance pour lesquelles la loi dispose d'autres conditions d'application de la garantie dans le temps.

L'article L124-5 laisse le choix entre fait dommageable et réclamation pour les garanties facultatives.

En base réclamation, l'assureur est tenu à garantie si le fait dommageable, qui en matière de travaux immobiliers se situe à la date de leur exécution défectueuse (1ère Civ., 15 juin 1999, n° 97-14.443), est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie et si la première réclamation est adressée à l'assuré entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration du délai subséquent, d'au moins cinq ans - et de dix ans pour les constructeurs - qui court de la date de résiliation ou d'expiration (3ème Civ., 4 mars 2021, n°19-26.333).

En matière de construction, l'assurance professionnelle non obligatoire si elle est en base réclamation, ce qui est le cas général, doit assurer une garantie subséquente non pas de cinq mais de dix ans, à compter de la fin du contrat souscrit.

Il résulte de l'article L. 124-5, alinéa 4, du code des assurances que lorsque l'assuré a eu connaissance du dommage postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie d'un premier contrat, en base réclamation, la souscription de la même garantie, en base réclamation, auprès d'un second assureur met irrévocablement fin à la période de garantie subséquente attachée au contrat initial (3ème Civ., 12 octobre 2022, pourvoi n° 21-21.427).

Ainsi, à l'expiration de la garantie, la garantie subséquente n'a vocation à jouer que si l'assuré n'a pas souscrit auprès d'un autre assureur une même garantie ou a souscrit une garantie en base fait dommageable.

En matière d'assurance, il appartient à l'assuré qui invoque la garantie de l'assureur de démontrer que les conditions de garantie qu'il invoque sont réunies, la preuve des exclusions de garantie incombant à l'assureur.

Le contrat de la société FP2E et de la société Axa en vigueur du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, garantit les interventions de maçonnerie de l'assuré sur des chantiers de construction non soumis à l'obligation d'assurance décennale.

Sur les conditions générales : le mécanisme du renvoi aux conditions générales dans les conditions particulières du contrat d'assurance n'est pas prohibé mais sont opposables à l'assuré les conditions générales dont il reconnaît avoir eu connaissance et qu'il a acceptées avant le sinistre et il doit être démontré qu'il les a acceptées.

En l'espèce, la société Axa produit les conditions particulières du contrat d'assurance signées par la société FP2E le 23 mars 2015 qui mentionnent expressément qu'elles font référence aux conditions générales 951939 version D qui sont celles qu'elle produit, d'avril 2013.

Aux termes de l'article 3.3.1 des conditions générales, les garanties responsabilité civile pour préjudices causés aux tiers et dommages aux travaux non considérés comme des ouvrages ou des éléments d'équipement d'ouvrage sont déclenchées par la réclamation conformément aux dispositions de l'article 124-5 du code des assurances.

La garantie s'applique dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à l'assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent de 10 ans à sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres.

La société FP2E est assurée auprès de la société Allianz depuis le 1er janvier 2017 pour les travaux de maçonnerie pour la responsabilité civile de l'entreprise. En application de l'article 3.5 des conditions du contrat d'assurance, la garantie de la société Allianz est déclenchée par une réclamation.

En l'espèce, le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation du contrat liant les sociétés FP2E et Axa et la réclamation est intervenue dans le délai subséquent de 10 ans de la date de résiliation, cependant à la date de la réclamation en avril 2017, la société FP2E était garantie par la société Allianz sur la base réclamation.

En conséquence, la société Allianz doit sa garantie à la société FP2E et non pas la société Axa, la décision sera infirmée sur ce point.

La société Allianz est fondée à opposer ses limitations contractuelles et en particulier sa franchise.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ce qu'il condamne la société Axa in solidum aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau, la cour condamne la sté Allianz in solidum avec la sté FP2E, à verser à la SCI [Adresse 1] la somme de 12 000 euros.

En cause d'appel, la société Allianz, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société Axa la somme de 5 000 euros et à la SCI [Adresse 1] la somme de 5 000 au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il condamne la société Axa France IARD in solidum avec la société FP2E à payer à la société civile immobilière [Adresse 1] les sommes de 19 825 euros, 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens en ce compris ceux de la procédure de référé et d'expertise,

L'infirme sur ce point, statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette toutes les demandes formées à l'encontre de la société Axa France IARD,

Dit que la société Allianz IARD doit garantir la société FP2E,

Dit que la société Allianz IARD est fondée à opposer ses limitations contractuelles et notamment sa franchise,

Condamne la société Allianz IARD in solidum avec la société FP2E à payer à la société civile immobilière [Adresse 1], la somme de 19 825 euros au titre des travaux de reprise et du préjudice de jouissance,

Condamne la société Allianz IARD in solidum avec la société FP2E aux dépens de première instance,

Condamne la société Allianz IARD, in solidum avec la société FP2E, à payer à la société civile immobilière [Adresse 1] la somme de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

Condamne la société Allianz IARD à payer à la société civile immobilière [Adresse 1], la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société Allianz IARD à payer à la société Axa France IARD la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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