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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 6, 30 mai 2025, n° 22/17764

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MMA IARD Assurances Mutuelles (Sté)

Défendeur :

MMA IARD Assurances Mutuelles (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Delacourt

Conseillers :

Mme Tardy, Mme Szlamovicz

Avocats :

Me Soulier, Me Imbert

TGI Melun, du 31 août 2022, n° 22/236

31 août 2022

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Au cours de l'année 2010, Mme [P] a fait effectuer des travaux de gros 'uvre en vue de la création d'une écurie privée comprenant un box pour chevaux, un chalet pour accueillir le public et des places de parking, sur une propriété sise [Adresse 5] à [Localité 4].

La société CG BTP était en charge de la réalisation de la dalle béton destinée à recevoir le chalet et de la mise en 'uvre d'un coffrage sur le pourtour de la carrière.

Le 2 juin 2010, un permis de construire a été délivré à cette fin à Mme [P] par la commune de [Localité 6] pour la construction d'un barn comprenant 20 boxes à chevaux, d'un chalet pour accueillir le public et la création de 15 places de parking.

Mme [P] a déploré des malfaçons et non-façons dans l'exécution des travaux.

Le 26 janvier 2011, se plaignant de désordres relatifs à la dalle du chalet qui bouge, les fonds des regards qui ne sont pas bétonnés, le tour de carrière qui n'est pas à ras du sol notamment, une lettre a été envoyée par Mme [P] à la société CG BTP.

Elle a ensuite procédé à une déclaration de sinistre auprès de la société MMA IARD assurances mutuelles (la société MMA) en qualité d'assureur de la société CG BTP et elle a mis l'assureur en demeure de procéder à l'indemnisation de ses préjudices.

L'assureur a refusé de procéder à cette indemnisation.

Le 21 juillet 2020, Mme [P] a assigné la société MMA devant le tribunal de judiciaire de Melun.

Par jugement du 31 août 2022, le tribunal judiciaire de Melun a statué en ces termes :

Déboute Mme [P] de ses demandes au titre de la responsabilité décennale et de son préjudice moral ;

Condamne Mme [P] aux dépens ;

Condamne Mme [P] à verser à la société MMA la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ecarte l'exécution provisoire de droit ;

Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires.

Par déclaration en date du 14 octobre 2022, Mme [P] a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société MMA.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 juillet 2024 Mme [P] demande à la cour de :

Juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Mme [P],

Débouter la société MMA de toutes ses demandes fins et conclusions,

Infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

Juger que la réception des travaux est intervenue le 10 septembre 2010, sans réserve et que les désordres n'étaient pas apparents lors de la réception des travaux,

Juger que les malfaçons dans les ouvrages effectués par la société CG BTP doivent donner lieu à indemnisation par la société MMA,

En conséquence :

Ordonner l'indemnisation de Mme [P],

Condamner la société MMA à régler à Mme [P] la somme de 404 720,17 euros dans le cadre de l'indemnisation de son préjudice financier,

Condamner la société MMA à régler à Mme [P] la somme de 80 000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,

Condamner la société MMA à payer à Mme [P] la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société MMA aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 juillet 2024, la société MMA assurances mutuelles demande à la cour de :

Juger que les conditions d'application de la garantie décennale souscrite auprès de la société MMA ne sont pas réunies,

Juger que la police d'assurance de la société MMA n'a pas vocation à garantir les dommages relatifs à des travaux réalisés sur des ouvrages sportifs non couverts,

Débouter, en conséquence, Mme [P] de l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la concluante,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Melun le 30 août 2022,

Condamner reconventionnellement Mme [P] à régler à la société MMA la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge l'intégralité des dépens de première instance et d'appel.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 13 février 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 6 mars 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la garantie de la société MMA en qualité d'assureur décennal de la société CG BTP

Moyens des parties

Mme [P] soutient que les constats d'huissier et rapports d'expertise concluent à l'existence de malfaçons imputables à la société CG BTP. Elle estime que ces défauts n'étaient pas apparents lors de la réception expresse des travaux et rendent l'ouvrage impropre à sa destination.

Elle revendique la garantie de l'assureur décennal de la société CG BTP.

Mme [P] fait valoir des préjudices matériels concernant des mesures de remise en état, de constats d'huissier et d'intervention du CDAU (Centre de Conseil et Assistance aux Usagers de l'Habitat). Elle sollicite également la somme de 80 000 euros au titre de son préjudice moral, la situation ayant été à l'origine de symptômes d'anxiété généralisés depuis 2011. Elle précise qu'elle n'a pas pu ouvrir son écurie conformément à ses projets.

La société MMA allègue que les conditions de la mise en jeu de la responsabilité décennale ne sont pas réunies et qu'il n'y a pas eu de réception de l'ouvrage. Elle indique également que l'appelante n'a pas eu l'intention de réceptionner les travaux n'ayant pas procédé à leur règlement intégral. Elle fait valoir que la dalle en béton ne présente pas de défaut de solidité et que l'ouvrage n'est pas impropre à sa destination.

Elle soutient que sa garantie ne peut pas être mobilisée en raison du caractère spécifique des travaux réalisés dans le cadre de l'exploitation d'un centre équestre et en ce que la carrière est un ouvrage sportif non-couvert qui n'est pas garanti et que la dalle du chalet n'est pas indivisible de celui-ci.

Elle soulève encore le caractère disproportionné des demandes de Mme [P].

Réponse de la cour

- La responsabilité décennale de la société CG BTP

Le point de départ de la garantie des constructeurs est la réception qui intervient entre le maître de l'ouvrage et le locateur d'ouvrage et qui marque l'exécution des travaux commandés.

Selon l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve ; elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement et elle est en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La réception expresse figure dans un acte écrit et elle ne peut résulter d'une volonté unilatérale.

La réception caractérise la volonté non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir les travaux.

Au cas d'espèce, Mme [P] produit un procès-verbal de réception sans réserve du 10 septembre 2010 qu'elle aurait signé avec M. [G], gérant de la société CG BTP et dont elle revendique la validité.

Cependant, ce document a été contesté par Mme [P] qui a porté plainte au commissariat de police de Provins le 28 novembre 2012 pour faux en écriture et usage de faux, indiquant que " l'entreprise a fourni un document au tribunal concernant le procès-verbal de réception datant du 10/09/2010 que j'aurais signé, ce qui est totalement faux, n'ayant jamais vu ce document. Le patron de l'entreprise ou une autre personne de l'entreprise a dû imiter ma signature. Je vous remets ledit document. Je précise que si on m'avait montré ce document, je n'aurais pas été d'accord pour le signer n'étant pas d'accord sur les travaux effectués ".

Mme [P] s'est ensuite constituée partie civile, le 4 juillet 2013, pour la même infraction, faisant valoir qu'elle " n'a jamais signé ce procès-verbal ni bien entendu réceptionné les travaux sans réserve ".

Le rapport d'expertise du 10 mars 2011 du CDAU, contradictoire à l'égard de M. [G], gérant de la société CG BTP, ne mentionne pas de réception.

Le procès-verbal de constat du 12 avril 2011 établi par Me [X] à la requête de Mme [P] mentionne que les travaux du futur centre équestre présentent " des malfaçons en plus de ne pas être terminés ".

Le rapport d'expertise de M. [I] du 29 juin 2011, également contradictoire à l'égard de M. [G], gérant de la société CG BTP, ne mentionne pas non plus de réception des travaux.

Il est également établi que la société CG BTP n'a pas été payée de sa facture du 14 septembre 2010, ayant dû rééditer celle-ci le 11 novembre 2010.

En conséquence, le procès-verbal de réception judiciairement contesté puis validé par Mme [P] ne suffit pas, du fait de son caractère particulièrement équivoque, à établir la réception expresse des travaux.

Les difficultés de règlement des travaux permettent de considérer l'absence de volonté non équivoque de Mme [P] d'accepter l'ouvrage à la date de réalisation de ceux-ci, excluant de même toute réception tacite.

En l'absence de réception, la responsabilité décennale de la société CG BTP ne peut être revendiquée par Mme [P] et le jugement sera confirmé de ce chef.

- La garantie de la société MMA

La société CG BTP était assurée auprès de la société MMA au titre d'une assurance décennale dont Mme [P] revendique la garantie.

En l'absence de responsabilité décennale, cette garantie n'a pas vocation à s'appliquer sans qu'il soit nécessaire de revenir sur les exclusions excipées par la société d'assurance.

Le jugement sera confirmé sur ce point également.

- Les préjudices de Mme [P]

La responsabilité décennale donne lieu à réparation intégrale du préjudice causé à la victime et s'étend aux dommages immatériels, aussi en l'absence de responsabilité décennale de la société CG BTP, les demandes de Mme [P] au titre de ses préjudices matériels et de son préjudice moral imputable aux désordres constructifs ne peuvent prospérer.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, Mme [P], partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société MMA, la somme de 2 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne Mme [L] [P] aux dépens d'appel,

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [L] [P] et la condamne à payer à la société MMA IARD Assurances Mutuelles, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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