CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 28 mai 2025, n° 23/06431
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Ynnis Edition (SAS)
Défendeur :
Rockyvision (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Depelley
Vice-président :
M. Richaud
Conseillers :
M. Richaud, Mme Dallery
Avocats :
Me Jez, Me Boccon Gibod, Me Bouhénic
EXPOSÉ DU LITIGE
Les parties et leurs droits
La SAS Ynnis Editions, créée le 1er mars 2013 et dirigée par monsieur [I] [P], a pour activité principale l'édition de livres, de revues et de jeux portant sur le cinéma, la culture de l'imaginaire et l'animation japonaise.
La SARL Rockyvision, gérée par monsieur [B] [T] et dénommée Rockyrama jusqu'au 20 juin 2019 puis Recreation Agency jusqu'au 13 septembre 2021, exerce une activité principale de conseil en relations publiques et en communication, de design, d'éditions neuves et périodiques, de production de film et d'arts du spectacle vivant.
Pour les besoins de son activité, elle a réservé le nom de domaine rockyrama.com le 13 octobre 2012 et est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les marques suivantes :
- la marque verbale française "ROCKYRAMA" déposée le 16 décembre 2012 et enregistrée le 5 avril 2013 sous le numéro 3969066 pour désigner les produits des classes 16, 38 et 41 ;
- la marque semi-figurative de l'Union européenne enregistrée le 1er juillet 2015 sou le numéro 13782685 pour désigner les produits des classes 16, 38 et 41 :
- la marque verbale internationale " ROCKYRAMA " visant l'Union européenne et la Suisse enregistrée le 10 juin 2015 sous le numéro 1259110 pour désigner les produits des classes 16, 38 et 41.
Par jugement du 12 octobre 2023, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SARL Rockyvision et désigné la Selarl AJ [S] & Associés (Maître [S]) en qualité d'administrateur judiciaire et la Selarl MJ Alpes (Maître [C]) en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement du 3 octobre 2024, cette juridiction a arrêté le plan de redressement de la SARL Rockyvision en nommant la Selarl AJ [S] & Associés en qualité de commissaire à l'exécution du plan mais en maintenant dans leurs fonctions cette dernière d'administrateur judiciaire jusqu'au règlement des frais de procédure ainsi que le mandataire judiciaire.
Les relations entre les parties
Après la publication le 28 mars 2012 à l'initiative de monsieur [B] [T] du premier numéro du magazine Rockyrama destiné aux amateurs de cinéma et de pop culture édité par la société Black Book Editions, la SARL Rockyvision explique s'être rapprochée de la SAS Ynnis Editions pour assurer les missions logistiques liées à sa publication, la rédaction et la conception des publications ainsi que la définition de la ligne éditoriale lui incombant exclusivement tandis que cette dernière avait la charge de la fabrication des exemplaires imprimés et de leur distribution sans fournir le moindre apport créatif. Néanmoins, la SAS Ynnis Editions, qui soutient avoir conçu avec la SARL Rockyvision l'intégralité de cette revue périodique qui était intégrée dans un label comprenant également des hors-série, des monographies thématiques et des produits dérivés, explique que le contenu éditorial n'a été défini par monsieur [B] [T] seul que jusqu'à la fin de l'année 2014.
Les parties ont ainsi publié et diffusé une cinquantaine de magazines, monographies et hors-série entre 2013 et 2020 sans encadrer leurs relations par un contrat écrit, leurs usages étant les suivants :
- pour les ventes en boutiques physiques, la SARL Rockyvision facturait une somme forfaitaire, dont le montant variait en fonction du type de publication, et recevait un nombre d'exemplaires tandis que la SAS Ynnis Editions conservait les recettes tirées de l'exploitation des ouvrages ;
- pour les ventes en ligne assurées par la SARL Rockyvision, la SAS Ynnis Editions lui livrait les exemplaires et percevait en contrepartie un pourcentage du prix public des 'uvres vendues.
La naissance du litige
La SARL Rockyvision imputait dès 2014 des inexécutions contractuelles à la SAS Ynnis Editions tenant à des retards de livraisons ou à des pertes de magazines, à des ruptures de stock, à des défaillances dans les corrections des textes et à une mauvaise gestion de la relation avec les abonnés. A compter de l'année 2015, elle dénonçait des retards de paiement réguliers de ses factures et un défaut de fourniture des relevés de ventes lui permettant de calculer les redevances qui lui étaient dues.
Alors que les partenaires avaient engagé au cours du dernier trimestre 2019 des négociations sur les conditions de la poursuite de leurs relations, la SARL Rockyvision a, par courriel du 30 avril 2020, informé la SAS Ynnis Editions de son souhait de mettre un terme à leur collaboration et d'établir un protocole d'accord réglant les modalités et les conséquences de la rupture.
Par courriel du 4 mai 2020, monsieur [I] [P] proposait à monsieur [B] [T] de "partir avec la revue" et de venir travailler au sein de la SAS Ynnis Editions avec deux salariés.
Par lettre de son conseil du 6 mai 2020, la SARL Rockyvision notifiait à la SAS Ynnis Editions la rupture immédiate de leurs relations commerciales et l'invitait à conclure une transaction en définissant les modalités concrètes.
Par courriel du 7 mai 2020, cette dernière s'opposait à toute cessation du partenariat avant janvier 2021, les démarches commerciales préalables à la parution des titres de la fin de l'année 2020 ayant été effectuées, et indiquait que la commercialisation des magazines Rockyrama (numéros courants et hors-série) et Rockyrama Papers était impossible sans son intervention puisque les codifications et les numéros d'identification afférents lui appartenaient. Elle soulignait toutefois être ouverte à une négociation des conditions de sortie du partenariat.
Les discussions n'aboutissaient à aucun accord et la SARL Rockyvision notifiait à la SAS Ynnis Editions, par lettre de son conseil du 15 mai 2020, la fin de leurs relations commerciales sans préavis.
En réponse, cette dernière, par courrier de son conseil du 28 mai 2020, la mettait en demeure de lui régler sa facture du 6 décembre 2019 majorée des intérêts de retard (19 556,75 euros), de l'indemniser du préjudice causé par la rupture brutale des relations commerciales établies (153 650 euros), de lui adresser l'état des ventes des produits en dépôt depuis le 1er octobre 2019 et de lui retourner les exemplaires en stock.
La SARL Rockyvision ne s'exécutant pas, la SAS Ynnis Editions l'assignait en référé par acte d'huissier du 8 juillet 2020 devant le tribunal de commerce de Lyon en sollicitant le paiement de sa facture et la production forcée de l'état des ventes. Par arrêt du 3 novembre 2021, la cour d'appel de Lyon infirmait l'ordonnance rendue le 31 août 2020 par cette juridiction et rejetait l'intégralité des demandes de la SAS Ynnis Editions.
L'introduction de l'instance, l'appel et les prétentions des parties
C'est dans ces circonstances que la SAS Ynnis Editions a, par acte d'huissier signifié le 8 juillet 2020, assigné la SARL Rockyvision devant le tribunal de commerce de Lyon en réparation des préjudices causés par la rupture brutale des relations commerciales établies et par ses fautes contractuelles ainsi que par ses actes de concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement du 14 décembre 2022, le tribunal de commerce de Lyon a statué en ces termes :
- DEBOUTE la société YNNIS EDITIONS de sa demande tendant à voir condamnée la société ROCKYVISION à lui verser la somme de 44.856 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies ;
- DEBOUTE la société YNNIS EDITIONS de sa demande tendant à voir condamnée la société ROCKYVISION à lui verser 137.127,06 euros en indemnisation du préjudice subi en conséquence des violations contractuelles ;
- DEBOUTE la société YNNIS EDITIONS de sa demande tendant à voir condamnée la société ROCKYVISION à lui verser la somme de 58.400 euros en indemnisation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyales et parasitaires commis ;
- CONDAMNE la société ROCKYVISION à verser à la société YNNIS EDITIONS la somme de 26 209,52 euros au titre des exemplaires vendus en ligne du 1er septembre 2018 au 28 février 2020 ;
- DEBOUTE la société YNNIS EDTITONS de sa demande tendant à voir condamnée la société ROCKYVISION à restituer, à ses frais logistiques et dans les entrepôts de YNNIS EDITIONS, l'ensemble du stock des marchandises non-vendues lui ayant été remis dans le cadre de l'accord de dépôt-vente de 2013 à 2020, sous astreinte de 300 euros par jour de retard suivant la signification de la présente décision ;
- CONDAMN E la société ROCKYVISION à produire un état des ventes, certifié par un expert-comptable, portant sur les monographies et magazines ROCKYRAMA remis en dépôt par YNNIS EDITIONS, ce sur la période courant du 1er mars 2020 jusqu'au jour de prononcé de la présente décision, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de trente jours suivant la signification du jugement ;
- DEBOUTE la société ROCKYVISION de sa demande tendant à voir condamnée la société YNNIS EDITIONS à lui payer la somme de 64.259 ' au titre des frais exposés au cours de l'année 2019 ;
- CONDAMNE la société YNNIS EDITIONS à communiquer à la société ROCKYVISION les informations certifiées concernant les états de vente, les stocks, ainsi que toutes les factures relatives aux publications des périodiques de ROCKYVISION, depuis le 1er mars 2020 jusqu'au jour de prononcé de la présente décision, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement ;
- CONDAMNE la société YNNIS EDITIONS à payer dans un délai de 15 jours à compter de la communication des justificatifs certifiés et sous astreinte de 500 ' par jour de retard, 10 %des sommes générées par l'exploitation des monographies, assortie des intérêts de retard au taux légal outre capitalisation des intérêts ;
- DEBOUTE la société ROCKYVISION de sa demande tendant à voir condamnée la société YNNIS EDITIONS à lui verser la somme de 80.000 ', à défaut de communication de ces éléments dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision, à raison de l'exploitation des biographies depuis 2015 ;
- FAIT INTERDICTION à la société YNNIS EDITIONS de continuer à exploiter les numéros passés de ROCKYRAMA (à l'exception de ceux déjà imprimés avant la fin de la relation commerciale qui pourront être écoulés), en tous lieux, sous astreinte de 5.000 ' par infraction constatée passé un délai de 5 jours à compter de la signification de la présente décision et supporter l'intégralité des frais inhérents aux retours nécessaires ;
- DEBOUTE la société ROCKYVISION de sa demande tendant à voir condamnée la société YNNIS EDITIONS à lui communiquer les informations certifiées relatives au nombre d'abonnés devant recevoir les numéros 26, 27 et 28 de ROCKYRAMA, ainsi que leurs identités et leurs coordonnées postales ;
- DEBOUTE la société ROCKYVISION de sa demande tendant à voir condamnée la société YNNIS EDITIONS à lui verser les sommes encaissées au titre des abonnements aux numéros 28 29 et 30 de ROCKYRAMA, sous astreinte de 1.000 ' par jour de retard;
- CONDAMNE la société YNNIS EDITION à restituer à la société ROCKYVISION la somme de 19.279,63 ' versée en exécution de l'ordonnance du 31 août 2020 du Tribunal de commerce de Lyon, annulée par l'arrêt de la Cour d'appel du 3 novembre 2021 ;
- DONNE ACTE à la société ROCKYVISION de ce qu'elle versera à YNNIS - sous réserve des compensations qui pourraient s'opérer - 60 % H.T. du prix de vente public des magazines ROCKYRAMA imprimés par YNNIS EDITIONS et vendus en ligne par RECREATION AGENCY à compter du mois d'octobre 2018, jusqu'à la date du présent jugement pour les ventes réalisées; et tous les trois mois pour les ventes qui seraient réalisées après la présente décision et jusqu'à épuisement des stocks ;
- DEBOUTE la société ROCKYVISION de sa demande tendant à voir condamnée la société YNNIS EDITIONS à lui verser la somme de 40.000 ' au titre de la résistance abusive ;
- ORDONNE la compensation des créances réciproques entre les parties ;
- CONDAMNE la société YNNIS EDITIONS à payer à la société ROCKYVISION la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE la société YNNIS EDITIONS aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 31 mars 2023, la SAS Ynnis Editions a interjeté appel de cette décision.
Par actes d'huissier signifiés le 14 mars 2024, la SAS Ynnis Editions a assigné les organes de la procédure collective de la SARL Rockyvision en intervention forcée.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 décembre 2024 par la voie électronique, la SAS Ynnis Editions demande à la cour, au visa des dispositions du code civil citées dans ses écritures et des articles L 442-1 II alinéa 1er du code de commerce et 696 et 700 du code de procédure civile :
- d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il :
° déboute la SAS Ynnis Editions de sa demande tendant à voir condamnée la SARL Rockyvision à lui verser la somme de 44 856 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies ;
° déboute la SAS Ynnis Editions de sa demande tendant à voir condamnée la SARL Rockyvision à lui verser la somme de 137 127,06 euros en indemnisation du préjudice subi en conséquence des violations contractuelles ;
° déboute la SAS Ynnis Editions de sa demande tendant à voir condamnée la SARL Rockyvision à lui verser la somme de 58 400 euros en indemnisation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyales et parasitaires commis ;
° déboute la SAS Ynnis Editions de sa demande tendant à voir condamnée la SARL Rockyvision à restituer à ses frais logistiques et dans les entrepôts de la SAS Ynnis Editions, l'ensemble du stock des marchandises non-vendues lui ayant été remises dans le cadre de l'accord de dépôt-vente de 2013 à 2020, sous astreinte de 300 euros par jour de retard suivant la signification de la présente décision ;
° condamne la SAS Ynnis Editions à communiquer à la SARL Rockyvision les informations certifiées concernant les états de vente, les stocks, ainsi que toutes les factures relatives aux publications des périodiques de la SARL Rockyvision, depuis le 1er mars 2020 jusqu'au jour de prononcé de la présente décision, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement ;
condamne la SAS Ynnis Editions à payer dans un délai de 15 jours à compter de la communication des justificatifs certifiés et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, 10% des sommes générées par l'exploitation des monographies, assortie des intérêts de retard au taux légal outre capitalisation des intérêts ;
° fait interdiction à la SAS Ynnis Editions de continuer à exploiter les numéros passés de Rockyrama (à l'exception de ceux déjà imprimés avant la fin de la relation commerciale qui pourront être écoulés), en tous lieux, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constaté passé un délai de 5 jours à compter de la signification de la présente décision et supporter l'intégralité des frais inhérents aux retours nécessaires ;
° condamne la SAS Ynnis Editions à restituer à la SARL Rockyvision la somme de 19 279,63 euros versées en exécution de l'ordonnance du 31 août 2020 du tribunal de commerce de Lyon, annulée par l'arrêt de la cour d'appel du 3 novembre ;
° donne acte à la SARL Rockyvision de ce qu'elle versera à la SAS Ynnis Editions - sous réserve des compensations qui pourraient s'opérer - 60 % HT du prix de vente public des magazines Rockyrama imprimés la SAS Ynnis Editions et vendus en ligne par la SARL Rockyvision à compter du mois d'octobre 2018, jusqu'à la date du jugement pour les ventes réalisées, et tous les trois mois pour les ventes qui seraient réalisées après la décision et jusqu'à épuisement des stocks
° condamne la SAS Ynnis Editions à payer à la SARL Rockyvision la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamne la SAS Ynnis Editions aux entiers dépens ;
- statuant à nouveau, de débouter la SARL Rockyvision de l'ensemble de ses demandes ;
- de juger que la SARL Rockyvision a rompu brutalement les relations commerciales établies entre elle et la SAS Ynnis Editions et de condamner la SARL Rockyvision à verser la somme de 44 856 euros à la SAS Ynnis Editions en indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies ;
- de juger que la SARL Rockyvision a fauté dans l'exécution de ses obligations contractuelles vis-à-vis de la SAS Ynnis Editions et a de ce chef engagé sa responsabilité et de condamner la SARL Rockyvision à verser 89 000 euros à la SAS Ynnis Editions en indemnisation du préjudice subi par cette dernière en conséquence des violations contractuelles ;
- de juger qu'après la rupture contractuelle, la SARL Rockyvision a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la SAS Ynnis Editions et de condamner la SARL Rockyvision à verser la somme de 58 400 euros à la SAS Ynnis Editions en indemnisation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyales et parasitaires commis ;
- de condamner la SARL Rockyvision à verser à la SAS Ynnis Editions la somme de 49 746,92 euros HT au titre de l'exécution de la convention de dépôt-vente, s'agissant des ventes réalisées du 1er septembre 2018 au 14 décembre 2022 ;
- d'ordonner une compensation de cette somme à concurrence de 18 274,53 euros HT reçus par la SAS Ynnis Editions en exécution de l'ordonnance de référé du 31 août 2020 ;-de condamner la SARL Rockyvision à la production d'un état des ventes, certifié par un expert-comptable, portant sur les monographies et magazines Rockyrama remis en dépôt par la SAS Ynnis Editions, ce sur la période courant du 15 décembre 2022 jusqu'au jour de prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de vingt jours suivant signification de ses dernières écritures ;
- de condamner la SARL Rockyvision à verser à la SAS Ynnis Editions les sommes encaissées au titre des ventes en ligne des publications éditées par la SAS Ynnis Editions et remises dans le cadre de l'accord de dépôt-vente, minorées de 30 % du prix public, ce depuis le 15 décembre 2022 jusqu'au jour de prononcé de la décision à intervenir ;
- de condamner la SARL Rockyvision à restituer, à ses frais logistiques et dans les entrepôts de la SAS Ynnis Editions, l'ensemble du stock des marchandises non-vendues lui ayant été remises dans le cadre de l'accord de dépôt-vente de 2013 à 2020, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, passé un délai de trente jours suivant signification des présentes;
- de condamner la SARL Rockyvision à verser 10 000 euros à la SAS Ynnis Editions au titre des frais irrépétibles ;
- de condamner la SARL Rockyvision à supporter les entiers dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 décembre 2024, la SARL Rockyvision, prise en la personne de son mandataire judiciaire et de son administrateur judiciaire, qui exerce parallèlement les fonctions de commissaire à l'exécution du plan, demande à la cour, au visa des articles L 442-1 II, dernier alinéa, du code de commerce et 1104, 1231-1 et 1240 du code civil :
- de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 14 décembre 2022 en ce qu'il a :
° débouté la SAS Ynnis Editions de ses demandes tendant à voir condamner la SARL Rockyvision à lui verser les sommes de 44 856 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies, de 137 127,06 euros en indemnisation du préjudice subi en conséquence des violations contractuelles et de 58 400 euros en indemnisation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis ;
° débouté la SAS Ynnis Editions de sa demande tendant à voir condamner la SARL Rockyvision à restituer, à ses frais logistiques et dans les entrepôts de la SAS Ynnis Editions, l'ensemble du stock des marchandises non-vendues lui ayant été remis dans le cadre d'un accord de dépôt-vente de 2013 à 2020, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de trente jours suivant la signification du jugement ;
° fait interdiction à la SAS Ynnis Editions de continuer à exploiter les numéros passés de Rockyrama (à l'exception de ceux déjà imprimés avant la fin de la relation commerciale qui pourront être écoulés), en tous lieux, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée passé un délai de 5 jours à compter de la signification de la présente décision et supporter l'intégralité des frais inhérents aux retours nécessaires ;
° condamné la SAS Ynnis Editions à :
* communiquer à la SARL Rockyvision les justificatifs certifiés concernant les états de vente, les stocks, ainsi que toutes les factures relatives aux publications des périodiques de la SARL Rockyvision, jusqu'au jour de prononcé de la décision d'appel à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours suivant la signification du jugement ;
* payer à la SARL Rockyvision dans un délai de 15 jours à compter de la communication des justificatifs certifiés 10 % des sommes générées par l'exploitation des monographies, assortie des intérêts de retard au taux légal outre capitalisation des intérêts sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
* restituer à la SARL Rockyvision la somme 19279,63 euros versée en exécution de l'ordonnance du 31 août 2020 du tribunal de commerce de Lyon, annulée par l'arrêt de la cour d'appel du 3 novembre 202 ;
condamné la SARL Rockyvision à verser à la SAS Ynnis Editions la somme de 26 209,52 euros au titre des exemplaires vendus en ligne du 1er septembre 2018 au 28 février 2020 ;
donné acte à la SARL Rockyvision de ce qu'elle verserait à la SAS Ynnis Editions - sous réserve des compensations qui pourraient s'opérer - 60% HT du prix de vente public des magazines Rockyrama imprimés par la SAS Ynnis Editions et vendus en ligne par la SARL Rockyvision à compter du mois d'octobre 2018 jusqu'à la date de la décision à intervenir pour les ventes réalisées, et tous les trois mois pour les ventes qui seraient réalisées après la décision et ce, jusqu'à épuisement des stocks ;
ordonné la compensation des créances réciproques ;
condamné la SAS Ynnis Editions à payer à la SARL Rockyvision la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SAS Ynnis Editions aux entiers dépens ;
- d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 14 décembre 2022, mais seulement en ce qu'il a :
débouté la SARL Rockyvision de sa demande tendant à voir condamner la SAS Ynnis Editions à lui verser les sommes de :
* 40 000 euros au titre de la réticence abusive ;
* 80 000 euros à défaut de communication des informations certifiées concernant les états de vente, les stocks, ainsi que toutes les factures relatives aux publications des périodiques de la SARL Rockyvision, depuis le 1er mars 2020 jusqu'au jour de prononcé de la décision dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision, à raison de l'exploitation des biographies depuis 2015 ;
* 64 259 euros au titre des frais exposés au cours de l'année 2019 ;
- et statuant à nouveau, à titre principal, de :
° condamner la SAS Ynnis Editions à payer à la SARL Rockyvision la somme de 64 259 euros au titre des frais exposés indument au cours de l'année 2019 ;
° condamner la SAS Ynnis Editions à payer dans un délai de 15 jours à compter de la c ommunication les justificatifs certifiés par un expert-comptable indépendant, concernant les états de vente, les stocks, ainsi que toutes les factures relatives aux publications des périodiques et monographies de la SARL Rockyvision, depuis le 1er mars 2020 et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, 10 % des sommes générées par l'exploitation des monographies, assortie des intérêts de retard au taux légal majoré de 2 % avec capitalisation des intérêts et majorée d'une indemnité de 40 000 euros au titre de la résistance abusive ;
° condamner, à défaut de communication de ces éléments dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision, la SAS Ynnis Editions à payer une somme de 80 000 euros à la SARL Rockyvision à raison de l'exploitation des monographies depuis 2015.
- en tout état de cause, de :
° débouter la SAS Ynnis Editions de l'ensemble de ses demandes ;
° condamner la SAS Ynnis Editions à verser la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
° condamner la SAS Ynnis Editions aux entiers dépens de l'instance ;
- subsidiairement, si la Cour devait infirmer le jugement sur la rupture non fautive de la relation commerciale, de débouter la SAS Ynnis Editions de l'ensemble de ses demandes indemnitaires formées à quelque titre que ce soit, ou à tout le moins, de ramener le montant de l'indemnité sollicitée et le montant des sommes exigées par la SAS Ynnis Editions , toutes sommes confondues, à 1 euro symbolique au regard des spécificités de l'espèce et en tout état de cause, fixer cette somme au passif de la SARL Rockyvision.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise ainsi qu'aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2024. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.
MOTIVATION
A titre liminaire, la Cour rappelle que, en vertu des dispositions des articles L631-14, L 622-22 et L 622-7 du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce le redressement judiciaire :
- interrompt les instances en cours jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L 625-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ;
- emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes, ainsi que toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L 622-17, tout acte ou tout paiement passé en violation de ces dispositions étant annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public. La déclaration de créance étant le corollaire de l'interdiction des actions en paiement, l'obligation de déclarer sa créance ne concerne, en application de l'article L 622-21§I du code de commerce, que les actions " tendant ['] à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent [' ou] à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ".
Aussi, les demandes de la SAS Ynnis Editions, dont il n'est pas contesté qu'elle a régulièrement déclaré ses créances, ne peuvent porter, pour celles relatives à des créances antérieures au jugement d'ouverture, sur la condamnation au paiement de la SARL Rockyvision mais exclusivement sur la constatation éventuelle de ses créances et la fixation corrélative de leur montant au passif de cette dernière. Les créances nées postérieurement au jugement arrêtant le plan de redressement sont en revanche soumises au droit commun et doivent être payées à leur échéance.
Par ailleurs, la Cour constate que, à défaut d'appel principal ou incident, au sens des articles 548 et 551 du code de procédure civile, portant sur la demande de la SARL Rockyvision de condamnation de la SAS Ynnis Editions à lui verser les sommes encaissées au titre des abonnements aux numéros 28 à 30 du magazine Rockyrama, le jugement est définitif de ce chef non dévolu en vertu de l'article 562 du même code.
Enfin, la Cour relève que, bien qu'elle évoque un contrat d'édition d'un jeu de société intitulé Rockyrama Quizz conclu le 1er septembre 2018 (pages 6 et 12 de ses écritures et sa pièce 27), la SAS Ynnis Editions ne forme aucune demande le concernant, son évocation servant exclusivement la caractérisation des relations commerciales établies.
1°) Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Moyens des parties
Au soutien de ses prétentions, la SAS Ynnis Editions explique, au visa des articles L 442-1 II du code de commerce et 1226 du code civil, qu'elle a entretenu à compter de 2013 avec la SARL Rockyvision des relations d'affaires continues ayant porté sur la publication de 54 numéros et la création d'un jeu de société, un calendrier éditorial étant en outre fixé pour couvrir les publications de l'année 2020 au jour de la notification le 6 mai 2020 de la rupture du partenariat sans préavis, malgré l'absence de toute faute qui lui était imputée. Soulignant de ce fait la brutalité de la cessation des relations commerciales alors que des négociations sur une séparation amiable étaient en cours, elle estime qu'elle avait droit à un préavis de 8 mois permettant le respect du calendrier fixé et la publication des numéros d'avril à décembre 2020. Elle fixe son préjudice à la somme de 44 856 euros en s'appuyant sur sa marge commerciale brute de l'année 2019 (5 607 euros par publication).
Critiquant plus spécifiquement les termes du jugement entrepris, elle conteste les fautes qui lui ont été tardivement reprochées sans la moindre mise en demeure préalable à la rupture. Elle nie ainsi toute tentative de débauchage en précisant que le courriel du 4 mai 2020 n'exprimait qu'un simple conseil personnel et amical formulé en réponse aux craintes de monsieur [B] [T] sur l'avenir du magazine. Elle ajoute avoir communiqué les 15 octobre 2019 et 24 janvier 2020 les relevés de vente relatifs aux huit monographies en débat, à l'exclusion des magazines qui faisaient l'objet d'un paiement forfaitaire, documents qui ont permis à la SARL Rockyvision de chiffrer le 27 avril 2020 ses redevances assises sur les ventes réalisées, peu important de ce fait les griefs artificiels opposés par cette dernière. Elle explique en outre que les retards de paiement constatés en 2017 et soldés en 2018 ne peuvent, comme les plaintes de clients relevées entre 2014 et 2017, fonder la rupture de 2020. Elle expose enfin que l'échec des négociations en 2019 n'ont pas fait obstacle à la poursuite des relations et que l'éventuelle prévisibilité de la rupture n'est juridiquement pas de nature à dispenser la SARL Rockyvision de son obligation de lui notifier un préavis écrit.
En réponse, la SARL Rockyvision prise en la personne des organes de la procédure collective, qui souligne l'inapplicabilité de l'article 1226 du code civil à la demande de la SAS Ynnis Editions faute de contrat-cadre conclu entre les parties, explique que la rupture des relations commerciales était prévisible depuis les négociations entamées début octobre 2019, la cessation de tout partenariat étant clairement envisagée à raison de ses conditions économiques désavantageuses et des propositions irréalistes de la SAS Ynnis Editions, qui refusait de surcroît de revoir les conditions financières relatives à la distribution des futurs numéros. Elle ajoute que la SAS Ynnis Editions a commis des fautes graves qui, prises isolément ou combinées entre elles, fondaient la cessation immédiate des relations, peu important qu'elles n'aient pas été spécifiquement visées dans le courrier la notifiant. Ainsi, elle lui impute, outre des manquements répétés affectant la publication et la diffusion des magazines, un défaut de reddition de comptes entre 2015 et octobre 2019 alors que ses redevances étaient assises sur le montant des ventes des monographies (10 %). Elle précise à cet égard que le document non certifié communiqué le 15 octobre 2019 ne constitue pas une reddition de comptes fiable, des éléments étant dissimulés et des données étant contradictoires ou erronées (nombre d'exemplaires livrés supérieur à celui des tirages, nombre d'exemplaires vendus supérieur à celui des livraisons, exemplaires manquants, état des stocks infidèle, marge décorrélée du prix de vente et du nombre de tirages). Elle indique que ces carences n'ont pas été comblées par le relevé du distributeur Hachette transmis le 24 janvier 2020 et que, malgré sa tentative d'extrapolation du 27 avril 2020, elle n'a pu facturer ses redevances, la SAS Ynnis Editions se refusant à communiquer une reddition de comptes certifiée par un expert-comptable, y compris pour la période postérieure au 1er mars 2020 en violation du jugement entrepris. Elle dénonce également des "retards incessants " dans le paiement de ses factures par la SAS Ynnis Editions qui ont entrainé des décalages de paiement en 2018 et 2019 et qui ont généré d'importantes difficultés de trésorerie la contraignant à souscrire des prêts bancaires (50 000 euros le 14 février 2017 et 150 000 euros le 6 février 2019). Elle reproche enfin à la SAS Ynnis Editions une tentative de débauchage de monsieur [B] [T] et de deux autres salariés le 4 mai 2020 qui, commise parallèlement à un dépôt frauduleux de la marque "ROCKYRAMA", a précipité la fin des relations.
Subsidiairement, elle précise que le magazine Rockyrama n'était ni l'unique publication ni le produit phare de la SAS Ynnis Editions qui ne démontre pas être en situation de dépendance économique et avoir réalisé des investissements spécifiques à la relation commerciale. Elle ajoute que le calendrier éditorial que la SAS Ynnis Editions oppose, qui résulte de versions tardives et contradictoires, est inexistant. Elle conteste enfin tant le principe du préjudice allégué que ses modalités de calcul, la marge brute n'étant pas prouvée.
Réponse de la cour
a) Sur le cadre juridique de l'action
Conformément aux articles 12 et 16 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer dans le respect du principe de la contradiction leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
La SAS Ynnis Editions explique agir en réparation du préjudice causé par la rupture brutale des relations commerciales établies et vise exclusivement l'article L 442-1 II du code de commerce dans la première partie de ses développements (§III-1) conclue par une demande indemnitaire assise sur la " marge perdue sur la période de préavis de huit mois non effectué ", soit, hors approximations sur la notion de marge et sur ses modalités de calcul, une prétention conforme au cadre juridique proposé. Toutefois, elle invoque dans sa " critique du dispositif du jugement " l'article 1226 du code civil qui régit les modalités et les conséquences de la résolution unilatérale du contrat pour faute, pour notamment opposer à la SARL Rockyvision l'absence de toute mise en demeure préalable et l'inexistence de tout délai de régularisation qui lui aurait été accordé.
Cependant, les régimes juridiques de la rupture des relations commerciales et de la résolution d'une convention sont distincts, la première relevant en droit interne de la responsabilité délictuelle (en ce sens, Com., 13 janvier 2009, n° 08-13.971) tandis que la seconde ressort de la responsabilité contractuelle de son auteur. Or, en vertu des dispositions combinées des articles 1134, 1147 et 1382 (devenus 1103, 1231 et suivants et 1240) du code civil, la responsabilité délictuelle ne peut pas régir les rapports contractuels entre les parties. Celles-ci ne disposent ni d'une option entre ces deux régimes de responsabilité, l'existence d'une faute commise dans l'exécution d'un contrat imposant la mise en 'uvre exclusive de la responsabilité contractuelle de son auteur qui à l'inverse ne régit pas les relations hors convention, ni, en l'absence d'objet distinct des demandes, d'une possibilité de cumul des actions dont les fondements sont juridiquement incompatibles. De surcroît le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit, exclut la double indemnisation d'un préjudice unique.
Aussi, au regard de la motivation des écritures de la SAS Ynnis Editions ainsi que de la nature du préjudice qu'elle invoque, qui est celui propre à l'article L 442-1 II du code de commerce et qui est sans rapport avec celui visé par les articles 1147 et suivants (devenus 1231-1 et suivants) du code civil, seul le premier de ces textes régit son action, tout cumul de ces actions qui ont le même objet étant quoi qu'il en soit proscrit à peine d'irrecevabilité (en ce sens, Com. 4 décembre 2019, n° 17-20.032).
b) Sur le bienfondé de l'action
En application de l'article L 442-1 II du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels, et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois. Ces dispositions ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
- Sur les caractéristiques des relations commerciales
Au sens de ce texte, la relation, notion propre du droit des pratiques restrictives de concurrence qui n'implique aucun contrat (en ce sens, Com., 9 mars 2010, n° 09-10.216) et n'est soumise à aucun formalisme quoiqu'une convention ou une succession d'accords poursuivant un objectif commun puisse la caractériser, peut se satisfaire d'un simple courant d'affaires, sa nature commerciale étant entendue plus largement que la commercialité des articles L 110-1 et suivants du code de commerce comme la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service (en ce sens, Com., 23 avril 2003, n° 01-11.664). Elle est établie dès lors qu'elle présente un caractère suivi, stable et habituel laissant entendre à la victime de la rupture qu'elle pouvait raisonnablement anticiper, pour l'avenir, une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial (en ce sens, Com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200 qui évoque " la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale " et Com., 11 janvier 2023, n° 21-18.299, qui souligne l'importance pour la victime de démontrer la légitimité de sa croyance dans la pérennité des relations). La poursuite de la relation par une personne distincte de celle qui l'a nouée initialement ne fait pas obstacle à sa stabilité en présence d'une transmission universelle de patrimoine et, à défaut, si des éléments démontrent que la commune intention des parties était de continuer la même relation (en ce sens, Com., 10 février 2021, n° 19-15.369).
Les parties s'accordent sur l'existence d'une relation commerciale établie débutée en 2013. Elles ont ainsi publié et diffusé une cinquantaine de magazines, monographies et hors-série entre le 26 juin 2013, date de la publication commune du premier numéro du magazine Rockyrama, et le mois de mai 2020, date de la notification de la rupture définitive et immédiate des relations commerciales. Ces relations n'étaient encadrées par aucun contrat écrit.
- Sur l'imputabilité de la rupture des relations et la détermination du préavis suffisant
L'article L 442-1 II du code de commerce sanctionne non la rupture, qui doit néanmoins être imputable à l'agent économique à qui elle est reprochée, mais sa brutalité qui résulte de l'absence de préavis écrit ou de préavis suffisant. Celui-ci, qui s'apprécie au moment de la notification ou de la matérialisation de la rupture, s'entend du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement en bénéficiant, sauf circonstances particulières, d'un maintien des conditions antérieures (en ce sens, Com., 10 février 2015, n° 13-26.414), les éléments postérieurs ne pouvant être pris en compte pour déterminer sa durée (en ce sens, Com, 1er juin 2022, n° 20-18960). Les critères pertinents sont notamment l'ancienneté des relations et les usages commerciaux, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, l'éventuelle exclusivité des relations et la spécificité du marché et des produits et services en cause ainsi que tout obstacle économique ou juridique à la reconversion. En revanche, le comportement des partenaires consécutivement à la rupture est sans pertinence pour apprécier la suffisance du préavis accordé. La rupture peut être totale ou partielle, la relation commerciale devant dans ce dernier cas être modifiée substantiellement (en ce sens, Com. 31 mars 2016, n° 14-11.329 ; Com 20 novembre 2019, n° 18-11.966).
Au regard de la fonction du préavis, la date d'appréciation de la suffisance de sa durée est celle de sa matérialisation concrète dans le tarissement du flux d'affaires ou de la notification de la rupture, qui correspond à l'annonce faite par un cocontractant à l'autre de sa volonté univoque de cesser la relation à une date déterminée, seule information qui peut permettre au partenaire délaissé de se projeter et d'organiser son redéploiement ou sa reconversion en disposant de la visibilité indispensable à toute anticipation.
A cet égard, il est exact que la réunion organisée en octobre 2019 portait sur la redéfinition des modalités de collaboration des parties et engageait le principe même de sa poursuite, la SARL Rockyvision, qui estimait sa survie menacée par le maintien de conditions financières jugées trop désavantageuses, soulignant depuis le mois d'août 2019 d'importantes difficultés de trésorerie générées par le retard pris de longue date par la SAS Ynnis Editions pour régler ses factures, difficultés aggravées par l'absence de reddition de comptes déplorée depuis septembre 2015 (pièces 9 à 13 de l'intimée). Pour autant, si ces discussions ont pu rendre prévisible la rupture qui n'était néanmoins pas certaine, elles ne dispensaient pas la SARL Rockyvision de notifier par écrit un préavis suffisant pour permettre à la SAS Ynnis Editions d'anticiper sereinement la réduction de son chiffre d'affaires (en ce sens, Com., 6 septembre 2016, n° 14-25.891 : " le caractère prévisible de la rupture d'une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis "). Ce moyen, retenu à tort par le tribunal, est impropre, d'une part, à caractériser une précarisation de la relation et, d'autre part, à en justifier la rupture sans préavis.
Mais, la rupture, quoique brutale, peut être justifiée si elle est causée par une faute suffisamment grave pour fonder la cessation immédiate des relations commerciales (en ce sens, sur le critère de gravité, Com. 27 mars 2019, n° 17-16.548). La faute doit être incompatible avec la poursuite, même temporaire, du partenariat : son appréciation doit être objective, au regard de l'ampleur de l'inexécution et de la nature l'obligation sur laquelle elle porte, mais également subjective, en considération de son impact effectif sur la relation commerciale concrètement appréciée et sur la possibilité de sa poursuite malgré sa commission ainsi que du comportement de chaque partie.
Décidée le 30 avril 2020 parallèlement à l'annonce de pourparlers portant sur la rédaction d'un protocole d'accord de rupture, la cessation des relations a été consommée le 6 mai 2020, sa notification par la voie officielle s'accompagnant d'une nouvelle tentative de règlement amiable de ses conséquences (pièces 14 et 15 de l'intimée). L'absence d'octroi de tout préavis n'a été actée que le 15 mai 2020 à raison de l'échec de cette ultime négociation (pièces 18 et 19 de l'appelante). Aussi, les fautes imputées à la SAS Ynnis Editions doivent être appréciées jusqu'à cette dernière date.
Pour justifier la cessation immédiate des relations, la SARL Rockyvision invoque, outre des manquements répétés qui sont prouvés mais qui, commis entre janvier 2014 et décembre 2017, sont trop anciens pour caractériser une faute grave, qualification subjectivement exclue par sa tolérance prolongée (sa pièce 7), trois séries de manquements résidant dans un défaut de reddition de comptes, dans des retards habituels de paiement et dans une tentative de débauchage de ses salariés.
Sur l'absence de reddition de comptes
En l'absence de contrat écrit, les obligations incombant aux parties sont révélées par leur pratique induite de leurs échanges et des factures produits (pièces 9, 25, 42 et 48 de l'intimée et 3, 29 et 38 de l'appelante) qui établissent que :
- la SAS Ynnis Editions assurait la vente des 'uvres en boutiques physiques. Ainsi, elle percevait la totalité des recettes en contrepartie de l'envoi de 20 exemplaires à la SARL Rockyvision (outre 250 à 300 exemplaires chez le prestataire logistique Coliback) et du paiement d'une somme de forfaitaire couvrant la maquette, le contenu éditorial, la rédaction en chef et la relecture, pour les magazines Rockyrama et Otomo, de 5 310 euros HT pour les numéros courants et de 7 000 euros HT pour les hors-série et, pour les titres Rockyrama Papers, de 1 900 euros HT. Pour les ventes des monographies, elle reversait à la SARL Rockyvision, outre une somme forfaitaire de 6 100 euros HT, 10 % du montant total brut des ventes si l'à-valoir de 1 200 euros préalablement payés était excédé par le versement des droits d'auteur aux contributeurs ;
- la SARL Rockyvision avait la charge des ventes en ligne sur son site internet. La SAS Ynnis Editions lui livrant les exemplaires, elle lui reversait en contrepartie le montant total des ventes déduction faite d'une commission assise sur le prix public de 30 %. Cette dernière est désormais l'objet d'un désaccord entre les parties, la SAS Ynnis Editions estimant que son augmentation à 40 % alléguée par -la SARL Rockyvision n'a été envisagée que pour les besoins des négociations entamées en septembre 2019 et que sa proposition est devenue caduque dès leur échec. Ce point, qui ne concerne pas l'obligation de rendre des comptes de la SAS Ynnis Editions sera examiné infra.
Ainsi, la SAS Ynnis Editions était tenue de rendre compte à la SARL Rockyvision du montant des ventes de monographies pour lui permettre de calculer sa rémunération proportionnelle destinée notamment au paiement des droits d'auteur. Or, alors que cette question animait les discussions des parties depuis septembre 2015, que la SAS Ynnis Editions, régulièrement relancée, ne contestait pas le principe de son obligation (pièce 9 de l'intimée) et que huit monographies ont été publiées durant le partenariat (Vidéo Club, TV Show, Les 51 moments culte, Walt Disney, [D] [H], [X] [F] Part I, [J] [O] et [X] [F] Part II, outre le Guide de Los Angeles), cette dernière n'a communiqué son premier relevé de ventes que le 15 octobre 2019 (sa pièce 29) alors que la rupture était déjà sérieusement envisagée.
Particulièrement tardive, cette communication, qui n'est ni certifiée ni accompagnée de la moindre pièce justificative, recèle des insuffisances et des incohérences qui entachent globalement sa pertinence et sa sincérité. Outre des écarts entre les tirages et les livraisons, que n'éclairent pas les explications non étayées apportées par la SAS Ynnis Editions dans ses écritures, et des informations caviardées, dont le chiffre d'affaires HT qui est pourtant un indicateur important pour le calcul des redevances assises sur le montant des ventes, le tableau fourni comporte des données lacunaires et contradictoires le rendant inintelligible :
- la monographie Vidéo Club, tirée à 3 000 exemplaires, a fait l'objet de 2 511 ventes pour 3 640 livraisons laissant subsister un stock de 249 produits chez Hachette, seul distributeur évoqué (soit un écart de 240) qui est censé avoir réalisé la totalité des ventes, le taux de marge annoncé étant de 102,54 % ;
- le titre TV Show, Les 51 moments culte a été tiré à 3 000 exemplaires. Alors que 1 110 ont été vendus avec un taux de marge négatif de 39,78 %, leur stock chez Hachette, qui en a reçu 2 650, atteint 1 105 produits quoique cet éditeur ait réalisé la totalité des ventes ;
- bien que 3 000 exemplaires de l''uvre Walt Disney aient été fabriqués et 2 200 vendus avec un taux de marge de 12,59 %, le stock est de 41 chez Hachette qui a en reçu 1 560 pour 1 977 ventes, rien n'étant dit sur la commercialisation des 223 exemplaires, vraisemblablement par d'autres canaux ;
- le titre [D] [H] a été tiré à 1 300 exemplaires dont 630 ont été vendus avec une marge négative de 73,23 % exclusivement par Hachette qui en a reçu 1 000 et en conserve néanmoins seulement 55 en stock, aucune explication n'étant fournie pour les 300 exemplaires non livrés et sur leur éventuelle transmission au prestataire logistique Coliback, la pièce 31 " volumétrie des stocks livrés à Rockyvision " communiquée par la SAS Ynnis Editions n'étant pas apte à éclairer la Cour faute de certification et de la moindre pièce justificative la corroborant ;
- le premier volume de l''uvre [X] [F] tirée à 3 000 exemplaires a fait l'objet de 1 375 ventes avec un taux de marge négatif de 20,34 %, celles-ci ayant été intégralement réalisées par le distributeur Hachette qui a en reçu 1 694 et n'en conserve pourtant aucun en stock. Aucune donnée ne concerne le second volume manifestement publié postérieurement à l'édition de ce document ;
- tiré à 3 500 exemplaires, le livre [J] [O] a fait l'objet de 1 856 ventes avec un taux de marge négatif de 6,19 %, exclusivement par Hachette qui en compte 382 dans ses stocks pour 3 000 livraisons ;
- en admettant que la référence " Livre City Pop " corresponde au Guide de Los Angeles, celui-ci a été tiré à 3 000 exemplaires dont 852 ont été vendus avec un taux de marge négatif de 26,86 %, le distributeur Hachette, livré à hauteur de 2 400 ouvrages, étant l'auteur de 819 cessions et en conservant 835 en stock, rien n'étant à nouveau dit sur les éventuels autres canaux de distribution.
Et, les tableaux de vente du distributeur Hachette communiqué le 24 janvier 2020 (pièce 36 de l'appelante), qui ne fait l'objet d'aucune analyse des parties, n'est pas de nature à combler les lacunes de cette pièce, ne serait-ce qu'en ce que ses données induisent l'existence d'autres canaux de distribution. Aussi, la proposition de facturation effectuée le 27 avril 2020 par la SARL Rockyvision qui n'arrivait pas à obtenir les informations qu'elle réclamait, la SAS Ynnis Editions lui opposant son " manque de temps et de moyens ", ne peut s'analyser en une validation des données transmises (pièces 30 de l'intimée et 32 de l'appelante), aucune facture n'ayant d'ailleurs été émise et la SAS Ynnis Editions n'ayant réglé aucune somme à ce titre. Outre le fait qu'elle n'a aucune incidence sur la caractérisation de la faute antérieure à la notification de la rupture, la communication effectuée le 7 mars 2022 en exécution du jugement entrepris est également très insuffisante pour pallier la carence de la SAS Ynnis Editions (pièces 52 et 53 de l'intimée), la certification annoncée n'en étant à l'évidence pas une puisqu'elle est opérée par un de ses salariés ou par son dirigeant.
Cette opacité persistante caractérise une violation par la SAS Ynnis Editions, qui dispose pourtant de tous les éléments nécessaires à son respect, de son obligation élémentaire autant qu'essentielle de reddition de comptes et de paiement des sommes qui sont dues à la SARL Rockyvision dont elle reconnaît le principe de la créance. Cette faute est d'autant plus grave qu'elle affecte directement l'aptitude de cette dernière à s'acquitter des droits d'auteur qu'elle doit à ses contributeurs dont la participation conditionne l'existence même de ses monographies. Elle justifiait à elle seule la rupture sans préavis des relations commerciales établies.
Sur les retards de paiement
La SARL Rockyvision prouve la réalité, à compter de 2017, de retards de paiement importants imputables à la SAS Ynnis Editions générant une dette glissante oscillant entre 20 000 et près de 46 000 euros (pièce 8 et de l'appelante). Néanmoins, omniprésente jusqu'en janvier 2019, cette question disparaît des échanges postérieurs, signe que, au jour de la notification de la rupture en mai 2020, la faute, qui n'avait pas fait obstacle à la poursuite des relations à défaut d'être réellement tolérée, avait cessé et que la situation était régularisée.
Aussi, ce manquement n'était pas de nature à fonder une rupture immédiate en mai 2020.
Sur la tentative de débauchage
Alors que l'échec des négociations cruciales pour la poursuite des relations entre la SARL Rockyvision et la SAS Ynnis Editions venait d'être annoncé par la première le 30 avril 2020, le président de la seconde écrivait à monsieur [B] [T] le 4 mai 2020 le message suivant, intitulé " Point de vue personnel " (pièce 17 de l'intimée) :
Bonjour [B],
Je devrai (sic) pas le dire mais je vais l'écrire quand même... Ceci est un conseil d'ami que je ne pourrai (sic) pas faire dans un cadre professionnel parce que pour le coup ce ne serait pas à ma place (et je ne permettrai (sic) pas de le faire dans le cadre d'une relation professionnelle).
Si tu es vraiment préoccupé par :
ton emploi à long terme dans Rockyrama,
l'avenir de l'édition (parce que ce qui t'intéresse c'est l'éditorial et pas le reste)
travailler avec des gens humains (bon j'avoue ça c'est moi qui le rajoute mais je comprend (sic) pas comment quelqu'un comme toi peut travailler avec eux)
Tu pars avec la revue (en trouvant un arrangement avec la société) et tu viens travailler pour nous avec un programme éditorial, et en plus on ouvre un lieu en 2021 (ou en tous cas on essaye si on le trouve, mais m'est avis qu'avec le COVID il va y avoir pas mal de fermetures).
Pour ton maquettiste tu le paye (sic) en freelance, pour [W] elle peut venir avec toi.
Après, je suis pas sûr de tes motivations personnelles, je dis ce que j'en ai compris. Mais tu devrais sincèrement réfléchir. Parce que je comprend (sic) bien que le prêt COVID de 200 kEUR va vous permettre de lancer l'auto-édition mais la perfusion ne durera qu'un temps ['].
Ce message suit un échange entre monsieur [I] [P] et monsieur [B] [T] qui portait, en dépit du caractère personnel de la relation qu'ils entretenaient ainsi que l'induit le ton employé, sur les désaccords économiques et juridiques évoqués depuis septembre 2019 et sur le maintien des relations commerciales nouées entre les sociétés qu'ils dirigent (pièce 30 de l'appelante). Aussi, il importe peu que le propos soit présenté sous le jour d'un conseil amical, le contexte de son énonciation privant de toute pertinence la dissociation artificiellement opérée entre vies professionnelle et privée, mêlées depuis l'origine, et son objet étant clairement de débaucher le gérant de la SARL Rockyvision ainsi que deux salariés, dont son directeur artistique, soit des personnels indispensables à la poursuite de son activité et à sa survie. Cette analyse est confortée par le fait que cette démarche s'inscrit dans une tentative plus large de déstabilisation de la SARL Rockyvision : la SAS Ynnis Editions a déposé le 29 avril 2020, soit le jour de l'échange houleux ayant fondé l'annonce de la rupture des relations commerciales, une demande d'enregistrement de la marque française verbale " Rockyrama " pour désigner des produits et services certes distincts de ceux couverts par les marques de la SARL Rockyvision mais, à l'évidence, pour faire obstacle à l'exploitation ancienne, dont elle avait connaissance, de produits dérivés sous les signes constituant ces dernières (pièces 22 et 23 de l'intimée).
Le fait que monsieur [B] [T] ait renoncé à invoquer ce courriel dans le cadre de la poursuite des négociations ou lors de la notification de la rupture tout en le conservant dans l'hypothèse d'une judiciarisation du conflit (même pièce : " on s'en sert que si on se retrouve au tribunal ") n'ôte en rien à cette faute sa particulière gravité, la perte définitive de toute confiance en son partenaire faisant irrémédiablement obstacle à la poursuite, même temporaire, de la collaboration. De fait, alors que le courrier du 30 avril 2020 actait le principe d'une rupture dont les modalités demeuraient à définir amiablement (pièce 14 de l'intimée déjà citée), ce n'est que le 6 mai 2020 que la cessation des relations était consommée (pièce 15 de l'intimée), l'absence d'octroi d'un préavis étant pour sa part annoncée le 15 mai 2020 après échec des négociations finales (pièce 19 de l'intimée).
En conséquence, au regard des deux fautes graves retenues, qui fondaient la rupture sans préavis combinées entre elles ou prises isolément, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la SAS Ynnis Editions au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.
2°) Sur les manquements contractuels
Moyens des parties
Au soutien de ses prétentions, la SAS Ynnis Editions expose qu'elle était liée à la SARL Rockyvision par un contrat tacite à durée indéterminée et que, au jour de la rupture, le planning éditorial pour la campagne d'édition de juin 2020 à décembre 2020 était, comme il était d'usage, arrêté de longue date. Elle précise qu'il portait sur la parution de 8 numéros (en juin, Rockyrama n° 27 Christopher Nolan ; en juillet, Rockyrama Otomo n° 5, en septembre - Rockyrama n° 28 Sofia Coppola et Rockyrama Papers n° 5 James Bond ; en novembre, Rockyrama Livre New York 1999 et Rockyrama Papers n° 6 Les Dents de la Mer ; en décembre, Rockyrama n° 29 et Rockyrama Video Club 2 Les 101 Blockbusters), sur une opération générale de remise en vente prévue en fin d'année 2020 impliquant des retirages d'anciens numéros épuisés et sur la réimpression de 2 000 exemplaires de chacun des hors-série du magazine OTOMO n° 1, 2 et 3 planifiée pour le mois de juillet 2020. Elle indique avoir accompli les démarches administratives et commerciales nécessaires à son respect et avoir préparé la mise en fabrication des numéros à venir. Elle en déduit que la SARL Rockyvision a commis une faute contractuelle en ne procédant pas à l'exécution " des prestations convenues entre les parties et résultant des usages de la profession comme des contraintes matérielles liées à la production ", faute aggravée par le fait qu'elle l'a maintenue sciemment dans l'illusion que les relations se poursuivraient. Elle estime que cette faute lui cause :
- un préjudice économique résidant dans les frais de commercialisation et de préparation de la fabrication (2 500 euros HT), le montant des commandes de papier (7 120 euros HT), les coûts de réglage (1 899 euros HT), le remboursement des abonnements souscrits en vain (2 808,06 euros) et les " surcoûts opérationnels liés à la recherche immédiate de nouveaux marchés dans un contexte de crise sanitaire pour combler la perte de chiffre induite par la rupture (45 000 euros) ;
- un préjudice d'image lié notamment à la communication de la SARL Rockyvision sur la reprise exclusive de l'édition des titres du label Rockyrama (30 000 euros).
En réponse, la SARL Rockyvision expose que les demandes de la SAS Ynnis Editions sont irrecevables en ce que les fautes alléguées sont identiques à celles soulevées au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et que le préjudice dont la réparation est poursuivie est le même. Subsidiairement, elle soutient qu'aucun accord de volonté ne portait sur la publication des huit titres litigieux qui étaient compris dans les négociations infructueuses entamées en octobre 2019, les parties n'ayant défini ni le prix ni les modalités d'exécution des prestations. Elle précise ainsi que la liste des publications opposées par la SAS Ynnis Editions était une base de discussions et que les calendriers, fréquemment remaniés, n'étaient envisagés qu'à titre indicatif.
Réponse de la Cour
En application de son article 9, les dispositions de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016, les contrats conclus avant cette date demeurant soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public.
Quoiqu'elle demeure vague sur le périmètre, notamment temporel, du contrat qu'elle invoque, la SAS Ynnis Editions s'appuie sur " accord de partenariat éditorial " à durée indéterminée qu'elle fait débuter en 2013 (pages 5 et 21 de ses écritures et son évocation de sa pièce 29 qui décrit les relations depuis l'origine). Elle prétend que cette convention est complétée depuis l'origine par un contrat de dépôt-vente propre à l'activité de ventes en ligne (page 28 de ses écritures). Aussi, contrairement à ce qu'elle soutient et faute pour elle d'alléguer et de prouver l'existence d'un contrat distinct conclu ultérieurement, notamment lors des négociations entamées en 2019, les dispositions applicables à ses demandes sont celles antérieures à la réforme du 10 février 2016, le contrat portant sur l'édition d'un jeu de société n'étant pour sa part l'objet d'aucune prétention.
- Sur la recevabilité de l'action
En application des articles 122 et 123 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, cette liste n'étant pas limitative. Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Le principe déjà défini de non-option entre responsabilités contractuelle et délictuelle, qui implique également leur non-cumul, fondé sur les dispositions combinées des articles 1134, 1147 et 1382 (devenus 1103, 1231 et suivants et 1240) du code civil, interdit au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle. Cependant, il n'exclut pas, à la condition que les préjudices invoqués soient distincts et individualisés et que les demandes indemnitaires soient divisées (en ce sens, Com. 4 déc. 2019, n° 17-20.032), la présentation d'une demande distincte fondée sur l'article L 442-1 du code de commerce qui tend à la réparation d'un préjudice résultant non pas d'un manquement contractuel mais de la rupture brutale d'une relation commerciale établie (en ce sens, Com., 24 octobre 2018, n° 17-25.672).
Au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, la SAS Ynnis Editions sollicite l'indemnisation d'un préjudice consistant en la perte de sa marge commerciale brute pendant huit mois (44 856 euros à raison de huit publications prévues et non réalisées en 2020). Sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la SARL Rockyvision, elle poursuit la réparation d'un préjudice d'image ainsi que d'un préjudice économique résidant dans les frais de commercialisation et de préparation de la fabrication des magazines, dans le montant des commandes de papier, dans les coûts de réglage, dans le remboursement des abonnements souscrits en vain et dans les " surcoûts opérationnels liés à la recherche immédiate de nouveaux marchés dans un contexte de crise sanitaire pour combler la perte de chiffre induite par la rupture " (89 000 euros au total).
Aussi, bien que la faute alléguée réside également dans "une rupture immédiate des relations commerciales" et que le dommage consiste en l'impossibilité de publier les ouvrages objet d'un planning contractualisé et soit ainsi très voisin de celui dont la réparation était recherchée en application de l'article L 442-1 II du code de commerce, les préjudices en cause, pris en leurs modalités de détermination et d'évaluation, sont nettement distincts.
En conséquence, cette demande est recevable et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
- Sur le bienfondé de l'action
Conformément aux articles 12 et 16 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer dans le respect du principe de la contradiction leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
En application des articles 1101 et 1108 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention : le consentement de la partie qui s'oblige, sa capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l'engagement et une cause licite dans l'obligation.
Et, conformément à l'article 1134 du code civil (devenu 1103), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi. Et, en vertu des dispositions des articles 1147, 1149 et 1150 du code civil (devenus 1231-1 à 3), le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n'étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.
Il est désormais établi que, dans le cadre de leurs relations commerciales, la SAS Ynnis Editions assurait la vente des 'uvres en boutiques physiques. Elle percevait à ce titre la totalité des recettes en contrepartie de l'envoi d'exemplaires à la SARL Rockyvision et à son prestataire logistique Coliback et du paiement d'une somme de forfaitaire pour les magazines Rockyrama (numéros courants et hors-série), Otomo et Rockyrama Papers. Pour les ventes des monographies, elle reversait à la SARL Rockyvision, outre une somme forfaitaire de 6 100 euros HT, 10 % du montant total brut des ventes si l'à-valoir de 1 200 euros préalablement payé était excédé par le versement des droits d'auteur aux contributeurs. La SARL Rockyvision réalisait pour sa part les ventes en ligne sur son site internet. A ce titre, la SAS Ynnis Editions lui livrant les exemplaires, elle lui reversait en contrepartie le montant total des ventes déduction d'une commission assise sur le prix public de 30 % dont la SARL Rockyvision soutient qu'elle a été portée à 40 % (cf. infra).
Ainsi, les parties se sont accordées sur des prestations déterminées (fabrication d'exemplaires et diffusion) et sur leur prix, la rencontre de leurs volontés s'étant matériellement traduite par une exécution réciproque, en dépit de l'allégation de violations qui confirme la réalité des obligations qui en sont l'objet, et continue de ces dernières. Elles ont ainsi conclu une convention qui, en l'absence de toute cession de droits d'auteur, n'est pas un contrat d'édition au sens des articles L 132-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle et n'a pas, en vertu du principe du consensualisme, à être écrite. Elle s'analyse en un contrat de louage d'ouvrage au sens de l'article 1710 du code civil, et plus précisément en un contrat d'entreprise.
Ce contrat comprenait néanmoins une adaptation spécifique pour les ventes en ligne assurées par la SARL Rockyvision. La qualification de dépôt-vente soutenue par la SAS Ynnis Editions, qu'aucun écrit n'étaye, est contredite par la pratique des parties : si elle remettait à la SARL Rockyvision les exemplaires fabriqués, elle n'en a jamais sollicité la restitution durant les sept années de relations commerciales malgré l'absence de paiement qu'elle soulève, indice grave, non utilement combattu, de l'inexistence d'une obligation de restitution ou d'une faculté de reprise qui n'est d'ailleurs pas évoquée dans le récapitulatif de la relation fait dans son courriel du 15 octobre 2019 (sa pièce 29). La SARL Rockyvision agissait en outre en toute autonomie pour son propre compte et non en représentation de la SAS Ynnis Editions. Cette dernière ne démontre ainsi pas l'existence de la combinaison d'un dépôt, même avec obligation de vendre et non garder la chose pour la restituer, et d'un mandat de commercialisation au sens des articles 1915 et 1984 du code civil. Les usages des parties révèlent par ailleurs que la remise des exemplaires ne traduisait pas l'exécution d'une vente conditionnelle : elle n'était pas subordonnée à leur revente ou à la réalisation d'objectifs. Cet accord de volonté portait ainsi exclusivement sur une cession définitive au sens de l'article 1582 du code civil dont le prix à paiement différé, déterminable au sens de l'article 1591 du code civil, était fixé précisément, objectivement et préalablement à un pourcentage du montant des ventes, la SAS Ynnis Editions ne bénéficiant ni d'une réserve de propriété ni d'un droit à restitution des invendus et supportant le risque de l'insuffisance des ventes.
La caractérisation de ces contrats atypiques n'induit pas pour autant la réalité de l'accord qu'invoque la SAS Ynnis Editions sur le planning éditorial pour la campagne d'édition du second semestre 2020, aucun planning antérieur, qu'il résulte d'un acte spécifique ou qu'il soit révélé par les échanges entre les parties, n'éclairant la Cour sur la pratique des parties sur ce point. Pour l'établir, la SAS Ynnis Editions produit, outre un document établi par ses soins et de ce fait sans force probante (sa pièce 45) :
- des courriels échangés entre le 24 avril et le 7 mai 2020 évoquant les conditions de lancement de l'impression des magazines Otomo n° 5 et Rockyrama n° 27 en mai 2020, la SARL Rockyvision annonçant que le premier ne serait pas prêt à la date proposée, ainsi que le recueil d'informations nécessaires à la présentation du titre Rockyrama 29 et de la monographie New-York 1997 (ses pièces 17 et 44). Ces éléments prouvent non un accord de volontés mais des projections assises sur des données indicatives sujettes à discussion et à évolution ;
- la correspondance des 4 et 5 mai 2020 des dirigeants des parties relative à la rupture de la relation commerciale qui ne révèle aucune confirmation par monsieur [B] [T], même tacite, d'un planning arrêté par les parties, monsieur [I] [P] se contentant d'affirmer sa volonté de maintenir ses " engagements de publications (sic) pris jusqu'à la fin de l'année " et attendre une proposition de rupture amiable (sa pièce 30).
Par-delà leur imprécision, ces échanges, qui ne définissent aucun calendrier clairement déterminé, s'inscrivent dans les négociations menées depuis septembre 2019 portant sur les conditions de possibilité de la poursuite des relations, cadre de discussion qui rendait éminemment précaire tout projet en l'absence d'accord des parties sur les modalités de maintien de leur partenariat. De fait, la SAS Ynnis Editions ne peut tout à la fois prétendre que les parties avaient arrêté un planning éditorial ferme alors qu'elle reconnaît, notamment pour faire obstacle à la majoration de 10 % de la commission de la SARL Rockyvision pour les ventes en ligne, que les propositions faites dans le cadre de ces négociations d'ensemble n'avaient de sens que dans la perspective de la continuation de la collaboration (page 28 de ses écritures).
Ainsi, la SAS Ynnis Editions ne prouve pas la réalité des obligations dont elle impute la violation à la SARL Rockyvision.
Enfin, à supposer celles-ci établies, les fautes graves imputables à la SAS Ynnis Editions caractérisées dans le cadre de l'examen de sa demande fondée sur l'article L 442-1 II du code de commerce le sont également au titre de la rupture du contrat conclu avec la SARL Rockyvision qui était libre d'y mettre immédiatement un terme en vertu du principe désormais encadré par l'article 1226 du code civil, mais antérieurement acquis en droit positif (en ce sens, Com., 1er octobre 2013, n° 12-20.830, et 6 décembre 2016, n° 15-12981), selon lequel la gravité du comportement d'une partie à un contrat à durée indéterminée ou déterminée peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle (en ce sens, sur ce dernier point, 3ème Civ., 8 février 2018, n° 16-24.641).
Dans de telles circonstances, le fait que la SAS Ynnis Editions ait réalisé des démarches pour permettre la publication et la diffusion des magazines et monographies entre juin et décembre 2020 (ses pièces 16, 18 à 20 et 46, sa pièce 21 n'étant ni certifiée ni étayée) ne traduit pas l'existence d'un accord de volontés mais une anticipation hasardeuse opérée à ses risques et périls.
En conséquence, en l'absence de faute prouvée imputable à la SARL Rockyvision, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la SAS Ynnis Editions à ce titre.
3°) Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Moyens des parties
Au soutien de ses prétentions, la SAS Ynnis Editions expose que la SARL Rockyvision a, dès la rupture, réalisé de multiples démarches visant à profiter à son seul bénéfice de l'ensemble des investissements qu'elle avait réalisés au cours des sept années de collaboration. Elle lui reproche ainsi d'avoir :
- lancé le 19 mai 2020, en se présentant publiquement comme l'éditeur exclusif des futurs titres du magazine en numérotation continue, dont les numéros 27 et 28 déjà promus et commercialisés en prévente par ses soins, une campagne massive de financement participatif intitulée " Rockyrama Magic Cinema " et hébergée par la société Kisskissbankbank pour permettre le développement de son activité d'édition du titre Rockyrama. Elle ajoute que la SARL Rockyvision a promu sa démarche en utilisant des contenus et des couvertures des anciens numéros, comportement de nature à provoquer une confusion dans l'esprit du public ;
- profité des investissements engagés dès 2013 pour s'approprier sans bourse délier les fruits de son travail dès que le titre est devenu rentable, peu avant la parution de son bestseller.
Elle estime que ces agissements lui ont causé un préjudice égal au montant des 887 abonnements "écoulés " via la plateforme Kisskissbankbank pour un chiffre d'affaires de 58 400 euros.
En réponse, la SARL Rockyvision oppose à la SAS Ynnis Editions l'irrecevabilité de ses demandes qui tendent à la réparation du même préjudice que celui allégué au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et de la responsabilité contractuelle. Subsidiairement, elle souligne que le recours au financement participatif était rendu nécessaire par les retards et les défauts de paiement imputables à la SAS Ynnis Editions et expose que cette dernière ne démontre pas les investissements qu'elle allègue alors que le succès du magazine Rockyrama, dont elle a assumé la promotion, est le fruit exclusif de son travail. Elle précise à ce titre avoir créé ce dernier dès 2011, avoir réalisé seule sa conception et son édition ainsi que les maquettes et les couvertures et être d'ailleurs l'unique titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les marques Rockyrama et réservataire du nom de domaine Rockyrama. Elle en déduit que les fautes qui lui sont imputées sont inexistantes.
Réponse de la Cour
- Sur la recevabilité des demandes
En application des articles 122 et 123 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, cette liste n'étant pas limitative. Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Contrairement à ce que soutient la SARL Rockyvision, la SAS Ynnis Editions fonde ses demandes sur des faits distincts de ceux invoqués au soutien de ses demandes au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et à celui de la responsabilité contractuelle (organisation d'une campagne de financement participatif, usage de la qualité d'éditeur exclusif avec une numérotation continue et exploitation des visuels antérieurs) et poursuit la réparation d'un préjudice différent (chiffre d'affaires correspondant aux abonnements perdus).
Aussi, ces demandes sont recevables et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
- Sur le bienfondé des demandes
En vertu des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
L'action en concurrence déloyale est une modalité particulière de mise en 'uvre de la responsabilité civile délictuelle pour fait personnel de droit commun. Elle suppose ainsi la caractérisation d'une faute, d'une déloyauté appréciée à l'aune de la liberté du commerce et de l'industrie et du principe la libre concurrence, ainsi que d'un préjudice et d'un lien de causalité les unissant. A ce titre, si une situation de concurrence effective n'est pas une condition préalable de sa mise en 'uvre (en ce sens, Com. 10 novembre 2012, n° 1-25.873, déjà cité), l'absence d'incidence prouvée de la faute sur la situation du demandeur à l'action fera obstacle à la caractérisation du préjudice et du lien de causalité (en ce sens, Com. 16 mars 2022, n° 20-18.882). Et, si le préjudice s'infère d'un acte de concurrence déloyale, la victime doit prouver l'étendue de son entier préjudice (en ce sens, Com. 12 février 2020, n° 17-31.614). Dans ce cadre, le juge, tenu de réparer intégralement tout préjudice dont il constate le principe (en ce sens, Com., 10 janvier 2018, n° 16-21.500), apprécie souverainement son montant dont il justifie l'existence par la seule évaluation qu'il en fait sans être tenu d'en préciser les divers éléments (en ce sens, Ass. plén., 26 mars 1999, n° 95-20.640).
Le parasitisme s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution, appréciée sans égard pour la situation de concurrence effective à raison de sa nature (en ce sens, Com., 15 novembre 2011, n° 10-25-473), est indifférente au risque de confusion (en ce sens, Com. 20 mai 2014, n° 13-16.943). Il consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel (même arrêt).
A titre liminaire, la Cour précise qu'elle doit traiter la question de la concurrence déloyale et parasitaire sans égard pour une éventuelle atteinte à des droits de propriété intellectuelle dont l'examen ne ressort pas de la compétence des tribunaux de commerce conformément à l'article D 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire. Ainsi, les magazines et monographies et leurs éléments constitutifs ne sont envisagés que sous un aspect purement économique comme des produits et des actifs et non comme des 'uvres de l'esprit au sens de l'article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle, 'uvre dont la propriété incorporelle est quoi qu'il en soit indépendante de celle de l'objet matériel dans lequel elles s'incarnent au sens de l'article L 111-3 du même code.
Il est constant que monsieur [B] [T] est le créateur du magazine Rockyrama dont il a défini le contenu et l'identité dès 2012, avant toute relation avec la SAS Ynnis Editions, ce que confirme le directeur de publication du premier numéro paru le 28 mars 2012 (pièce 4 de l'intimée). La SAS Ynnis Editions reconnaît que le contenu éditorial était défini exclusivement par celui-ci jusqu'en fin d'année 2014 (page 4 de ses écritures), et ne prouve pas, à compter de cette date, être intervenue dans la conception et la composition des 'uvres (maquette, mise en forme, détermination des sujets, illustrations, choix des contributeurs) et être l'auteur du moindre apport créatif ou financier, chacune des publications attribuant d'ailleurs l'ensemble des droits nécessaires à son exploitation à la SARL Rockyvision (sa pièce 26), qui est de surcroît propriétaire exclusive des marques constituées du signe " Rockyrama ". Le seul fait que l'ours précise que la reproduction des textes, dessins et graphiques nécessite l'autorisation écrite de l'auteur et de l'éditeur, mention d'usage, ne traduit pas l'existence d'une collaboration artistique et intellectuelle et d'un investissement matériel ou humain dans l'élaboration du contenu éditorial mais exprime la maîtrise de la diffusion par la SAS Ynnis Editions, qui n'agit que sur autorisation de la SARL Rockyvision.
A l'inverse, cette dernière démontre que ses équipes, comme les auteurs qu'elle choisissait et rémunérait directement, ont réalisé les différents titres du label Rockyrama et ont défini les éléments de leur promotion en autonomie, sans la moindre consigne ou participation de la SAS Ynnis Editions (pièce 24 de l'intimée). Elle prouve en outre avoir supporté l'intégralité des coûts relatifs à la promotion de ses 'uvres (sa pièce 27).
Alors que ces éléments combinés révèlent que la valeur économique individualisée que constitue l'ensemble des titres du label Rockyrama se situe dans le patrimoine de la SARL Rockyvision, la SAS Ynnis Editions ne démontre pas la réalité des investissements qu'elle allègue pour concevoir et promouvoir les 'uvres, et favoriser leur diffusion, pour leur permettre d'atteindre leur seuil de rentabilité, les seules dépenses dont elle justifie relevant de la stricte exécution de ses prestations techniques pour laquelle elle a été rémunérée, peu important sur ce plan l'éventuelle insuffisance des paiements de la SARL Rockyvision.
Ce constat, qui exclut tout parasitisme imputable à la SARL Rockyvision faute de captation indue d'une valeur qui ne lui appartiendrait pas, prive de pertinence les arguments de la SAS Ynnis Editions tirés de l'utilisation des visuels et des couvertures créés antérieurement à la rupture ou de l'emploi d'une numérotation continue, nécessaire à la poursuite de l'exploitation des titres qui appartiennent à la SARL Rockyvision. Et, les éléments de communication et de promotion étant issus du seul travail de ses équipes, il importe peu que la SAS Ynnis Editions les aient utilisés pour annoncer la sortie de certains numéros (ses pièces 16, 23 et 24), le fait qu'elle supporte vainement les frais de réservation d'espaces promotionnels trouvant sa cause dans sa faute et non dans la captation par la SARL Rockyvision de ses efforts et investissements. Le produit ainsi présenté au public appartenant à cette dernière, aucun risque de confusion n'est caractérisé, la simple mention du changement d'éditeur suffisant à prévenir sa réalisation, à le supposer réel.
Enfin, la SAS Ynnis Editions n'explique pas en quoi le recours à une campagne de financement participatif, lancée postérieurement à la notification de la rupture sans préavis et précisant clairement le changement dans les modalités d'édition, constituerait une pratique déloyale ou fautive.
En conséquence, la SAS Ynnis Editions ne démontrant pas la réalité des fautes qu'elle impute à la SARL Rockyvision, le jugement entrepris sera confirmé par ces motifs substitués en ce qu'il a rejeté l'intégralité de ses demandes à ce titre.
4°) Sur les comptes entre les parties, le stock, l'exploitation des magazines Rockyrama et l'appel incident
Moyens des parties
La SAS Ynnis Editions soutient que, ayant supporté seule, en sa qualité d'unique éditeur des magazines et monographies Rockyrama, l'ensemble des frais de fabrication, de stockage et de distribution des titres jusqu'à la rupture immédiate des relations commerciales, elle ne peut se voir privée du droit de commercialiser les numéros des magazines dont elle a financé le contenu éditorial, la conception, la fabrication et la distribution, son nom, comme celui de ses dirigeants, figurant d'ailleurs dans toutes les mentions légales des magazines. Elle observe que nombre de ces produits demeurent dans ses stocks et que la résiliation litigieuse est dépourvue de tout effet rétroactif. Elle ajoute que le tribunal de commerce de Lyon, non désigné par l'article D 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire, n'était pas compétent pour connaître de cette demande qui relève de la propriété littéraire et artistique.
Elle expose en outre avoir livré à la SARL Rockyvision des ouvrages qu'elle a vendus à compter de septembre 2018 sans la rémunérer et estime que cette dernière est à ce titre redevable du montant total du produit de ces ventes, sous réserve de la remise de 30 % convenue entre les parties depuis 2013, la proposition de remise de 40 % n'ayant été évoquée que dans le cadre des négociations avortées. Elle indique ainsi que la SARL Rockyvision lui a réglé une somme de 18 274,53 euros HT au titre de la facture couvrant les ventes septembre 2018 à septembre 2019 mais qu'elle reste débitrice, pour les ventes effectuées jusqu'en février 2020, d'une somme de 30 577,77 euros HT et, pour la période du 1er mars 2020 au 14 décembre 2020, de celle de 19 169,15 euros, soit d'une somme totale de 49 746,92 euros HT à compenser partiellement avec celle déjà versée.
Elle soutient au visa de l'article 1915 du code civil que la SARL Rockyvision doit lui restituer l'ensemble des marchandises qu'elle lui a livrées. Elle ajoute qu'elle est par ailleurs tenue de lui communiquer l'état des ventes qu'elle a réalisées depuis le 14 décembre 2022 pour établir sa facturation et s'assurer de la cohérence du stock détenu dont elle demande la restitution et sollicite la condamnation de la SARL Rockyvision à lui payer 70% du produit des ventes correspondantes.
La SAS Ynnis Editions explique en outre que la SARL Rockyvision n'a pas droit à une rémunération proportionnelle sur les ventes des périodiques, la contrepartie financière les concernant étant constituée d'une somme forfaitaire et de la fourniture d'exemplaires gratuits. Elle en déduit l'inutilité de la communication des informations certifiées sur les ventes de périodiques depuis le 1er mars 2020 à laquelle l'a condamnée le tribunal et la nécessité du rejet de la demande de la SARL Rockyvision au titre de la résistance abusive dont les conditions ne sont par ailleurs pas remplies.
Elle indique enfin que la SARL Rockyvision ne précise pas le fondement de sa demande indemnitaire à hauteur de 64 259 euros et que les frais allégués ne sont pas prouvés.
En réponse, la SARL Rockyvision expose que les sommes réclamées pour la période du 1er septembre 2018 au 14 décembre 2022 relèvent de la procédure collective et ne peuvent en conséquence être l'objet d'une condamnation à les payer. Elle reconnaît être débitrice d'une somme de 26 209,52 euros pour la période du 1er septembre 2018 au 28 février 2020 après application de la remise de 40 % qui s'est substituée à celle de 30 % antérieurement accordée, cette somme intégrant le montant de la facture du 6 décembre 2019 de 19 279,63 euros (et non de 18 724,53 euros) que la SAS Ynnis Editions a été condamnée à lui restituer. Elle ajoute que le tribunal a justement retenu qu'elle devait verser à cette dernière 60 % du prix HT de vente public des magazines Rockyrama à compter du 1er septembre 2018 et que les états des ventes qu'elle a communiqués sont exhaustifs et suffisants.
Au titre du stock, elle conteste l'existence d'un contrat de dépôt-vente et souligne l'absence de preuve du volume et de l'évaluation des ouvrages livrés qui, quoi qu'il en soit, lui appartiennent.
La SARL Rockyvision expose par ailleurs que la SAS Ynnis Editions ne détient aucun droit de propriété intellectuelle sur les numéros passés et qu'elle peut ainsi réimprimer librement, seuls les magazines déjà imprimés pouvant être distribués par la SAS Ynnis Editions à raison de sa propriété matérielle des supports. Elle ajoute qu'elle n'invoque aucune atteinte à un droit de propriété intellectuelle et en déduit la compétence du tribunal de commerce.
Elle explique enfin que la SAS Ynnis Editions doit lui verser 10 % des sommes générées par l'exploitation des monographies après amortissement de l'à-valoir de 1 200 euros HT. Elle ajoute être également bien fondée à prendre connaissance des éléments relatifs aux périodiques pour vérifier les éléments communiqués par la SAS Ynnis Editions qui n'est pas autorisée à procéder à leur réimpression.
A titre reconventionnel, la SARL Rockyvision soutient que la SAS Ynnis Editions n'a toujours pas exécuté le jugement entrepris, les éléments communiqués ne lui permettant ni de contrôler les ventes intervenues par l'intermédiaire Hachette entre le 1er mars 2020 et la date de la décision ni de calculer puis de vérifier le montant des redevances qui lui sont dues, et qu'elle ne lui a versé aucune somme. Elle estime que cette résistance abusive lui cause un préjudice qu'elle évalue à 40 000 euros et que la SAS Ynnis Editions doit être condamnée à lui verser 80 000 euros à défaut de communication des éléments requis certifiés. Elle ajoute que les agissements de la SAS Ynnis Editions, qui prétendait à tort que la publication était déficitaire, ont généré des frais importants en 2019 (64 259 euros).
Réponse de la Cour
- Sur les ventes en lignes
En application de l'article 1134 du code civil (devenu 1103), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi.
Et, conformément à l'article 1315 (devenu 1353) du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Sur le taux de la commission de la SARL Rockyvision et son paiement
La SARL Rockyvision avait la charge des ventes en ligne des magazines sur son site internet. A ce titre, la SAS Ynnis Editions lui livrant les exemplaires, elle lui reversait en contrepartie le montant total des ventes déduction d'une commission assise sur le prix public de 30 % dont elle soutient qu'elle a été portée à 40 %.
A cet égard, dans le cadre des négociations entamées en septembre 2019 et destinées à redéfinir l'intégralité des modalités de la collaboration entre les parties, la SAS Ynnis Editions formulait les 15 et 24 octobre 2019, en scindant son propos entre un rappel des conditions actuelles et celles susceptibles de régir l'avenir, diverses propositions, dont une augmentation de 10 % de cette commission (pièce 13 de l'appelante). Le 8 avril 2020, alors que la SARL Rockyvision sollicitait un taux de 50 %, signe que la majoration antérieure n'était qu'une offre qu'elle n'avait pas réellement acceptée quoiqu'elle l'ait prise en compte pour établir sa " simulation de facture des ventes en ligne " (sa pièce 48 et page 41 de ses écritures), elle indiquait " pouvoir " lui " accorder 40 % sur le prix public " (pièce 42 de l'appelante). Le taux de 40 % n'était néanmoins jamais appliqué, la facture FA201912001 des 6 décembre 2019 et 12 mai 2020 objet de l'instance de référé appliquant un taux de 30% (pièces 6 et 28 de l'appelante). Et, dès le 30 avril 2020, les négociations étaient rompues par la SARL Rockyvision qui dénonçait l'insuffisance des offres de la SAS Ynnis Editions et le refus de dialogue de son dirigeant (sa pièce 14).
Aussi, la majoration de la commission due à cette dernière n'était qu'une proposition parmi d'autres formant un tout indivisible objet d'une négociation globale conditionnant, ainsi que le souligne la SARL Rockyvision elle-même pour caractériser la prévisibilité de la rupture, la poursuite même des relations. L'échec de ces négociations a de ce fait rendue ineffective cette proposition qui n'avait de sens que dans la perspective d'un maintien du partenariat.
En conséquence, la SARL Rockyvision est débitrice à l'égard de la SAS Ynnis Editions d'une somme égale à 70 % HT du prix de vente public des magazines Rockyrama imprimés et livrés par la seconde et vendus en ligne par la première.
Le 3 avril 2020, la SARL Rockyvision a communiqué un état des ventes du 1er septembre 2018 au 28 février 2020 fixant le montant de sa dette à ce titre à la somme de 26 209,52 euros après application d'un taux de commission de 40 % (sa pièce 48). La créance de la SAS Ynnis Editions atteint ainsi la somme de 30 577,77 euros déduction faite d'une commission réduite à 30 %. Pour la période du 1er mars 2020 au 14 décembre 2022, la créance de la SAS Ynnis Editions, déterminée sur la base d'un chiffre d'affaires de 27 384,50 euros HT certifié par l'expert-comptable de la SARL Rockyvision (sa pièce 53), est de 19 169,15 euros.
La Cour constate sur ce point que la demande de la SAS Ynnis Editions devant le tribunal ne portait que sur une condamnation au paiement pour la période du 1er septembre 2018 au 28 février 2020. La période postérieure était toutefois soumise à son appréciation par le truchement de la demande, satisfaite dans un chef de dispositif quoiqu'elle ne soit pas juridiquement une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, de " donner acte " de la SARL Rockyvision qui s'engageait à verser à la SAS Ynnis Editions 60 % HT du prix de vente public des magazines qu'elle avait préalablement imprimés à compter d'octobre 2018 et jusqu'au prononcé du jugement, soit le 14 décembre 2022. Aussi, la demande de la SAS Ynnis Editions, dont l'irrecevabilité n'est d'ailleurs pas soulevée par la SARL Rockyvision, tend exactement aux mêmes fins que celles soumises au premier juge au sens de l'article 565 et n'est pas nouvelle en cause d'appel.
Ainsi, le montant total de la créance de la SAS Ynnis Editions pour les ventes en lignes sur la période du 1er septembre 2018 au 14 décembre 2022 atteint la somme de 49 746,92 euros.
Cependant, aux termes des dispositions des articles L 631-14 et L 622-7 du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce le redressement judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes.
Or, la SARL Rockyvision a payé à la SAS Ynnis Editions, en exécution de l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Lyon le 31 août 2020 avant son infirmation par arrêt du 3 novembre 2021, la somme de 19 279,63 euros (pièce 62 de l'intimée), ce paiement ayant la même cause et le même objet que la créance actuelle. Par l'effet de l'infirmation, la somme qui est en l'objet constitue une créance de restitution au bénéfice de la SARL Rockyvision. Aussi, par application des articles 1347 et suivants du code civil, la compensation de ces créances connexes, dont les conditions étaient remplies avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, porte la dette de la SARL Rockyvision à la somme de 30 467,29 euros, la déclaration de créance de la SAS Ynnis Editions n'étant pas contestée (sur ce point, Com., 20 juin 2018, n°16-16.723). La Cour constate que, bien que les frais de l'exécution forcée entreprise sur le fondement d'un titre exécutoire à titre provisoire soient à la charge du créancier qui a agi à ses risques et périls conformément à l'article L 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, la demande de la SARL Rockyvision ne porte pas sur ces derniers d'un montant de 1 644,32 euros.
Cette compensation prive d'objet la demande de restitution de la somme de 19 279,63 euros présentée par la SARL Rockyvision. Cette prétention était quoi qu'il en soit irrecevable car, si son paiement constitue un indu objectif, il l'est à raison de l'arrêt de la cour d'appel du 3 novembre 2021. Or, de la même manière qu'un arrêt infirmant un jugement portant condamnation au paiement d'une somme d'argent emporte de plein droit, sans mention expresse de sa part, obligation de restitution des sommes versées en exécution du jugement réformé et constitue le titre exécutoire fondant l'exécution forcée au sens de l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution (en ce sens, 2ème Civ., 20 juin 2019, n° 18-18.595 et 2ème Civ., 7 avril 2011, n° 10-18.691), l'obligation de restitution de sommes perçues en vertu d'une décision assortie de l'exécution provisoire résulte de plein droit de sa réformation conformément à l'article L 111-10 du code des procédures civiles d'exécution (en ce sens, 1ère Civ., 31 mars 2016 n° 14-20.193).
Cette créance étant antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la SARL Rockyvision, son montant sera fixé à son passif. Il en ira de même des sommes dues au titre de la période du 15 décembre 2022 au 3 octobre 2024, date de l'adoption de son plan de redressement. A compter de celle-ci, les sommes dues seront l'objet d'une condamnation, la SARL Rockyvision étant alors in bonis et leur paiement relevant du droit commun (en ce sens, Com., 26 octobre 2022, n° 21-13.474).
Enfin, la créance de la SAS Ynnis Editions étant assise sur les ventes réalisées par la SARL Rockyvision sur son site internet et cette dernière disposant seule des éléments indispensables à son calcul, elle est également tenue à reddition de comptes. Aussi, pour permettre à la SAS Ynnis Editions de s'assurer de l'exactitude des sommes qui lui sont versées, il est nécessaire qu'elle lui communique un état certifié par un expert-comptable de ses ventes en ligne des exemplaires imprimés et livrés par la SAS Ynnis Editions à compter du 15 décembre 2022.
Quoique cette obligation ne s'éteigne que lors de l'épuisement du stock qui peut être postérieur à la date de l'arrêt, la SAS Ynnis Editions ne sollicite son exécution que jusqu'à son prononcé et circonscrit par les mêmes bornes temporelles sa demande de condamnation au paiement, ce dont il sera pris acte au sens de l'article 5 du code de procédure civile, l'engagement de la SARL Rockyvision à payer cette somme " tous les trois mois pour les ventes qui seraient réalisées après la décision à intervenir et jusqu'à épuisement des stocks " étant seulement constaté. Celle-ci sera libérée de son obligation de reddition de comptes et de paiement sur simple constat d'un épuisement du stock d'exemplaires livrés par la SAS Ynnis Editions, si cet épuisement intervenait avant le prononcé de l'arrêt.
Le jugement entrepris sera confirmé au titre de l'injonction faite à la SARL Rockyvision de communiquer un relevé de ses ventes, sauf à :
- préciser que cette communication portera sur la période postérieure au 15 décembre 2022 et sera ordonnée jusqu'à épuisement des stocks et au plus tard jusqu'au prononcé de l'arrêt ;
-à supprimer l'astreinte ordonnée : la SARL Rockyvision ayant, à la différence de la SAS Ynnis Editions, exécuté ses obligations dès que la demande lui en a été faite, une telle contrainte ne se justifie pas.
En revanche, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a :
- condamné la SARL Rockyvision à payer à la SAS Ynnis Editions la somme de 26 209,52 euros au titre des exemplaires vendus en ligne du 1er septembre 2018 au 28 février 2020 ;
- condamné la SAS Ynnis Editions à restituer à la SARL Rockyvision la somme de 19 279,63 euros versée en exécution de l'ordonnance du 31 août 2020 du tribunal de commerce de Lyon infirmée par l'arrêt de la cour d'appel du 3 novembre 2021 ;
- donné acte à la SARL Rockyvision de ce qu'elle verserait à la SAS Ynnis Editions (sous réserve des compensations qui pourraient s'opérer) 60 % HT du prix de vente public des magazines Rockyrama imprimés par la SAS Ynnis Editions et vendus en ligne par la SARL Rockyvision à compter du mois d'octobre 2018, jusqu'à la date du jugement pour les ventes réalisées, et tous les trois mois pour les ventes qui seraient réalisées après la décision et jusqu'à épuisement des stocks.
Statuant à nouveau de ces chefs, la Cour :
- dit que la créance de la SAS Ynnis Editions au titre des ventes en ligne réalisées par la SARL Rockyvision entre le 1er septembre 2018 et le 14 décembre 2022 atteint, après compensation avec la somme de 19 279,63 euros payée le 16 septembre 2020 par la SARL Rockyvision en exécution de l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Lyon le 31 août 2020 avant son infirmation par arrêt du 3 novembre 2021, la somme de 30 467,29 euros ;
- constate que la demande de la SARL Rockyvision relative à la restitution de la somme de 19 279,63 euros est privée d'objet par l'effet de cette compensation ;
- fixe au passif de la SARL Rockyvision la somme de 30 467,29 euros au titre de la restitution de 70 % HT du prix de vente public pour l'ensemble des ventes en ligne effectuées entre le 1er septembre 2018 et le 14 décembre 2022 ;
- dit que la SARL Rockyvision est débitrice à l'égard de la SAS Ynnis Editions (sous réserve des compensations qui pourraient s'opérer) d'une somme égale à 70 % HT du prix de vente public des magazines Rockyrama imprimés par la SAS Ynnis Editions et vendus en ligne par la SARL Rockyvision à compter du 15 décembre 2022 jusqu'à épuisement des stocks et au plus tard jusqu'au prononcé de l'arrêt ;
- fixe cette somme au passif de la SARL Rockyvision pour les ventes réalisées entre le 15 décembre 2022 et le 3 octobre 2024 ;
- condamne la SARL Rockyvision au paiement de cette somme pour les ventes réalisées entre le 4 octobre 2024 et le prononcé de l'arrêt.
Sur le stock relatif aux ventes en ligne
Il est établi que la SAS Ynnis Editions ne prouvait pas l'existence du contrat de dépôt-vente qu'elle oppose à la SARL Rockyvision et que celle-ci était, en vertu de ventes conclues avec un prix déterminable égal à 70 % HT du prix de vente public et dont le paiement était ainsi différé, seule propriétaire des exemplaires livrés et destinés à être vendus sur son site internet.
Aussi, à défaut de toute obligation de restitution dont serait débitrice la SARL Rockyvision, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la SAS Ynnis Editions au titre de la restitution des marchandises livrées et non vendues.
- Sur la poursuite de l'exploitation des titres
Conformément à l'article 1134 du code civil (devenu 1103), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi.
Sur la réimpression et la poursuite de la diffusion des anciens numéros
Il est établi que la SAS Ynnis Editions tirait son droit d'éditer et de diffuser les titres composant le label Rockyrama, dont elle assurait la vente en boutiques physiques, d'un contrat de louage d'ouvrage. Celui-ci ayant été régulièrement rompu par la SARL Rockyvision à raison de ses fautes graves, la SAS Ynnis Editions est désormais juridiquement privée de cette faculté, peu important la question non soumise au tribunal puis à la Cour des droits de propriété intellectuelle, les 'uvres n'étant appréhendées qu'à travers le support matériel dans lequel elles s'incarnent au sens de l'article L 111-3 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle.
De fait, tout en soulignant justement que le tribunal de commerce n'a pas compétence pour trancher une question relative à l'existence de droits de propriété intellectuelle qu'elle n'invoque pas, moyen qu'elle n'a cependant pas traduit par une exception d'incompétence, elle ne précise pas à quel titre elle pourrait continuer à exploiter d'anciens numéros non encore imprimés. A cet égard, le fait qu'elle ait assumé le coût de la fabrication, du stockage et de la distribution des titres passés avec l'accord de la SARL Rockyvision l'autorise à écouler le stock qu'elle détient et dont elle est propriétaire dans le respect de leurs obligations réciproques mais ne lui confèrent aucun droit, postérieurement à la rupture, à leur réimpression et à la poursuite de leur diffusion.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a fait interdiction sous astreinte à la SAS Ynnis Editions de continuer à exploiter les numéros passés du label Rockyrama tout en l'autorisant, à charge pour elle de supporter les frais de retour, à diffuser ceux imprimés avant la fin de la relation commerciale, solution respectueuse tant du fondement juridique de son droit d'exploitation que des dépenses régulièrement engagées avant la cessation des relations commerciales et contractuelles et de son droit de propriété sur le stock éventuellement constitué à cette date et qu'elle détient encore.
Sur la reddition de comptes de la SAS Ynnis Editions
Il est établi que, pour les ventes des monographies, la SAS Ynnis Editions reversait à la SARL Rockyvision, outre une somme forfaitaire de 6 100 euros HT, 10 % du montant total brut des ventes si l'à-valoir de 1 200 euros préalablement payés était excédé par le versement des droits d'auteur aux contributeurs, et qu'elle était ainsi tenue de rendre compte à la SARL Rockyvision du montant des ventes de monographies pour lui permettre de calculer sa rémunération proportionnelle.
Il est également jugé que tous les relevés de vente tardivement communiqués par la SAS Ynnis Editions n'étaient pas fiables et que la violation par cette dernière de son obligation de rendre des comptes persiste.
En revanche, cette obligation ne concerne que la vente des monographies sur laquelle est assise la rémunération proportionnelle de la SARL Rockyvision (soit les titres Vidéo Club, TV Show, Les 51 moments culte, Walt Disney, [D] [H], [X] [F] Part I, [J] [O] et [X] [F] Part II, outre le Guide de Los Angeles). Les ventes des magazines payés au forfait lui étant étrangères, la communication d'informations les concernant n'est juridiquement pas fondée, peu important les incohérences relevées à leur endroit dans les pièces produites qui sont sans incidence sur la créance de la SARL Rockyvision. Les seules données propres aux magazines périodiques qui intéressent cette dernière sont celles touchant à l'état des stocks des ouvrages déjà imprimés en ce qu'elles lui permettent de s'assurer du respect par la SAS Ynnis Editions de son obligation de ne pas réimprimer de nouveaux exemplaires et de n'écouler que ceux imprimés avant la date de la rupture des relations.
La Cour relève enfin que, tout en contestant à juste titre la fiabilité et la sincérité des données communiquées par la SAS Ynnis Editions depuis la naissance des relations, la SARL Rockyvision sollicite la confirmation de ce chef du dispositif du jugement, quoiqu'il ait limité la période de production au 1er mars 2020, et qu'elle maintient cette borne temporelle dans ses dernières écritures au sens de l'article 954 du code de procédure civile.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la SAS Ynnis Editions à communiquer à la SARL Rockyvision les informations certifiées concernant les états de vente, les stocks, ainsi que toutes les factures relatives aux publications des périodiques de la SARL Rockyvision, depuis le 1er mars 2020 jusqu'au jour du prononcé du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours suivant sa signification, et la SAS Ynnis Editions sera condamnée, sous astreinte de 300 euros par jour de retard courant pendant six mois à compter de l'expiration d'un délai d'un mois commençant à courir le jour de la signification de l'arrêt, à communiquer à la SARL Rockyvision :
- un état des stocks et un relevé des ventes certifiés par un expert-comptable des monographies éditées entre le 1er mars 2020 et le prononcé de l'arrêt ;
- un état des stocks certifié par un expert-comptable de l'ensemble des titres du label Rockyrama qu'elle détient au jour du prononcé de l'arrêt.
Le jugement entrepris sera en revanche confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Ynnis Editions à payer à la SARL Rockyvision, dans un délai de 15 jours à compter de la communication des justificatifs certifiés et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, 10 % des sommes générées par l'exploitation des monographies, assortie des intérêts de retard au taux légal outre capitalisation des intérêts.
- Sur la résistance abusive
La SARL Rockyvision ne précise pas le fondement juridique de ses demandes reconventionnelles indemnitaires. Celles-ci reposant sur le défaut de paiement de créances contractuelles, son préjudice ne peut résulter que dans les conséquences négatives de la privation des sommes réclamées ou, plus spécifiquement, dans celles du retard de paiement lui-même. Le cadre juridique pertinent est ainsi celui des articles 1147 et suivants (devenus 1231-1 et suivants), qui impliquent la démonstration d'une faute en lien de causalité avec un préjudice démontré en son principe et sa mesure, et 1153 (devenu 1231-6) du code civil, qui impose, pour obtenir une indemnisation autre que les intérêts moratoires de la créance réparant le préjudice né du retard dans le paiement déjà accordés par le tribunal, la démonstration d'un préjudice distinct causé par la mauvaise foi du débiteur.
Or, la SARL Rockyvision, qui se contente de souligner la résistance de mauvaise foi de la SAS Ynnis Editions, prolongée par son refus d'exécuter les décisions qui lui sont défavorables, ce dont elle n'a cependant pas tiré les conséquences sur le terrain de l'article 524 du code de procédure civile, n'explique pas la nature des préjudices non clairement distingués dont elle sollicite l'indemnisation, n'en précise pas les modalités d'évaluation et n'en prouve ni le principe, ni la mesure, ce constat valant tant pour la condamnation à lui payer 40 000 euros que pour celle portant sur la somme de 80 000 euros destinée à sanctionner le défaut de communication des documents certifiés objet de l'injonction.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes à ces titres.
- Sur les frais pour l'année 2019
La SARL Rockyvision n'est pas plus explicite concernant sa demande indemnitaire, dont le fondement juridique n'est à son tour pas mentionné, relative aux frais qu'elle aurait engagés en 2019. Tout en invoquant des difficultés de trésorerie provoquées par les défauts de paiement de la SAS Ynnis Editions qui l'auraient contrainte à souscrire un prêt le 21 janvier 2019 d'un montant de 150 000 euros (sa pièce 10), elle n'étaye pas la corrélation qu'elle fait entre celui-ci et l'arriéré qu'elle impute à la SAS Ynnis Editions et ne précise pas les éléments de fixation du quantum de sa demande à 64 259 euros constitués de " frais exposés " qui sont insusceptibles de quantification à la seule lecture de leur rapide énonciation (page 50 de ses écritures : " frais de relecture, frais promotionnels, compléments éditoriaux, etc. ").
Aussi, quel que soit le cadre d'analyse de sa prétention, qui semble néanmoins être identique à celui de sa demande au titre de la résistance abusive, l'absence de tout élément prouvant le principe et la mesure du préjudice allégué commande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a rejetée.
5°) Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.
Succombant, la SAS Ynnis Editions, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SARL Rockyvision, prise en la personne des organes de la procédure collective, la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :
- condamné la SARL Rockyvision à payer à la SAS Ynnis Editions la somme de 26 209,52 euros au titre des exemplaires vendus en ligne du 1er septembre 2018 au 28 février 2020;
- condamné la SAS Ynnis Editions à restituer à la SARL Rockyvision la somme de 19 279,63 euros versée en exécution de l'ordonnance du 31 août 2020 du tribunal de commerce de Lyon infirmée par l'arrêt de la cour d'appel du 3 novembre 2021 ;
- donné acte à la SARL Rockyvision de ce qu'elle verserait à la SAS Ynnis Editions (sous réserve des compensations qui pourraient s'opérer) 60 % HT du prix de vente public des magazines Rockyrama imprimés par la SAS Ynnis Editions et vendus en ligne par la SARL Rockyvision à compter du mois d'octobre 2018, jusqu'à la date du jugement pour les ventes réalisées, et tous les trois mois pour les ventes qui seraient réalisées après la décision et jusqu'à épuisement des stocks ;
- limité dans le temps l'injonction faite à la SARL Rockyvision de communiquer un relevé de ses ventes certifié par un expert-comptable à la date de son prononcé, assorti sa condamnation à ce titre d'une astreinte et précisé que les titres litigieux avaient été remis dans le cadre d'un contrat de dépôt ;
- condamné la SAS Ynnis Editions à communiquer à la SARL Rockyvision les informations certifiées concernant les états de vente, les stocks, ainsi que toutes les factures relatives aux publications des périodiques de la SARL Rockyvision, depuis le 1er mars 2020 jusqu'au jour du prononcé du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours suivant sa signification ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit que la créance de la SAS Ynnis Editions au titre des ventes en ligne réalisées par la SARL Rockyvision entre le 1er septembre 2018 et le 14 décembre 2022 atteint, après compensation avec la somme de 19 279,63 euros payée le 16 septembre 2020 par la SARL Rockyvision en exécution de l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Lyon le 31 août 2020 avant son infirmation par arrêt du 3 novembre 2021, la somme de 30 467,29 euros ;
Constate que la demande de la SARL Rockyvision relative à la restitution de la somme de 19 279,63 euros est privée d'objet par l'effet de cette compensation ;
Fixe au passif de la SARL Rockyvision la somme de 30 467,29 euros au titre de la restitution de 70 % HT du prix de vente public pour l'ensemble des ventes en ligne effectuées entre le 1er septembre 2018 et le 14 décembre 2022 ;
Dit que la SARL Rockyvision est débitrice à l'égard de la SAS Ynnis Editions (sous réserve des compensations qui pourraient s'opérer) d'une somme égale à 70 % HT du prix de vente public des magazines Rockyrama imprimés par la SAS Ynnis Editions et vendus en ligne par la SARL Rockyvision à compter du 15 décembre 2022 jusqu'à épuisement des stocks et au plus tard jusqu'au prononcé de l'arrêt ;
Fixe cette somme au passif de la SARL Rockyvision pour les ventes réalisées entre le 15 décembre 2022 et le 3 octobre 2024 ;
Condamne la SARL Rockyvision au paiement de cette somme pour les ventes réalisées postérieurement au 3 octobre 2024 jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt et constate l'engagement de la SARL Rockyvision à payer cette somme " tous les trois mois pour les ventes qui seraient réalisées après la décision à intervenir et jusqu'à épuisement des stocks":
Condamne la SARL Rockyvision à produire un état des ventes, certifié par un expert-comptable, portant sur les exemplaires des titres Rockyrama remis par la SAS Ynnis Editions pour la période courant du 15 décembre 2022 à l'épuisement des stocks constaté par la SARL Rockyvision et au plus tard au jour du prononcé de l'arrêt ;
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte à ce titre ;
Condamne la SAS Ynnis Editions, sous astreinte de 300 euros par jour de retard courant pendant six mois à compter de l'expiration d'un délai d'un mois commençant à courir le jour de la signification de l'arrêt, à communiquer à la SARL Rockyvision :
- un état des stocks et un relevé des ventes certifiés par un expert-comptable des monographies éditées entre le 1er mars 2020 et la date du prononcé de l'arrêt ;
- un état des stocks certifié par un expert-comptable de l'ensemble des titres du label Rockyrama qu'elle détient au jour du prononcé de l'arrêt ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de la SAS Ynnis Editions au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SAS Ynnis Editions à payer à la SARL Rockyvision, prise en la personne des organes de la procédure collective, la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS Ynnis Editions à supporter les entiers dépens d'appel.