CA Versailles, ch. civ. 1-2, 3 juin 2025, n° 24/02329
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Havas Voyages (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Conseillers :
Mme Thivellier, Mme de Larminat
Avocats :
Me de la Ferte, Me Dumont, Me Houle, Me Jegouzo, Me Bournazel
Rappel des faits constants
Par contrat en date du 20 janvier 2020, Mme [B] [C] a réservé auprès de la société Havas Voyage un séjour avec transport aérien pour quatre personnes dont elle-même, d'une durée de 10 jours à compter du 2 août 2020, devant se dérouler dans un palace à [Localité 4] en Tunisie.
L'organisateur du séjour était la société Boomerangséjours.
Mme [C] a réglé la somme de 3 377,14 euros correspondant à l'intégralité du prix.
Par courriel en date du 15 juin 2020, Mme [C] a déclaré à la société Havas Voyages annuler ce voyage en se prévalant des dispositions de l'article L. 211-14 II du code du tourisme au motif que la situation sanitaire due à la Covid-19 constituait une circonstance exceptionnelle et inévitable prévue par cette disposition.
En réponse, la société Havas Voyages lui a, par courrier en date du 22 juin 2020, proposé d'annuler le voyage en contrepartie de frais s'élevant à 1 023 euros ou bien de le maintenir.
Sollicitant le remboursement de son voyage sans frais de résolution, Mme [C] a assigné la société Havas Voyage devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt par acte de commissaire de justice délivré le 28 juin 2022.
La décision contestée
Devant le juge des contentieux de la protection, Mme [C] a sollicité, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de la société Havas Voyages à lui payer les sommes suivantes :
- 3 377,14 euros en remboursement du séjour,
- 2 000 euros pour résistance abusive,
- 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 15 mars 2024, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt a :
- condamné la société Havas Voyage à payer à Mme [C] les sommes de :
. 3 377,14 euros en restitution du prix du contrat en date du 20 janvier 2020 liant les parties,
. 600 euros à titre de dommages-intérêts,
. 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus ou les autres demandes,
- condamné la société Havas Voyage aux dépens.
La procédure d'appel
La société Havas Voyages a relevé appel du jugement par déclaration du 11 avril 2024 enregistrée sous le numéro de procédure 24/02329.
Par ordonnance rendue le 6 février 2025, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 11 mars 2025, dans le cadre d'une audience collégiale.
Prétentions de la société Havas Voyages, appelante
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 11 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Havas Voyages demande à la cour d'appel de :
à titre principal,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter Mme [C] de ses demandes, fins et conclusions,
- mettre la société Havas Voyages hors de cause,
à titre subsidiaire,
- débouter Mme [C] de ses prétentions indemnitaires,
en tout état de cause,
- condamner Mme [C] à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Antoine de La Ferté.
Prétentions de Mme [C], intimée et appelante à titre incident
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 8 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, Mme [C] demande à la cour d'appel de :
- juger bien fondées ses demandes,
- dire que la société Havas Voyages n'a pas respecté les dispositions de l'ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020,
- dire que la société Havas Voyages lui a, par sa résistance, causé un préjudice de nature à engager sa responsabilité,
- confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a condamné la société Havas Voyages à lui payer la somme de 3 377,14 euros en restitution du prix du contrat en date du 20 janvier 2020 liant les parties,
statuant à nouveau,
- condamner la société Havas Voyages à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de la résistance abusive,
en tout état de cause,
- condamner la société Havas Voyages à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la résolution du contrat
Mme [C] sollicite que la totalité du prix du voyage lui soit remboursée, sans pénalités. Elle soutient que la crise sanitaire mondiale de pandémie de covid-19 a constitué pour elle des circonstances exceptionnelles et inévitables qui l'autorisaient à annuler son voyage sans frais.
Elle se fonde essentiellement sur les dispositions de l'article L. 211-14 du code du tourisme mais également sur l'ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure et sur la responsabilité contractuelle de l'agence.
La société Havas Voyages s'oppose à la demande, soutenant qu'elle était légitime à retenir des pénalités dès lors que la situation, appréciée selon elle au jour du départ, ne relevait pas de circonstances exceptionnelles et inévitables.
Sur ce,
L'article L. 211-14 du code du tourisme dispose : 'I.-Le voyageur peut résoudre le contrat à tout moment avant le début du voyage ou du séjour. Dans ce cas, le vendeur peut lui demander de payer des frais de résolution appropriés et justifiables. Le contrat peut stipuler des frais de résolution standard raisonnables, calculés en fonction de la date de résolution du contrat avant le début du voyage ou du séjour et des économies de coûts et des revenus escomptés du fait d'une remise à disposition des services de voyage concernés. En l'absence de frais de résolution standard, le montant des frais de résolution correspond au prix moins les économies de coûts et les revenus réalisés du fait d'une remise à disposition des services de voyage. A la demande du voyageur, le vendeur justifie le montant des frais de résolution.
II.-Le voyageur a le droit de résoudre le contrat avant le début du voyage ou du séjour sans payer de frais de résolution si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l'exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination. Dans ce cas, le voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués mais pas à un dédommagement supplémentaire.
III.-L'organisateur ou le détaillant peut résoudre le contrat et rembourser intégralement le voyageur des paiements effectués, mais il n'est pas tenu à une indemnisation supplémentaire, si :
1° Le nombre de personnes inscrites pour le voyage ou le séjour est inférieur au nombre minimal indiqué dans le contrat et que le vendeur notifie la résolution du contrat au voyageur dans le délai fixé par le contrat, mais au plus tard :
- vingt jours avant le début du voyage ou du séjour dans le cas de voyages dont la durée dépasse six jours ;
- sept jours avant le début du voyage ou du séjour dans le cas de voyages dont la durée est de deux à six jours ;
- quarante-huit heures avant le début du voyage ou du séjour dans le cas de voyages ne durant pas plus de deux jours ;
ou
2° L'organisateur ou le détaillant est empêché d'exécuter le contrat en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables et notifie la résolution du contrat au voyageur dans les meilleurs délais avant le début du voyage ou du séjour.'
Il résulte de ces dispositions qu'un voyageur peut solliciter l'annulation sans frais du séjour avant son départ lorsque des circonstances exceptionnelles et inévitables survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l'exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination.
Ainsi, la résolution du contrat sans frais est soumise à la réunion de plusieurs conditions, à savoir, l'existence de circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant sur les lieux de destination ou à proximité et ayant des conséquences importantes sur l'exécution du contrat.
L'article L. 211-2-V-3° du code du tourisme énonce : « -Pour l'application du présent chapitre, on entend par :
(...)
3° Circonstances exceptionnelles et inévitables : une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n'auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. »
Contrairement à ce que soutient la société Havas Voyages, les circonstances exceptionnelles et inévitables qui permettent à un voyageur de solliciter la résiliation sans frais d'un voyage à forfait doivent s'apprécier à la date où le voyageur sollicite cette résiliation et non postérieurement (CJUE, deuxième chambre, 29 févr. 2024, affaire C-584/22, Kiwi [Localité 5] Gmbh).
En l'espèce, Mme [C] a sollicité « l'annulation de son séjour sans frais », par courriel adressé à l'agence le 15 juin 2020 à 7h37 en ces termes :
« Madame, Monsieur,
Le 18 janvier 2020, j'ai effectué une réservation en ligne sous le numéro de dossier (') pour un séjour à destination de [Localité 4] en Tunisie pour quatre personnes du 2 août au 12 août 2020.
La présence de la Covid-19 en tant que circonstances exceptionnelle et inévitable a des conséquences importantes sur l'exécution du contrat au sens de l'article L. 211-14 du code du tourisme.
En effet, l'impact de cette épidémie nous impose la réalisation d'un test PCR à notre charge et de suivre le protocole sanitaire pour le touriste en Tunisie anti Covid-19.
Dès lors et conformément au décret du 25 mars 2020, je vous informe vouloir annuler sans frais le séjour ci-dessus référencé.
Je vous remercie de bien vouloir prendre note de ma demande et de me communiquer la démarche à suivre quant à l'instruction de mon dossier.
Dans l'attente de vous lire (') » (pièce 2 de l'intimée).
C'est donc à cette date qu'il faut se placer pour apprécier si la situation constituait des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, qui ont des conséquences importantes sur l'exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination, permettant au voyageur de réclamer le remboursement intégral des paiements effectués.
La société Havas Voyages a répondu à Mme [C] par courriel du 22 juin 2020 à 10h23 en ces termes :
« Mme [C],
Je fais suite à votre email.
En date d'aujourd'hui, votre séjour n'est pas annulé par son organisateur, de plus, la Tunisie ré-ouvre ses frontières à compter du 9 juillet 2020. cela signifie qu'une annulation du dossier de votre part entraînerait la facturation de frais d'annulation par notre partenaire, en accord avec ses conditions générales de vente, à savoir 250 euros de frais par personne à plus de 30 jours du départ + 23 euros de frais de votre CE.
Évidemment, la situation actuelle liée au Covid-19 évolue chaque jour. C'est dans ce contexte que le gouvernement français a publié l'ordonnance n° 2020-315 en date du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours, en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure. Cette ordonnance prévoit qu'en cas d'annulation du voyage pour cause de Covid-19, l'annulation est faite sans frais avec émission d'un avoir.
Si vous souhaitez annuler votre dossier, merci de nous confirmer par retour de mail votre accord avec les frais de 1 023 euros. Sans retour de votre part, le dossier reste maintenu. » (pièce 4 de la société appelante).
Mme [C] a alors adressé à la société Havas Voyages une lettre recommandée le 24 juin 2020, dont l'accusé de réception a été signé le 26 juin 2020, en ces termes :
« Objet : annulation séjour sans frais
Madame, Monsieur,
En application de l'ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020, je vous informe vouloir annuler sans frais ma commande (...)du 2 août au 12 août 2020 inclus dont les participants sont Mme [C] [B], M. [M] [V], M. [M] [J] et M. [M] [I], les conséquences du Covid-19 ayant un impact sur le bon déroulement de mon séjour.
Par conséquent, je vous demande donc de bien vouloir procéder au remboursement intégral dudit séjour ; à défaut, d'émettre un avoir correspondant au montant total de la prestation réglée pour le séjour ci-dessus référencé. » (pièce 5 de la société appelante)
Après avoir fait intervenir une association de consommateurs sans résultats, Mme [C] a adressé une mise en demeure à la société Havas Voyages le 4 mars 2022.
La société Havas Voyages a répondu, par courrier du 26 avril 2022, que les frontières rouvraient deux semaines après la demande d'annulation, et que Mme [C] n'était dès lors pas éligible a' une annulation sur le fondement de l'ordonnance 2020-315 du 25 mars 2020 (pièce 7 de l'intimée).
La société Havas Voyages fait certes valoir qu'au 2 juillet 2020, le site du ministère des Affaires étrangères précisait expressément : « Les frontières aériennes, terrestres et maritimes sont ouvertes depuis le 27 juin en Tunisie. Cette réouverture est assortie de mesures sanitaires applicables aux voyageurs à leur arrivée en Tunisie et déterminées en fonction d'un classement des pays en provenance de trois zones (vertes, oranges et autres pays) selon la circulation de l'épidémie et le risque de contamination au Covid-19 :
' Zone verte (pays à risque de contamination faible ' dont la France) : aucune mesure sanitaire spécifique. Les voyageurs en provenance de France ne sont donc soumis à aucune mesure sanitaire particulière à leur arrivée en Tunisie. Le respect des gestes barrières et de la distanciation restent cependant obligatoire (' ) » (pièce 7 de la société appelante).
Elle précise que ces informations publiées le 2 juillet 2020 étaient toujours valables le 3 août 2020, soit au jour du départ de Mme [C], qu'il n'existait donc aucun risque à cette date.
Mais, conformément au principe précédemment énoncé, ce n'est toutefois pas à cette date qu'il convient de se placer pour apprécier les circonstances exceptionnelles et inévitables.
De son côté, Mme [C] rappelle qu'en raison de la crise sanitaire, la Tunisie a annoncé la fermeture de ses frontières dès le 18 mars 2020 pour lutter contre la propagation de la pandémie de Covid-19 et qu'au 15 juin 2020, les frontières tunisiennes étaient encore fermées, le Ministère des Affaires étrangères préconisant sur son site internet de « différer tout déplacement en Tunisie », ainsi qu'il résulte de l'extrait du site France Diplomatie frontières Tunisiennes en vigueur le 15 juin 2020 qu'elle produit (sa pièce 3).
A l'appui de sa position, Mme [C] se prévaut, en premier lieu, du protocole sanitaire de l'hôtel imposant les restrictions ainsi énoncées :
- restaurant buffet : deux services, espacement des tables, capacité limitée à 50 %,
- restaurant thématique : carte réduite, espacement des tables, capacité limitée à 50 %,
- bar, salon : sans animation, verres à usage unique, espacement de stables, pas de libre-service,
- bar de la piscine : verre à usage unique, pas de libre-service,
- snack-bar : pas de libre-service,
- room service : carte réduite,
- ménage : nous appliquons les protocole de nettoyage post Covid-19,
- installations star prestige : espacement des chaises longues, jacuzzi : service indisponible,
- zone aquatique du spa sensations : capacité limitée,
- soins : horaires modifiés,
- salle de sport : service indisponible,
- sauna/hammam : service indisponible,
- piscine : capacité limitée,
- star camp, activités, spectacle : contrôle de la capacité, spectacle sans programmation.
(sa pièce 8).
Mme [C] se prévaut également des recommandations du Ministère des Affaires étrangères s'agissant des frontières tunisiennes, en vigueur au moment de l'annulation du voyage, qui étaient les suivantes :
« La réouverture des frontières aériennes, terrestres et maritimes est prévue à partir du 27 juin, aux conditions suivantes :
. Dès le 18 juin, toute personne souhaitant entrer sur le territoire tunisien devra présenter un test PCR négatif au Covid-19, effectué moins de 72h avant le départ,
. Placement obligatoire en auto-isolement sanitaire pendant une durée de 14 jours,
. Pour les touristes, les séjours ne seront autorisés que dans les hôtels agréés qui remplissent les conditions du protocole sanitaire établi par le ministère de la santé et du tourisme tunisiens. Dans l'attente de l'application effective de cette mesure de réouverture des frontières, il convient de différer tout déplacement en Tunisie. » (sa pièce 3).
Mme [C] rappelle que son voyage devait se dérouler du 2 au 12 août 2020, soit durant dix jours, et fait valoir avec pertinence d'abord que le gouvernement français recommandait le report de tout de déplacement en Tunisie mais également que le confinement d'une durée de 14 jours, imposé par le gouvernement tunisien, l'aurait privée ainsi que sa famille de toute visite hors de l'hôtel, que cette durée d'auto-isolement de 14 jours l'aurait également contrainte de rester sur le sol tunisien quatre jours de plus, à ses frais et contre son gré.
La société Havas Voyages soutient sans pertinence que Mme [C] devait craindre pour l'avenir mais qu'elle n'a pu avoir aucune certitude quant à l'absence de faisabilité de son séjour et soutient qu'un sentiment subjectif de peur n'est pas un motif légal et contractuel d'annulation sans frais de son séjour, qu'un simple risque ayant disparu et une « situation préoccupante » n'autorisent pas non plus le voyageur à annuler son séjour sans frais.
Au vu de ces éléments non utilement remis en cause par la société appelante, il est établi qu'un nombre significatif d'installations de l'hôtel ne pouvait être utilisé dans des conditions satisfaisantes ou était inaccessible, mais surtout que les contraintes liées au protocole sanitaire applicable avaient des conséquences importantes sur l'exécution du contrat, qu'en outre, la situation était instable et pouvait devenir encore plus critique à tout moment.
Il se déduit de ces constatations l'existence de circonstances exceptionnelles et inévitables survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ayant des conséquences importantes sur l'exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination, conduisant à l'application au cas d'espèce des dispositions de l'article L. 211-14 du code du tourisme, avec pour conséquence le remboursement intégral des paiements effectués.
Sur le terrain de la responsabilité contractuelle, la société Havas Voyages rappelle que Mme [C] a souscrit un contrat de séjour avec la société Boomerangséjours, prévoyant des conditions spécifiques, qui, seules, selon elle, doivent trouver application.
Cette offre prévoit les conditions d'annulation du séjour suivantes :
« Conditions d'annulation spécifiques (par personne) :
A + de 30 jours : 250 € pour les moyens courriers : 450 € pour les longs courriers
entre 30 jours et 21 jours : 30 % ** du montant total du dossier
entre 20 jours et 15 jours : 50 % ** du montant total du dossier
à moins de 15 jours : 100 % du montant total du dossier
** avec un minimum de 250 € pour les moyens courriers / 450 € pour les longs courriers. » (pièce 13 de la société appelante).
Elle rappelle que, si une agence de voyages est tenue de respecter ses obligations et de fournir les prestations prévues par le contrat de séjour, il appartient à la victime de rapporter la preuve de l'imputabilité directe et certaine de ses préjudices à une prestation contractuelle et aux obligations de l'agence de voyage, qu'ainsi, le seul fait qu'un dommage soit intervenu ne suffit pas à démontrer que celui-ci serait nécessairement en lien avec les prestations contractuelles de l'agence de voyages et qu'en l'espèce, sa responsabilité ne peut être engagée puisqu'elle n'a commis aucun manquement.
Elle affirme avoir été parfaitement diligente en s'étant notamment rapprochée à de nombreuses reprises de l'organisateur du séjour pour s'assurer de la faisabilité de celui-ci. Elle prétend que les préjudices allégués par Mme [C] lui sont directement imputables, en lien avec sa propre carence et sa faute.
Elle rappelle encore que la faute du voyageur exonère l'agence de voyages de toute responsabilité en application de l'article L. 211-16 du code du tourisme.
Elle estime qu'elle n'a commis aucune faute et qu'elle est donc parfaitement fondée à conserver la totalité des sommes versées par Mme [C], à savoir la somme de 3 377,14 euros.
C'est cependant de façon inopérante que la société Havas Voyages soutient que sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée puisque l'obligation mise à sa charge l'est sur le fondement de l'article L. 211-14 du code du tourisme.
Enfin, les parties font état de l'ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure.
Il sera rappelé que cette ordonnance permettait aux agences de voyages de «proposer, à la place du remboursement de l'intégralité des paiements effectués, un avoir que le client pourra utiliser », lorsque le contrat faisait l'objet d'une résolution notifiée entre le 1er mars 2020 et une date antérieure au 15 septembre 2020.
Il s'agissait d'éviter la faillite de nombre d'agences de voyages françaises, cette ordonnance impliquant le bénéfice d'un avoir, ayant vocation à se substituer a' l'application des dispositions de l'article L. 211-14 II du code du tourisme qui impliquait le remboursement intégral et immédiat du voyage.
Cette ordonnance a cependant été annulée par le Conseil d'État, par arrêt n° 441663 du 13 octobre 2023, en tant qu'elle s'appliquait aux contrats de voyages et de séjours mentionnés au II de l'article L. 211-14 du code du tourisme, de sorte qu'elle ne peut servir de fondement juridique à une décision.
L'ensemble de ces considérations conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Havas Voyages à rembourser à Mme [C] la somme de 3 377,14 euros correspondant à l'intégralité du prix du voyage que la cliente avait acquitté.
Sur la résistance abusive
Mme [C] sollicite la condamnation de la société Havas Voyages à lui verser une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
A l'appui de sa demande, elle fait valoir qu'elle a fait preuve d'une patience incontestable et, avant tout contentieux, a recherché le règlement amiable du litige, que depuis l'année 2000, elle a échangé avec la société Havas Voyages qui n'a cessé de lui refuser le remboursement de son voyage, malgré les recommandations du ministère des Affaires étrangères en lien avec la pandémie. Elle ajoute que la société Havas Voyages a interjeté appel du jugement alors que le juge de première instance avait strictement appliqué les règles de droit. Enfin, elle souligne qu'elle a été contrainte de solliciter l'intervention d'une association de consommateurs, ainsi que d'un conseil, que malgré toutes ces démarches, la société Havas Voyages a visiblement préféré la voie contentieuse au règlement amiable du litige.
La société Havas Voyages rétorque que, dans la mesure où sa responsabilité n'était pas engagée, elle n'avait aucune obligation ni de rembourser les sommes payées à Mme [C], ni de lui proposer un avoir. Elle considère qu'aucune résistance abusive n'est caractérisée, l'abus de droit exigeant au moins un acte de mauvaise foi. Elle souligne que, même si elle n'était pas d'accord, elle a toujours répondu à Mme [C] dans des délais raisonnables.
Sur ce,
L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus de droit qu'en cas de mauvaise foi.
L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute.
En l'espèce, le fait que la société Havas Voyages ait maintenu sa position malgré des tentatives de règlement amiable du litige et le rejet de sa position en première instance et en appel ne caractérisent pas une résistance abusive, faute pour Mme [C] de démontrer que l'agence a agi de mauvaise foi.
En outre, l'intimée ne démontre pas avoir subi un préjudice qui ne soit déjà indemnisé par la condamnation de la société Havas Voyages aux intérêts moratoires et l'octroi d'une indemnité de procédure.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la société Havas Voyages à verser à Mme [C] la somme de 600 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
Tenant compte de la décision rendue, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Havas Voyages au paiement des dépens de première instance et à verser à Mme [C] une somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles exposés.
La société Havas Voyages, qui succombe en son recours, supportera les dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
La société Havas Voyages sera en outre condamnée à payer à Mme [C] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 3 000 euros et sera déboutée de sa propre demande présentée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt le 15 mars 2024, excepté en ce qu'il a condamné la SASU Havas Voyages à verser à Mme [B] [C] la somme de 600 euros à titre de dommages-intérêts,
Statuant à nouveau du chef infirmé et ajoutant,
DÉBOUTE Mme [B] [C] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,
CONDAMNE la SASU Havas Voyages au paiement des dépens d'appel,
CONDAMNE la SASU Havas Voyages à payer à Mme [B] [C] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la SASU Havas Voyages de sa demande présentée sur le même fondement.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Bénédicte NISI, Greffière en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.