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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 3 juin 2025, n° 23/02616

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/02616

3 juin 2025

03/06/2025

ARRÊT N°25/218

N° RG 23/02616 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PS5D

VS CG

Décision déférée du 05 Juillet 2023

Président du TJ de [Localité 5]

( 21/00671)

M. ANIERE

[V] [F] [R]

C/

S.A.S. ARIEGE PRIMEURS

CADUCITE DE LA DECLARATION D'APPEL

Grosse délivrée

le

à Me PRADON-BABY

Me CASTEX

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANT

Monsieur [V] [F] [R] retraité

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Virginie PRADON-BABY de la SCP SCP PRADON-BABY CHATRY-LAFFORGUE, avocat au barreau d'ARIEGE

INTIMEE

S.A.S. ARIEGE PRIMEURS

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Christine CASTEX de la SAS CABINET CASTEX, avocat au barreau d'ARIEGE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, présidente, chargée du rapport et S. MOULAYES, conseillère. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

S. MOULAYES, conseillère

M. NORGUET, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre

Exposé des faits et procédure ::

Le 3 février 2014, Monsieur [V] [R] et Madame [D] [S] épouse [R] ont consenti à la Sas Ariège Primeurs un bail commercial portant sur un ensemble immobilier situé à [Adresse 4].

Par acte d'huissier en date du 18 mai 2021, Monsieur [R] a fait délivrer à la Sas Ariège Primeurs un commandement de payer visant la clause résolutoire pour les loyers impayés pour les mois d'octobre à décembre 2020.

Par acte d'huissier en date du 3 juin 2021, la Sas Ariège Primeurs a saisi le tribunal judiciaire de Foix d'une demande à l'encontre de Monsieur [V] [R] tendant à annuler le commandement délivré.

Cette instance a été enrôlée sous le numéro RG 21/00671.

Par acte d'huissier du 19 novembre 2021, Monsieur [U] a fait délivrer à la Sas Ariège Primeurs un second commandement de payer visant la clause résolutoire pour les loyers impayés pour les mois de février, mars, avril et juillet 2021.

Par acte d'huissier en date du 3 décembre 2021, la Sas Ariège Primeurs a saisi le tribunal judiciaire de Foix d'une demande à l'encontre de Monsieur [V] [R] tendant à annuler le commandement délivré.

Cette instance a été enrôlée sous le numéro RG 21/1427.

Le 27 janvier 2022, Monsieur [R] a fait délivrer un congé pour non renouvellement du bail à effet au 2 février 2023 à la Sas Ariège Primeurs.

Cette instance a été enrôlée sous le numéro RG 22/00249.

Par ordonnance du 8 février 2022, le juge de la mise en état a rejeté la demande d'expertise présentée par Monsieur [R] et la demande de résiliation du bail comme relevant de la compétence du juge du fond.

Monsieur [R] a fait appel de cette ordonnance.

Par ordonnance du 21 juin 2022, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des procédures enrôlées sous les numéros RG 21/671, RG 21/01427 et RG 22/00249.

Par arrêt en date du 10 janvier 2023, la Cour d'appel a confirmé l'ordonnance du juge de la mise en état du 8 février 2022 en toutes ses dispositions et a condamné Monsieur [R] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (cpc), outre aux dépens d'appel.

Par jugement du 5 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Foix a :

prononcé la nullité du congé délivré le 27 janvier 2022 ;

déclaré réguliers les commandements de payer visant la clause résolutoire en date des 18 mai 2021 et 19 novembre 2021 ;

dit que ces commandements ont été régularisés dans le délai imparti et que la clause résolutoire n'a pas été acquise ;

condamné Monsieur [R] au paiement à la Sas Ariege Primeurs de la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

débouté la Sas Ariege Primeurs de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

condamné Monsieur [R] aux dépens ;

condamné Monsieur [R] au paiement à la Sas Ariege Primeurs de la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles avec recouvrement direct au profit de Maître Castex en application de l'article 699 du cpc;

rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Monsieur [R], succombant, sera condamné aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2 500 en application de l'article 699 du cpc.

Par déclaration en date du 19 juillet 2023, [V] [R] a relevé appel du jugement du 5 juillet 2023 ainsi que de l'ordonnance du juge de la mise en état du 8 février 2022. La portée de l'appel est la réformation l'infirmation des chefs de l'ordonnance et du jugement rendus en ce qu'ils ont :

pour l'ordonnance,

débouté Monsieur [R] de sa demande d'expertise,

condamné Monsieur [R] aux dépens de l'incident.

pour le jugement,

prononcé la nullité du congé délivré le 7/01/2022,

dit que la clause résolutoire n'a pas été acquise,

condamné Monsieur [R] au paiement à la Sas Ariège Primeurs de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts,

condamné Monsieur [U] aux dépens,

condamné Monsieur [U] au paiement à la Sas Ariège Primeurs de la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles avec recouvrement direct au profit de Maître Castex en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le 28 août 2023, le conseiller de la mise en état a adressé aux parties une proposition de médiation, acceptée par [V] [R] et refusée par la Sas Ariège Primeurs.

La clôture était prévue pour le 17 février 2025.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions d'appelant devant la cour d'appel de Toulouse notifiées le 18 octobre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur [V] [R] demandant, au visa des articles 1353, 141-41 du code de commerce, de :

entendre réformer la décision à intervenir,

entendre instaurer une mesure d'expertise aux frais avancés de Monsieur [R] [V] avec mission à l'expert après avoir convoqué les parties, s'être fait remettre les pièces et s'être rendu sur les lieux,

dire si des travaux, tels que prévus à l'avenant au contrat de bail du 3 février 2014 ont été réalisés,

chiffrer lesdits travaux et donner son avis sur leur exécution,

donner au tribunal tous éléments pour trancher le présent litige, y compris en chiffrant les préjudices liés à l'inexécution de leurs obligations par les parties,

constater que la résiliation du bail commercial n'a jamais été sollicitée sur incident,

s'entendre condamner à verser au concluant la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc,

s'entendre condamner aux dépens.

Vu les conclusions d'intimé devant la cour d'appel de Toulouse notifiées le 15 décembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Ariège Primeurs demandant, au visa des articles 122, 480, 908, 911-1, 954 du code de procédure civile, 1355 du code civil, de :

ordonner que l'appel interjeté porte uniquement sur l'ordonnance en date du 8 février 2022, les conclusions ne faisant mention d'aucune demande sur le jugement en date du 5 juillet 2023,

ordonner que les conclusions d'appel de [V] [P] sont irrecevables en raison de l'autorité de chose jugée de l'arrêt en date du 10 janvier 2023, confirmant l'ordonnance en date du 8 février 2022, dont appel,

en conséquence, ordonner l'irrecevabilité de l'appel de [V] [R] dans son intégralité,

à titre subsidiaire, si l'appel n'était pas irrecevable,

ordonner la caducité de la déclaration d'appel en date du 19 juillet 2023 en l'absence de mention de l'infirmation ou de l'annulation du jugement ou d'une décision dans le dispositif des conclusions d'appelant,

à titre infiniment subsidiaire,

si de manière extraordinaire la Cour ne devait pas prononcer la caducité de l'appel,

débouter [V] [R] de l'ensemble de ses demandes d'expertise,

confirmer le jugement rendu par le tribunal Judiciaire de Foix du 05 juillet 2023 en toutes ses dispositions,

en tout état de cause,

condamner [V] [R] à payer à la Société Ariege Primeurs la somme de 5000 euros au titre de la procédure abusive engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil et sur l'article 32-1 du code de procédure civile,

condamner [V] [R] à payer à la Sas Ariege Primeurs la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner Monsieur [R] [V] aux entiers dépens d'appel et de première instance ;

et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Christine Castex pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Motifs de la décision :

- sur la recevabilité de l'appel :

Dans sa déclaration d'appel en date du 19 juillet 2023, [V] [R] a relevé appel de l'ordonnance du juge de la mise en état du 8 février 2022 et du jugement du tribunal du 5 juillet 2023 :

C'est à bon droit que la SAS Ariège Primeurs soulève l'irrecevabilité de l'appel concernant l'ordonnance du juge de la mise en état du 8 février 2022 pour autorité de la chose jugée dès lors que l'ordonnance du juge de la mise en état, sur appel du 14 février 2022 par [V] [R], a été confirmée en toutes ses dispositions par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 10 janvier 2023.

Cet arrêt est revêtu de l'autorité de la chose jugée dès lors l'appel formé par [V] [R] le 19 juillet 2023 contre cette même ordonnance est irrecevable.

En revanche son appel concernant le jugement du 5 juillet 2023 est recevable.

- sur la caducité de la déclaration d'appel :

la SAS Ariège Primeurs soulève la caducité de la déclaration d'appel concernant les autres chefs de la déclaration d'appel dès lors que les demandes de l'appelant sont irrecevables, le dispositif des conclusions de l'appelant ne sollicitant ni la réformation du jugement déféré ni son annulation .

[V] [R] n'a pas répondu au moyen soulevé par son adversaire.

La Cour de cassation a rappelé encore récemment les exigences procédurales liées aux dispositions des articles 908 et 954 du cpc (cf 2e Civ., 30 avril 2025, pourvoi n° 23-15.794)

Ainsi, l'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954 du cpc

Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel.

À défaut et en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement

Ainsi, l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement.

En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 20-15-766, publié)

Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Elle ne peut donc être soulevée que dans les déclarations d'appel postérieures au 17 septembre 2020.

En l'espèce, la déclaration d'appel de [V] [R] a été formée le 19 juillet 2023, postérieurement à la jurisprudence précitée du 17 septembre 2020.

Par ailleurs, la cour constate que le dispositif des premières et uniques conclusions de l'appelant se borne à solliciter d'une part à « réformer la décision à intervenir », d'autre part à « instaurer une mesure d'expertise », enfin à « donner au tribunal tous éléments pour trancher le présent litige, y compris en chiffrant les préjudices liés à l'inexécution de leurs obligations par les parties, et constater que la résiliation du bail commercial n'a jamais été sollicitée sur incident ».

Même si la mention « réformer la décision à intervenir » relevait éventuellement d'une maladresse d'écriture, force est de constater que le jugement n'a pas débouté [V] [R] d'une demande d'expertise, dès lors aucune des demandes formulées en appel ne visent à réformer le jugement déféré qui tranchait la nullité du congé délivré et la régularité des commandements délivrés outre des demandes de dommages intérêts pour procédure abusive.

Il convient dès lors de constater que le dispositif des conclusions de l'appelant ne saisit pas cour d'appel de demandes conformes aux exigences de la procédure d'appel, et la cour ne peut que constater la caducité de la déclaration d'appel comme elle est demandée par la partie intimée.

- sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du code civil et l'article 32-1 du cpc :

la SAS Ariège Primeurs dénonce le fait que la procédure diligentée par son adversaire en appel est abusive alors qu'il avait déjà relevé appel de l'ordonnance du juge de la mise en état et que les conclusions étaient identiques à celles présentées dans le cadre du litige en appel contre l'ordonnance du 8 février 2022. Elle dénonce une intention de lui porter préjudice et un acharnement procédural aggravé par un défaut de diligences.

L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi, ou avec légèreté blâmable tous faits insuffisamment caractérisés en l'espèce ; il semble plutôt que [V] [R] se soit méprise sur l'étendue de ses droits en essayant d'obtenir en vain et de façon quelque peu désordonnée une expertise judiciaire.

La demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la SAS Ariège Primeurs doit être rejetée.

La cour d'appel n'entend pas faire application des dispositions de l'article 32-1 du cpc sur le caractère dilatoire ou abusif de la procédure diligentée.

- Sur les demandes accessoires :

[V] [R] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel.

Eu égard à la situation des parties et à l'issue du litige [V] [R] sera condamné à verser 4000 euros à la SASU Ariege Primeurs.

.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

- déclare irrecevable l'appel formée contre l'ordonnance du juge de la mise en état du 8 février 2022

- prononce la caducité de la déclaration d'appel contre le jugement du 5 juillet 2023

- déboute la SASU Ariège Primeurs de sa demande de dommages-intérêts

- condamne [V] [R] aux dépens d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- condamne [V] [R] à payer à la SASU Ariege Primeurs la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

.

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