CA Poitiers, 2e ch., 3 juin 2025, n° 24/02353
POITIERS
Arrêt
Autre
ARRET N°215
CL/KP
N° RG 24/02353 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HEQK
[D]
S.A.S. CEDIGEP
C/
[T]
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 03 JUIN 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/02353 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HEQK
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 septembre 2024 rendue par le Président du Tribunal judiciaire de LA ROCHELLE.
APPELANTS :
Monsieur [I] [D]
né le 02 Février 1990 à [Localité 17] (17)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant la SELARL DRAGEON ET ASSOCIE, avocat au barreau de LA ROCHELLE.
S.A.S. CEDIGEP prise en la personne de Maître [G] [N] et en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SAS RB MECA
[Adresse 8]
[Localité 1]
Ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant la SELARL DRAGEON ET ASSOCIE, avocat au barreau de LA ROCHELLE.
INTIME :
Monsieur [Z] [T]
né le 05 Juin 1968 à [Localité 18] (17)
[Adresse 15]
[Localité 2]
Ayant pour avocat plaidant Me Dimitri BUISSON de l'AARPI LEX VALORYS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 Avril 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Madame Lydie MARQUER, Présidente
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
Le 21 janvier 2019 Monsieur [Z] [T] a donné à bail commercial à Monsieur '[I] [D] RB Meca' un local sis [Adresse 14] à [Localité 13] pour une durée de 6 ans et un loyer mensuel de 300 euros toutes taxes comprises (ttc).
Par avenant du 1er avril 2022, le loyer mensuel a été porté à la somme de 1680 euros ttc.
Le 18 décembre 2023, Monsieur [T] a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme de 22.201,90 euros.
Le 21 mai 2024, Monsieur [T] a attrait Monsieur [D] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de La Rochelle.
Dans le dernier état de ses demandes, Monsieur [T] a demandé de :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire au 19 janvier 2024 ;
- condamner Monsieur [D] au paiement de la somme de 30.711 euros au titre des loyers, charges et clause pénale ;
- condamner Monsieur [D] a libérer les lieux, et à défaut ordonner son expulsion ainsi que tous les biens et occupants de son chef, avec au besoin le concours de la force publique ;
- condamner Monsieur [D] à une indemnité journalière égale au montant du loyer et des charges en subissant les augmentations légales jusqu'à libération des lieux ;
- le condamner à lui verser la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles.
Quoique régulièrement cité, Monsieur [D] n'a pas constitué avocat.
Par jugement du tribunal de commerce de La Rochelle en date du 26 juillet 2024, la société Rb Meca a été placée en liquidation judiciaire et la société par actions simplifiée Cedigep a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de celle-ci.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 17 septembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de la Rochelle a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 19 janvier 2024 ;
- dit que Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] devrait libérer le local sis [Adresse 14] à [Localité 13] dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance ;
- ordonné passé ce délai, son expulsion et celle de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
- condamné Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] à payer à Monsieur [T] la somme provisionnelle de 22.201,90 euros au titre des arriérés de loyers décomptés au 19 janvier 2024 ;
- condamné Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] à payer à Monsieur [T] la somme provisionnelle de 2.220,19 euros au titre de la clause pénale ;
- condamné Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] à payer à Monsieur [T] à titre d'indemnité d'occupation la somme de 1680 euros par mois à compter du 19 01 2024 ;
- rejeté toutes les autres demandes ;
- condamné Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] à payer à Monsieur [T] la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles ;
- dit que Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] supporterait les entiers dépens de l'instance, comprenant le coût du commandement de payer du 18 décembre 2023.
Le 17 septembre 2024, la société Cedigep, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Rb Meca, a relevé appel de cette ordonnance, en intimant Monsieur [T].
Le 24 octobre 2024, le greffe a adressé à l'appelant un calendrier de procédure en circuit court.
Le 25 octobre 2024, Monsieur [T] a constitué avocat.
Le 28 octobre 2024, la société Cedigep ès qualités a notifié sa déclaration d'appel et le calendrier de procédure à Monsieur [T].
Le 23 décembre 2024, Monsieur [D] et la société Cedigep ès qualités demandent :
A titre principal,
- de prononcer la nullité de l'acte introductif d'instance du 21 mai 2024,
En conséquence :
- de prononcer la nullité de l'ordonnance déférée,
- de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel,
- de renvoyer Monsieur [T] à mieux se pourvoir,
A titre subsidiaire, si par impossible la cour dût prononcer la nullité de l'ordonnance déférée mais juger que l'appel produisait un effet dévolutif,
- de juger Monsieur [T] irrecevable ou à tout le moins mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter,
A titre infiniment subsidiaire, si par extrême impossible la cour ne dût pas prononcer la nullité de l'ordonnance déférée,
- d'infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, sauf en celle ayant rejeté toutes les autres demandes ;
Et statuant à nouveau :
- de juger Monsieur [T] irrecevable ou à tout le moins mal fondé en toutes ses demandes
et l'en débouter,
En tout état de cause,
- de condamner Monsieur [T] à leur payer la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.
Le 10 janvier 2025, Monsieur [T] demande de :
- confirmer intégralement l'ordonnance déférée ;
- débouter Monsieur [D] et la société Cedigep de l'ensemble de leurs demandes formées à titre principal, subsidiairement, à titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause, tendant à réformer l'ordonnance dont appel ;
- juger que l'acte introductif d'instance était valide ;
- constater que Monsieur [T] avait contracté avec Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] ;
- débouter les mêmes de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ;
- condamner solidairement Monsieur [D] et la société Cedigep à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures précitées des parties déposées aux dates susdites.
Le 5 mars 2025, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.
MOTIVATION
Sur la détermination de la personne locataire partie au contrat de bail en litige
Il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat d'en rapporter la preuve.
Selon l'article L. 210-6 du code de commerce, les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à date de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
La novation ne peut se déduire que d'actes en traduisant la volonté de manière claire et non équivoque.
Monsieur [T] soutient avoir passé le contrat de bail avec Monsieur [D], tandis que la société [O] (avec Monsieur [D]) soutient avoir été la partie désignée au contrat de bail.
L'examen du contrat originaire du 21 janvier 2019 que le preneur y est identifié comme Monsieur [D] [I] [O], né le 2 février 1990 à [Localité 17], de nationalité française, demeurant [Adresse 5].
Ce contrat porte sur une pièce principale, d'une surface de 60 m2, à la destination de garage, pour un loyer annuel hors taxes de 300 euros.
Ce premier contrat ne mentionne pas l'adresse des lieux donnés à bail.
Et il constant entre parties que c'est Monsieur [D] qui a signé le contrat pour le locataire.
Le contrat du 1er avril 2022 fait ressortir que le locataire et son adresse y sont désignés comme suit : RB Meca, [Adresse 5].
Ce contrat porte sur deux pièces d'une surface totale de 300 m2, pour un loyer mensuel hors taxes taxe de 1400 euros, outre 280 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.
Ce second contrat mentionne que les lieux loués sont situés à La Ferme de la Parée, sans autre précision.
Et les intimés ne dénient pas comme leurs les paraphes figurant à chacune des pages de cet avenant.
Il est constant entre parties que les locaux loués se situent, pour l'un ou l'autre contrat, au [Adresse 16].
Alors que l'extrait du registre national des entreprises fait apparaître que la société par actions simplifiée [O] n'a été enregistrée que le 18 mars 2022, date marquant le commencement de son existence juridique, le bail originaire du 21 janvier 2019 n'a pas pu être passé avec cette personne morale.
Il s'en déduira, de plus fort au regard de l'identification du locataire sus détaillée, que ce bail originaire a été passé avec le seul Monsieur [D] personne physique exerçant son activité sous l'enseigne [O].
En outre, dans le second contrat à effet au 1er avril 2022, la seule identification du preneur sous la dénomination [O], avec la même adresse que celle du locataire originaire, ne permet pas d'en déduire que les parties auraient ainsi voulu substituer en qualité de locataire la personne morale nouvellement créée à la personne physique du locataire originaire.
Il y aura donc lieu de retenir que tant le premier contrat de bail que le second désignent le seul Monsieur [D] personne physique en qualité de preneur.
Et la circonstance, à la supposer établie, que la personne morale règle les loyers entre les mains du bailleur en lieu et place de la personne physique, n'est pas de nature à infléchir cette analyse.
Au contraire, la consultation du site infogreffe fait apparaître que Monsieur [D] en son nom personnel a fait l'objet d'une première immatriculation le 24 août 2015 pour une activité en entreprise individuelle ayant pour activité l'entretien et la réparation de véhicules automobiles légers, sous le nom commercial [O], et que la dite inscription a fait l'objet d'une radiation le 1er octobre 2024.
De plus fort, il en sera déduit que le preneur est la personne physique.
Sur la nullité de l'assignation et l'irrecevabilité des prétentions du bailleur
Selon l'article 14 du code de procédure civile,
Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.
Selon l'article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne ; la signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet.
Selon l'article 655 du même code,
Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.
L'huissier de justice doit laisser, dans tous les cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.
Selon l'article 656 du même code,
Si la personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile.
Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement habilitée.
La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant 3 mois. Passé ce délai, l'huissier en est déchargé.
L'huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l'acte à une autre étude ou celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions.
Selon l'article 659 du même code,
Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connu, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Le même jour, ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet la signification.
Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.
Est nulle la signification sur le fondement ce texte, alors que le créancier connaissait l'adresse à laquelle le débiteur pouvait être joint, et qu'il n'était constaté aucune diligence de l'huissier pour y délivrer l'acte (Cass. 2e civ., 20 octobre 2005, n°03-19.489, Bull. 2005, II, n°266).
Selon l'article 690 du même code, alinéa 1,
La notification à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement.
La nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions gouvernant la nullité des actes de procédure.
Selon l'article 114 du même code,
Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'observation d'une formalité substantielle d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle d'ordre public.
L'insuffisance de mentions des diligences de l'huissier constitue un vice de forme qui n'entraîne la nullité de la signification que sur la démonstration par celui qui l'invoque d'un grief.
La signification à une personne morale est faite au lieu de son établissement ou de son siège social.
S'agissant d'une signification à une personne morale de droit privé, l'huissier de justice n'a d'obligation de la tenter qu'au lieu du siège social et n'est pas tenu de rechercher le domicile du gérant (Cass. 2e Civ., 21 juin 1995, pourvoi n° 93-16.761, Bulletin 1995 II N° 192).
La signification d'un acte ne peut être délivrée à domicile en un lieu où son destinataire se borne à exercer une activité professionnelle (Cass. 2e civ., 4 juin 2009, n°08-12.491, diffusé).
L'huissier doit impérativement vérifier que le destinataire demeure à l'adresse indiquée et mentionner sur l'acte qu'il a procédé à cette vérification ; l'acte doit justifier d'investigations concrètes et une simple formule de style serait inopérante à cet égard.
Il ne peut se contenter d'effectuer une seule diligence, telle que la seule certification de la réalité du domicile par une personne présente dans les lieux loués sans indication de l'identité de celle-ci (Cass. 2e civ., 22 octobre 1997, n°95-20.542), ou la seule mention dans l'acte de la confirmation du domicile du destinataire par différents voisins (Cass. 2e civ., 28 février 2006, n°04-12.133).
La seule mention du nom sur la boîte aux lettres ne constitue pas à elle seule une vérification suffisante de ce que le destinataire de l'acte demeure bien à l'adresse de signification, alors qu'une précédente signification avait été faite à une autre adresse (Cass. 2e civ., 15 janvier 2009, n°07-20.472).
Mais la signification a été valablement réalisée, lorsque l'huissier de justice s'est assuré à la fois que le nom des destinataires figurait sur la boîte aux lettres, et que le domicile avait été confirmé par un voisin dont l'huissier n'était pas tenu de mentionner l'identité (Cass. 2e civ., 8 mars 2006, n°04-19.140).
Un changement d'adresse du destinataire, qui n'aurait pas été signalé, à lui seul, ne justifie pas de l'absence de diligences suffisantes de la part de l'huissier (Cass. 1ère civ., 10 janvier 2018, n°16-27.837, Cass. 2e civ., 1er mars 2018, n°17-10.098).
Mais la seule mention, dans l'acte de l'huissier de justice, que le nom du destinataire de l'acte figure sur la boîte aux lettres, n'est pas de nature à établir, en l'absence de mention d'autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l'acte et, partant, ne satisfait pas aux exigences de l'article 656 du code de procédure civile (Cass. 2e civ., 8 septembre 2022, n°21-12.352, publié).
* * * * *
Par acte de commissaire de justice en date du 21 mai 2024, Monsieur [T] a assigné devant le juge des référés, selon les mentions de cet acte, Monsieur [D], exerçant sous l'enseigne [O], et cet acte lui a été signifié à la Ferme de La Parée, à [Localité 11].
Les appelants soutiennent que cette assignation est nulle.
En rappelant que celle-ci aurait dû être délivrée à la société [O], ils font valoir le vice de forme l'entachant, résultant de ce que celle-ci a été délivrée à une personne tierce à la procédure, en privant la société locataire de la possibilité de se défendre devant le premier juge, et encore sans avoir été dénoncée au liquidateur de la société Rb Meca, qui n'a pas non plus été mis en mesure de se défendre.
Mais alors que la cour a retenu que le locataire désigné au contrat de bail était le seul Monsieur [D], personne physique, ces moyens sont inopérants.
En rappelant que la société [O] avait son siège social établi au [Adresse 6], à [Localité 10], Monsieur [D] et la société Cedigep ès qualités font valoir que ni le premier à titre personnel, ni la société [O] ne pouvaient être assignés à la Ferme de La Parée à [Localité 11], adresse à laquelle le bailleur a fait signifier la dite assignation, et qui n'était autre que l'adresse du local loué visée au bail professionnel.
Il sera renvoyé aux éléments développés plus haut, pour retenir là encore le caractère inopérant de ce dernier moyen en ce qu'il concerne la société [O].
- - - - -
S'agissant du moyen en ce qu'il est développé par Monsieur [D], il y aura lieu certes d'observer que le procès-verbal de signification adressé à l'intéressé, sous l'enseigne [O], [Adresse 14], à [Localité 12], énonce que cette adresse constitue le domicile du destinataire dont la certitude est caractérisé par le fait que :
- le nom figure sur internet ;
- le destinataire est connu de l'étude ;
- la confirmation des services postaux.
Et l'officier ministériel instrumentaire y énonce que la signification à personne s'y avère impossible car les locaux sont fermés lors de son passage, et que Monsieur [D], joint au téléphone, précise qu'il est en vacances.
Mais alors que la signification devait être délivrée à la personne physique de Monsieur [D], il incombait à l'huissier instrumentaire, à défaut d'une signification à personne, de délivrer celle-ci à son domicile, ou à sa résidence.
Et ce lieu où la signification devait être réalisée ne peut pas être assimilé à l'endroit où cette personne physique exerce son activité professionnelle.
Or, les mentions de l'acte de signification ne font pas apparaître en quoi le commissaire de justice s'est assuré que l'adresse à laquelle il a instrumenté était bien celle du domicile ou de la résidence de Monsieur [D], plutôt que celle de sa seule activité professionnelle.
Et la seule teneur du compte rendu de l'entretien téléphonique avec ce dernier, mentionnant qu'il est en vacances, ne permet pas plus d'établir qu'il a été procédé à cette vérification.
A l'inverse, il sera observé que l'extrait du site infogreffe, produit par le bailleur lui-même, fait ressortir que le siège social déclaré par Monsieur [D] est au [Adresse 7].
De même, l'extrait du registre national des entreprises concernant la société [O], à jour au 8 octobre 2024, fait ressortir, s'agissant du domicile personnel de Monsieur [D], cette même adresse.
Or, cette adresse correspond exactement à celle figurant sur les contrats de bail successifs.
Et au contraire, la cour observe que le commandement aux fins de saisie-vente a été signifié à Monsieur [D] le 20 septembre 2024 à [Localité 9], soit à l'adresse correspondant exactement à son domicile.
Et cet acte mentionne que le domicile de l'intéressé a été confirmé car :
- le destinataire est connu de l'étude ;
- la confirmation des services fiscaux ;
- la confirmation par l'intéressé lui-même ;
- la confirmation par les services postaux.
Il ressort ainsi de ces éléments, avec l'évidence devant s'imposer au juge des référés, que le domicile de Monsieur [D] est fixé au [Adresse 6] à [Localité 9] et que cette adresse était connue du bailleur ou aurait dû l'être.
Du tout, il se déduira que l'assignation en référé-expulsion a été délivrée à une adresse que le bailleur savait sciemment ne pas être celle du domicile du locataire personne physique, ou à tout le moins que l'officier ministériel instrumentaire n'a pas suffisamment vérifié que l'adresse à laquelle il avait instrumenté constituait le domicile ou la résidence de son destinataire, alors qu'il disposait de moyens suffisants pour s'en assurer.
Et l'irrégularité de cet acte introductif instance a porté atteinte aux intérêts de son destinataire, qu'il n'a pas touché, et qui n'a ainsi pas été mis en mesure de faire valoir sa défense devant le premier juge.
Il y aura donc lieu d'annuler l'acte introductif d'instance en date du 21 mai 2024, de prononcer la nullité de l'ordonnance déférée, et de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Annule l'acte introductif d'instance en date du 21 mai 2024 :
Prononce la nullité de l'ordonnance déférée ;
Constate l'absence d'effet dévolutif de l'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
CL/KP
N° RG 24/02353 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HEQK
[D]
S.A.S. CEDIGEP
C/
[T]
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 03 JUIN 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/02353 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HEQK
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 septembre 2024 rendue par le Président du Tribunal judiciaire de LA ROCHELLE.
APPELANTS :
Monsieur [I] [D]
né le 02 Février 1990 à [Localité 17] (17)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant la SELARL DRAGEON ET ASSOCIE, avocat au barreau de LA ROCHELLE.
S.A.S. CEDIGEP prise en la personne de Maître [G] [N] et en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SAS RB MECA
[Adresse 8]
[Localité 1]
Ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant la SELARL DRAGEON ET ASSOCIE, avocat au barreau de LA ROCHELLE.
INTIME :
Monsieur [Z] [T]
né le 05 Juin 1968 à [Localité 18] (17)
[Adresse 15]
[Localité 2]
Ayant pour avocat plaidant Me Dimitri BUISSON de l'AARPI LEX VALORYS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 Avril 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Madame Lydie MARQUER, Présidente
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
Le 21 janvier 2019 Monsieur [Z] [T] a donné à bail commercial à Monsieur '[I] [D] RB Meca' un local sis [Adresse 14] à [Localité 13] pour une durée de 6 ans et un loyer mensuel de 300 euros toutes taxes comprises (ttc).
Par avenant du 1er avril 2022, le loyer mensuel a été porté à la somme de 1680 euros ttc.
Le 18 décembre 2023, Monsieur [T] a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme de 22.201,90 euros.
Le 21 mai 2024, Monsieur [T] a attrait Monsieur [D] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de La Rochelle.
Dans le dernier état de ses demandes, Monsieur [T] a demandé de :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire au 19 janvier 2024 ;
- condamner Monsieur [D] au paiement de la somme de 30.711 euros au titre des loyers, charges et clause pénale ;
- condamner Monsieur [D] a libérer les lieux, et à défaut ordonner son expulsion ainsi que tous les biens et occupants de son chef, avec au besoin le concours de la force publique ;
- condamner Monsieur [D] à une indemnité journalière égale au montant du loyer et des charges en subissant les augmentations légales jusqu'à libération des lieux ;
- le condamner à lui verser la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles.
Quoique régulièrement cité, Monsieur [D] n'a pas constitué avocat.
Par jugement du tribunal de commerce de La Rochelle en date du 26 juillet 2024, la société Rb Meca a été placée en liquidation judiciaire et la société par actions simplifiée Cedigep a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de celle-ci.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 17 septembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de la Rochelle a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 19 janvier 2024 ;
- dit que Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] devrait libérer le local sis [Adresse 14] à [Localité 13] dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance ;
- ordonné passé ce délai, son expulsion et celle de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
- condamné Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] à payer à Monsieur [T] la somme provisionnelle de 22.201,90 euros au titre des arriérés de loyers décomptés au 19 janvier 2024 ;
- condamné Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] à payer à Monsieur [T] la somme provisionnelle de 2.220,19 euros au titre de la clause pénale ;
- condamné Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] à payer à Monsieur [T] à titre d'indemnité d'occupation la somme de 1680 euros par mois à compter du 19 01 2024 ;
- rejeté toutes les autres demandes ;
- condamné Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] à payer à Monsieur [T] la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles ;
- dit que Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] supporterait les entiers dépens de l'instance, comprenant le coût du commandement de payer du 18 décembre 2023.
Le 17 septembre 2024, la société Cedigep, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Rb Meca, a relevé appel de cette ordonnance, en intimant Monsieur [T].
Le 24 octobre 2024, le greffe a adressé à l'appelant un calendrier de procédure en circuit court.
Le 25 octobre 2024, Monsieur [T] a constitué avocat.
Le 28 octobre 2024, la société Cedigep ès qualités a notifié sa déclaration d'appel et le calendrier de procédure à Monsieur [T].
Le 23 décembre 2024, Monsieur [D] et la société Cedigep ès qualités demandent :
A titre principal,
- de prononcer la nullité de l'acte introductif d'instance du 21 mai 2024,
En conséquence :
- de prononcer la nullité de l'ordonnance déférée,
- de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel,
- de renvoyer Monsieur [T] à mieux se pourvoir,
A titre subsidiaire, si par impossible la cour dût prononcer la nullité de l'ordonnance déférée mais juger que l'appel produisait un effet dévolutif,
- de juger Monsieur [T] irrecevable ou à tout le moins mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter,
A titre infiniment subsidiaire, si par extrême impossible la cour ne dût pas prononcer la nullité de l'ordonnance déférée,
- d'infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, sauf en celle ayant rejeté toutes les autres demandes ;
Et statuant à nouveau :
- de juger Monsieur [T] irrecevable ou à tout le moins mal fondé en toutes ses demandes
et l'en débouter,
En tout état de cause,
- de condamner Monsieur [T] à leur payer la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.
Le 10 janvier 2025, Monsieur [T] demande de :
- confirmer intégralement l'ordonnance déférée ;
- débouter Monsieur [D] et la société Cedigep de l'ensemble de leurs demandes formées à titre principal, subsidiairement, à titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause, tendant à réformer l'ordonnance dont appel ;
- juger que l'acte introductif d'instance était valide ;
- constater que Monsieur [T] avait contracté avec Monsieur [D] exerçant sous l'enseigne [O] ;
- débouter les mêmes de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ;
- condamner solidairement Monsieur [D] et la société Cedigep à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures précitées des parties déposées aux dates susdites.
Le 5 mars 2025, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.
MOTIVATION
Sur la détermination de la personne locataire partie au contrat de bail en litige
Il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat d'en rapporter la preuve.
Selon l'article L. 210-6 du code de commerce, les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à date de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
La novation ne peut se déduire que d'actes en traduisant la volonté de manière claire et non équivoque.
Monsieur [T] soutient avoir passé le contrat de bail avec Monsieur [D], tandis que la société [O] (avec Monsieur [D]) soutient avoir été la partie désignée au contrat de bail.
L'examen du contrat originaire du 21 janvier 2019 que le preneur y est identifié comme Monsieur [D] [I] [O], né le 2 février 1990 à [Localité 17], de nationalité française, demeurant [Adresse 5].
Ce contrat porte sur une pièce principale, d'une surface de 60 m2, à la destination de garage, pour un loyer annuel hors taxes de 300 euros.
Ce premier contrat ne mentionne pas l'adresse des lieux donnés à bail.
Et il constant entre parties que c'est Monsieur [D] qui a signé le contrat pour le locataire.
Le contrat du 1er avril 2022 fait ressortir que le locataire et son adresse y sont désignés comme suit : RB Meca, [Adresse 5].
Ce contrat porte sur deux pièces d'une surface totale de 300 m2, pour un loyer mensuel hors taxes taxe de 1400 euros, outre 280 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.
Ce second contrat mentionne que les lieux loués sont situés à La Ferme de la Parée, sans autre précision.
Et les intimés ne dénient pas comme leurs les paraphes figurant à chacune des pages de cet avenant.
Il est constant entre parties que les locaux loués se situent, pour l'un ou l'autre contrat, au [Adresse 16].
Alors que l'extrait du registre national des entreprises fait apparaître que la société par actions simplifiée [O] n'a été enregistrée que le 18 mars 2022, date marquant le commencement de son existence juridique, le bail originaire du 21 janvier 2019 n'a pas pu être passé avec cette personne morale.
Il s'en déduira, de plus fort au regard de l'identification du locataire sus détaillée, que ce bail originaire a été passé avec le seul Monsieur [D] personne physique exerçant son activité sous l'enseigne [O].
En outre, dans le second contrat à effet au 1er avril 2022, la seule identification du preneur sous la dénomination [O], avec la même adresse que celle du locataire originaire, ne permet pas d'en déduire que les parties auraient ainsi voulu substituer en qualité de locataire la personne morale nouvellement créée à la personne physique du locataire originaire.
Il y aura donc lieu de retenir que tant le premier contrat de bail que le second désignent le seul Monsieur [D] personne physique en qualité de preneur.
Et la circonstance, à la supposer établie, que la personne morale règle les loyers entre les mains du bailleur en lieu et place de la personne physique, n'est pas de nature à infléchir cette analyse.
Au contraire, la consultation du site infogreffe fait apparaître que Monsieur [D] en son nom personnel a fait l'objet d'une première immatriculation le 24 août 2015 pour une activité en entreprise individuelle ayant pour activité l'entretien et la réparation de véhicules automobiles légers, sous le nom commercial [O], et que la dite inscription a fait l'objet d'une radiation le 1er octobre 2024.
De plus fort, il en sera déduit que le preneur est la personne physique.
Sur la nullité de l'assignation et l'irrecevabilité des prétentions du bailleur
Selon l'article 14 du code de procédure civile,
Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.
Selon l'article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne ; la signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet.
Selon l'article 655 du même code,
Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.
L'huissier de justice doit laisser, dans tous les cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.
Selon l'article 656 du même code,
Si la personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile.
Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement habilitée.
La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant 3 mois. Passé ce délai, l'huissier en est déchargé.
L'huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l'acte à une autre étude ou celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions.
Selon l'article 659 du même code,
Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connu, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Le même jour, ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet la signification.
Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.
Est nulle la signification sur le fondement ce texte, alors que le créancier connaissait l'adresse à laquelle le débiteur pouvait être joint, et qu'il n'était constaté aucune diligence de l'huissier pour y délivrer l'acte (Cass. 2e civ., 20 octobre 2005, n°03-19.489, Bull. 2005, II, n°266).
Selon l'article 690 du même code, alinéa 1,
La notification à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement.
La nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions gouvernant la nullité des actes de procédure.
Selon l'article 114 du même code,
Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'observation d'une formalité substantielle d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle d'ordre public.
L'insuffisance de mentions des diligences de l'huissier constitue un vice de forme qui n'entraîne la nullité de la signification que sur la démonstration par celui qui l'invoque d'un grief.
La signification à une personne morale est faite au lieu de son établissement ou de son siège social.
S'agissant d'une signification à une personne morale de droit privé, l'huissier de justice n'a d'obligation de la tenter qu'au lieu du siège social et n'est pas tenu de rechercher le domicile du gérant (Cass. 2e Civ., 21 juin 1995, pourvoi n° 93-16.761, Bulletin 1995 II N° 192).
La signification d'un acte ne peut être délivrée à domicile en un lieu où son destinataire se borne à exercer une activité professionnelle (Cass. 2e civ., 4 juin 2009, n°08-12.491, diffusé).
L'huissier doit impérativement vérifier que le destinataire demeure à l'adresse indiquée et mentionner sur l'acte qu'il a procédé à cette vérification ; l'acte doit justifier d'investigations concrètes et une simple formule de style serait inopérante à cet égard.
Il ne peut se contenter d'effectuer une seule diligence, telle que la seule certification de la réalité du domicile par une personne présente dans les lieux loués sans indication de l'identité de celle-ci (Cass. 2e civ., 22 octobre 1997, n°95-20.542), ou la seule mention dans l'acte de la confirmation du domicile du destinataire par différents voisins (Cass. 2e civ., 28 février 2006, n°04-12.133).
La seule mention du nom sur la boîte aux lettres ne constitue pas à elle seule une vérification suffisante de ce que le destinataire de l'acte demeure bien à l'adresse de signification, alors qu'une précédente signification avait été faite à une autre adresse (Cass. 2e civ., 15 janvier 2009, n°07-20.472).
Mais la signification a été valablement réalisée, lorsque l'huissier de justice s'est assuré à la fois que le nom des destinataires figurait sur la boîte aux lettres, et que le domicile avait été confirmé par un voisin dont l'huissier n'était pas tenu de mentionner l'identité (Cass. 2e civ., 8 mars 2006, n°04-19.140).
Un changement d'adresse du destinataire, qui n'aurait pas été signalé, à lui seul, ne justifie pas de l'absence de diligences suffisantes de la part de l'huissier (Cass. 1ère civ., 10 janvier 2018, n°16-27.837, Cass. 2e civ., 1er mars 2018, n°17-10.098).
Mais la seule mention, dans l'acte de l'huissier de justice, que le nom du destinataire de l'acte figure sur la boîte aux lettres, n'est pas de nature à établir, en l'absence de mention d'autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l'acte et, partant, ne satisfait pas aux exigences de l'article 656 du code de procédure civile (Cass. 2e civ., 8 septembre 2022, n°21-12.352, publié).
* * * * *
Par acte de commissaire de justice en date du 21 mai 2024, Monsieur [T] a assigné devant le juge des référés, selon les mentions de cet acte, Monsieur [D], exerçant sous l'enseigne [O], et cet acte lui a été signifié à la Ferme de La Parée, à [Localité 11].
Les appelants soutiennent que cette assignation est nulle.
En rappelant que celle-ci aurait dû être délivrée à la société [O], ils font valoir le vice de forme l'entachant, résultant de ce que celle-ci a été délivrée à une personne tierce à la procédure, en privant la société locataire de la possibilité de se défendre devant le premier juge, et encore sans avoir été dénoncée au liquidateur de la société Rb Meca, qui n'a pas non plus été mis en mesure de se défendre.
Mais alors que la cour a retenu que le locataire désigné au contrat de bail était le seul Monsieur [D], personne physique, ces moyens sont inopérants.
En rappelant que la société [O] avait son siège social établi au [Adresse 6], à [Localité 10], Monsieur [D] et la société Cedigep ès qualités font valoir que ni le premier à titre personnel, ni la société [O] ne pouvaient être assignés à la Ferme de La Parée à [Localité 11], adresse à laquelle le bailleur a fait signifier la dite assignation, et qui n'était autre que l'adresse du local loué visée au bail professionnel.
Il sera renvoyé aux éléments développés plus haut, pour retenir là encore le caractère inopérant de ce dernier moyen en ce qu'il concerne la société [O].
- - - - -
S'agissant du moyen en ce qu'il est développé par Monsieur [D], il y aura lieu certes d'observer que le procès-verbal de signification adressé à l'intéressé, sous l'enseigne [O], [Adresse 14], à [Localité 12], énonce que cette adresse constitue le domicile du destinataire dont la certitude est caractérisé par le fait que :
- le nom figure sur internet ;
- le destinataire est connu de l'étude ;
- la confirmation des services postaux.
Et l'officier ministériel instrumentaire y énonce que la signification à personne s'y avère impossible car les locaux sont fermés lors de son passage, et que Monsieur [D], joint au téléphone, précise qu'il est en vacances.
Mais alors que la signification devait être délivrée à la personne physique de Monsieur [D], il incombait à l'huissier instrumentaire, à défaut d'une signification à personne, de délivrer celle-ci à son domicile, ou à sa résidence.
Et ce lieu où la signification devait être réalisée ne peut pas être assimilé à l'endroit où cette personne physique exerce son activité professionnelle.
Or, les mentions de l'acte de signification ne font pas apparaître en quoi le commissaire de justice s'est assuré que l'adresse à laquelle il a instrumenté était bien celle du domicile ou de la résidence de Monsieur [D], plutôt que celle de sa seule activité professionnelle.
Et la seule teneur du compte rendu de l'entretien téléphonique avec ce dernier, mentionnant qu'il est en vacances, ne permet pas plus d'établir qu'il a été procédé à cette vérification.
A l'inverse, il sera observé que l'extrait du site infogreffe, produit par le bailleur lui-même, fait ressortir que le siège social déclaré par Monsieur [D] est au [Adresse 7].
De même, l'extrait du registre national des entreprises concernant la société [O], à jour au 8 octobre 2024, fait ressortir, s'agissant du domicile personnel de Monsieur [D], cette même adresse.
Or, cette adresse correspond exactement à celle figurant sur les contrats de bail successifs.
Et au contraire, la cour observe que le commandement aux fins de saisie-vente a été signifié à Monsieur [D] le 20 septembre 2024 à [Localité 9], soit à l'adresse correspondant exactement à son domicile.
Et cet acte mentionne que le domicile de l'intéressé a été confirmé car :
- le destinataire est connu de l'étude ;
- la confirmation des services fiscaux ;
- la confirmation par l'intéressé lui-même ;
- la confirmation par les services postaux.
Il ressort ainsi de ces éléments, avec l'évidence devant s'imposer au juge des référés, que le domicile de Monsieur [D] est fixé au [Adresse 6] à [Localité 9] et que cette adresse était connue du bailleur ou aurait dû l'être.
Du tout, il se déduira que l'assignation en référé-expulsion a été délivrée à une adresse que le bailleur savait sciemment ne pas être celle du domicile du locataire personne physique, ou à tout le moins que l'officier ministériel instrumentaire n'a pas suffisamment vérifié que l'adresse à laquelle il avait instrumenté constituait le domicile ou la résidence de son destinataire, alors qu'il disposait de moyens suffisants pour s'en assurer.
Et l'irrégularité de cet acte introductif instance a porté atteinte aux intérêts de son destinataire, qu'il n'a pas touché, et qui n'a ainsi pas été mis en mesure de faire valoir sa défense devant le premier juge.
Il y aura donc lieu d'annuler l'acte introductif d'instance en date du 21 mai 2024, de prononcer la nullité de l'ordonnance déférée, et de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Annule l'acte introductif d'instance en date du 21 mai 2024 :
Prononce la nullité de l'ordonnance déférée ;
Constate l'absence d'effet dévolutif de l'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,