CA Rennes, 2e ch., 3 juin 2025, n° 23/01381
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Franfinance (SA), Azur Solution Energie (SAS), Athena (SELARL)
Défendeur :
Franfinance (SA), Azur Solution Energie (SAS), Athena (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jobard
Conseiller :
M. Pothier
Avocats :
Me Laudic-Baron, Me Scotto di Liguori, Me Yvon
EXPOSÉ DU LITIGE :
A la suite d'un démarchage à domicile, M. [M] [U] a, selon bon de commande du 20 mars 2017, commandé à la société Azur solution énergie (la société ASE) la fourniture et l'installation de 20 panneaux photovoltaïques et d'un ballon thermodynamique, moyennant le prix total de 36 890 euros TTC.
En vue de financer cette opération, la société Franfinance a, selon offre acceptée le même jour, consenti à M. [U] et Mme [W] [H] épouse [U] (les époux [U]) un prêt de 36 890 euros au taux de 5,80 % l'an, remboursable en 12 mensualités de 183 euros et 126 mensualités de 402,91 euros, hors assurance emprunteur, après un différé d'amortissement de 6 mois.
Les fonds ont été versés à la société ASE au vu d'une attestation de livraison-demande de financement du 26 avril 2017, et les époux [U] ont remboursé leur prêt par anticipation le 25 octobre 2017.
Prétendant que le bon de commande était irrégulier et que l'installation ne permettait pas d'obtenir le rendement promis, les époux [U] ont, par actes du 17 mars 2022, fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lorient la SELARL Athéna représentée par M. [C] [L], ès-qualités de liquidateur de la société ASE, mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Angers du 2 février 2022, et la société Franfinance en annulation des contrats de vente et de prêt.
Par jugement du 15 décembre 2022, le premier juge a :
débouté les époux [U] de l'ensemble de leurs demandes,
condamné les époux [U] à payer à la société Franfinance la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné les époux [U] aux entiers dépens de 1a procédure,
dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision.
Les époux [U] ont relevé appel de ce jugement le 3 mars 2023.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 10 octobre 2024, ils demandent à la cour de :
infirmer, réformer le jugement attaqué en ce qu'il a :
débouté les époux [U] de l'ensemble de leurs demandes,
condamné les époux [U] à payer à la société Franfinance la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné les époux [U] aux entiers dépens de 1a procédure,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
juger que le bon de commande signé le 20 mars 2017 ne satisfait pas les mentions obligatoires prévues en matière de démarchage à domicile,
juger que le consentement des époux [U] a été vicié pour cause d'erreur sur la rentabilité économique de l'opération,
En conséquence,
prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 20 mars 2017 entre les époux [U] et la société ASE,
juger que la nullité du contrat de vente conclu le 20 mars 2017 est absolue et ne peut pas être confirmée,
subsidiairement, juger que les époux [U] n'étaient pas informés des vices, et n'ont jamais eu l'intention de les réparer ni eu la volonté de confirmer l'acte nul,
et par conséquent, juger que la nullité du bon de commande du 20 mars 2017 n'a fait l'objet d'aucune confirmation,
fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ASE, représentée par M. [C] [L], la créance des époux [U] à hauteur de 38 890 euros au titre du bon de commande du 20 mars 2017,
fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ASE, représentée par M. [C] [L], la créance des époux [U] à hauteur de 6 800 euros au titre des frais de désinstallation des panneaux et de remise en état de la toiture,
juger qu'a défaut de reprise du matériel dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, la société ASE, représentée par M. [C] [L], est réputée y avoir renoncé,
Et
prononcer la nullité consécutive du contrat de crédit affecté du 20 mars 2017 entre les époux [U] et la société Franfinance,
juger que la société Franfinance a commis une faute lors du déblocage des fonds au bénéfice de la société ASE,
juger que la société Franfinance est privée de son droit à réclamer restitution du capital prêté,
juger que les époux [U] justifient d'un préjudice,
condamner la société Franfinance à restituer l'intégralité des sommes versées par les époux [U] au titre des mensualités, capital, intérêts et frais accessoires en vertu du contrat de crédit affecté du 20 mars 2017, qui s'élèvent à la somme de 38 352,53 euros
A titre subsidiaire,
juger que la société Franfinance a manqué à son devoir de mise en garde et de prudence,
en conséquence, condamner la société Franfinance à payer aux époux [U], la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice lié à la perte de chance de ne pas souscrire le prêt excessif,
juger que la société Franfinance a manqué à son obligation d'information et de conseil,
juger que la société Franfinance n'a pas respecté ses obligations précontractuelles,
en conséquence, prononcer la déchéance de l'intégralité du droit aux intérêts afférents au contrat de crédit conclu le 20 mars 2017 et condamner la société Franfinance à rembourser aux époux [U] l'intégralité des intérêts et frais accessoires déjà versés,
En tout état de cause,
condamner la société Franfinance à payer aux époux [U] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,
fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ASE, représentée par M. [C] [L], la créance des époux [U] à hauteur de 5 000 euros au titre du préjudice moral,
débouter la société Franfinance et la société ASE, représentée par M. [C] [L], de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
condamner la société Franfinance à payer aux époux [U] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ASE, représentée par M. [C] [L], la créance des époux [U] à hauteur de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
En l'état de ses dernières conclusions du 21 juillet 2023, la société Franfinance demande quant à elle à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
débouter en conséquence les époux [U] de leurs demandes tendant à l'annulation des contrats les liant aux sociétés ASE et Franfinance et plus généralement de toutes leurs demandes,
Subsidiairement, en cas de l'accueil des annulations susvisées,
débouter les époux [U] de leurs demandes de déchéance du droit de la société Franfinance à être remboursée du capital par elle fourni à M. [U] et plus généralement de toutes autres demandes,
condamner les époux [U] à verser à la société Franfinance une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
les condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ni la société ASE, à laquelle les époux [U] ont signifié leur déclaration d'appel le 3 mars 2023, ni la SELARL Athéna, à laquelle les époux [U] ont signifié leur déclaration d'appel le 3 mai 2023 et leurs conclusions le 12 mai 2023, et la société Franfinance ses conclusions le 27 mai 2023, n'ont constitué avocat devant la cour.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 23 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Sur la nullité du contrat principal
Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,
le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,
son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,
les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,
le prix du bien ou du service,
les modalités de paiement,
en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,
s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,
la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,
lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation,
le numéro d'inscription du professionnel au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
s'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification,
l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement.
En l'occurrence, les époux [U] se plaignent à tort de ce que le bon de commande ne mentionne pas le prix de détail de chacun des éléments fournis, le texte précité n'imposant au contraire, à peine de nullité, que la seule mention du prix global.
Contrairement à ce que soutiennent les époux [U], les conditions générales du contrat mentionnent bien les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétractation, et notamment le point de départ de ce délai.
Si la dimension et le poids des panneaux, de même que leur modèle, ne sont pas des caractéristiques essentielles des biens livrés, il est exact, en revanche, que le bon de commande ne mentionne pas la puissance unitaire de ces panneaux ni leur puissance globale, alors qu'il s'agit d'un élément essentiel des biens fournis.
Il est exact également que le bon de commande ne mentionne pas le délai d'exécution de la prestation accessoire de pose, aucune modalité concernant l'installation des produits n'a été cochée par la société ASE sur le bon de commande, ce qui équivaut à une absence d'indication de ce délai, et ce en méconnaissance du 3° de l'article L. 111-1 du code de la consommation.
Il est exact également que le bon de commande ne mentionne pas les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionnel relève en application de l'article L. 616-1 du code de la consommation.
Le bon de commande ne comporte pas non plus le numéro individuel d'identification de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) du vendeur.
Il importe peu à cet égard qu'aucune non conformité technique ne soit alléguée contre l'installation, le vendeur professionnel étant tenu de donner une information claire et précise des biens vendus conforme aux textes précités, à peine de nullité.
Le contrat est donc irrégulier.
La société Franfinance soutient que ces irrégularités ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que les époux [U] auraient renoncé à invoquer en acceptant la livraison des marchandises, en signant l'attestation de livraison et 'un bon de fin de travaux' valant procès-verbal de réception, en autorisant le déblocage des fonds et en remboursant le crédit par anticipation, l'installation ayant été mise en service et devenue productive.
Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Or, en l'occurrence, aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, les époux [U] ont eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation, l'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux, de même que la signature d'une attestation de livraison dans laquelle M. [U] reconnaît que les travaux ont bien été accomplis ne suffisant pas à caractériser qu'ils ont, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat en résultant et qu'ils auraient de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.
Par ailleurs, la seule reproduction des dispositions du code de la consommation au verso du bon de commande énonçant les conditions générales de vente ne suffisent pas à démontrer que les acquéreurs avaient pleine connaissance de cette réglementation et, de surcroît, que le contrat de vente la méconnaissait.
Dès lors, rien ne démontre que les époux [U] avaient connaissance de ces vices affectant le bon de commande lorsqu'ils ont laissé la société ASE intervenir à leur domicile, signé l'attestation de fin de travaux et réglé le prêt par anticipation.
Il n'est donc pas établi que les consommateurs aient, en pleine connaissance des irrégularités de ce contrat de vente, entendu renoncer à la nullité en résultant et qu'ils auraient de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.
C'est donc à tort que le premier juge a estimé que les causes de nullité avaient été couvertes en connaissance de cause par les époux [U].
Il convient donc, après réformation du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'erreur alléguée, de prononcer la nullité du contrat conclu le 20 mars 2017 entre M. [U] et la société ASE.
Si au titre des restitutions réciproques des parties consécutives à l'annulation du contrat de vente, la société ASE devrait pouvoir reprendre le matériel installé, la demande des époux [U] tendant à dire qu'à défaut de reprise du matériel dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, la société ASE, représentée par le mandataire liquidateur, est réputée y avoir renoncé, se heurte au droit de propriété du liquidateur de la société ASE, redevenu propriétaire du matériel après annulation du contrat, de sorte qu'il ne saurait y être fait droit.
Les époux [U] sollicitent par ailleurs la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société ASE d'une créance de 6 800 euros au titre des frais de désinstallation des panneaux et de remise en état de la toiture.
Ils ne produisent cependant aucune pièce de nature à justifier de la réalité d'une telle créance.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur la nullité du contrat de prêt
Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la société Franfinance est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.
En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société ASE emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu avec la société Franfinance.
Après réformation du jugement attaqué, il convient de constater l'annulation de plein droit du contrat de prêt.
La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre, c'est à dire du capital versé par le prêteur et des échéances réglées par les emprunteurs.
Les époux [U] demandent le remboursement des sommes versées en faisant valoir que le prêteur se serait fautivement dessaisi des fonds sans vérifier la régularité formelle du bon de commande, et, d'autre part, sans s'assurer de l'exécution complète du contrat principal, au vu d'une attestation de livraison incomplète, alors que l'installation n'avait pas été raccordée au moment de la libération des fonds.
La société Franfinance fait valoir de son côté qu'il serait abusif d'imposer à la banque de vérifier auprès de son client emprunteur, qui a rédigé une attestation de fin de travaux, s'il est bien certain de sa décision au motif que le bon de commande apparaîtrait douteux, et que, d'autre part, si une faute contractuelle était retenue, il n'en résulterait aucun préjudice pour les époux [U] qui bénéficient d'une installation fonctionnelle.
Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'une attestation de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.
Or, en l'occurrence, l'attestation de livraison et demande de financement signée par M. [U] le 26 avril 2017, faisait ressortir sans ambiguïté que celui-ci , ' a réceptionné sans restriction ni réserve le bien ou la prestation, objet du financement, conforme au bon de commande ; a demandé conformément aux modalités légales (article L. 311-35 du code de la consommation), la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de services, et (autorisé) ainsi Franfinance à régler le vendeur en une seule fois.'
La société Franfinance, qui n'est pas un professionnel de la pose des panneaux et ne disposait pas de moyens techniques pour évaluer le temps nécessaire à la réalisation de l'ensemble des prestations accessoires, pouvait donc légitimement en déduire que l'ensemble des biens commandés avaient été livrés et l'intégralité des prestations accessoires d'installation réalisées, en se fiant aux déclarations figurant sur une attestation de travaux-demande de financement non équivoque établie par l'emprunteur sous sa responsabilité.
Néanmoins, il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente, il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Or, il a été précédemment relevé que le bon commande conclu avec la société ASE, par l'intermédiaire de laquelle la société Fanfinance faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, à ne pas se libérer des fonds entre les mains du fournisseur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès des époux [U] qu'ils entendaient confirmer l'acte irrégulier, en dépit de l'absence d'indication des caractéristiques essentielles des panneaux photovoltaïques, du délai d'exécution du contrat et des coordonnées du médiateur de la consommation.
Le prêteur n'avait certes pas à assister l'emprunteur lors de la conclusion et de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, mais il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu'en versant les fonds entre les mains du fournisseur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle de ce bon de commande, la société Franfinance a commis une faute en lien de causalité avec le préjudice des emprunteurs consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès de la venderesse mise en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont ils ne sont plus propriétaires.
Il est en effet de principe que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
Il convient donc, après réformation du jugement attaqué, de débouter la société Franfinance de sa demande en remboursement du capital prêté.
Le crédit ayant été remboursé par anticipation, il convient donc de condamner la société Franfinance à payer aux époux [U] la somme de 36 890 euros au titre de la restitution du capital prêté.
Les époux [U], qui n'ont commis aucune faute, sont également fondés à obtenir la restitution des intérêts perçus.
A cet égard, il sera rappelé qu'il a été prêté aux époux [U] la somme de 36 890 euros, et il ressort des courriers de la société Franfinance des 25 octobre et 13 novembre 2017 que celle-ci a reçu le 25 octobre 2017 au titre du remboursement du capital restant dû, la somme de 38 352,53 euros.
La société Franfinance sera donc condamnée à payer aux époux [U] la somme de 1 462,53 euros au titre de la restitution des intérêts et frais perçus (38 352,53 - 36 890).
Puisque la société Franfinance a été condamnée à rembourser aux époux [U] le capital emprunté et le montant des intérêts perçus, leur demande en fixation d'une créance de même montant au passif de la liquidation judiciaire de la société ASE n'est pas fondée, et cette demande sera donc rejetée.
Sur les demandes indemnitaires
Puisque les époux [U] ont obtenu le remboursement du capital prêté et des intérêts perçus, leurs demandes subsidiaires en paiement de dommages-intérêts et de déchéance du droit du prêteur aux intérêts sont devenues sans objet.
Les époux [U] demandent par ailleurs la condamnation de la société Franfinance au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de leur préjudice moral.
Toutefois, ils n'établissent pas avoir subi un préjudice moral né de la faute de la banque d'avoir libéré la totalité des fonds sans s'assurer de la régularité du contrat principal, ni un préjudice distinct de celui résultant des conséquences de la souscription du prêt, lequel est déjà réparé par l'annulation de celui-ci et le remboursement du capital emprunté et des intérêts perçus.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Partie principalement succombante en cause d'appel, la société Franfinance supportera les dépens de première instance et d'appel.
Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge des époux [U] l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion des procédures de première instance et d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il leur sera alloué une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les époux [U] seront déboutés de leurs demandes de ces chefs à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société ASE.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 15 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lorient ;
Prononce l'annulation du contrat principal conclu entre M. [M] [U] et la société Azur solution énergie le 20 mars 2017 ;
Constate l'annulation du contrat de crédit conclu entre M. [M] [U] et Mme [W] [H] épouse [U], d'une part, et la société Franfinance, d'autre part, le 20 mars 2017 ;
Condamne la société Franfinance à payer à M. [M] [U] et Mme [W] [H] épouse [U] la somme de 36 890 euros au titre de la restitution du capital prêté, ainsi que la somme de 1 462,53 euros au titre de la restitution des intérêts et frais perçus ;
Déboute M. [M] [U] et Mme [W] [H] épouse [U] de leur demande tendant à dire qu'a défaut de reprise du matériel dans le délai de deux mois à compter du prononcé du présent arrêt, le liquidateur de la société Azur solution énergie est réputé y avoir renoncé ;
Déboute M. [M] [U] et Mme [W] [H] épouse [U] de leur demande en fixation des créances de 36 890 euros et 6 800 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société Azur solution énergie ;
Déboute M. [M] [U] et Mme [W] [H] épouse [U] de leur demande en paiement de dommages-intérêts ;
Condamne la société Franfinance à payer à M. [M] [U] et Mme [W] [H] épouse [U] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Franfinance aux dépens de première instance et d'appel ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.