CA Rennes, 2e ch., 3 juin 2025, n° 23/00594
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
Défendeur :
Alliance (SELAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jobard
Conseiller :
M. Pothier
Avoués :
Me Castres, Me Normant
Avocats :
Me Castres, Me Reinhard, Me Normant, Me Bensimon
EXPOSÉ DU LITIGE :
A la suite d'un démarchage à domicile, M. [O] [L] et Mme [M] [U] épouse [L] (les époux [L]) ont, selon bon de commande du 12 mars 2018, commandé à la société IC Groupe la fourniture et l'installation de 10 panneaux photovoltaïques, d'une unité de gestion, d'un kit batterie et d'un ballon thermodynamique, moyennant le prix total de 24 500 TTC.
En vue de financer cette opération, la société BNP Paribas Personal Finance, exerçant sous l'enseigne Cetelem, (la BNP PPF) a, selon offre acceptée le même jour, consenti à M. [O] [L] un prêt de 24 500 euros au taux de 4,70 % l'an, remboursable en 120 mensualités de 261,34 euros, hors assurance emprunteur, après un différé d'amortissement de 6 mois.
Les fonds ont été versés à la société IC Groupe au vu d'un procès-verbal de réception des travaux du 29 mars 2028 et d'une attestation de conformité du Consuel du 2 avril 2028.
Prétendant que le bon de commande était irrégulier et avoir été trompés par le démarcheur sur la rentabilité de l'opération financée, les époux [L] ont, par actes du 20 janvier 2021, fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc, la société SELAS Alliance prise en la personne de Mme [Z] [B], ès-qualités de liquidateur de la société IC Groupe, dont la liquidation judiciaire avait été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 13 décembre 2018, et la BNP PPF, en annulation des contrats de vente et de prêt, en remboursement des sommes versées au titre du prêt, et en paiement de dommages-intérêts.
Par jugement du 17 novembre 2022, le premier juge a :
prononcé la nullité du contrat de vente signé entre les époux [L] et la société IC Groupe,
prononcé, en conséquence, la nullité du contrat de crédit affecté, signé entre les époux [L] et la BNP PPF, venant aux droits de la société Banque Cetelem,
prononcé en conséquence le remboursement par la BNP PPF des sommes versées par les époux [L], au titre du contrat de prêt signé entre la Banque Cetelem et les époux [L], au jour du présent jugement,
constaté que la BNP PPF a commis des fautes personnelles dans l'exécution de ses obligations professionnelles,
débouté la BNP PPF de sa demande de restitution aux époux [L] de la somme de 24 500 euros,
fixé la créance de la BNP PPF venant aux droits de la société Banque Cetelem d'un montant de 24 500 euros au passif de la liquidation judiciaire de la Société IC Groupe à titre chirographaire,
ordonné aux époux [L] de tenir pendant un délai de 2 mois à compter de la signification de la présente décision, les panneaux photovoltaiques à disposition de Me [Z] [B], ès-qualités de liquidateur de la société IC Groupe, à charge pour elle de venir les retirer,
dit que, passé ce délai de 2 mois, les époux [L] ne seront plus tenus de restituer le matériel,
dit que cette restitution devra s'accompagner d'une remise en état de la toiture après dépose des panneaux ou du paiement des travaux de remise en état aux époux [L] par Me [Z] [B], ès-qualités de liquidateur de la société IC Groupe,
débouté les époux [L] de leur demande de prise en charge par la BNP PPF des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture,
débouté les époux [L] de leurs demandes de dommages et intérêts,
débouté les époux [L] de leurs autres demandes,
condamné in solidum la BNP PPF, venant aux droits de la société Banque Cetelem, et la société IC Groupe à verser aux époux [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
fixé la créance de l 500 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société IC Groupe,
condamné in solidum la BNP PPF, venant aux droits de la société Banque Cetelem, et la société IC Groupe aux dépens de la présente procédure,
fixé les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société IC Groupe,
débouté la BNP PPF de sa demande de consignation des sommes dues par les époux [L],
rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
La BNP PPF a relevé appel de ce jugement le 26 janvier 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions du 16 janvier 2025, elle demande à la cour de :
infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :
prononcé la nullité du contrat de vente signé entre les époux [L] et la société IC Groupe,
prononcé, en conséquence, la nullité du contrat de crédit affecté, signé entre les époux [L] et la BNP PPF, venant aux droits de la société Banque Cetelem,
prononcé en conséquence le remboursement par la BNP PPF des sommes versées par les époux [L], au titre du contrat de prêt signé entre la Banque Cetelem et les époux [L], au jour du présent jugement,
constaté que la BNP PPF a commis des fautes personnelles dans l'exécution de ses obligations professionnelles,
débouté la BNP PPF de sa demande de restitution aux époux [L] de la somme de 24 500 euros,
ordonné aux époux [L] de tenir pendant un délai de 2 mois à compter de la signification de la présente décision, les panneaux photovoltaiques à disposition de Me [Z] [B], ès-qualités de liquidateur de la société IC Groupe, à charge pour elle de venir les retirer,
dit que, passé ce délai de 2 mois, les époux [L] ne seront plus tenus de restituer le matériel,
dit que cette restitution devra s'accompagner d'une remise en état de la toiture après dépose des panneaux ou du paiement des travaux de remise en état aux époux [L] par Me [Z] [B], ès-qualités de liquidateur de la société IC Groupe,
condamné in solidum la BNP PPF, venant aux droits de la société Banque Cetelemn et la société IC Groupe à verser aux époux [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
fixé la créance de l 500 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société IC Groupe,
condamné in solidurn la BNP PPF, venant aux droits de la société Banque Cetelem et la société IC Groupe aux dépens de la présente procédure,
fixé les dépens au passifde la liquidation judiciaire de la société IC Groupe,
débouté la BNP PPF de sa demande de consignation des sommes dues par les époux [L],
Statuant à nouveau,
débouter les époux [L] de l'intégralité de leurs demandes,
subsidiairement, en cas d'annulation des contrats,
débouter les époux [L] de leurs demandes visant à voir la BNP PPF privée de son droit à restitution du capital prêté, dès lors qu'elle n'a commis aucune faute,
débouter les époux [L] de leurs demandes visant à voir la BNP PPF privée de son droit à restitution du capital prêté, dès lors qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité à l'égard du prêteur,
Par conséquent,
condamner M. [O] [L] à porter et payer à la BNP PPF la somme de 24 500 euros, correspondant au montant du capital prêté, outre intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds,
débouter les époux [L] de toute autre demande, fin ou prétention,
confirmer la décision entreprise pour le surplus,
En tout état de cause,
condamner solidairement les époux [L] à porter et payer à la BNP PPF une indemnité à hauteur de 2 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
En l'état de leurs dernières conclusions du 14 juillet 2023, les époux [L] demandent à la cour de :
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il ' déboute les époux [L] de leurs demandes de dommages et intérêts' et ' déboute les époux [L] de leurs autres demandes' ; plus précisément en ce qu'il les a :
débouté de leur demande tendant à la condamnation des sociétés BNP PPF et Immo Confort (IC Groupe) à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture en son état initial,
débouté de leur demande tendant à la condamnation des sociétés BNP PPF et BNP PPF (Cetelem) à leur verser la somme de 8 000 euros au titre de la réparation de leur préjudices financiers et de leur trouble de jouissance,
débouté de leur demande tendant à la condamnation de BNP PPPF (Cetelem) et Immo Confort (IC Groupe) à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de réparation de leur préjudice moral,
Et statuant de nouveau, 'la Cour afin de confirmer le surplus va ainsi' :
déclarer les demandes des époux [L] recevables et bien-fondés,
déclarer que le contrat conclu entre les époux [L] et Immo Confort (IC Groupe) est nul en raison de sa violation des dispositions du droit de la consommation,
déclarer que la société Immo Confort (IC Groupe) a commis un dol à l'encontre des époux [L],
déclarer que la BNP PPF (Cetelem) a délibérément participé au dol commis par la Société Immo Confort (IC Groupe),
Au surplus,
déclarer que la BNP PPF a commis des fautes personnelles :
- en laissant prospérer l'activité de la société Immo Confort (IC Groupe) par la fourniture de financements malgré les nombreux manquements de cette dernière qu'elle ne pouvait prétendre ignorer,
- en accordant des financements inappropriés s'agissant de travaux construction,
- en manquant à ses obligations d'informations et de conseils à l'égard des époux [L],
- en délivrant les fonds à la société Immo Confort (IC Groupe) sans s'assurer de l'achèvement des travaux,
déclarer que les fautes commises par la BNP PPF (Cetelem) ont causé un préjudice aux époux [L],
En conséquence,
déclarer que les Sociétés Immo Confort (IC Groupe) et BNP PPF (Cetelem) sont solidairement responsables de l'ensemble des conséquences de leurs fautes à l'égard des époux [L],
prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de vente liant les époux [L] et la société Immo Confort (IC Groupe),
prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de crédit affecté liant les époux [L] et la BNP PPF (Cetelem),
déclarer que la BNP PPF (Cetelem) ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard des emprunteurs,
ordonner le remboursement des sommes versées par les époux [L] à la BNP PPF (Cetelem) au jour du 'jugement' à intervenir, outre celles à venir soit la somme de 31 360,80 euros, sauf à parfaire,
condamner solidairement les sociétés Immo Confort (IC Groupe) et BNP PPF (Cetelem) à :
- 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial à défaut de dépose spontanée ;
condamner la BNP PPF (Cetelem) à verser aux époux [L] la somme de :
- 8 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance,
- 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
dire qu'à défaut pour la société Immo Confort (IC Groupe) de récupérer le matériel fourni dans un délai de 1 mois à compter de la signification du 'jugement', celui-ci sera définitivement acquis par les époux [L],
condamner la société Immo Confort (IC Groupe) à garantir les époux [L] de toute éventuelle condamnation prononcée à leur encontre,
déclarer qu'en toutes hypothèses, la BNP PPF (Cetelem) ne pourra se faire restituer les fonds auprès des époux [L] mais devra nécessairement récupérer les sommes auprès de la société Immo Confort (IC Groupe) seule bénéficiaire des fonds débloqués eu égard le mécanisme de l'opération commerciale litigieuse,
condamner solidairement les sociétés Immo Confort (IC Groupe) et BNP PPF (Cetelem) au paiement des entiers dépens outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner in solidum la société Immo Confort (IC Groupe) et la BNP PPF (Cetelem), dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le 'jugement' à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, à supporter le montant des sommes retenues par l'huissier par application des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 relatif au tarif des huissiers, en application de l'article R. 631-4 du code de la consommation,
fixer les créances au passif de la liquidation de la société Immo Confort (IC Groupe).
La SELAS Alliance prise en la personne de Mme [Z] [B], ès-qualités de liquidateur de la société IC Groupe, à laquelle la BNP PPF a signifié sa déclaration d'appel et ses conclusions le 3 mai 2023, et les époux [L] leurs conclusions le 9 août 2023, n'a pas constitué avocat devant la cour.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 23 janvier 2025.
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur la nullité du contrat principal
Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,
le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,
son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,
les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,
le prix du bien ou du service,
les modalités de paiement,
en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,
s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,
la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,
lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation,
le numéro d'inscription du professionnel au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
s'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification,
l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement.
En l'occurrence, les époux [L] invoquent à tort des irrégularités du bon de commande tirées de l'imprécision des informations relatives aux caractéristiques des biens vendus.
En effet, le nombre et la puissance des panneaux sont bien mentionnés, de même que leur marque (Soluxtec), de même que celle de l'onduleurs (Omnik ou Effeckta), la dimension et le poids des panneaux, de même que leur modèle, n'étant en revanche pas des caractéristiques essentielles des biens livrés.
Il n'y a pas davantage lieu d'indiquer le prix unitaire des éléments de l'installation photovoltaïque et du coût de la main-d'oeuvre, le texte précité n'imposant au contraire, à peine de nullité, que la seule mention du prix global.
Il est par ailleurs pallier à l'absence d'indication du coût de l'assurance dans le bon de commande par l'indication de celui-ci dans l'offre de prêt, conclue à l'occasion de la même opération de démarchage.
Il est exact, en revanche, que le bon de commande ne mentionne ni le délai de livraison, ni le délai d'exécution de la prestation accessoire de pose, la seule mention 'date prévue installation : A définir entre 2 à 8 semaines' ne saurait pallier l'absence d'indication d'un calendrier précis de livraison et d'exécution des travaux d'installation exigé par le 3° de l'article L. 111-1 du code de la consommation.
Il est exact également que le bon de commande ne mentionne pas les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont le professionel relève en application de l'article L. 616-1 du code de la consommation.
Le contrat est donc irrégulier.
La BNP PPF soutient que ces irrégularités ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que les époux [L] auraient renoncé à invoquer en acceptant la livraison des marchandises, en signant un procès-verbal de réception des travaux dans lequel M. [L] reconnaît que les travaux ont bien été accomplis, en procédant au paiement des échéances du crédit et en n'émettant aucune contestation concernant la régularité du bon de commande.
Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Or, en l'occurrence, aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, les époux [L] ont eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation, l'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux, de même que la signature d'un procès-verbal de réception des travaux dans lequel M. [L] reconnaît que les travaux ont bien été accomplis ne suffisant pas à caractériser qu'ils ont, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat en résultant et qu'ils auraient de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.
Par ailleurs, la seule reproduction des dispositions du code de la consommation au verso du bon de commande énonçant les conditions générales de vente ne suffisent pas à démontrer que les acquéreurs avaient pleine connaissance de cette réglementation et, de surcroît, que le contrat de vente la méconnaissait.
Dès lors, rien ne démontre que les époux [L] avaient connaissance de ces vices du bon de commande lorsqu'ils ont laissé la société IC Groupe intervenir à leur domicile, signé le procès-verbal de réception des travaux et réglé les échéances de remboursement du prêt.
Il n'est donc pas établi que les consommateurs aient, en pleine connaissance des irrégularités de ce contrat de vente concernant les délais d'exécution du contrat et l'absence des coordonnées d'un médiateur de la consommation, entendu renoncer à la nullité en résultant et qu'ils auraient de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.
Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dol allégué, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu le 12 mars 2018 entre les époux [L] et la société IC Groupe.
Si, au titre des restitutions réciproques des parties consécutives à l'annulation du contrat de vente, la société ICGroupe devrait pouvoir reprendre le matériel installé et remettre la toiture en l'état, la demande de reprise des panneaux par Mme [B], ès-qualités de liquidateur de la société IC Groupe, se heurte au principe d'ordre public selon lequel le mandataire d'une entreprise en liquidation judiciaire ayant cessé son activité ne peut être condamné à l'exécution d'une obligation de faire, celle-ci ne pouvant que se résoudre en dommages-intérêts à déclarer et à fixer au passif de la procédure collective.
Cette demande sera donc déclarée irrecevable, le jugement attaqué étant infirmé sur ce chef.
Il en est de même de la disposition du jugement attaqué ayant dit que, passé le délai de 2 mois à compter de la signification du jugement, les époux [L] ne seront plus tenus de restituer le matériel, cette disposition se heurtant au droit de propriété du liquidateur de la société IC Groupe, redevenu propriétaire du matériel après annulation du contrat, de sorte qu'il ne saurait y être fait droit.
Sur la nullité du contrat de prêt
Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la BNP PPF est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.
En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société IC Groupe emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu avec la BNP PPF.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté l'annulation de plein droit du contrat de prêt.
La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre, c'est à dire du capital versé par le prêteur et des échéances réglées par l'emprunteur.
Au soutien de son appel, la BNP PPF fait valoir qu'elle s'est, sans commettre de faute, dessaisie des fonds sur autorisation expresse de M. [L] qui a signé le procès-verbal de réception des travaux et l'attestation de livraison, et, d'autre part, qu'elle n'est tenue qu'à un simple contrôle de la régularité formelle du bon de commande lui permettant de détecter les causes de nullité flagrantes, et que celui-ci avait l'apparence de régularité.
Les époux [L] demandent quant à eux à la cour de confirmer le jugement attaqué les ayant dispensés de rembourser le capital emprunté, en faisant valoir que le prêteur se serait fautivement dessaisi des fonds sans vérifier la régularité formelle du bon de commande, et, d'autre part, sans s'assurer de l'exécution complète du contrat principal, alors même que certaines prestations prévues au contrat n'avaient pas été réalisées.
Le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'une attestation de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.
Or, en l'occurrence, le procès-verbal de réception des travaux signé par M. [L] le 29 mars 2018 faisait ressortir sans ambiguïté que celui-ci, 'après avoir procédé à l'examen des travaux exécutés par l'entreprise IC Groupe, désignée dans le présent procès-verbal (déclarait) que la réception est prononcée sans réserve, avec effet à la date du 29 mars 2018' , et signait le même jour un mandat de prélèvement au bénéfice de la BNP PPF.
La BNP PPF, qui n'est pas un professionnel de la pose des panneaux et ne disposait pas de moyens techniques pour évaluer le temps nécessaire à la réalisation de l'ensemble des prestations accessoires, pouvait donc légitimement en déduire que l'ensemble des biens commandés avaient été livrés et l'intégralité des prestations accessoires d'installation réalisées, en se fiant aux déclarations figurant dans un procès-verbal de réception non équivoque établi par l'emprunteur sous sa responsabilité.
En outre, comme le souligne à juste titre la BNP PPF, celle-ci n'a débloqué les fonds que le 25 juin 2018, après réception de l'attestation de conformité du Consuel du 2 avril 2018.
Néanmoins, il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement.
Or, il a été précédemment relevé que le bon commande conclu avec la société IC Groupe, par l'intermédiaire de laquelle la BNP PPF faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, à ne pas se libérer des fonds entre les mains du fournisseur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès des époux [L] qu'ils entendaient confirmer l'acte irrégulier, en dépit de l'absence d'un calendrier de livraison et d'exécution de la prestation accessoire de pose, et de l'absence d'indication des coordonnées d'un médiateur de la consommation.
Le prêteur n'avait certes pas à assister l'emprunteur lors de la conclusion et de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, mais il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu'en versant les fonds entre les mains du fournisseur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle de ce bon de commande, la BNP PPF a commis une faute en lien de causalité avec le préjudice de l'emprunteur consistant pour celui-ci à ne pas pouvoir obtenir, auprès de la venderesse mise en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont il n'est plus propriétaire.
Il est en effet de principe que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la BNP PPF de sa demande en restitution du capital emprunté, sauf à préciser que la demande ne concerne que M. [L] seul emprunteur au titre de l'opération de crédit.
Par ailleurs, M. [L], qui n'a commis aucune faute, est fondé à obtenir la restitution des échéances de remboursement qu'il a réglées en exécution du contrat de prêt annulé, cette obligation de restitution étant la conséquence de l'annulation de plein droit du contrat de prêt et des restitutions réciproques qui en découlent, le jugement étant confirmé sur ce chef, sauf à préciser que la condamnation au remboursement des sommes versées ne concerne que M. [L].
Les époux [L] seront en revanche déboutés de leur demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société IC Groupe de cette créance afférente au remboursement du prêt, devenue sans objet du fait de l'annulation du contrat de prêt avec dispense de remboursement du capital.
Sur les demandes indemnitaires des époux [L]
M. [L] qui a obtenu d'être dispensé de rembourser le capital emprunté de 24 500 euros ne saurait obtenir de surcroît la condamnation du prêteur au paiement de la somme de 31 360,80 euros qui correspond au coût total du crédit, une fois qu'il aurait été intégralement exécuté, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque le contrat de prêt a été annulé, l'emprunteur ne pouvant obtenir que la restitution des échéances de remboursement qu'il a réglées en exécution du contrat de prêt annulé, ainsi qu'il a été précédemment jugé.
En outre, les demandes en paiement de dommages-intérêts formées contre la BNP PPF pour préjudices moral, financier et de jouissance seront rejetées, faute de preuve de l'existence de tels préjudices et de leur lien causal avec la faute du prêteur.
En effet les époux [L] n'établissent pas avoir subi de préjudices distincts nés de la faute de la banque d'avoir libéré la totalité des fonds sans s'assurer de la régularité du contrat principal, ni un préjudice distinct de celui résultant des conséquences de la souscription du prêt, lequel est déjà réparé par l'annulation de celui-ci et la dispense de restitution du capital emprunté.
De même, la demande de condamnation de la BNP PPF au paiement du coût de dépose de l'installation et de remise en état de la toiture sera rejetée, dès lors que, tiers au contrat principal, le prêteur ne saurait se voir imputer les conséquences dommageables de l'exécution de sa prestation par le fournisseur.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble de ces demandes indemnitaires.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement attaqué relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens sont pertinentes et seront donc elles aussi confirmées.
Succombante en son appel, la BNP PPF supportera les dépens exposés devant la cour, sans qu'il y ait lieu de la condamner au paiement des frais de justice liés à l'exécution de la présente décision.
En effet, il résulte de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution que seul le juge de l'exécution peut trancher toutes contestations liées aux frais de l'exécution forcée qui sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.
Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge des époux [L] l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion de la procédure d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il leur sera alloué une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 17 novembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc en ce qu'il a :
ordonné aux époux [L] de tenir pendant un délai de 2 mois à compter de la signification de la présente décision, les panneaux photovoltaiques à disposition de Me [Z] [B], ès-qualités de liquidateur de la société IC Groupe, à charge pour elle de venir les retirer,
dit que, passé ce délai de 2 mois, les époux [L] ne seront plus tenus de restituer le matériel,
dit que cette restitution devra s'accompagner d'une remise en état de la toiture après dépose des panneaux ou du paiement des travaux de remise en état aux époux [L] par Me [Z] [B], ès-qualités de liquidateur de la société IC Groupe,
Déclare la demande de reprise du matériel et de remise en état de la toiture irrecevable ;
Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions, sauf à dire que le contrat de crédit a été conclu entre la société BNP Paribas Personal Finance et M. [O] [L], seulement, et que les condamnations y afférentes ne concernent que ce dernier ;
Déboute M. [O] [L] et Mme [M] [U] épouse [L] de leur demande en fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la société IC Groupe ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [O] [L] et Mme [M] [U] épouse [L] une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens d'appel ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.