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Décisions

CA Poitiers, 1re ch., 3 juin 2025, n° 23/01733

POITIERS

Arrêt

Autre

CA Poitiers n° 23/01733

3 juin 2025

ARRET N° 201

N° RG 23/01733 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G3EC

S.A.S. LA FERME BIOCLIMATIQUE

C/

S.A.S.U. RICHEL PROJETS

Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

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Copie gratuite délivrée

Le à

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 03 JUIN 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01733 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G3EC

Décision déférée à la Cour : jugement du 02 juin 2023 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHE SUR YON.

APPELANTE :

S.A.S. LA FERME BIOCLIMATIQUE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ayant pour avocat Me François-Hugues CIRIER de la SELARL CIRIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

INTIMEE :

S.A.S.U. RICHEL PROJETS devenue SAS RICHEL GROUP

[Adresse 2]

[Adresse 2]

ayant pour avocat Me Marie-thérèse SIMON-WINTREBERT, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Avril 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller qui a fait le rapport

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE a pour objet la production agricole. Dans le cadre de son activité, elle a envisagé de faire construire une serre de production de légumes en agriculture biologique.

A la suite de l'obtention de financements via l'organisme FRANCE AGRIMER et de l'acquisition de la parcelle de terre destinée à accueillir la serre, la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE a confié à la SASU RICHEL PROJETS l'édification de la serre ainsi que la fourniture et l'installation des équipements afférents, éléments fournis par la SAS RICHEL EQUIPEMENT moyennant le prix de 480.000 euros TTC, suivant offre commerciale signée le 7 novembre 2016.

La serre s'étale sur une surface de 5000 m2, séparée en deux zones distinctes de 2500 m2, la zone 1 étant une serre chaude équipée d'un moyen de chauffage et la zone 2 étant une serre froide non chauffée.

Une autre partie d'une surface de 510 m2 abrite les équipements techniques nécessaires à l'exploitation de la serre et qui traitent la zone 1 en chauffage.

Par ailleurs, la structure de la serre supporte la toiture avec fermes de toit ovalisées, de type double-paroi gonflable.

Les travaux ont été exécutés puis ont été réceptionnés avec réserves, suivant procès-verbal de réception en date du 30 mars 2017.

Par la suite, en avril 2017, la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE a procédé à la plantation de tomates.

Courant mai 2017, elle a constaté, dans la zone 2, la présence de très nombreuses flaques d'eau au sol, en raison d'un phénomène de gouttage depuis les ouvrants de la serre, ces flaques favorisant l'humidité au sein de la serre au niveau des pieds de tomates.

Par la suite, la culture de la tomate a été totalement détruite par la maladie du mildiou.

Une expertise a été organisée, le 29 août 2017, par le Groupement de Développement Maraîcher près la Chambre d'Agriculture de la Vendée.

Une expertise amiable et contradictoire a également été confiée au cabinet IXI GROUPE, lequel a déposé son rapport le 14 décembre 2017.

Par décision du 11 juin 2018, le président du tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON, saisi par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE, a ordonné en référé une expertise, et désigné Monsieur [S] [R] pour y procéder.

L'expert a déposé son rapport le 17 mars 2019.

Les parties ne sont pas parvenues à une résolution amiable de leur litige.

C'est dans ce contexte que par acte d'huissier de justice en date du 7 novembre et du 10 décembre 2019, la société SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE a assigné devant le tribunal judiciaire de LA ROCHE SUR YON les sociétés RICHEL PROJETS et RICHEL EQUIPEMENT aux fins d'obtenir réparation de ses préjudices.

Par ses conclusions récapitulatives, la société SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE demandait au tribunal au visa des articles 1231-1 et suivants, 1792 et suivants, 1779 3. et 1119 du code civil, 246 du code de procédure civile, de :

- DEBOUTER la SASU RICHEL PROJETS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires au présent dispositif comme étant irrecevables et mal fondées;

- JUGER la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE recevable en son action ;

D'une part, s'agissant de la SASU RICHEL PROJETS, en sa qualité de locateur

d'ouvrage :

* Au titre des désordres réservés à la réception et non levés depuis,

- CONSTATER que les désordres réservés à la réception des travaux n'ont toujours pas été levés ;

CONSTATER que la SASU RICHEL PROJETS demeure débitrice d'une obligation de résultat à l'endroit de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ;

CONDAMNER la SASU RICHEL PROJETS à reprendre les désordres réservés savoir, les bâches, les ouvrants et les deux poteaux abîmés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement ;

* Au titre des désordres apparus après la réception,

A titre principal,

CONSTATER que l'ouvrage est impropre à sa destination ;

- CONSTATER que la SASU RICHEL PROJETS est redevable de la garantie décennale à l'endroit de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ;

A titre subsidiaire,

- CONSTATER que la SASU RICHEL PROJETS a commis une faute lors de la pose du film intérieur de la paroi ;

- CONSTATER que la SASU RICHEL PROJETS a engagé sa responsabilité

contractuelle au titre des dommages intermédiaires ;

A titre très subsidiaire,

CONSTATER que la SASU RICHEL PROJETS aurait dû attirer l'attention de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE sur un risque d'hygrométrie dans la zone 2 - en raison de l'absence de système de chauffage et de déshumidificateur;

- CONSTATER que la SASU RICHEL PROJETS a engagé sa responsabilité contractuelle consistant en un manquement à son devoir d'information et de conseil à l'endroit de laSAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ;

D'autre part, s'agissant de la SASU RICHEL PROJET, en sa qualité de société absorbante de la SASU RICHEL EQUIPEMENT, fournisseur:

A titre principal,

- CONSTATER que la SASU RICHEL EQUIPEMENT a engagé sa responsabilité contractuelle consistant en un manquement à son devoir d'information et de conseil à l'endroit de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ;

CONSTATER que la SASU RICHEL PROJETS vient aux droits de la SASU RICHEL EQUIPEMENTS, en suite de l'opération de fusion-absorption suivant décision de l'associé unique en date du 31 décembre 2020 ;

A titre subsidiaire,

CONSTATER que la SASU RICHEL EQUIPEMENT est redevable de la garantie décennale à l'endroit de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ;

CONSTATER que la SASU RICHEL PROJETS vient aux droits de la SASU RICHEL EQUIPEMENTS, en suite de l'opération de fusion-absorption suivant décision de l'associé unique en date du 31 décembre 2020 ;

En tout état de cause,

- CONDAMNER la SASU RICHEL PROJETS au paiement de la somme de 120.000,00 euros TTC au titre des travaux de reprise entre les mains de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ;

- CONDAMNER la SASU RICHEL PROJETS au paiement de la somme de 89.269,00 euros, au titre de la perte d'exploitation subie durant la saison culturale de 2017 à la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ;

- JUGER que le montant des condamnations portera intérêts au taux légal à compter du jour des assignations valant sommation de payer, les intérêts échus étant eux-mêmes capitalisés par périodes annuelles, conformément aux anciens articles 1153 et 1154, 1231-6 et 1343-2, du code civil;

CONDAMNER la SASU RICHEL PROJETS au paiement de la somme de 15.000 euros

CONDAMNER la SASU RICHEL PROJETS au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la SASU RICHEL PROJETS aux entiers dépens, comprenant ceux de l'instance de référé et de la mesure d'expertise judiciaire, avec distraction au profit de la SCP CIRIER ET ASSOCIÉS, société d'avocats inter-barreaux postulant par l'un de ses associés, pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile;

ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Suivant conclusions récapitulatives, la SAS RICHEL PROJETS et la SAS RICHEL EQUIPEMENT aux droits de laquelle vient la SAS RICHEL PROJETS à la suite de la fusion absorption de la SASU RICHEL EQUIPEMENT par la SASU RICHEL PROJETS, demandaient au tribunal, au visa des articles 1792, 1231-1 du code civil, dans sa version applicable au litige, de:

- Débouter la société LA FERME BIOCLIMATIQUE de ses demandes dirigées à l'encontre de la société RICHEL EQUIPEMENT dont la responsabilité n'est pas susceptible d'être recherchée sur le fondement de la responsabilité décennale, considérant la qualité de fournisseur de la société RICHEL EQUIPEMENT non soumise aux dispositions régissant la responsabilité décennale des constructeurs et l'article 1792-4 du code civil étant inapplicable et dont la responsabilité n'est pas susceptible d'être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle;

- Débouter la Société LA FERME BIOCLIMATIQUE de ses demandes dirigées à l'encontre de la Société RICHEL PROJETS dont la responsabilité n'est pas susceptible d'être retenue sur le fondement de la garantie décennale considérant les conditions de mise en oeuvre non remplies en l'absence d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, le contrat liant ces parties n'étant pas un contrat de louage d'ouvrage mais un contrat de vente, et en toute hypothèse, en l'absence d'impropriété à destination de l'ouvrage dans son ensemble, et considérant l'exclusion du champ de la garantie décennale des éléments d'équipement destinés à l'exercice d'une activité professionnelle prévue par l'article 1792-7 du code civil;

Débouter la Société LA FERME BIOCLIMATIQUE de ses demandes dirigées à rencontre de la Société RICHEL PROIEIS-dont la responsabilité n'est pas susceptible d'être retenue sur le fondement de la garantie des vices intermédiaires considérant les conditions de mise en oeuvre non remplies en l'absence d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil et en l'absence de faute prouvée;

Débouter la Société LA FERME BIOCLIMATIQUE de ses demandes dirigées à l'encontre de la Société RICHEL PROJETS dont la responsabilité contractuelle n'est pas susceptible d'être retenue, en l'absence de démonstration d'une faute de la société RICHEL PROJETS et/ou d'un manquement à l'obligation de conseil et d'information étant considéré au surplus les limites contractuelles des conditions générales du contrat de vente opposables à la société LA FERME BIOCLIMATIQUE excluant toute responsabilité pour perte de cultures et perte de revenus;

- Rejeter en toute hypothèse, les demandes au titre du préjudice matériel, d'une part, la demande de condamnation sous astreinte de remplacement des bâches considérant que celles-ci ont été livrées sur le site et n'ont pas été posées en raison du refus de la demanderesse, qui n'a présenté aucun accord écrit d'intervention (le constat d'huissier récemment communiqué démontrant de plus fort, la propre carence de la demanderesse) d'autre part, la demande de condamnation à hauteur de 100.000,00 € pour les travaux de reprise de la zone n° 2;

- Rejeter les demandes au titre du préjudice d'exploitation à hauteur de 89.269,00 € comme non justifiées;

Rejeter le surplus des demandes;

Condamner la FERME BIOCLIMATIQUE à payer à la société RICHEL EQUIPEMENT aux droits de laquelle vient la société RICHEL PROJETS la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamner la FERME BIOCLIMATIQUE à payer à la société RICHEL PROJETS la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamner la FERME BIOCLIMATIQUE aux entiers dépens incluant les dépens de référé et les frais d'expertise mais dire que conformément à l'article 699 du code de procédure civile, la condamnation aux dépens sera prononcée avec distraction au profit de Maître SIMON-WINTREBERT, avec le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Par jugement contradictoire en date du2 juin 2023, le tribunal judiciaire de LA ROCHE SUR YON a statué comme suit :

'CONDAMNE la SASU RICHEL PROJETS à reprendre sous astreinte provisoire l'intégralité des désordres réservés dans le procès-verbal de réception du 30 mars 2017, à savoir, les bâches, les ouvrants et les deux poteaux abîmés, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ;

FIXE le montant de l'astreinte provisoire à 100 euros par jour de retard, pendant une durée de 6 mois ;

REJETTE les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à l'encontre de la SASU RICHEL PROJETS sur le fondement de l'article 1792 du code civil;

REJETTE les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à l'encontre de la SASU RICHEL PROJETS sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ;

REJETTE les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à l'encontre de la SASU RICHEL PROJETS en sa qualité de société absorbante de la SASU RICHEL EQUIPEMENT, fournisseur sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil;

REJETTE les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à l'encontre de la SASU RICHEL PROJETS en sa qualité de société absorbante de la SASU RICHEL EQUIPEMENT, fournisseur sur le fondement de sa garantie décennale ;

REJETTE l'intégralité des demandes de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE au titre des travaux de reprise et des dommages et intérêts en lien avec les désordres survenus après la réception du 30 mars 2017 ;

DIT qu'il sera fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre les parties et au besoin les y CONDAMNE.

DIT n'y avoir lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

DIT que les avocats en la cause pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur les parties condamnées ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire'.

Le premier juge a notamment retenu que :

- sur la demande relative aux désordres réservés à la réception, avant la levée des réserves, la responsabilité contractuelle de droit commun de l'entrepreneur subsiste concurremment avec la garantie de parfait achèvement due par celui-ci.

Les réserves n'ont jamais été levées, les travaux nécessaires n'ayant pas été effectués.

La société RICHEL étant débitrice de l'obligation de procéder aux travaux afin de lever les réserves, ne justifie pas avoir proposé, après un premier refus en raison des conditions climatiques, de nouvelles dates d'intervention à sa cocontractante, les bons de livraison versés aux débats n'établissant pas le contraire.

En tout état de cause, la société RICHEL ne conteste pas formellement son obligation de procéder aux travaux.

En conséquence, elle sera condamnée à procéder à ces travaux, et ce sous astreinte, afin d'assurer l'exécution de cette obligation.

- il n'est pas contesté qu'un second désordre est survenu postérieurement à la réception, à savoir une accumulation de gouttelettes d'eau au droit de certains ouvrants situés en toiture de la zone 2 de la serre, zone froide non chauffée, provoquant par endroit la formation de flaques d'eau au sol. L'expert judiciaire précise que l'apparition des premières gouttelettes au sol s'est produite en mai 2017.

- sur la responsabilité décennale de la SASU RICHEL PROJETS, si l'existence de la réception est un fait constant, les parties sont en désaccord sur la qualification du contrat qui les lie, la qualification d'ouvrage de la serre ainsi que sur la gravité des désordres.

- la société RICHEL soutient tout d'abord que le contrat du 7 novembre 2016 n'est pas un contrat de louage d'ouvrage mais un contrat de vente avec prestation d'installation.

Elle affirme que la serre ne constitue pas un ouvrage, s'agissant d'une serre à couverture plastique double paroi gonflable à laquelle ne s'applique aucune norme relative au bâtiment

Les conditions générales du contrat sont régies par les règles applicables au contrat de vente, 80 % de la somme due au titre du marché est affectée à la fourniture du matériel, et 20 % seulement correspondent à la prestation de montage, sort une part très minoritaire.

- la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE prétend que les conditions générales du contrat ne lui sont pas opposables, dans la mesure où Monsieur [M] [W], son représentant, n'y a appliqué que son paraphe. Elle ajoute ensuite que la serre constitue un ouvrage, dès lors qu'elle se présente comme un ensemble de pièces assemblées élevé à partir du sol sur des fondations et rivé à celles-ci.

- un ouvrage suppose une construction immobilière, laquelle implique un ancrage au sol et une fixité.

- le représentant légal de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE, M. [M] [W], a paraphé chacune des pages du document et a apposé sa signature complète sur la dernière page, en tant que dirigeant de la société, aucune autre mention n'étant nécessaire pour attester de son consentement audit contrat.

- la serre litigieuse constitue un bâtiment clos et couvert, monté sur des poteaux scellés dans du béton, ceci entraînant une immobilisation par incorporation au sol de la structure. Il en résulte que la serre constitue un ouvrage et que le contrat litigieux, sans que puissent y faire obstacle ses stipulations, doit être qualifié de contrat de louage d'ouvrage.

- sur l'impropriété de l'ouvrage à sa destination, la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE soutient que la serre qui était destinée à la culture de tomates sous un mode de production d'agriculture biologique, est ainsi impropre à sa destination en conséquence du second désordre.

- l'expertise judiciaire indique que les dommages constatés ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ni à le rendre impropre à sa destination.

- M. [M] [W] envisageait dans l'appel à projet produit la production de tomates, concombre et courgettes en agriculture biologique, de sorte qu'il n'est pas spécialement démontré que la société allait entreprendre en priorité, voire exclusivement, de cultiver des tomates.

Il n'est pas non plus spécifié dans l'offre commerciale que la partie froide était spécialement destinée à accueillir la culture de tomates biologiques.

- si l'expert qualifie la présence de gouttelettes entraînant la formation de flaques d'eau de désordre, il n'explique pas formellement en quoi ce phénomène constitue un désordre, c'est-à-dire une anormalité, dans la mesure où une serre froide n'étant, par définition, ni chauffée ni déshumidifiée génère nécessairement un phénomène de condensation.

- le désordre ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination dans le cadre de production maraîchère en général.

- l'expert souligne également à deux reprises que le choix de cultiver dans cette serre froide des tomates en culture biologique, laquelle tolère peu de traitement phytosanitaire, n'était pas adapté. Il précise en effet qu'il n'était pas judicieux "d'y cultiver des végétaux sensibles à la présence d'eau'.

- la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE avait parfaitement connaissance, en contractant avec la société RICHEL, que la zone 2 de la serre présenterait ces caractéristiques techniques, à l'inverse de la zone 1. Par ailleurs, cette zone 2 n'est pas incompatible avec toute culture, puisque la demanderesse explique avoir entrepris par la suite d'y cultiver du cucurma et de l'aloé vera, végétaux appréciant l'humidité.

- la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE, dont la profession est de réaliser de la culture maraîchère sous serre, devait avoir les compétences nécessaires pour choisir la culture adéquate, et la société RICHEL a livré une serre conforme aux termes du contrat, dont l'impropriété à-destination' au regard des dits.termes n'est pas établie.

il y a lieu de rejeter les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE contre la société RICHEL sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

- sur la responsabilité contractuelle de la SASU RICHEL PROJETS, sur la faute relative au stockage et à la mise en oeuvre du film anti-buée, les désordres de nature intermédiaire, non apparents à la réception, ne compromettant ni la solidité ni la destination de l'ouvrage, peuvent relever de l'application de la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée.

Selon la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE et contrairement aux conditions de stockage et de pose préconisées, ce film a été entreposé aux intempéries hivernales et posé en février. L'expert judiciaire n'a pas été en mesure de certifier l'existence d'un lien de causalité entre les conditions de stockage et de mise en oeuvre du film intérieur, d'une part, et le phénomène de gouttage observé dans la zone 2 de la serre.

La SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE contredit les conclusions de l'expert par voie d'affirmation, sans rapporter la preuve concrète que l'absence de respect des préconisations évoquées a entraîné le phénomène de gouttage depuis la couverture de la serre.

En conséquence, elle ne démontre pas l'existence de la faute relative au stockage et à la mise en oeuvre du film asti-buée.

- sur la faute relative au manquement au devoir de conseil, au moment de l'appel d'offre, il était entré dans le champ contractuel que la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE envisageait, de façon générale, la production de tomates, concombres et courgettes en agriculture biologique, qu'elle a accepté une offre commerciale portant sur une serre divisée en deux zones, l'une chauffée et l'autre non, et que le rapport d'expertise a conclu que la serre en zone 2 n'était pas impropre à la culture maraîchère en général.

La cliente a bénéficié d'une formation sur la gestion technique de l'installation, ce que la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ne conteste pas.

Elle s'est vu livrer un produit conforme au contrat et pour l'utilisation duquel elle a été formée sur le plan technique, ne démontre pas que l'obligation de conseil ou d'information de sa cocontractante impliquait de lui déconseiller une certaine forme de culture, le domaine de savoir proprement horticole relevant de ses propres compétences.

La SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ne démontre pas de manquement à l'obligation de conseil ou d'information de la société RICHEL.

- sur les demandes à l'encontre de la SASU RICHEL PROJETS, en sa qualité de société absorbante de la SASU RICHEL EQUIPEMENT, fournisseur, cette action s'exerce par le maître de l'ouvrage qui dispose contre le fabricant d'une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée, ce qui n'est pas le fondement invoqué dans la présente espèce.

En tout état de cause, la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE n'est pas fondée à alléguer un manquement au devoir de conseil.

- sur la garantie décennale de la SASU RICHEL EQUIPEMENT, la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE n'apporte pas plus de précision sur l'élément d'équipement qui rendrait la serre impropre à sa destination et en tout état de cause, aucune garantie décennale ne peut être engagée, puisqu'il a été souligné précédemment que l'ouvrage n'était pas impropre à sa destination.

- il y a lieu de rejeter l'intégralité des demandes de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE au titre des travaux de reprise et des dommages et intérêts en lien avec les désordres survenus après la réception du 30 mars 2017

LA COUR

Vu l'appel en date du 19 juillet 2023 interjeté par la société SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE en ce que le tribunal a dit :

'REJETTE les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à l'encontre de la SASU RICHEL PROJETS sur le fondement de l'article 1792 du code civil;

REJETTE les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à l'encontre de la SASU RICHEL PROJETS sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ;

REJETTE les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à l'encontre de la SASU RICHEL PROJETS en sa qualité de société absorbante de la SASU RICHEL EQUIPEMENT, fournisseur sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil;

REJETTE les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à l'encontre de la SASU RICHEL PROJETS en sa qualité de société absorbante de la SASU RICHEL EQUIPEMENT, fournisseur sur le fondement de sa garantie décennale ;

REJETTE l'intégralité des demandes de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE au titre des travaux de reprise et des dommages et intérêts en lien avec les désordres survenus après la réception du 30 mars 2017 ;

DIT qu'il sera fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre les parties et au besoin les y CONDAMNE.

DIT n'y avoir lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile'.

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 19/04/2024, la société SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE a présenté les demandes suivantes :

'Vu l'article 1231-1 et suivants du code civil,

Vu l'article 1792 et suivants du code civil,

Vu l'article 1779 3° du code civil,

Vu l'article 246 du code de procédure civile,

Vu l'article 1119 du code civil,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces produites aux débats,

Il est demandé à la cour d'appel de POITIERS :

- D'INFIRMER les chefs de jugement suivants, en ce qu'ils ont :

« REJETTE les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à l'encontre de la SASU RICHE PROJETS sur le fondement de l'article 1792 du code civil;

REJETTE les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à l'encontre de la SASU RICHE PROJETS sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ;

REJETTE les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à l'encontre de la SASU RICHE PROJETS en sa qualité de société absorbante de la SASU RICHEL EQUIPEMENT, fournisseur sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil;

REJETTE les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à l'encontre de la SASU RICHEL PROJETS en sa qualité de société absorbante de la SASU RICHEL EQUIPEMENT, fournisseur sur le fondement de sa garantie décennale ;

REJETTE l'intégralité des demandes de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE au titre des travaux de reprise et des dommages et intérêts en lien avec les désordres survenus après la réception du 30 mars 2017 ;

DIT qu'il sera fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre les parties et au besoin les y CONDAMNE.

DIT nÿ avoir lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; »

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- DEBOUTER la SASU RICHEL PROJETS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires au présent dispositif comme étant irrecevables et mal fondées ;

- REJETER toutes demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE.

En revanche,

- JUGER la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE recevable en son action ;

D'une part, s'agissant de la SASU RICHEL PROJETS, en sa qualité de locateur d'ouvrage

A titre principal,

- JUGER que l'ouvrage est impropre à sa destination ;

- JUGER que la SASU RICHEL PROJETS est redevable de la garantie décennale à l'endroit de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ;

A titre subsidiaire,

- JUGER que la SASU RICHEL PROJETS a commis une faute lors de la pose du film intérieur de la paroi ;

- JUGER que la SASU RICHEL PROJETS a engagé sa responsabilité contractuelle au titre des dommages intermédiaires ;

D'autre part, s'agissant de la SASU RICHEL PROJETS, en sa qualité de société absorbante de la SASU RICHEL EQUIPEMENT, fournisseur,

A titre principal,

- JUGER que la SASU RICHEL PROJETS a engagé sa responsabilité contractuelle consistant en un manquement à son devoir d'information et de conseil à l'endroit de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ;

A titre subsidiaire,

- JUGER que la SASU RICHEL PROJETS est redevable de la garantie décennale à l'endroit de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ;

En conséquence et en tout état de cause,

- CONDAMNER la SASU RICHEL PROJETS au paiement de la somme de 120.000,00 euros TTC au titre des travaux de reprise entre les mains de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ;

- CONDAMNER la SASU RICHEL PROJETS au paiement de la somme de 89.269,00 euros, au titre de la perte d'exploitation subie durant la saison culturale de 2017 à la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE ;

- JUGER que le montant des condamnations portera intérêts au taux légal à compter du jour des assignations valant sommation de payer, les intérêts échus étant eux-mêmes capitalisés par périodes annuelles, conformément aux anciens articles 1153 et 1154, 1231'6 et 1343-2, du code civil.

- CONDAMNER la SASU RICHEL PROJETS au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER la SASU RICHEL PROJETS aux entiers dépens, comprenant ceux de l'instance de référé et de la mesure d'expertise judiciaire, avec distraction au profit de la SELARL CIRIER AVOCATS ASSOCIÉS, société d'avocats inter-barreaux postulant par l'un de ses associés, pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile'.

A l'appui de ses prétentions, la société SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE soutient notamment que :

- la construction de l'ouvrage a donné lieu à un procès-verbal de réception avec réserves en date du 30 mars 2017, faisant notamment état de la présence de poches d'eau au niveau des ouvrants.

- la société RICHEL PROJETS s'est alors voulue rassurante et la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE a donc semé 6 000 plants de tomates, principalement de variété Gloriette, au mois d'avril 2017.

- Or, dès le mois de mai 2017, la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE a détecté une accumulation de gouttelettes au droit des ouvrants, entraînant la présence de flaques d'eau au niveau du sol et laissant craindre le développement de maladies sur les cultures. Dès le mois de juillet 2017, les premiers symptômes du mildiou sont de fait apparus et la maladie s'est propagée à l'ensemble de la culture, en dépit des traitements.

- elle a été contrainte depuis - aux fins d'assurer sa survie économique - de « convertir » la culture de tomates aux cultures dédiées au curcuma, plante vivace ayant besoin d'humidité et à l'aloé vera.

- par des conclusions communiquées le 18 janvier 2024, la société RICHEL PROJETS a formé appel incident devant la Cour des chefs de jugement non contestés par la concluante et sollicite la confirmation du jugement au surplus.

- Au fond, sur la responsabilité de la société RICHEL PROJETS en sa qualité de locateur d'ouvrage, il ressort de l'offre commerciale émise par la SASU RICHEL PROJETS que la serre se présente comme un ensemble de pièces assemblées, élevé à partir du sol sur des fondations et rivé à celle-ci. Il s'agit d'un ouvrage relevant des garanties légales instituées par les articles 1792 et suivants du code civil.

Une serre constituant « un ouvrage comportant des poteaux implantés sur des longrines et des scellements au sol sur des socles en bétons relève bien du régime institué par l'article 1792 du code civil dès lors qu'elle est indémontable et non susceptible d'être déplacée.

- la construction d'un bâtiment de serre et l'installation du chauffage à l'intérieur constituent bien des ouvrages au sens de l'article 1792 et les désordres qui en découlent ne permettant pas de mener une culture de plants de tomates dans des conditions normales entraînent une impropriété à sa destination.

- des gouttelettes d'eau en partie basse des ouvrants entraînent la création de flaques d'eau au niveau du sol, favorisant ainsi l'apparition du mildiou

- l'expert judiciaire a retenu que l'ouvrage est affecté « d'un désordre » « effectif » provenant de « l'accumulation de gouttelettes au droit de certains ouvrants situés en toiture » « de la serre, provoquant par endroit la formation de flaques d'eau au sol et de ce fait, une propagation de l'humidité au niveau des tiges et feuillages des pieds de tomates, ce qui génère la propagation de l'épidémie de mildiou.

- la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE n'a pas demandé la construction d'une serre « à toutes fins ». L'ouvrage était bien destiné en priorité à la culture de tomates biologiques, ce que les sociétés défenderesses ne pouvaient ignorer. Le dossier d'appel d'offre établi par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE précise bien qu'elle entend cultiver de la tomate en bio, s'agissant de la serre froide, selon l'audit énergétique joint à l'appel d'offre.

Elle ne peut définitivement pas cultiver des tomates sous la serre mise en 'uvre de sorte que celle-ci est impropre à l'usage convenu entre les parties.

- à titre subsidiaire, sur la responsabilité civile de la société RICHEL PROJETS au titre des dommages intermédiaires, les dommages survenus après la réception de l'ouvrage qui ne relèvent pas de la garantie décennale, qualifiés par la doctrine de dommages « intermédiaires », restent susceptibles d'engager la responsabilité civile contractuelle de droit commun pour faute prouvée de l'entrepreneur.

- l'expert judiciaire retient que : « il est patent que le projet de culture de tomates était connu de tous avant la construction des serres'.

La société RICHEL PROJETS a commis deux fautes :

* Un défaut de conception en préconisant l'installation d'une serre en bi-zone (froide et chaude), laquelle n'est pas adaptée à la culture de la tomate. Selon l'expert judiciaire, l'exploitation de la zone froide contribue à aggraver les désordres constatés et induit la culture de végétaux peu sensibles à l'aspersion d'eau, surtout dans le cadre d'une culture biologique.

La conception même de l'installation réalisée par la société RICHEL PROJETS est défaillante. En outre, elle n'a donné aucun conseil à ce sujet à la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE. Elle sera dès lors tenue, en tout état de cause, de réparer l'entier préjudice subi par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE.

* Un défaut de stockage et de pose des bâches des serres : le film intérieur de la double paroi bénéficie d'un traitement anti-buée permettant notamment à l'eau de condensation de s'écouler le long de la paroi au lieu de former des gouttelettes améliorant ainsi la transmission lumineuse réduisant les retombées sur les cultures. Or, ce film intérieur, bénéficiant du traitement antibuée dont s'agit, doit faire l'objet de précautions spécifiques avant sa mise en 'uvre au titre de ses conditions de stockage et de pose,

Ces instructions n'ont manifestement pas été respectées dans la mesure où d'une part, le stockage des bâches s'est effectué au dehors et à l'air libre de sorte qu'elles ont été exposées au soleil ainsi qu'aux intempéries hivernales et d'autre part, les bâches ont été posées courant du mois de février de sorte que les conditions de pose n'ont pas été respectées, le fait que ces deux précautions n'ont pas été suivi n'étant pas contesté devant l'expert, ainsi qu'il l'a relevé.

- sur l'appel incident de la société RICHEL PROJETS au titre des réserves à réception, la société LA FERME BIOCLIMATIQUE confirme que les réserves ont été levées après l'intervention de la société RICHEL PROJETS en août 2023.

- sur la responsabilité de la société RICHEL PROJETS en qualité de fournisseur, à titre principal, sur la responsabilité contractuelle de droit commun au titre d'un défaut de d'information et de conseil, la société RICHEL EQUIPEMENT était le fournisseur d'équipements de serres plastiques qui aurait livré à la SASU RICHEL PROJETS le matériel d'équipement de la serre vendue sur catalogue par la SASU RICHEL PROJETS à la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE.

Il s'ensuit que la responsabilité de la SASU RICHEL EQUIPEMENT en qualité de fournisseur pouvait être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Le maître de l'ouvrage jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur, et dispose d'une action en responsabilité contractuelle contre les fournisseurs des constructeurs auxquels il est conventionnellement lié.

- la SASU RICHEL EQUIPEMENT disposait d'une expertise certaine dans le domaine de la vente et l'installation de l'équipement de serres horticoles et maraichères et aurait dû attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur un risque d'hygrométrie dans la zone 2.

La SASU RICHEL EQUIPEMENT aurait dû lui déconseiller de procéder à la plantation de tomates sous format d'agriculture biologique dans de telles conditions.

L'expert a pu mettre en exergue qu'il était très risqué « d'entreprendre la culture bio de tomates dès la première année sans être en mesure totalement de maitriser les conditions ambiantes de la serre. » A tout le moins, la SASU RICHEL PROJETS aurait dû conseiller à la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE de ne pas procéder à la plantation des tomates dans la zone 2.

Il y a lieu à condamnation de la SASU RICHEL PROJETS au titre de la réparation de son préjudice consistant en la reprise des travaux par traitement de l'air aux fins de faire cesser le phénomène d'humidité et au titre de la réparation de son préjudice matériel.

- à titre subsidiaire, sur la responsabilité décennale de la SAS RICHEL PROJET au titre de l'article 1792-4 du code civil, le fournisseur est redevable de la garantie décennale à l'endroit du maître d'ouvrage dès lors que ledit fournisseur a fourni au titulaire du marché des matériaux spécifiques et a donné des instructions techniques précises participant de ce fait activement à la construction, en assumant la maîtrise d'oeuvre.

La SASU RICHEL PROJETS a fourni un matériel spécifique en donnant des instructions précises participant de ce fait à la maîtrise d''uvre et sa garantie est sollicitée au titre de la réparation de son préjudice consistant en la reprise des travaux par traitement de l'air aux fins de faire cesser le phénomène d'humidité et au titre de la réparation de son préjudice matériel.

- sur le préjudice matériel, il y a lieu selon l'expert, d'installer un générateur d'air chaud biomasse et trois déshumidificateurs, prestation qu'il évalue, en fonction du devis détaillé de la société RICHEL ÉQUIPEMENT, à la somme de 100 000,00 euros HT, soit 120 000 € TTC.

Il y aura lieu d'indexer cette somme sur l'indice BT01 (tous corps d'état) publié par l'INSEE à compter du 17 mars 2019, date du rapport d'expertise judiciaire.

- sur le préjudice d'exploitation, il y aura lieu de retenir l'évaluation contenue dans le rapport d'expertise amiable du 29 août 2017, contradictoirement discutée, et la somme de 89 269,00 euros est sollicitée à titre de dommages-intérêts.

- le montant des condamnations devra aussi porter intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 19/01/2024, la société SAS RICHEL GROUP, venant aux droits de la S.A.S.U. RICHEL PROJETS a présenté les demandes suivantes :

'Vu la déclaration d'appel de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE enregistrée le 19 juillet 2023 à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de LA ROCHE SUR YON le 2 juin 2023,

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

Vu l'article 1231-1 du code civil, dans sa version applicable au litige

Vu le rapport d'expertise judiciaire du 17 mars 2019,

Vu les pièces des parties dont celles de la concluante énoncées sur le bordereau annexé aux présentes écritures,

Vu les pièces complémentaires 24 à 26 justifiant que la société RICHEL GROUP vient aux droits de la société RICHEL PROJETS,

Confirmer le jugement en ses dispositions contestées par la société LA FERME BIOCLIMATIQUE mais dont les contestations n'ont pas été explicitées dans les conclusions d'appel.

Infirmer le jugement en ses dispositions non contestées par la société LA FERME BIOCLIMATIQUE, en ce qu'il :

« - condamne la SASU RICHEL PROJETS à reprendre sous astreinte provisoire l'intégralité des désordres réservés dans le procès-verbal de réception du 30 mars 2017, à savoir les bâches, les ouvrants et les deux poteaux abimés dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision

« - fixe le montant de l'astreinte provisoire à 100,00 € par jour de retard pendant une durée de 6 mois

« - ordonne l'exécution provisoire »

Statuant à nouveau,

Débouter la Société LA FERME BIOCLIMATIQUE de ses demandes dirigées à l'encontre de la Société RICHEL PROJETS aux droits de laquelle est désormais la société RICHEL GROUP en sa qualité de « locateur d'ouvrage » dont la responsabilité n'est pas susceptible d'être retenue sur le fondement de la garantie décennale considérant les conditions de mise en 'uvre non remplies en l'absence d'ouvrage au sens de l'article 1792 du Code Civil, le contrat liant ces parties n'étant pas un contrat de louage d'ouvrage mais un contrat de vente, et en toute hypothèse, en l'absence d'impropriété à destination de l'ouvrage dans son ensemble, et considérant l'exclusion du champ de la garantie décennale des éléments d'équipement destinés à l'exercice d'une activité professionnelle prévue par l'article 1792-7 du code civil.

Débouter la société LA FERME BIOCLIMATIQUE de ses demandes dirigées à l'encontre de la société RICHEL PROJETS aux droits de laquelle est désormais la société RICHEL GROUP dont la responsabilité n'est pas susceptible d'être retenue sur le fondement de la garantie des vices intermédiaires considérant les conditions de mise en 'uvre non remplies en l'absence d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil et en l'absence de faute prouvée.

Débouter la Société LA FERME BIOCLIMATIQUE de ses demandes dirigées à l'encontre de la Société RICHEL PROJETS aux droits de laquelle est désormais la société RICHEL GROUP dont la responsabilité contractuelle n'est pas susceptible d'être retenue, en l'absence de démonstration d'une faute de la société RICHEL PROJETS et/ou d'un manquement à l'obligation de conseil et d'information, étant considéré au surplus les limites contractuelles des conditions générales du contrat de vente opposables à la société LA FERME BIOCLIMATIQUE excluant toute responsabilité pour perte de cultures et perte de revenus.

Débouter la société LA FERME BIOCLIMATIQUE de ses demandes dirigées à l'encontre de la société RICHEL PROJETS aux droits de laquelle est désormais la société RICHEL GROUP en sa qualité de société absorbante de la société RICHEL EQUIPEMENT en sa qualité de fournisseur tant sur le fondement principal de la responsabilité contractuelle au titre du manquement allégué au devoir de conseil et d'information que sur le fondement de la garantie décennale, considérant la qualité de fournisseur de la société RICHEL EQUIPEMENT non soumise aux dispositions régissant la responsabilité décennale des constructeurs et l'article 1792-4 du code civil étant inapplicable.

Rejeter en toute hypothèse, les demandes au titre du préjudice matériel, d'une part, la demande de condamnation sous astreinte de remplacement des bâches considérant que celles-ci ont été livrées sur le site et n'ont pas été posées en raison du refus de la demanderesse, qui n'a présenté aucun accord écrit d'intervention d'autre part, la demande de condamnation à hauteur de 120.000,00 € pour les travaux de reprise de la zone n° 2.

Rejeter en toute hypothèse les demandes au titre du préjudice d'exploitation à hauteur de 89.269,00 € comme non justifiées ni fondées.

Rejeter le surplus des demandes.

Condamner la FERME BIOCLIMATIQUE à payer à la société RICHEL GROUP venant aux droits de la société RICHEL PROJETS la somme de 6.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la FERME BIOCLIMATIQUE aux entiers dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise et dépens de référé mais dire que conformément à l'article 699 du code de procédure civile pour ceux d'appel, la condamnation aux dépens sera prononcée avec distraction au profit de Maître SIMON-WINTREBERT, avec le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision.

A l'appui de ses prétentions, la société SAS RICHEL GROUP, venant aux droits de la S.A.S.U. RICHEL PROJETS, soutient notamment que :

- sur la responsabilité recherchée au titre des désordres réservés non levés, les société RICHEL ont toujours fait savoir qu'elles étaient disposées à intervenir avec l'autorisation formelle de la société LA FERME BIOCLIMATIQUE

L'état actuel des bâches relève de l'attitude de la société LA FERME BIOCLIMATIQUE qui n'avait pas donné son accord pour l'intervention des concluantes depuis plus de trois ans.

L'appel incident formé par la société RICHEL GROUP venant aux droits de la société RICHEL PROJETS de ce chef de jugement est parfaitement justifié.

Toutefois, à la suite du jugement revêtu de l'exécution provisoire, une lettre officielle a été adressée le 03 juillet 2023 à la SCP CIRIER.

Par suite, une fiche d'intervention des travaux a été régularisée le 30 août 2023, le représentant de la FERME BIOCLIMATIQUE écrivant : "travaux relatifs à l'intervention réalisés correctement avec professionnalisme.

J'atteste que les réserves listées dans le jugement du Tribunal de LA ROCHE SUR YON du 02/06/2023 ont été levées et que les travaux sont conformes ce jour, le 30/08/2023".

- sur la responsabilité recherchée au titre des désordres apparus après réception, la société LA FERME BIOCLIMATIQUE a établi un dossier d'appel à projet auprès de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AGRIMER) qui a reçu des accords de financement nécessaires.

Puis, elle a commandé à la société RICHEL PROJETS la fourniture et l'installation d'une serre multi-chapelle RICHEL à couverture plastique à double paroi gonflable composée de 8 chapelles destinées à la culture et d'une chapelle technique selon une offre commerciale signée le 7 novembre 2016 portant sur un contrat clé en mains dénommé "CHAPELLES 9.60M XR300 OVALISE 90MM" dont les équipements ont été fournis à la société RICHEL PROJETS par la société RICHEL EQUIPEMENT.

- le matériel a été livré et installé selon procès-verbal du 30 mars 2017 comprenant des réserves soit « poches d'eau au niveau des ouvrants ' 4 bâches à changer (partie basse de l'OC) ' deux poteaux abîmés par RICHEL EQUIPEMENT à changer ».

- deux mois plus tard, la société LA FERME BIOCLIMATIQUE a constaté la présence de gouttelettes aux droits des ouvrants entraînant la présence de flaques au sol, phénomène classique lié à la condensation, que l'exploitant ne pouvait pas ignorer en tant que professionnel.

Après ce constat de la présence des gouttelettes, la société LA FERME BIOCLIMATIQUE apparaît n'avoir pas ajusté les conditions de chauffage grâce aux équipements fournis et prévus à cet effet.

Par souci d'économie d'électricité, la société LA FERME BIOCLIMATIQUE n'a pas pris les dispositions nécessaires qui auraient dû empêcher l'apparition du mildiou et plus tard, son développement.

- l'expert judiciaire a indiqué sur l'existence des désordres, ne pas avoir constaté « la matérialité du désordre invoqué sur la culture de tomates infectées par le mildiou car celle-ci a été remplacée par la culture d'Aloé Véra (zone 1) et par la culture de curcuma (zone 2).

Il indique que la zone 1 et la zone technique ne présentent pas de désordres relatifs à la présence de gouttelettes d'eau.

Il conclut que : « Les dommages constatés ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ni le rendre impropre à sa destination dans le cadre de production maraîchère en général »

- l'expert judiciaire indique : 'Le demandeur doit être conscient des limites d'exploitation de ces serres en fonction des équipements propres à chaque zone de maraîchage'.

- sur la responsabilite de la societe Richel projets recherchee sur le fondement de la garantie décenale, en qualite de locateur d'ouvrage, le tribunal a retenu à tort que la serre constitue un ouvrage et que le contrat doit être qualifié de contrat de louage d'ouvrage.

Une bâche ne peut pas être considérée comme un ouvrage et le contrat est un simple contrat de vente avec prestation d'installation et non un contrat de louage d'ouvrage.

Les conditions générales sont opposables à l'acheteur par application de l'article 1119 du code civil au motif qu'elles ont été portées à sa connaissance au vu du paraphe,

- la part du prix affecté à la fourniture du matériel s'élève à 336.342,81 € HT sur un total de 400.000,00 € HT, soit 80 % du prix, la prestation de montage de 63.657,19 € HT restant très minoritaire.

- les dispositions de l'article 1792 du code civil n'ont pas vocation à s'appliquer en l'absence de contrat de louage d'ouvrage et en l'absence d'ouvrage immobilier.

- la serre litigieuse ne présente pas les mêmes caractéristiques que l'espèce ancienne citée et ne peut être considérée comme constitutive d'un ouvrage

- sur l'absence d'impropriété à destination, la société RICHEL « a livré une serre conforme aux termes du contrat », dont l'impropriété à destination au regard desdits termes, n'est pas établie.

- la serre est destinée à tous types de cultures dont les tomates.

- la compétence de l'exploitant lui permet d'obtenir une production plus ou moins optimale, ce qui signifie qu'en cas de lacune ou de gestion économique de l'hydrométrie, l'apparition des maladies sera favorisée.

- sur la conformité à la destination convenue entre les parties, la FERME BIOCLIMATIQUE a accepté une offre commerciale portant sur une serre divisée en deux zones, l'une chauffée, et l'autre non, et il n'est pas spécifié dans cette offre que la partie froide est spécialement destinée à accueillir la culture de tomates biologiques.

- LA FERME BIOCLIMATIQUE avait parfaitement connaissance en contractant avec la société RICHEL que la zone 2 de la sphère présenterait ces caractéristiques techniques à l'inverse de la zone I et il n'est pas contestable que cette zone 2 n'est pas incompatible avec toute culture.

- dans le dossier d'appel à projet « construction d'une serre maraîchère », auprès de France AGRIMER, il convient de se reporter aux différentes annexes. L'annexe 3 concernant les caractéristiques du projet indique pour la production : ' tomate ' courgette'

L'annexe 4.1 relative à la présentation du projet indique en préambule ':...lancer une production maraîchère (tomates ' concombres ' courgettes) en agriculture biologique selon un mode de production économe en chauffage...

Dans un premier temps, la production sera dédiée à la tomate et à la courgette puis le concombre entrera dans la rotation'.

- le dossier BGE mentionne au chapitre 5 « activités » : 'La FERME BIOCLIMATIQUE produira des tomates, des concombres et des courgettes en agriculture biologique selon un mode de production économe en énergie et respectueux des conditions de travail'.

Son activité était tournée vers une production maraîchère diversifiée, mais la FERME BIOCLIMATIQUE a décidé de planter exclusivement des tomates contrairement à ce qu'elle avait prévu dans son dossier.

- l'expert judiciaire relève : « La nature de la culture bio qui a été initiée dès la première année de mise en exploitation de la serre en 2017 n'a sans doute pas été judicieuse... C'était très risqué d'entreprendre la culture bio de tomates dès la première année sans être en mesure de totalement maîtriser les conditions ambiantes de la serre » (page 30 du rapport).

- le critère d'impropriété à destination ne peut donc être retenu et ce d'autant moins qu'elle devrait concerner l'ensemble de l'ouvrage, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque la zone 1 est parfaitement exempte de tout désordre.

- la société FERME BIOCLIMATIQUE prétend à titre subsidiaire se placer sur le terrain contractuel, sur la théorie des dommages intermédiaires susceptibles d'engager la responsabilité civile contractuelle de droit commun pour fautes prouvées de l'entrepreneur.

Toutefois, il ne s'agit pas d'un ouvrage de bâtiment et il n'est pas démontré de faute de la société RICHEL PROJETS.

- les serres vendues sont des serres standards pouvant accueillir tous types de culture.

Le succès dépend de la gestion et de l'expertise de l'exploitant qui ne peut reprocher ses propres lacunes.

- les conditions générales de vente qui s'imposent aux parties, font expressément mention de l'exclusion de la responsabilité de la société RICHEL PROJETS pour « tout dommage indirect ou immatériel, alors que la clause 9 « responsabilité » qui exclut les préjudices d'exploitation (perte de culture ' cessation d'activité ' retard ' perte de revenus.

- La société LA FERME BIOCLIMATIQUE ne pouvant donc rechercher la responsabilité de la société RICHEL PROJETS au titre des pertes de culture et de revenus, il lui appartenait d'être d'autant plus vigilante dans la conduite de son exploitation étant préalablement informée que celle-ci se situe hors du champ contractuel.

- sur les fautes alléguées, reprocher à la société RICHEL PROJETS en premier lieu, un défaut de conception en préconisant l'installation d'une serre en bi-zone (froide et chaude) laquelle n'est pas adaptée à la culture de la tomate est inopérant.

Elle a accepté une offre commerciale portant sur une serre divisée en deux zones, l'une chauffée, et l'autre non, ce qui ne permet aucunement d'en déduire l'existence d'une faute de conception, la serre biozone est adaptée à la culture maraîchère.

- sur le reproche de défaut de stockage et de pose des bâches des serres, l'expert judiciaire qui a écarté tout lien de causalité entre les conditions de stockage et de pose du film et les désordres, en page 25 du rapport, et les demandes ne peuvent donc qu'être rejetées sur le fondement des dommages intermédiaires.

- sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil, LA FERME BIOCLIMATIQUE apparaît dans le cadre de ses conclusions d'appel développer ce moyen uniquement à l'encontre de la société RICHEL PROJETS aux droits de la société RICHEL EQUIPEMENTS en sa qualité de fournisseur. Or aucun manquement à l'obligation d'information et de conseil n'est susceptible d'être retenu, dès lors que la société LA FERME BIOCLIMATIQUE a bénéficié d'une formation délivrée par la société RICHEL PROJETS pour la gestion technique de l'installation à la suite de laquelle elle n'a jamais porté à la connaissance de la société RICHEL PROJETS d'éventuelles difficultés ni exprimé un quelconque besoin.

- sur la responsabilite de la societe RICHEL PROJETS aux droits de la SOCIETE RICHEL EQUIPEMENT en qualite de fournisseur, sur la responsabilité recherchée sur le fondement principal de la responsabilité contractuelle au titre d'un prétendu défaut d'information et de conseil, l'ensemble des reproches formulés sur le terrain contractuel n'est pas susceptible de concerner la société RICHEL GROUP venant aux droits de la société RICHEL PROJETS en sa qualité de fournisseur.

Les deux arrêts rendus par la Cour de cassation en assemblée plénière le 7 février 1986 ne sont pas transposables, s'agissant d'une action contractuelle fondée sur la « non-conformité de la chose livrée.

LA FERME BIOCLIMATIQUE cherche à reprocher à la société RICHEL PROJETS un manquement à son devoir d'information et de conseil allant jusqu'à affirmer qu'elle aurait dû lui ' déconseiller de procéder à la plantation de tomates sous forme d'agriculture biologique' mais aucun manquement ne peut être retenu, alors que LA FERME BIOCLIMATIQUE a bénéficié d'une formation délivrée par la Société RICHEL PROJETS pour la gestion technique de l'installation, et s'est vue livrer un produit conforme au contrat.

- sur la responsabilité recherchée sur le fondement subsidiaire de la garantie décennale, la société RICHEL EQUIPEMENT a seulement livré le matériel d'équipement de la serre et le fournisseur n'a nullement assumé la « maîtrise d''uvre », n'étant pas alors redevable de la garantie décennale.

- sur le préjudice matériel, elle est intervenue sur le remplacement des 4 bâches dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement.

- s'agissant des travaux de reprise, la mise en place d'un chauffage comme d'un système de déshumidification de l'air doit être supporté par la FERME BIOCLIMATIQUE comme une extension de son projet initial.

- s'agissant du préjudice d'exploitation, l'expert judiciaire a repris les éléments présentés par la FERME BIOCLIMATIQUE dans un tableau récapitulatif, sans se prononcer sur les évaluations à l'exception de celle de Monsieur [W] de 109.000,00 € qu'il a considérée comme non étayée et la perte de revenus n'est pas justifiée.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 17/03/2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il est au préalable pris acte que la société SAS RICHEL GROUP, vient aux droits de la S.A.S.U. RICHEL PROJETS, dissoute de plein droit sans liquidation au 1er avril 2023, laquelle venait également aux droits de la SASU RICHEL EQUIPEMENTS, radiée du RCS à compter du 19 janvier 2021 suite à la fusion-absorption de la SASU RICHEL EQUIPEMENT par la SASU RICHEL PROJET suivant décision de l'associé unique en date du 31 décembre 2021 constatant la dissolution sans liquidation de la SASU RICHEL EQUIPEMENT.

Sur la demande relative aux désordres réservés à la réception :

A l'occasion des opérations de travaux réalisés par la société RICHEL, la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE a émis des réserves constatées par le procès-verbal du 30 mars 2017, à savoir "Poches d'eau au niveau des ouvrants. 4 bâches à changer (partie basse de l'OC), 2 poteaux abîmés par Richel équipement à changer".

La société RICHEL PROJETS indique par ses écritures n'avoir jamais contesté le principe de remplacement des bâches, siège de poches d'eau ayant fait l'objet des réserves à la réception, indiquant qu'elle n'avait pas procédé au remplacement en raison du refus de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE.

Elle a relevé appel incident du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à reprendre sous astreinte provisoire l'intégralité des désordres réservés dans le procès-verbal de réception du 30 mars 2017, à savoir, les bâches, les ouvrants et les deux poteaux abîmés, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision et fixé le montant de l'astreinte provisoire à 100 euros par jour de retard, pendant une durée de 6 mois, la société SAS RICHEL GROUP, venant aux droits de la S.A.S.U. RICHEL PROJETS, indique avoir néanmoins exécuté ces dispositions du jugement au titre de l'exécution provisoire de celui-ci.

Elle ne conteste pas son obligation de procéder aux travaux nécessaires à la levée des réserves, indiquant avoir proposé à plusieurs reprises d'y procéder.

Une fiche d'intervention des travaux a ainsi été régularisée le 30 août 2023, le représentant de la FERME BIOCLIMATIQUE écrivant :

"travaux relatifs à l'intervention réalisés correctement avec professionnalisme.

J'atteste que les réserves listées dans le jugement du tribunal de LA ROCHE SUR YON du 02/06/2023 ont été levées et que les travaux sont conformes ce jour, le 30/08/2023".

Par ces écritures, la société LA FERME BIOCLIMATIQUE 'confirme que les réserves ont été levées après l'intervention de la société RICHEL PROJETS en août 2023".

Il y a lieu dans ces circonstances de confirmer le jugement entrepris sur ce point, en relevant que les réserves à réception ont été effectivement levées.

Sur les demandes relatives aux désordres survenus après la réception des travaux :

Sur la responsabilité décennale de la SASU RICHEL PROJETS , la société SAS RICHEL GROUP venant aux droits de cette société :

L'article 1792 du code civil dispose que 'tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître de l'ouvrage ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère'.

La mise en oeuvre de la garantie décennale intervient alors dans trois séries d'hypothèses de dommages matériels à l'ouvrage construit :

- lorsque le dommage compromet la solidité de l'ouvrage.

- lorsque le dommage affectant l'un des éléments constitutifs de l'ouvrage ou l'un de ses éléments d'équipement le rend impropre à sa destination. Dans ce cas, le critère d'impropriété à destination doit être apprécié par rapport à l'ensemble de l'ouvrage au regard de la destination convenue à l'origine de la construction. L'impropriété à la destination de l'ouvrage peut être retenue, même en l'absence de dommage matériel à l'ouvrage et s'analyse notamment au regard de la dangerosité de l'immeuble ou de son inaptitude à remplir les fonctions auxquelles il était destiné.

- enfin, lorsque le dommage affecte la solidité d'un élément d'équipement indissociable des ouvrages de viabilité, de fondation, de clos et de couvert (code civil, art. 1792-2).

Toutefois, la garantie décennale ne s'applique que s'il y a eu réception.

L'article 1792-6 du code civil dispose que « La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit, à défaut, judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement ». '

En l'espèce, faisant suite à appel à projet de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE auprès de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (France AGRIMER) en février 2016, intitulé 'construction d'une serre maraichère', la société RICHEL PROJETS a présenté le 7 novembre 2016 une offre commerciale acceptée par signature et paraphes à la mêmle date, portant sur la fourniture et l'installation d'une serre multi-chapelle RICHEL à couverture plastique à double paroi gonflable composée de 8 chapelles destinées à la culture et d'une chapelle technique selon une offre commerciale portant sur un contrat d'édification et de livraison clé en mains d'une serre dénommé "CHAPELLES 9.60M XR300 OVALISE 90MM" dont les équipements ont été fournis à la société RICHEL PROJETS par la société RICHEL EQUIPEMENT.

Si la société intimée soutient qu'il s'agissait d'un contrat de vente et non d'un contrat de louage d'ouvrage, le contrat du 7 novembre 2016 porte sur une serre dont la surface totale est de 5818 m2, soit 5299 m2 de serre et 518 m2 pour le hall technique. L'article 1.4 du contrat rappelle que l'ossature des structures est réalisée en acier galvanisé. L'article 1.7 relatif aux fondations et poteaux, édicte que les poteaux sont fabriqués dans des aciers à haute limite élastique, et précise qu'ils sont ancrés dans le sol au moyen de deux types de fondations. Dans ces deux hypothèses, les poteaux, assemblés avec des pré poteaux, sont scellés dans du béton. A la page 24 concernant les prestations complémentaires, il est mentionné que s'agissant de la "Préparation du terrain-Ancrages au sol", la société RICHEL effectue le traçage, la réalisation des excavations, fournit le béton, les fers à béton, réalise les massifs d'ancrage et la découpe des fers à bétons. L'article 1.13 décrit notamment l'habillage de la toiture, à savoir une double paroi gonflable en métallocène, procédé qui doit procurer une isolation thermique, une meilleure tenue de la couverture au vent grâce à une tension permanente du film et une longévité accrue du film, le film étant fixé par un dispositif de clips de fixation, dont l'entreprise revendique une maîtrise ancienne de plus de 40 ans.

Une serre constituant un bâtiment clos et couvert, montée sur des poteaux scellés dans du béton, entraînant une immobilisation par incorporation au sol de la structure, relève bien du régime institué par l'article 1792 du code civil dès lors qu'elle est indémontable et non susceptible d'être déplacée.

Il en résulte que la serre constitue, par confirmation du jugement entrepris, un ouvrage et que le contrat litigieux doit être qualifié de contrat de louage d'ouvrage, les dispositions relatives à la garantie décennale légale prévue aux articles 1792 et suivant du code civil en dépit des stipulations prévues aux conditions générales du contrat souscrit, par ailleurs effectivement acceptées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE.

Sur l'impropriété de l'ouvrage à sa destination :

La SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE fait état du désordre survenu postérieurement à la réception, à savoir une accumulation de gouttelettes d'eau au droit de certains ouvrants situés en toiture de la zone 2 de la serre, zone froide non chauffée, provoquant par endroit la formation de flaques d'eau au sol, ce qui aurait favorisé l'humidité au niveau des tiges et des pieds de tomates, lesquels ont été affectés par "la maladie de mildiou", laquelle s'est propagée à l'ensemble de la culture, qui, par suite, a été entièrement détruite.

Elle soutient que la serre, destinée à la culture de tomates sous un mode de production d'agriculture biologique, est ainsi impropre à sa destination ce qui justifie son indemnisation au titre dee articles 1792 et suivant du code civil.

Il convient ici de rappeler les principales constatations et les conclusions de l'expert judiciaire :

'le désordre évoqué par la demanderesse lors des opérations d'expertise : gouttelettes d'eau en partie basse d'ouvrants entraînant des flaques d'eau au sol et la création du mildiou (voir photos).

Lors de l'accédit, nous avons constaté que ce désordre est effectif et qu'il provient de l'accumulation t de gouttelettes au droit de certains ouvrants situés en toiture de la zone 2 de la serre, provoquant par â. endroit la formation de flaques d'eau au sol.

Ce désordre pourrait favoriser le développement du mildiou sur des plans de tomates en cours de culture....

La serre de culture de 5 000 m2 est constituée de 2 zones séparées et distinctes: 4 chapelles de la zone n°1 (dite serre chaude) séparées par une paroi translucide des 4 chapelles de la zone n°2 (dite serre froide).

Ces deux zones sont réalisées en structure métallique qui supporte le toit et les parois verticales en matériau synthétique translucide double peau mises en pression par deux ventilateurs y injectant de l'air (installation en diagonale : un ventilateur de soufflage dans l'angle de la zone technique et un autre à l'opposé dans l'angle de la zone n°2).

Chaque chapelle représente une surface de 69 m x 9.60 rn environ. Il y en a quatre dans chaque zone. Des ouvrants à ouverture motorisée sont installés sur environ % de la surface du toit de chaque chapelle.

... Zone 1 dite « serre chaude » :

Les conditions intérieures requises par la société LA FERME BIOCLIMATIQUE dans la serre sont - maintien hors gel en hiver, puis 12°C du 5 février au 31 octobre.

- hygrométrie relative comprise entre 75% et 80%.

Les conditions ambiantes peuvent être maintenues dans la zone 1, constituées des 4 premières chapelles (2 500 m2), qui est chauffée par un générateur d'air chaud de marque u Technique Energie Bois » de 290 kW (voir photo ci-après décrivant la zone technique)

L'hygrométrie de l'air dans la zone 1 peut également être traitée par 2 déshumidificateurs thermodynamiques pouvant évacuer chacun 10 litres d'eau par heure (voir photo ci-après)...

Les conditions ambiantes de la zone 1 sont contrôlées par un automate connecté à des sondes de température à 1 ni du sol et à 4 m en partie haute, et à une sonde d'hygrométrie à 1 m du sol,

Zone 2 dite « serre froide »:

La zone 2 formée des 4 autres chapelles (2 500 m2) suivantes, n'est ni chauffée ni équipée de déshumidificateur.

Il est à noter que les conditions intérieures requises par la société LA FERME BIOCLIMATIQUE dans la serre (12°C et entre 75% et 80% d'hygrométrie relative) ne pourront pas être maîtrisées en l'absence de mode de chauffage et de dispositif de déshumidification.

Un ventilateur raccordé à une gaine de diffusion perforée a pour fonction de brasser l'air de cette zone d'après le constructeur....

...Désordre allégué lors de l'audience du 4 juin 2018

Je n'ai pas pu constater la matérialité du désordre relatif l'existence du mildiou sur les pieds de tomate car icelui est apparu en juillet 2017 et que depuis, la production maraîchère a été remplacée notamment par la culture d'aloé vera et par la culture de curcuma, telles que constatées lors de mon accédit du 26 octobre 2018.

... Désordre allégué dans le PV de réception (pièce 10 du Demandeur)

J'ai pu constater la présence d'une poche d'eau au niveau d'ouvrant (voir photo ci-avant). Il s'avère que 4 bâches sont à changer comme mentionné dans le PV de réception du 30/03/2017...

Les désordres réservés à la réception concernent uniquement des « poches d'eau au niveaux des ouvrants, 4 bâches à changer (partie basse de l'OC) et 2 poteaux abîmés » (pièce 12 Demandeur).

La présence de poches d'eau a été effectivement constatée lors de mon accédit du 26 octobre 2018 mais ne peu pas être à l'origine du mildiou sur les pieds de tomate car la fuite n'est pas traversante et il n'a pas été constaté d'humidité sur le sol à l'aplomb de ladite poche d'eau.

Je rappelle que c'est le principe d'humectation des plans de tomates par aspersion qui est l'agent développant la maladie (agent pathogène Phytopthora Infestans). La présente réserve n'a pas de lien de causalité avec le désordre relatif au mildiou.

Présence de gouttelettes d'eau

J'ai pu constater que les gouttelettes sont nettement présentes dans la zone 2, surtout sur la face où se situent les ouvrants, et un peu moins sur la face opposée (voir photo ci-avant).

Il est à noter que cette zone 2 dite « serre froide » n'est ni chauffée ni équipée de déshumidificateur, et qu'elle n'est équipée que d'un ventilateur raccordé à une gaine de diffusion d'air centrale faisant office de brasseur d'air destiné à homogénéiser la température de cette zone.

En l'état, il n'est pas possible de déterminer si ces gouttelettes sont aussi générées par un éventuel défaut du film antibuée tel qu'avancé par la Partie Demanderesse.

La zone 1 dite « serre chaude » ne présente pas ce désordre. Cette zone bénéficie du chauffage par générateur d'air chaud soufflant par 2 gaines dans le volume (voir photo de la zone technique ci-avant), d'une gaine centrale de diffusion d'air centrale dite de « brassage » et de deux déshumidificateurs d'air. Il n'y a que très peu de gouttelettes en sous-face du film antibuée et aucune trace d'humidité au sol dans la zone 1.

Il est à noter que la zone technique, construite exactement sur le même principe de structure métallique que les, zones de maraîchage avec un toit en paroi double peau mise en pression, ne présente pas non plus de gouttelettes d'eau sur son sol bétonné.

...Les dommages constatés ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ni de le rendre impropre à sa destinaiion dans le cadre de production maraîchère en général.

Concernant la destination de l'ouvrage, il est patent que compte tenu de l'absence de traitement des conditions ambiantes dans la serre froide (zone 2) concomitante avec l'apparition de gouttelettes d'eau en sous-face de toiture, il n'est pas judicieux d'y cultiver des végétaux sensibles à la présence d'eau, telles que les tomates par exemple, surtout dans le cadre d'une culture biologique, comme exploitée par le Demandeur, qui tolère peu de traitement phytosanitaire.

LeS dommages n'affectent pas la solidité des éléments d'équipements formant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondations, d'ossature et de clos.

...Dans la cas de la zone 2 dite « serre froide » qui ne bénéficie d'aucune source de chaleur ni de traitement de l'hygrométrie ambiante, le phénomène de condensation sur les parois s'en trouve de fait augmenté surtout sur celles extérieures.

L'apparition du mildiou sur certains rangs de pieds de tomate peut être imputée aux gouttelettes d'eau qui tombent depuis la sous-face de la toiture, notamment à proximité des ouvrants lorsque les conditions ambiantes dans la serre y sont propices, et surtout lorsque que l'hygrométrie ambiante n'est ni contrôlée ni maîtrisée....

...A mon avis concernant l'origine du litige, il convient de noter que la nature de la culture biologique qui a été initiée dès la première mise en exploitation de la serre en mars 2017 n'a sans doute pas été judicieuse. C'était très risqué d'entreprendre la culture biologique de tomates dès la première année sans être en mesure de totalement maîtriser les conditions ambiantes dans la serre'.

L'absence de mode de chauffage et l'absence de déshumidificateur dans la zone 2 dite s

Aucune maîtrise des conditions ambiantes n'étant possible faute d'équipements de chauffage et de déshumidification, l'exploitation de la zone 2 reste très aléatoire à des fins de culture biologique de la tomate.

Ces absences de moyen de chauffage et de déshumidification dans la zone 2 est un des faits générateurs des condensations constatées par mes soins en sous-face de la toiture, au même titre que l'humidité ambiante et que le phénomène de parois froides...

Le demandeur doit être conscient des limites d'exploitation de ses serres en fonction des équipements prpores à chaque zone de maraichage'.

Il résulte de ces éléments, argumentés et circonstanciés, qui ne sont pas réfutés et sont convaincants, qu'alors que la zone 1, chauffée, ne présente pas de désordres liés à une humidité excessive, la zone 2, zone froide qui n'est ni chauffée ni déshumidifiée génère nécessairement un phénomène de condensation. Selon l'expert, le traitement de l'air ambiant de la zone 2 serait nécessaire si la culture maraîchère qui y est prévue n'est pas compatible avec d'éventuelles aspersions d'eau mais il précise que le désordre ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination dans le cadre de production maraîchère en général.

Cette dernière désignation inclut les tomates.

L'appel à projet émis par le maître de l'ouvrage faisait certes état d'un projet de cultiver des tomates, comme d'autres végétaux tels courgettes et concombres, mais l'expert ne conclut pas que la culture de tomates n'est pas possible dans la serre : il indique qu'il n'était pas prudent de l'entreprendre la première année d'utilisation.

La SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE, professionnel du maraichage, avait connaissance que la zone 2 de la serre présenterait ces caractéristiques techniques, l'expert souligne que le choix de cultiver dans cette serre froide des tomates en culture biologique, laquelle tolère peu de traitement phytosanitaire, n'était pas adapté.

Faute d'établir dans ces circonstances l'impropriété à destination de la serre construite par la société RICHEL, les demandes formées par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE contre la société RICHEL sur le fondement de l'article 1792 du code civil doivent être rejetées par confirmation du jugement entrepris.

Sur la responsabilité contractuelle de la SASU RICHEL PROJETS :

L'article 1231-1 du code civil dispose que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.

Les dommages survenus après la réception de l'ouvrage qui ne relèvent pas de la garantie décennale, qualifiés par la doctrine de dommages « intermédiaires», restent susceptibles d'engager la responsabilité civile contractuelle de droit commun pour faute prouvée de l'entrepreneur.

En l'espèce, la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUEsoutient que la conception même de l'installation réalisée par la société RICHEL PROJETS serait défaillante, alors qu'elle n'aurait donné aucun conseil à ce sujet à la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE et serait tenue de réparer l'entier préjudice subi par la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE.

Toutefois, il n'est nullement démontré au regard des constatations de l'expert un défaut de conception de la serre alors que le phénomène de condensation identifié est un phénomène naturel.

Il est rappelé que la société LA FERME BIOCLIMATIQUE a accepté une offre commerciale portant sur une serre divisée en deux zones, l'une chauffée, et l'autre non, en pleine connaissance de cause.

S'agissant d'une faute relative au stockage et à la mise en oeuvre du film anti-buée, il ressort du rapport de l'expert que ce celui-ci n'est pas en mesure de certifier l'existence d'un lien de causalité entre les conditions de stockage et de mise en oeuvre du film intérieur, d'une part, et le phénomène de gouttage observé dans la zone 2 de la serre, d'autre part.

Il précise que "les conditions climatiques dans les serres ont aussi pu avoir une influence et contribuer à la formation, ou non, des gouttelettes sur la paroi intérieure du toit' et que "le lien de causalité n'est ni tangible ni avéré. mais ce qui est certain, c'est que la serre "chaude" n°1 ne présentait pas cette anomalie (...), alors que les conditions de mise en oeuvre du film intérieur ont été les mêmes dans les deux serres".

Il en résulte que la preuve concrète que l'absence de respect des préconisations évoquées ci-avant a entraîné le phénomène de gouttage depuis la couverture de la serre n'est pas rapportée et que la faute de la SASU RICHEL PROJETS aux droits de laquelle vient la société RICHEL GROUP n'est pas démontrée.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE de ses demandes indermnitaires formées au titre des dommages intermédiaires en l'absence de faute prouvée.

Sur la faute relative au manquement au devoir de conseil :

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société LA FERME BIOCLIMATIQUE a bénéficié d'une formation délivrée par la société RICHEL PROJETS pour la gestion technique de l'installation.

Il n'est pas versé de pièces permettant de démontrer que par la suite, la société LA FERME BIOCLIMATIQUE ait exprimé un besoin d'information suplémentaire, alors que le choix et la conduite des cultures entreprises relève de l'utilisateur de la serre professionnel de la culture sous serre, le producteur étant nécessairement mieux informé que le constructeur du moyen de culture.

La société RICHEL PROJETS a dispensé à sa cliente une formation sur le plan technique, et la société LA FERME BIOCLIMATIQUE ne démontre pas que l'obligation de conseil ou d'information de RICHEL PROJETS impliquait de lui conseiller ou déconseiller une certaine forme de culture, le domaine de savoir proprement horticole relevant comme retenu par le premier juge de ses propres compétences.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes formées par la société LA FERME BIOCLIMATIQUE contre la société RICHEL sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Sur la responsabilité contractuelle de la SASU RICHEL PROJETS, en sa qualité de société absorbante de la SASU RICHEL EQUIPEMENT, fournisseur :

S'il est soutenu que le fournisseur serait redevable de la garantie décennale à l'endroit du maître d'ouvrage dès lors que ledit fournisseur a fourni au titulaire du marché des matériaux spécifiques et a donné des instructions techniques précises participant de ce fait activement à la construction et assumant ainsi la maîtrise d''uvre, il n'est nullement démontré en l'espèce, au regard du processus constructif décrit à l'offre commerciale souscrite, que la SASU RICHEL EQUIPEMENT ait tenu un quelconque rôle de maître d'oeuvre, étant simplement le fournisseur des matériaux de construction et d'équipement employés en l'espèce.

La demande formée à ce titre à l'encontre du fournisseur doit être en conséquence rejetée par confirmation du jugement entrepris, alors que l'impropriété à destination de l'ouvrage n'a pas été en outre retenue.

Il y a lieu en conséquence et par confirmation du jugement entrepris de rejeter l'intégralité des demandes de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE au titre des travaux de reprise et des dommages et intérêts en lien avec les désordres survenus après la réception du 30 mars 2017.

Sur les dépens :

Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et seront confirmés.

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE.

Il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître SIMON-WINTREBERT, avocat.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de condamner la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à payer à la société SAS RICHEL GROUP, venant aux droits de la S.A.S.U. RICHEL PROJETS la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de proédure civile en cause d'appel, le surplus des demandes étant écarté.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE à payer à la société SAS RICHEL GROUP, venant aux droits de la S.A.S.U. RICHEL PROJETS la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE la SAS LA FERME BIOCLIMATIQUE aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile Maître SIMON-WINTREBERT, avocat.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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