Livv
Décisions

TUE, 3e ch., 11 juin 2025, n° T-230/23

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Hitit Seramik Sanayi ve Ticaret AŞ

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

P. Škvařilová‑Pelzl

Juges :

I. Nõmm, D. Kukovec

TUE n° T-230/23

10 juin 2025

Antécédents du litige

2 La requérante est une productrice-exportatrice turque de carreaux en céramique.

3 À la suite d'une plainte déposée le 3 novembre 2021 par l'Association européenne des producteurs de carreaux en céramique, la Commission européenne, sur le fondement de l'article 5 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21), dans sa version applicable aux faits de l'espèce (ci-après le « règlement de base »), a ouvert une procédure antidumping concernant les importations de carreaux en céramique originaires d'Inde et de Turquie.

4 L'enquête s'est déroulée au cours de la période allant du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 (ci-après la « période d'enquête »).

5 Les produits soumis à l'enquête étaient des carreaux et dalles de pavement ou de revêtement en céramique, des cubes, des dés et des articles similaires pour mosaïques en céramique, même sur un support, et des pièces de finition en céramique. Ces produits, qu'ils soient originaires de Turquie et exportés vers l'Union européenne, originaires de Turquie et vendus sur le marché domestique turc ou encore fabriqués et vendus dans l'Union par l'industrie de l'Union, sont similaires (ci-après les « produits en cause »).

6 La requérante a été retenue dans l'échantillon de producteurs-exportateurs turcs sélectionnés par la Commission sur le fondement de l'article 17 du règlement de base.

7 Le 9 février 2023, la Commission a adopté le règlement attaqué instituant un droit antidumping sur les importations du produit en cause allant de 4,8 à 20,9 %.

Conclusions des parties

8 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

– annuler le règlement attaqué en tant qu'il la concerne ;

– condamner la Commission aux dépens.

9 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

10 Au soutien du recours, la requérante invoque quatre moyens, relatifs, le premier, au regroupement de carreaux ordinaires avec des carreaux de finition pour la détermination de la valeur normale construite, le deuxième, à l'absence de prise en compte par la Commission de l'inflation existant au cours de la période d'enquête sur le marché domestique turc, le troisième, aux conséquences à tirer des illégalités invoquées dans le cadre des premier et deuxième moyens et, le quatrième, au préjudice causé à l'industrie de l'Union et, plus particulièrement, à l'incidence des importations faisant l'objet d'un dumping sur l'industrie de l'Union.

11 Il convient d'examiner successivement chacun de ces quatre moyens. Toutefois, il y a lieu, au préalable, d'examiner la demande de la requérante relative à l'omission de données autres que des données à caractère personnel des personnes physiques envers le public.

Sur la demande d'omission des données

12 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 2 mai 2023, la requérante a introduit une demande d'omission de données autres que des données à caractère personnel des personnes physiques envers le public, conformément à l'article 66 bis du règlement de procédure du Tribunal, afin d'assurer la confidentialité d'informations à caractère commercial.

13 La demande de la requérante concerne de nombreuses données qui figurent, notamment, dans la requête.

14 Or, dans la conciliation entre la publicité des décisions de justice et le droit à la protection des données à caractère personnel et du secret d'affaires, le juge doit rechercher, dans les circonstances de chaque espèce, le juste équilibre, en prenant en compte le droit d'accès du public aux décisions de justice (arrêt du 27 avril 2022, Sieć Badawcza Łukasiewicz – Port Polski Ośrodek Rozwoju Technologii/Commission, T‑4/20, EU:T:2022:242, point 29).

15 De plus, la publicité des décisions de justice vise à permettre le contrôle de la justice par le public et constitue une garantie procédurale fondamentale contre l'arbitraire (Cour EDH, 16 avril 2013, Fazliyski c. Bulgarie, CE:ECH:2013:0416JUD004090805, point 69).

16 Partant, il y a lieu de faire droit, dans la mesure du possible, à la demande de la requérante, pour autant que l'exigence de contrôle de la justice par le public ne s'y oppose pas. Pour le reste, cette demande est rejetée.

Sur le premier moyen, relatif au regroupement de carreaux ordinaires avec des carreaux de finition pour la détermination de la valeur normale construite

17 La requérante rappelle que la Commission, pour calculer la marge de dumping, a regroupé les produits en cause par numéro de contrôle de produit (ci-après « NCP ») selon des caractéristiques pouvant affecter la comparabilité des prix.

18 En premier lieu, la requérante soutient que c'est à tort que la Commission a inclus dans un NCP relatif à des carreaux ordinaires (ci-après le « NCP en cause ») des carreaux de finition, à savoir des carreaux ayant fait l'objet d'un traitement supplémentaire par rapport aux carreaux ordinaires et dont le prix est, par conséquent, souvent plus élevé que celui des carreaux ordinaires, puis s'est fondée sur les coûts de production de ces deux types de carreaux afin de déterminer la valeur normale construite.

19 En effet, selon la requérante, du fait de la prise en compte des carreaux de finition dans le calcul des coûts de production pour le NCP en cause, la valeur normale construite pour celui-ci serait anormalement élevée.

20 La requérante rappelle que le dumping a été déterminé au moyen d'une valeur normale construite, ce qui signifie qu'il a été calculé en comparant, pour chaque opération de ventes à l'exportation considérée séparément, le prix de vente pour cette opération avec la valeur normale pour le NCP en cause, laquelle était calculée sur la base de coûts de production incluant les coûts de production des carreaux de finition. Elle soutient aussi que, lorsque le prix d'une opération donnée était inférieur à la valeur normale pour le NCP en cause, un dumping était constaté. Or, dès lors que, dans 98,3 % des cas, le prix à l'exportation était fondé sur des carreaux ordinaires, cela a abouti, selon la requérante, au constat d'une marge de dumping élevée. Elle estime que, sur ce point, le règlement attaqué méconnaît les dispositions de l'article 2, paragraphe 3, du règlement de base.

21 En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission, alors que celle-ci avait procédé à une modification du calcul des frais de vente, des dépenses administratives et des autres frais généraux (ci-après les « frais VAG »), ainsi que de la marge bénéficiaire pour le NCP en cause, d'avoir refusé de le faire en ce qui concernait les coûts de production dudit NCP.

22 En troisième lieu, la requérante soutient que la prise en compte des coûts de production des carreaux de finition aux fins de la détermination du montant de la valeur normale construite pour le NCP en cause a entraîné une distorsion dans la comparaison entre la valeur normale et le prix à l'exportation en augmentant de manière artificielle le montant de la valeur normale. Elle précise que la proportion des carreaux de finition vendus sur le marché domestique turc était très nettement inférieure, d'une part, à la proportion des carreaux de finition exportés vers l'Union et, d'autre part, à la proportion des carreaux de finition dans le volume global de production du NCP en cause.

23 Afin d'atténuer cette discordance, la requérante soutient qu'il existe trois autres méthodes de calcul des coûts de production. La première option de remplacement qu'elle propose consiste à exclure du NCP en cause les carreaux de finition pour le calcul des coûts de production. La deuxième consiste à utiliser les coûts de production d'un NCP similaire au NCP en cause (ci-après le « NCP de substitution »). La requérante précise que le NCP de substitution comprend également des carreaux de finition. La troisième option consiste à prendre en compte les coûts de production de tous les NCP.

24 En quatrième lieu, la requérante soutient que la Cour a jugé que l'objectif de la notion d'« opération commerciale normale » était d'assurer que la valeur normale d'un produit corresponde le plus possible au prix normal du produit sur le marché domestique de l'exportateur. Or, selon elle, un tel objectif est méconnu par le règlement attaqué. La requérante ajoute que le règlement attaqué méconnaît également l'« objectif de la construction de la valeur normale ».

25 En cinquième lieu, la requérante soutient que le règlement attaqué méconnaît l'article 2, paragraphe 5, du règlement de base. À cet égard, elle considère que l'inclusion d'une quantité disproportionnée de carreaux de finition dans le NCP en cause a provoqué une distorsion, de sorte que ses documents comptables ne tiendraient pas raisonnablement compte du coût de production pour ledit NCP.

26 La Commission conclut au rejet du moyen.

27 La requérante soutient, en substance, que la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation et des erreurs de droit en classant dans le même NCP des carreaux ordinaires et des carreaux de finition, ce qui aurait affecté la détermination de la valeur normale construite du produit et, partant, la marge de dumping.

28 Il ressort du règlement attaqué, notamment son considérant 228, ainsi que du dossier que, aux fins de l'établissement de la marge de dumping, la Commission a fait application de la méthode NCP par NCP. La structure des NCP choisie par la Commission (ci-après la « structure NCP ») permet, notamment, de distinguer les carreaux de finition, qui nécessitent plus de travail que les carreaux ordinaires et sont vendus à des prix plus élevés.

29 Lors de l'enquête, tous les producteurs-exportateurs retenus dans l'échantillon ont été invités, par le biais d'un questionnaire, à fournir leurs listes de ventes à l'exportation et sur le marché domestique turc ainsi que leurs coûts de production, sur la base de la structure NCP, c'est-à-dire, notamment, en distinguant les carreaux ordinaires des carreaux de finition.

30 Or, la requérante a intégré dans un NCP relatif à des carreaux ordinaires, le NCP en cause, des carreaux de finition présentant par ailleurs les mêmes caractéristiques que les carreaux ordinaires dudit NCP (ci-après les « carreaux de finition concernés »).

31 La Commission a relevé cette anomalie et a alerté la requérante au cours de la procédure ayant conduit à l'adoption du règlement attaqué, ainsi que cela ressort d'une lettre du 10 mars 2022 et d'un rapport de vérification d'entreprise du 28 octobre 2022.

32 En l'absence de réponse de la requérante, la Commission a calculé la marge de dumping pour le NCP en cause en se fondant sur les données qui lui avaient été transmises par celle-ci, lesquelles incluaient les données relatives aux carreaux de finition concernés.

33 Par la suite, étant donné que les ventes au cours d'opérations commerciales normales sur le marché domestique turc pour le NCP en cause étaient insuffisantes, la Commission a construit la valeur normale pour ce NCP en faisant application des dispositions de l'article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base.

34 L'article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base prévoit, notamment, que, lorsque les ventes du produit en cause sur le marché domestique au cours d'opérations commerciales normales sont insuffisantes, la valeur normale est calculée sur la base du coût de production dans le pays d'origine, majoré d'un montant raisonnable pour les frais VAG et d'une marge bénéficiaire raisonnable.

35 Ainsi, la Commission a construit la valeur normale du NCP en cause en ajoutant au coût moyen de production du produit en cause pour ce NCP la moyenne pondérée des frais VAG supportés par la requérante et le bénéfice moyen pondéré réalisé par elle, ces deux dernières valeurs étant calculées sur la base des ventes pour le NCP en cause sur le marché domestique turc au cours d'opérations commerciales normales pendant la période d'enquête.

36 La requérante a eu connaissance le 28 octobre 2022, au moment de la communication de l'information finale prévue par l'article 20, paragraphe 2, du règlement de base (ci-après l'« information finale »), de la marge de dumping envisagée pour elle sur la base, notamment, des calculs pour le NCP en cause mentionnés aux points 32 à 35 ci-dessus. Elle a alors déclaré que certains NCP, notamment le NCP en cause, affichaient des frais VAG et une marge bénéficiaire inhabituellement élevés par rapport à ses ratios habituels.

37 Eu égard aux explications fournies par la requérante, la Commission a accepté, compte tenu du faible volume de ventes au cours d'opérations commerciales normales pour le NCP en cause, de modifier le calcul des frais VAG et de la marge bénéficiaire en ne prenant pas seulement en compte les ventes sur le marché domestique turc relatives à ce NCP, mais toutes les ventes du produit en cause sur ledit marché.

38 Ayant été informée de cette modification du calcul de la valeur normale construite, la requérante a produit de nouvelles données et a demandé que, pour le calcul des coûts de production du NCP en cause, soient écartés les coûts de production des carreaux de finition concernés qu'elle avait intégrés dans ce NCP (voir point 30 ci-dessus).

39 Par ailleurs, la requérante a également demandé à la Commission de ne pas tenir compte des informations communiquées dans sa réponse au questionnaire mentionné au point 29 ci-dessus, car celle-ci contenait, selon elle, des erreurs qui n'auraient pas permis à la Commission de parvenir à des conclusions raisonnablement correctes, au sens de l'article 18, paragraphe 3, du règlement de base. Il convient de relever que cette disposition prévoit que, lorsque les informations présentées par une partie intéressée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l'établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu'elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités.

40 La requérante souhaitait ainsi être traitée comme une productrice-exportatrice ayant coopéré, mais n'ayant pas été retenue dans l'échantillon, ce qui aurait eu pour effet de la soumettre à un droit antidumping ne pouvant, conformément à l'article 9, paragraphe 6, du règlement de base, excéder la marge de dumping moyenne pondérée établie pour les parties constituant l'échantillon.

41 En réponse, la Commission a indiqué que la communication d'un calcul révisé de la marge de dumping après l'information finale et la demande visant à appliquer l'article 18, paragraphe 3, du règlement de base aux informations fournies (voir points 38 et 39 ci-dessus) avaient été effectuées à un stade où elle n'était plus en mesure de vérifier de nouvelles données et donc d'en tenir compte. La Commission a donc estimé que ladite demande devait être rejetée et que les nouvelles explications et données fournies par la requérante ne devaient pas être prises en compte.

42 La Commission a ajouté que les informations précédemment communiquées par la requérante au cours de l'enquête n'étaient pas déficientes au point de rendre excessivement difficile l'établissement de conclusions raisonnablement correctes et que ces informations avaient été transmises en temps utile et contrôlées lors d'une visite de vérification. Elle a conclu que, même si ces informations n'étaient pas idéales à tous points de vue, elle ne les écarterait pas au titre de l'article 18, paragraphe 3, du règlement de base.

43 Par conséquent, dans le règlement attaqué, la Commission a pris en compte, pour le calcul de la valeur normale construite relative au NCP en cause, d'une part, les frais VAG et la marge bénéficiaire de toutes les ventes du produit en cause par la requérante sur le marché domestique turc et, d'autre part, les coûts de production des carreaux ordinaires relevant dudit NCP ainsi que ceux des carreaux de finition concernés que la requérante avait inclus dans ce NCP (voir point 30 ci-dessus).

44 À titre liminaire, selon une jurisprudence constante, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l'Union disposent d'un large pouvoir d'appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu'elles doivent examiner. Quant au contrôle juridictionnel d'une telle appréciation, celui-ci doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 7 avril 2016, ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Hubei Xinyegang Steel, C‑186/14 P et C‑193/14 P, EU:C:2016:209, point 34 et jurisprudence citée).

45 Cela a été jugé, notamment, s'agissant de la détermination de la valeur normale d'un produit (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, EU:C:2007:547, points 40 à 42), laquelle est contestée dans le cadre du présent moyen.

46 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la définition du produit dans le cadre d'une enquête antidumping a pour objet d'aider à l'élaboration de la liste des produits qui, le cas échéant, feront l'objet de l'imposition des droits antidumping. Aux fins de cette opération, il peut être tenu compte de plusieurs facteurs, tels que, notamment, les caractéristiques physiques, techniques et chimiques des produits, leur usage, leur interchangeabilité, la perception qu'en a le consommateur, les canaux de distribution, le processus de fabrication, les coûts de production et la qualité [arrêts du 13 septembre 2010, Whirlpool Europe/Conseil, T‑314/06, EU:T:2010:390, point 138, et du 10 octobre 2012, Gem-Year et Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang)/Conseil, T‑172/09, non publié, EU:T:2012:532, point 59].

47 Or, la définition du produit dans le cadre d'une enquête antidumping n'interdit pas aux institutions de l'Union de subdiviser ce produit en types ou en modèles de produits distincts et de se fonder sur des comparaisons entre la valeur normale et le prix à l'exportation, modèle par modèle ou type par type (arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 59).

48 En outre, l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base prévoit qu'il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale, cette comparaison étant faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d'autres différences qui affectent la comparabilité des prix.

49 Or, les prix des produits concernés par une enquête antidumping peuvent varier compte tenu des caractéristiques de ces produits. La proportion de produits dotés de certaines caractéristiques affectant les prix est parfois différente en ce qui concerne les ventes d'un producteur-exportateur sur le marché domestique et ses ventes à l'exportation dans l'Union. Dans un tel cas, une comparaison entre la valeur normale moyenne calculée pour le produit pris dans son ensemble et le prix à l'exportation ne serait pas équitable au sens de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base. Par conséquent, des ajustements permettant d'assurer une comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l'exportation seraient nécessaires.

50 Afin de limiter le recours à de tels ajustements, la Commission peut distinguer différents NCP au sein des produits concernés par l'enquête. Ces NCP sont établis pour regrouper les produits dotés des mêmes caractéristiques affectant les prix et leur comparabilité. De cette manière, les produits vendus sur le marché de l'Union et sur le marché domestique du producteur-exportateur présentant les mêmes caractéristiques sont comparés les uns aux autres, sans qu'il soit nécessaire de procéder ensuite à des ajustements.

51 Ainsi, lorsque le produit en cause est un produit présentant des caractéristiques, notamment techniques, différentes et, par conséquent, des prix pouvant varier sensiblement selon ces caractéristiques, non seulement la méthode d'analyse NCP par NCP, qui vise à comparer la valeur normale et le prix à l'exportation de produits dont les caractéristiques et les prix de vente sont similaires, n'est pas interdite, mais elle peut même être plus appropriée (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2015, Einhell Germany e.a./Commission, T‑73/12, EU:T:2015:865, point 76).

52 Devant le Tribunal, en premier lieu, la requérante soutient que la Commission a méconnu les dispositions de l'article 2, paragraphe 3, du règlement de base en intégrant les carreaux de finition concernés dans le NCP en cause.

53 À cet égard, il convient de rappeler que l'article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base, seul alinéa dudit paragraphe dont les dispositions sont pertinentes en l'espèce, prévoit que, lorsque les ventes du produit en cause sur le marché domestique au cours d'opérations commerciales normales sont insuffisantes, la valeur normale est calculée sur la base du coût de production dans le pays d'origine, majoré d'un montant raisonnable pour les frais VAG et d'une marge bénéficiaire raisonnable (voir point 34 ci-dessus).

54 Ainsi, l'article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base ne prévoit aucune obligation spécifique pour la Commission quant à l'usage de NCP. Cette disposition ne peut donc être interprétée comme interdisant, a priori, la prise en compte de coûts de production de produits ne relevant pas d'un NCP pour le calcul de la valeur normale construite de ce NCP.

55 Certes, la méthode NCP par NCP doit être appliquée de manière cohérente (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2015, Einhell Germany e.a./Commission, T‑73/12, EU:T:2015:865, points 99 et 143).

56 Toutefois, en l'espèce, la requérante a intégré à tort dans le NCP en cause des carreaux de finition. Elle a été dûment informée de son erreur et n'a pas modifié les données soumises à la Commission dans un délai raisonnable, alors qu'aucune circonstance particulière ne pouvait justifier un tel retard.

57 À cet égard, la circonstance selon laquelle, d'une part, les commandes des carreaux de finition concernés et des carreaux ordinaires de la requérante étaient groupées et, d'autre part, les services des douanes lui avaient conseillé de ne pas utiliser un code spécifique pour les carreaux de finition concernés lors des opérations en douane était sans incidence sur la possibilité pour la requérante de classer les données qu'elle transmettait à la Commission en respectant la structure NCP. En particulier, s'agissant du second élément, c'est à juste titre que la Commission indique qu'elle n'a pas demandé à la requérante de remplir une déclaration d'exportation, mais une liste de ventes dans un questionnaire antidumping. Or, il s'agit de documents distincts émanant d'autorités différentes et dont l'usage poursuit des finalités elles aussi différentes. Ainsi, le fait que l'un de ces documents a été rempli en regroupant certains produits n'implique pas que l'autre document l'a été en appliquant le même regroupement.

58 De plus, la Commission a expliqué au cours de la procédure d'adoption du règlement attaqué les raisons pour lesquelles elle avait pris en considération les données qui lui avaient été communiquées par la requérante (voir points 41 et 42 ci-dessus), sans que cette dernière invoque à cet égard devant le Tribunal une violation des dispositions de l'article 18 du règlement de base.

59 En outre, si la requérante fait référence à une réduction artificielle du nombre d'opérations commerciales normales ayant eu pour origine la prise en compte des coûts de production des carreaux de finition concernés pour le calcul de la valeur normale construite du NCP en cause, elle ne soutient pas pour autant que l'article 2, paragraphe 3, du règlement de base a été méconnu au motif que la Commission aurait eu recours à tort à une valeur de base construite.

60 Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à reprocher à la Commission d'avoir intégré les carreaux de finition concernés dans le NCP en cause et le grief tiré d'une méconnaissance de l'article 2, paragraphe 3, du règlement de base doit être écarté.

61 En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission, alors qu'elle avait procédé à une modification du calcul des frais VAG ainsi que de la marge bénéficiaire, d'avoir refusé de le faire pour les coûts de production.

62 Ainsi qu'il a été indiqué au point 34 ci-dessus, l'article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base prévoit que, lorsque les ventes du produit en cause sur le marché domestique au cours d'opérations commerciales normales sont insuffisantes, la valeur normale est calculée sur la base du coût de production dans le pays d'origine, majoré d'un montant raisonnable pour les frais VAG et d'une marge bénéficiaire raisonnable.

63 S'agissant des frais VAG et de la marge bénéficiaire, l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base prévoit que les montants correspondant aux frais VAG ainsi qu'aux bénéfices sont fondés sur des données réelles concernant la production et les ventes, au cours d'opérations commerciales normales. Il prévoit également que, lorsque ces montants ne peuvent être ainsi déterminés, d'autres méthodes de calcul peuvent être mises en œuvre, lesquelles se fondent sur des opérations commerciales normales, ainsi qu'il ressort expressément du libellé du point b) dudit paragraphe et d'une interprétation contextuelle des points a) et c) de ce même paragraphe, au regard des dispositions de l'article 2, paragraphe 1, premier alinéa, paragraphe 3, premier alinéa, paragraphe 6, premier alinéa, première phrase, du règlement de base.

64 Ainsi, l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base instaure une méthode spécifique pour déterminer les frais VAG et la marge bénéficiaire dans l'hypothèse où la valeur normale doit être construite. Cette méthode est fondée sur des données relatives à des opérations commerciales normales.

65 Au contraire, s'agissant des coûts de production, l'article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base prévoit que, pour le calcul de ces coûts, les données portent sur les produits fabriqués dans le pays d'origine.

66 Ainsi, les données relatives au calcul des coûts de production ne sont pas limitées aux produits qui ont été vendus au cours d'opérations commerciales normales. L'absence d'une telle limitation apparaît adaptée, dès lors que les coûts de production sont, en principe, indépendants des modalités de vente du produit et du respect, à cet égard, des règles de pleine concurrence.

67 En l'espèce, la Commission a calculé la moyenne pondérée des frais VAG supportés par la requérante et le bénéfice moyen pondéré réalisé par elle sur la base des ventes pour le NCP en cause sur le marché domestique turc au cours des seules opérations commerciales normales pendant la période d'enquête (voir point 35 ci-dessus). Cela l'a ensuite conduite, eu égard aux explications fournies par la requérante, à accepter, compte tenu du faible volume des ventes au cours d'opérations commerciales normales sur le marché domestique turc pour le NCP en cause, de modifier le calcul des frais VAG et de la marge bénéficiaire en ne prenant pas en compte uniquement les ventes sur le marché domestique turc relatives à ce NCP, mais toutes les ventes du produit en cause sur ledit marché (voir points 36 et 37 ci-dessus).

68 Compte tenu des modalités de calculs différentes prévues par les dispositions pertinentes du règlement de base pour, d'une part, les frais VAG et la marge bénéficiaire et pour, d'autre part, les coûts de production (voir points 62 à 66 ci-dessus), en ce sens que les données relatives au calcul de ces derniers ne sont pas limitées aux produits qui ont été vendus au cours d'opérations commerciales normales, mais incluent tous les produits fabriqués dans le pays d'origine, c'est sans commettre d'erreur de droit que la Commission n'a pas procédé, pour les coûts de production, à une modification de la méthode de calcul équivalente à la modification à laquelle elle avait procédé pour les frais VAG et la marge bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2024, Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics et Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission, C‑261/23 P, EU:C:2024:440, point 57).

69 Il résulte de ce qui précède que le grief tiré d'une incohérence entre, d'une part, les modalités de calcul des coûts de production et, d'autre part, celles des frais VAG et de la marge bénéficiaire doit être écarté.

70 En troisième lieu, la requérante soutient que la prise en compte des coûts de production des carreaux de finition concernés aux fins de la détermination du montant de la valeur normale construite pour le NCP en cause a entraîné une distorsion en augmentant de manière artificielle ce montant.

71 La méthode NCP par NCP permet d'éviter que des produits dotés de caractéristiques différentes pouvant affecter la comparaison des prix soient regroupés, alors que les proportions respectives de ces produits dans les exportations et dans les ventes sur le marché domestique varient. Or, éviter un tel regroupement peut s'avérer approprié, car ce regroupement pourrait créer artificiellement des différences entre le prix à l'exportation et le prix sur le marché domestique (voir points 49 à 51 ci-dessus).

72 En l'espèce, il convient de constater que, pour le NCP en cause, la part des carreaux de finition concernés est plus élevée pour les exportations vers l'Union que pour les ventes sur le marché domestique. Dès lors que ces carreaux sont plus chers, leur regroupement avec des carreaux ordinaires est, potentiellement, à l'avantage de la requérante, dans la mesure où un tel regroupement aura tendance à diminuer la marge de dumping.

73 Toutefois, la valeur normale n'a pas été calculée sur la base des ventes réelles sur le marché domestique, elle a été construite. Ainsi, l'effet favorable à la requérante mentionné au point 72 ci-dessus a pu être neutralisé.

74 L'usage d'une valeur normale construite a même entraîné un effet défavorable pour la requérante, dans la mesure où, pour déterminer cette valeur, la Commission a pris en compte les coûts de production de tous les produits relevant du NCP en cause, qu'ils soient ou non vendus sur le marché domestique, ce qui, compte tenu de la proportion très faible de carreaux de finition concernés vendus sur le marché domestique turc par rapport à leur proportion dans le volume global de production dudit NCP, a majoré substantiellement les coûts de production moyens et donc le montant de la valeur normale construite.

75 À cet égard, premièrement, en procédant ainsi, la Commission n'a pas procédé à une interprétation erronée en droit des dispositions de l'article 2, paragraphe 3, du règlement de base. En effet, ces dispositions prévoient que la valeur normale construite est calculée sur la base du coût de production dans le pays d'origine, sans que le marché sur lequel intervient la vente des produits en cause soit précisé. Une telle absence de délimitation géographique apparaît d'ailleurs adaptée, dans la mesure où les coûts de production ne dépendent pas, en principe, d'éléments relatifs au marché sur lequel les produits sont vendus, comme les coûts de transport jusqu'à ce marché ou sa structure concurrentielle.

76 Deuxièmement, la requérante n'est pas fondée à reprocher à la Commission la conséquence défavorable mentionnée au point 74 ci-dessus, dès lors que le regroupement des carreaux de finition concernés avec les carreaux ordinaires résulte de son propre fait (voir points 56 et 58 ci-dessus).

77 De plus, il convient de constater que, compte tenu du regroupement opéré par la requérante, les carreaux de finition concernés ont été pris en compte pour le calcul du prix à l'exportation du NCP en cause.

78 Par conséquent, pour satisfaire à l'exigence d'une comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale, au sens de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base (voir point 48 ci-dessus), il conviendrait, dans l'hypothèse où les carreaux de finition seraient exclus du calcul de la valeur normale pour le NCP en cause et, en particulier, du calcul des coûts de production, de les exclure également du calcul du prix à l'exportation.

79 Or, la Commission indique, sans être contredite sur ce point, que la requérante n'a jamais présenté un ensemble complet de données dans lequel les carreaux de finition concernés auraient été séparés des carreaux ordinaires.

80 En proposant ainsi de modifier un seul des termes de la comparaison, la requérante n'a pas mis la Commission en mesure d'appliquer la structure NCP dans le respect de l'exigence de comparaison équitable prévue à l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base.

81 Il convient d'ajouter que, y compris dans ses écritures devant le Tribunal, la requérante propose d'autres méthodes qui excluent les carreaux de finition concernés du calcul de la valeur normale construite pour le NCP en cause sans pour autant les exclure du calcul du prix à l'exportation dudit NCP.

82 À supposer même que la requérante puisse utilement invoquer devant le Tribunal d'autres méthodes de calcul ne concernant que la valeur normale, pour satisfaire à l'exigence d'une comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale, au sens de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base (voir point 48 ci-dessus), il conviendrait, dès lors que les carreaux de finition concernés sont pris en compte pour le calcul du prix à l'exportation du NCP en cause, que ces carreaux ou des carreaux équivalents soient également pris en compte pour le calcul de la valeur normale dudit NCP.

83 Or, tout d'abord, la première méthode que la requérante propose de retenir consiste à exclure les carreaux de finition concernés pour le calcul des coûts de production du NCP en cause. Cette option ne satisfait donc pas à l'exigence d'une comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale.

84 Ensuite, la deuxième méthode consiste à utiliser les coûts de production des carreaux relevant du NCP de substitution. À cet égard, il ressort des éléments produits par la requérante elle-même et il a été confirmé lors de l'audience que, alors que le coût de production des carreaux de finition concernés était supérieur à 290 livres turques (TRY) par mètre carré, il était inférieur à 170 TRY par mètre carré pour les carreaux du NCP de substitution. Alors que la valeur normale serait calculée sur la base des coûts de production des carreaux du NCP de substitution, le prix à l'exportation serait toujours en partie calculé à partir des carreaux de finition concernés. Or, la requérante n'apporte pas d'élément permettant d'établir que l'exigence de comparaison équitable mentionnée au point 48 ci-dessus pourrait, malgré cette circonstance, être respectée.

85 Enfin, la troisième méthode consiste à prendre en compte les coûts de production de tous les NCP. Toutefois, les coûts de production des carreaux de finition concernés sont sensiblement supérieurs aux coûts de production des carreaux de finition des autres NCP. Or, la requérante n'apporte pas d'élément permettant d'établir que l'exigence de comparaison équitable mentionnée au point 48 ci-dessus pourrait, malgré cette circonstance, être respectée.

86 Par conséquent, alors que les carreaux de finition concernés sont pris en compte pour le calcul du prix à l'exportation du NCP en cause, la requérante n'établit pas que les autres méthodes qu'elle propose de retenir pour le calcul des coûts de production pour la valeur normale, lequel est nécessaire aux fins de la détermination de la valeur normale construite, pourraient être appliquées sans méconnaître l'exigence de comparaison équitable prévue à l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base.

87 Il résulte des considérations exposées aux points 76 à 86 ci-dessus que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant en compte les coûts de production des carreaux de finition concernés aux fins de la détermination du montant de la valeur normale construite pour le NCP en cause. En effet, le regroupement des carreaux de finition concernés avec les carreaux ordinaires résulte des agissements de la requérante et celle-ci n'apporte pas d'élément permettant de conclure que la Commission aurait pu, tout en respectant l'exigence de comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale, au sens de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base, exclure les coûts de production des carreaux de finition concernés aux fins de la détermination du montant de la valeur normale construite pour le NCP en cause.

88 Dans ces conditions, le troisième grief invoqué par la requérante, lequel est tiré de l'existence d'une distorsion due à la prise en compte des coûts de production des carreaux de finition concernés aux fins de la détermination du montant de la valeur normale construite pour le NCP en cause, doit être écarté.

89 En quatrième lieu, il est vrai, comme le soutient la requérante, que la Cour a jugé que l'objectif de la notion d'« opération commerciale normale » était d'assurer que la valeur normale d'un produit corresponde le plus possible au prix normal du produit sur le marché domestique de l'exportateur (arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 28). Or, la requérante estime qu'un tel objectif est méconnu par le règlement attaqué.

90 Toutefois, ainsi qu'il a été jugé au point 66 ci-dessus, aux fins du calcul des coûts de production permettant de déterminer une valeur normale construite, il n'est pas fait usage de la notion d'« opération commerciale normale ».

91 Par conséquent, la jurisprudence citée au point 89 ci-dessus, qui est invoquée par la requérante, n'est pas pertinente en l'espèce.

92 Quant à l'invocation d'une méconnaissance de l'« objectif de la construction de la valeur normale », qui serait d'engendrer une valeur de remplacement appropriée, la requérante n'apporte pas suffisamment d'éléments permettant de conclure que la méconnaissance d'un tel objectif pourrait conduire à l'annulation du règlement attaqué.

93 En tout état de cause, dans les circonstances particulières de l'espèce, c'est-à-dire, compte tenu du comportement de la requérante et de celui de la Commission lors de la procédure d'adoption du règlement attaqué (voir points 29 à 43 ci-dessus), il peut être conclu que la valeur normale calculée par la Commission constitue une valeur de remplacement appropriée.

94 Il résulte de ce qui précède que le présent grief doit être écarté.

95 En cinquième lieu, il convient de rappeler que l'article 2, paragraphe 5, du règlement de base prévoit que les frais sont normalement calculés sur la base des documents comptables de la partie faisant l'objet de l'enquête, à condition que ces documents soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit en cause.

96 L'article 2, paragraphe 5, du règlement de base doit être interprété en ce sens que les registres comptables de la partie faisant l'objet de l'enquête constituent la source privilégiée de renseignements pour l'établissement des coûts de production du produit concerné et que l'utilisation des données figurant dans lesdits registres constitue le principe et leur adaptation ou leur remplacement par une autre base raisonnable représente l'exception. Compte tenu du principe selon lequel une dérogation ou une exception à une règle générale doit être interprétée restrictivement, il y a donc lieu de considérer que le régime d'exception qui découle de l'article 2, paragraphe 5, du règlement de base doit être interprété de façon restrictive (arrêt du 3 décembre 2019, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, EU:T:2019:831, point 66 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 30 mai 2024, Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics et Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission, C‑261/23 P, EU:C:2024:440, point 53).

97 La requérante soutient que ses propres documents comptables ne reflétaient pas fidèlement les coûts de production des produits pour le NCP en cause, compte tenu du regroupement dans ce NCP de carreaux ordinaires avec des carreaux de finition. Elle en déduit que la Commission devait, en application de l'article 2, paragraphe 5, du règlement de base, procéder à un ajustement desdits coûts de production.

98 À cet égard, ainsi que la Commission l'indique à juste titre, la requérante, par son grief, ne conteste pas le fait que ses documents comptables reflétaient correctement les coûts de production de chaque type de carreaux ordinaires ou de finition pris en compte au titre du NCP en cause. Elle se borne à contester la présence des carreaux de finition concernés dans ledit NCP.

99 Or, l'exception prévue à l'article 2, paragraphe 5, du règlement de base ne vise pas une telle hypothèse.

100 Certes, il a été jugé que les documents comptables de la partie intéressée pouvaient valablement être écartés dans un contexte de prix réglementés entraînant une distorsion du marché (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2022, Nevinnomysskiy Azot et NAK « Azot »/Commission, T‑865/19, non publié, EU:T:2022:559, points 71 et 72) ou lorsque les transactions concernant certains intrants associés à la production et à la vente du produit n'avaient pas lieu dans des conditions de pleine concurrence (arrêt du 30 mai 2024, Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics et Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission, C‑261/23 P, EU:C:2024:440, point 38).

101 De même, au point 6.33 de son rapport dans l'affaire « Union européenne – Mesures antidumping visant le biodiesel en provenance d'Argentine » (WT/DS 473/AB/R), adopté le 26 octobre 2016, l'organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), s'agissant de l'article 2.2.1.1 de l'accord sur la mise en œuvre de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103), figurant à l'annexe 1 A de l'accord instituant l'OMC (JO 1994, L 336, p. 3), a admis également l'hypothèse dans laquelle le coût des intrants du produit était réparti entre différentes entités d'un même groupe, compte tenu du caractère potentiellement non concurrentiel des transactions intragroupes.

102 Toutefois, en se bornant à soutenir que les carreaux de finition concernés ne devaient pas être inclus dans le NCP en cause, la requérante ne peut être regardée comme invoquant une distorsion concurrentielle ayant pour effet que ses documents ne refléteraient pas de manière raisonnable des frais associés à la production du produit en cause.

103 Par conséquent, les arguments invoqués par la requérante ne permettent pas de conclure que la Commission, en s'abstenant de procéder à un ajustement des coûts de production du produit en cause pour le NCP en cause, a méconnu l'article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

104 Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 2, paragraphe 5, du règlement de base doit être écarté, ainsi que le premier moyen dans son ensemble.

Sur le deuxième moyen, relatif à l'absence de prise en compte par la Commission de l'inflation existant au cours de la période d'enquête sur le marché domestique turc

105 À titre principal, la requérante soutient que la Commission a méconnu les dispositions de l'article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base en refusant de procéder à un ajustement aux fins de la prise en compte de l'inflation constatée sur le marché domestique turc au cours de la période d'enquête, alors qu'elle aurait procédé à un ajustement aux fins de la prise en compte de la dépréciation de la livre turque à l'égard de l'euro. Elle invoque une erreur manifeste d'appréciation.

106 Selon la requérante, l'inflation sur le marché domestique turc a eu pour effet d'augmenter ses prix sur ce marché et, par conséquent, d'augmenter la valeur normale de manière artificielle. La requérante précise que l'augmentation de ses prix de vente sur le marché domestique turc a été le reflet de l'inflation en Turquie.

107 La requérante ajoute que son argument repose sur des faits « de notoriété publique », « établis » ou « généralement admis en économie », à savoir l'existence d'une inflation élevée en Turquie durant la période d'enquête, le lien qui existe entre l'inflation et une dépréciation monétaire, l'incidence de l'inflation sur la comparabilité des prix et le fait que ses prix de vente sur le marché domestique turc ont augmenté durant la période d'enquête dans une même mesure que l'inflation.

108 À titre subsidiaire, la requérante soutient que la Commission ne pouvait, en application des dispositions de l'article 2, paragraphe 10, sous j), du règlement de base, retenir la date de la commande aux fins de la détermination du taux de change pour chaque vente si, dans le même temps, elle ne procédait pas à un ajustement, sur le fondement des dispositions de l'article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base, pour tenir compte de l'inflation constatée sur le marché domestique.

109 Selon la requérante, la Commission a méconnu les dispositions de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base, lesquelles prévoient qu'il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale.

110 La requérante soutient que, en retenant la date du bon de commande aux fins de la détermination du taux de change applicable, la Commission a expressément sélectionné un taux de change tenant compte de la dépréciation de la livre turque. Elle aurait ainsi procédé à un ajustement au sens de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base. Or, si la Commission entendait procéder à un ajustement pour tenir compte de la dépréciation de la livre turque, elle devait, selon la requérante, procéder d'office à un ajustement parallèle pour tenir compte de l'inflation sur le marché domestique turc.

111 La requérante soutient également qu'une autorité sans parti pris ne pourrait pas, de manière impartiale, décider de procéder à un ajustement pour tenir compte du facteur macroéconomique que constitue une dépréciation de la livre turque par rapport à l'euro, laquelle majorerait le dumping, sans procéder ensuite à un ajustement au titre du facteur macroéconomique étroitement lié qu'est l'inflation, afin de ramener le dumping à son niveau réel.

112 Enfin, la requérante soutient que la Commission tente de lui appliquer une norme plus rigoureuse que celle qu'elle s'impose à elle-même. Selon la requérante, si la dépréciation de la livre turque durant la période d'enquête suffisait pour justifier l'ajustement du prix à l'exportation, alors l'inflation sur le marché domestique turc et son incidence sur les prix de vente suffisaient également pour justifier l'ajustement de la valeur normale. La requérante soutient que la Commission ne saurait appliquer un niveau de preuve différent, d'une part, pour la prise en compte de la dépréciation de la livre turque par rapport à l'euro et, d'autre part, pour la prise en compte de l'inflation sur le marché domestique turc.

113 La Commission conclut au rejet du moyen.

114 À cet égard, il convient de rappeler que la requérante invoque, à titre principal, une méconnaissance des dispositions de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base ainsi que du point k) dudit paragraphe. Elle soutient que c'est à tort que la Commission a refusé de procéder à un ajustement aux fins de la prise en compte de l'inflation constatée sur le marché domestique turc au cours de la période d'enquête, alors qu'elle a procédé à un ajustement afin de tenir compte de la dépréciation de la livre turque à l'égard de l'euro au cours de cette même période en retenant, pour chaque vente, aux fins de la conversion des monnaies, la date de la commande et non celle de la facturation.

115 Au considérant 251 du règlement attaqué, la Commission a mis en exergue l'existence de certains problèmes liés à la conversion des monnaies en raison de la forte baisse de la livre turque par rapport à l'euro au cours de la période d'enquête. Au vu de cette circonstance, elle a considéré que les conditions matérielles de la vente étaient établies à la date de la commande et non à celle de la facture. En outre, elle a indiqué au considérant 252 du règlement attaqué que, « [c]ompte tenu de la fluctuation incontestable du taux de change de la livre turque par rapport à l'euro au cours de la période d'enquête, […] il était injustifié de considérer que le client de l'Union avait payé un prix en euros plus élevé que le prix gelé au moment de son bon de commande ».

116 Selon la requérante, l'inflation sur le marché domestique turc a eu pour effet d'augmenter ses prix sur ce marché et, par conséquent, d'augmenter la valeur normale de manière artificielle.

117 L'article 2, paragraphe 10, du règlement de base prévoit ce qui suit :

« Il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale. Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d'autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l'exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d'ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu'ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité. On évitera de répéter les ajustements, en particulier lorsqu'il s'agit de différences relatives aux rabais, aux remises, aux quantités ou aux stades de commercialisation. Lorsque les conditions spécifiées sont réunies, les facteurs au titre desquels des ajustements peuvent être opérés sont les suivants :

[…]

k) Autres facteurs

Un ajustement peut également être opéré au titre de différences relatives à d'autres facteurs non prév[us] aux points a) à j) s'il est démontré que ces différences affectent la comparabilité des prix, comme l'exige le présent paragraphe, et, en particulier, si les acheteurs paient systématiquement des prix différents sur le marché intérieur à cause d'elles. »

118 Il convient de rappeler, dans le prolongement de la jurisprudence déjà mentionnée aux points 44 et 45 ci-dessus, que l'application des ajustements prévus à l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base suppose l'appréciation de situations économiques complexes et que le contrôle juridictionnel d'une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, EU:T:2009:72, points 254 et 255).

119 Par ailleurs, conformément à la jurisprudence de la Cour, la charge de prouver que les ajustements spécifiques énumérés à l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base doivent être opérés incombe à ceux qui souhaitent s'en prévaloir. Ainsi, lorsqu'un producteur revendique l'application d'un ajustement, en principe à la baisse, de la valeur normale ou, logiquement à la hausse, des prix à l'exportation, il revient à cet opérateur d'indiquer et de démontrer que les conditions pour l'octroi d'un tel ajustement sont satisfaites. À l'inverse, lorsque les institutions de l'Union considèrent qu'il y a lieu d'appliquer un ajustement à la baisse du prix à l'exportation, il appartient à ces institutions de rapporter à tout le moins des indices convergents démontrant que les conditions pour l'octroi d'un tel ajustement sont satisfaites (arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, points 83 et 84).

120 En l'espèce, la requérante, à laquelle il incombe de démontrer que les conditions pour l'octroi d'un ajustement au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base sont satisfaites, soutient que l'augmentation de ses prix de vente sur le marché domestique turc a été le reflet de l'inflation sur ledit marché. Elle ajoute que son argument repose sur des faits « de notoriété publique », « établis » ou « généralement admis en économie », à savoir l'existence d'une inflation élevée en Turquie durant la période d'enquête, le lien qui existe entre une inflation et une dépréciation monétaire, l'incidence de l'inflation sur la comparabilité des prix et le fait que ses prix de vente sur le marché domestique turc ont augmenté durant la période d'enquête dans la même mesure que l'inflation.

121 Au regard de la jurisprudence citée au point 119 ci-dessus, les éléments mentionnés au point 120 ci-dessus ont un contenu trop général ou insuffisamment étayé pour qu'il puisse être conclu que le règlement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation du fait de l'absence d'un ajustement opéré par la Commission sur le fondement de l'article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base pour tenir compte de l'inflation en Turquie.

122 En outre, les données produites par la requérante ne font pas ressortir de manière suffisante la tendance, parmi celles dont elle se prévaut, susceptible de justifier l'ajustement qu'elle invoque.

123 Ainsi, s'agissant de l'existence d'un lien suffisant entre l'inflation et l'augmentation des prix de vente de la requérante sur le marché domestique turc pour justifier un ajustement de la valeur normale, il ressort d'un graphique figurant dans les écritures de la requérante que les courbes correspondant aux deux phénomènes en cause mettent en évidence des différences substantielles dans leurs évolutions respectives au cours de la période d'enquête. Ainsi, alors que la courbe relative à l'inflation montre une progression linéaire, tel n'est pas le cas pour la courbe relative aux prix de vente de la requérante. Dès lors, le graphique en question ne permet pas, comme l'indique à juste titre la Commission, d'établir une corrélation claire entre l'inflation et l'augmentation des prix de vente de la requérante sur le marché domestique turc.

124 Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base doit être écarté.

125 À titre subsidiaire, la requérante soutient que la Commission ne pouvait, en application des dispositions de l'article 2, paragraphe 10, sous j), du règlement de base, retenir la date de la commande aux fins de la détermination du taux de change pour chaque vente si, dans le même temps, elle ne procédait pas à un ajustement, sur le fondement des dispositions de l'article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base, pour tenir compte de l'inflation constatée sur le marché domestique turc.

126 L'article 2, paragraphe 10, sous j), du règlement de base, intitulé « Conversion des monnaies », dispose ce qui suit :

« Lorsque la comparaison des prix nécessite une conversion de monnaies, cette conversion est effectuée en utilisant le taux de change en vigueur à la date de la vente, sauf lorsqu'une vente de monnaie étrangère sur les marchés à terme est directement liée à la vente à l'exportation considérée, auquel cas le taux de change pratiqué pour la vente à terme est utilisé. Normalement, la date de la vente est celle qui figure sur la facture, mais la date du contrat, de la commande ou de la confirmation de la commande peut être utilisée si elle est plus appropriée pour établir les conditions matérielles de la vente [...] »

127 Il convient de rappeler que l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base prévoit qu'il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale (voir point 117 ci-dessus).

128 En l'espèce, il convient de constater que la comparaison de la valeur normale avec le prix à l'exportation nécessitait une conversion des monnaies, dès lors que les ventes du produit en cause sur le marché de l'Union étaient principalement réalisées en euros ou en dollars, alors que, sur le marché domestique turc, elles l'étaient en livres turques. La Commission a décidé de convertir en livres turques le prix à l'exportation, sans que le choix d'une conversion vers la livre turque plutôt que vers l'euro ou, éventuellement, le dollar soit contesté par la requérante.

129 De même, il convient de constater que la valeur de la livre turque a considérablement fluctué et a, de manière générale, fortement diminué, notamment par rapport à l'euro, au cours de la période d'enquête.

130 La requérante reproche à la Commission d'avoir, au considérant 251 du règlement attaqué, pris en compte le taux de change à la date de la commande. Force est cependant de constater qu'elle n'invoque pas, en tant que telle, une méconnaissance par la Commission de la condition prévue par l'article 2, paragraphe 10, sous j), du règlement de base, fondée sur le fait que la Commission a eu recours à une autre date que celle de la facture. En particulier, la requérante ne conteste pas que la date de la commande était la date la plus appropriée pour établir les conditions matérielles de la vente au sens de la disposition susmentionnée.

131 La requérante se borne à soutenir que la forte inflation qui existait sur le marché domestique turc au cours de la période d'enquête était étroitement liée à la dépréciation de la livre turque. Ainsi, selon elle, la Commission ne pouvait prendre en compte la dépréciation de la livre turque par rapport à l'euro si elle refusait, dans le même temps, de procéder à des ajustements pour tenir compte de l'inflation sur le marché domestique.

132 Au regard de l'argumentation de la requérante, il n'incombe pas au Tribunal de s'assurer que la Commission a valablement justifié le recours à la date de la commande en lieu et place de la date de la facture pour déterminer le taux de change applicable pour le calcul du prix à l'exportation. Il appartient seulement au Tribunal, au vu des pièces du dossier, de déterminer si la Commission, en ne procédant pas à un ajustement de la valeur normale au titre de l'inflation alors qu'elle retenait la date de la commande pour la conversion des monnaies, a manifestement méconnu l'exigence de comparaison équitable prévue à l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base.

133 À cet égard, il est vrai que l'existence d'un lien théorique entre, d'une part, l'inflation sur un marché et, d'autre part, la dépréciation de la monnaie en usage sur ce marché par rapport à d'autres monnaies ne peut être exclue.

134 Toutefois, s'agissant plus précisément de l'existence d'un lien entre l'inflation sur le marché domestique turc et la dépréciation de la livre turque par rapport à l'euro, il ressort d'un graphique figurant dans les écritures de la requérante (voir point 123 ci-dessus) que les courbes correspondant aux deux phénomènes économiques en cause mettent en évidence des différences substantielles dans leurs évolutions respectives au cours de la période d'enquête. Ainsi, alors que la courbe relative à l'inflation montre une progression linéaire, tel n'est pas le cas pour la courbe relative à la dépréciation monétaire. De plus, alors que l'inflation progresse, durant cette période, de l'indice 100 à un indice compris entre 115 et 120, la dépréciation monétaire progresse de l'indice 100 à un indice supérieur à 130.

135 Par conséquent, il ne saurait être conclu que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation lorsqu'elle a pris en compte la date de la commande aux fins de la détermination du taux de change applicable au calcul du prix à l'exportation, sans appliquer d'ajustement pour tenir compte des effets que l'inflation était susceptible d'avoir sur le calcul de la valeur normale.

136 À supposer même que le lien mentionné au point 134 ci-dessus soit établi, l'existence d'un tel lien ne suffirait pas pour conclure à une affectation manifeste, en l'espèce, de la comparabilité entre la valeur normale et le prix à l'exportation.

137 En effet, afin de démontrer une telle atteinte, il incombait à la requérante d'invoquer des éléments précis, contextualisés et étayés qui auraient permis, par exemple, d'établir que l'incidence de l'inflation sur la valeur normale était comparable, en l'espèce, à l'incidence de la dépréciation de la livre turque par rapport à l'euro sur le prix à l'exportation, lorsque le taux de change pris en compte pour la conversion monétaire était celui en vigueur à la date de la facture, et que, par conséquent, la prise en compte d'un taux de change applicable à une autre date affectait la comparabilité du prix à l'exportation et de la valeur normale s'il n'était pas procédé à un ajustement pour cette dernière.

138 La requérante aurait pu, notamment, apporter des éléments relatifs à l'existence d'une augmentation parallèle des prix du produit en cause sur le marché domestique turc et des prix à l'exportation calculés en livres turques sur la base du taux de change en vigueur à la date de la facture.

139 Avec de tels éléments, la requérante aurait pu utilement soutenir que l'inflation avait sur le calcul de la valeur normale des effets analogues à ceux que provoquait la dépréciation monétaire sur le calcul du prix à l'exportation. Elle aurait ainsi apporté un indice potentiellement suffisant pour conclure, en l'absence de preuve contraire apportée par la Commission, que l'application par cette dernière du taux de change en vigueur à la date de la commande en lieu et place du taux de change en vigueur à la date de la facture affectait de manière manifeste la comparabilité qui existait auparavant entre la valeur normale et le prix à l'exportation.

140 La requérante n'ayant pas produit d'éléments en ce sens, alors qu'elle était la plus à même d'en disposer, il ne saurait, en tout état de cause, être conclu que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation lorsqu'elle a pris en compte la date de la commande aux fins de la détermination du taux de change applicable au calcul du prix à l'exportation, sans appliquer d'ajustement pour tenir compte des effets que l'inflation était susceptible d'avoir sur le calcul de la valeur normale.

141 Il résulte de ce qui précède que le grief invoqué à titre subsidiaire par la requérante doit être écarté et qu'il convient donc d'écarter le présent moyen dans son ensemble.

Sur le troisième moyen, relatif aux conséquences à tirer des illégalités invoquées dans le cadre des premier et deuxième moyens

142 La requérante soutient que, du fait des violations exposées dans les premier et deuxième moyens, le règlement attaqué viole également l'article 2, paragraphes 10 et 12, ainsi que l'article 9, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement de base.

143 Ainsi, la requérante se fonde sur l'utilisation de « coûts de production faussés » s'agissant du NCP en cause et sur l'absence de réduction de la valeur normale pour tenir compte de l'inflation sur le marché domestique.

144 La Commission conclut au rejet du moyen.

145 À cet égard, en premier lieu, il suffit de relever que l'argumentation de la requérante, dans le cadre du présent moyen, se fonde sur la prémisse selon laquelle la Commission a utilisé pour le NCP en cause des « coûts de production faussés ». Or, ainsi qu'il ressort de l'examen du premier moyen, une telle prémisse n'est pas établie.

146 En second lieu, l'argumentation de la requérante se fonde sur la prémisse selon laquelle c'est à tort que la Commission a retenu la date de la commande aux fins de la détermination du taux de change pour les ventes réalisées vers l'Union, sans procéder dans le même temps à un ajustement pour tenir compte de l'inflation constatée sur le marché domestique turc. Or, ainsi qu'il ressort de l'examen du deuxième moyen, une telle prémisse n'est pas établie.

147 Il résulte de ce qui précède qu'il convient d'écarter le troisième moyen.

Sur le quatrième moyen, relatif au préjudice causé à l'industrie de l'Union et, plus particulièrement, à l'incidence des importations faisant l'objet d'un dumping sur l'industrie de l'Union

148 La requérante soutient que la Commission n'a pas procédé à une appréciation adéquate du préjudice et que le règlement attaqué, qui méconnaît ainsi les dispositions de l'article 3, paragraphes 2, 5 et 6, du règlement de base, lus en combinaison avec l'article 17, paragraphe 1, dudit règlement, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Elle invoque à cet égard deux griefs.

149 S'agissant du premier grief, la requérante soutient que la Commission a conclu que l'industrie de l'Union subissait un préjudice important en se fondant sur un seul indicateur macroéconomique négatif, à savoir la baisse de la part de marché de celle-ci, sans tenir compte de tous les indicateurs positifs qui la concernaient, à savoir le volume des ventes dans l'Union, la rentabilité, les prix de vente unitaires et la productivité.

150 La requérante ajoute que la part de marché de l'industrie de l'Union demeure largement majoritaire, alors que celle des importations faisant l'objet d'un dumping demeure très restreinte.

151 La requérante ajoute également que le volume des ventes dans l'Union s'est accru de 20 millions de mètres carrés, que la rentabilité de l'industrie de l'Union a augmenté de 110 %, que les prix de vente unitaires ont augmenté de 19 % et que la productivité a augmenté de 3 %. De même, selon elle, le volume des exportations de l'industrie de l'Union a sensiblement augmenté.

152 S'agissant du second grief, la requérante soutient que l'analyse des indicateurs microéconomiques est erronée. Ce grief repose sur la prémisse selon laquelle l'échantillon des producteurs de l'Union (ci-après l'« échantillon ») n'est pas représentatif. La requérante se prévaut à cet égard d'une méconnaissance de l'article 17, paragraphe 1, du règlement de base.

153 La requérante soutient qu'un ensemble d'indices montre que les données issues de l'échantillon divergent de manière substantielle de celles relatives à l'industrie de l'Union dans son ensemble.

154 La requérante se fonde sur ces indices pour conclure à une absence de représentativité de l'échantillon s'agissant des coûts de production, lesquels seraient substantiellement plus élevés pour les producteurs de l'échantillon que pour l'ensemble des producteurs de l'Union.

155 Selon la requérante, compte tenu de cette discordance évidente, l'échantillon, qui ne comporte qu'un seul grand producteur dans la catégorie des « grands producteurs » (voir point 156 ci-après) et ne couvre que 6 % de la production totale estimée, ne saurait être regardé comme étant représentatif de la production ou de la vente du produit en cause au sens de l'article 17, paragraphe 1, du règlement de base.

156 Par ailleurs, pour contester la représentativité de l'échantillon, la requérante ajoute également que, lors de l'enquête, la Commission a décidé de définir trois catégories de producteurs de l'Union (grands, moyens et petits) et a défini l'échantillon de telle sorte que chaque catégorie soit représentée. Ainsi, l'échantillon se composait d'un grand producteur, de deux producteurs de taille moyenne et de trois petits producteurs. En revanche, selon la requérante, lors de l'échantillonnage des producteurs-exportateurs turcs, la Commission n'a pas jugé nécessaire de sélectionner des producteurs-exportateurs avec différents volumes de production et a sélectionné ceux réalisant le plus grand volume de ventes dans l'Union au cours de la période d'enquête.

157 La Commission conclut au rejet du moyen.

158 À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire et dans le prolongement de la jurisprudence déjà mentionnée aux points 44 et 45 ci-dessus, que la détermination de l'existence d'un préjudice suppose l'appréciation de situations économiques complexes, pour lesquelles les institutions de l'Union disposent d'un large pouvoir d'appréciation, et que le contrôle juridictionnel d'une telle appréciation doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, EU:C:2007:547, points 40 et 41).

159 L'article 3, paragraphe 2, du règlement de base, relatif à l'existence d'un préjudice, dispose ce qui suit :

« La détermination de l'existence d'un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif :

a) du volume des importations faisant l'objet d'un dumping et de l'effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l'Union ; [...]

b) de l'incidence de ces importations sur l'industrie de l'Union. »

160 Dans le cadre du présent recours, même si la requérante invoque formellement une méconnaissance de l'article 3, paragraphe 2, du règlement de base, son argumentation se limite, en réalité, à une contestation relative à l'article 3, paragraphe 2, sous b), dudit règlement. Cette contestation porte en effet sur l'existence d'un préjudice important subi par l'industrie de l'Union en tant que l'incidence des importations faisant l'objet d'un dumping sur l'industrie de l'Union n'est pas démontrée par la Commission dans le règlement attaqué.

161 S'agissant de l'incidence des importations faisant l'objet d'un dumping sur l'industrie de l'Union, l'article 3, paragraphe 5, du règlement de base précise ce qui suit :

« L'examen de l'incidence des importations faisant l'objet d'un dumping sur l'industrie de l'Union concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, y compris le fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping ou de subventionnement ; l'importance de la marge de dumping effective ; la diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du rendement des investissements ou de l'utilisation des capacités ; les facteurs qui influent sur les prix dans l'Union ; les effets négatifs, effectifs et potentiels, sur les flux de liquidités, les stocks, l'emploi, les salaires, la croissance, l'aptitude à mobiliser les capitaux ou l'investissement. Cette liste n'est pas exhaustive et un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante. »

162 Il résulte de l'article 3, paragraphe 5, du règlement de base qu'il incombe aux institutions de l'Union d'évaluer tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de l'industrie de l'Union, un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituant pas nécessairement une base de jugement déterminante. Cette disposition donne ainsi à ces institutions un pouvoir discrétionnaire dans l'examen et l'évaluation des différents indices (arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 21).

163 Il ressort également de la jurisprudence que, si l'examen des institutions doit mener à la conclusion que le préjudice causé à l'industrie de l'Union est important, il n'est pas exigé que tous les facteurs et indices économiques pertinents démontrent une tendance négative (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, EU:T:2011:618, point 114).

164 En effet, la conclusion de l'existence d'un préjudice important n'est pas forcément incompatible avec le fait que certains, voire plusieurs, facteurs visés à l'article 3, paragraphe 5, du règlement de base témoignent d'une tendance positive, à condition toutefois que, dans un tel cas de figure, l'institution de l'Union concernée livre une analyse convaincante qui démontre que le développement positif de certains facteurs est contrebalancé par un développement négatif d'autres facteurs (voir arrêt du 28 septembre 2023, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑123/21 P, EU:C:2023:708, point 145 et jurisprudence citée).

165 En l'espèce, ainsi qu'il ressort du considérant 303 du règlement attaqué, pour les besoins de la détermination de l'incidence des importations faisant l'objet d'un dumping sur l'industrie de l'Union, la Commission a établi une distinction entre les indicateurs macroéconomiques et microéconomiques du préjudice. Elle a évalué les indicateurs macroéconomiques sur la base des données contenues dans la réponse de l'Association européenne des producteurs de carreaux en céramique au questionnaire qu'elle lui avait envoyé et portant sur tous les producteurs de l'Union, recoupées si nécessaire avec les statistiques du commerce disponibles auprès d'Eurostat (office statistique de l'Union européenne) et les questionnaires remplis par les six producteurs de l'Union retenus dans l'échantillon. Quant aux indicateurs microéconomiques, ils ont été analysés sur la base des réponses de ces six producteurs auxdits questionnaires.

166 L'examen de l'ensemble des indicateurs a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2018 et la fin de la période d'enquête (ci-après la « période considérée »), ainsi qu'il ressort du considérant 102 du règlement attaqué.

167 La Commission a indiqué au considérant 304 du règlement attaqué que les indicateurs macroéconomiques pris en compte pour évaluer le préjudice subi par l'industrie de l'Union étaient la production, les capacités de production, l'utilisation des capacités, le volume des ventes, la part de marché, la croissance, l'emploi, la productivité, l'importance de la marge de dumping et le rétablissement à la suite de pratiques de dumping antérieures.

168 La Commission a indiqué au considérant 305 du règlement attaqué que les indicateurs microéconomiques pris en compte pour évaluer le préjudice subi par l'industrie de l'Union étaient les prix unitaires moyens, le coût unitaire, les coûts de la main-d'œuvre, les stocks, la rentabilité, le flux de liquidités, les investissements, le rendement des investissements et l'aptitude à mobiliser des capitaux.

169 Au point 4.5 du règlement attaqué, intitulé « Conclusion concernant le préjudice », s'agissant des indicateurs macroéconomiques du préjudice, la Commission a conclu au considérant 336 du même règlement que, au cours de la période considérée, l'industrie de l'Union n'avait pas pu tirer profit d'un marché en expansion. Ainsi, la production, les capacités de production, l'utilisation des capacités et l'emploi étaient restés au même niveau tout au long de ladite période et les ventes de l'Union avaient augmenté plus lentement que la consommation, entraînant une diminution de la part de marché de l'industrie de l'Union, laquelle était passée de 90,1 % en 2018 à 87,1 % au cours de la période d'enquête.

170 S'agissant des indicateurs microéconomiques du préjudice, la Commission a conclu au considérant 337 du règlement attaqué que, malgré la hausse de son prix de vente, l'industrie de l'Union n'avait pu, pendant la majorité de la période considérée, augmenter les prix dans l'Union à des niveaux suffisamment élevés pour couvrir ses coûts. Dès lors, tout au long de ladite période, l'industrie de l'Union était soit en situation déficitaire, soit en situation de très faible rentabilité. Il est indiqué également dans ledit considérant que, dans ce contexte, les investissements avaient diminué de 62 %.

171 La Commission a ajouté, également au considérant 337 du règlement attaqué, mais s'agissant cette fois d'un indicateur macroéconomique, que les capacités de production étaient restées inchangées.

172 Enfin, au considérant 338 du règlement attaqué, il est indiqué que, « [s]ur la base de ce qui précède, la Commission a conclu que l'industrie de l'Union avait subi un préjudice important au sens de l'article 3, paragraphe 5, du règlement de base ».

173 Les considérants suivants du point 4.5 du règlement attaqué sont consacrés aux observations présentées par les parties intéressées sur la conclusion figurant au point 172 ci-dessus, laquelle leur avait été communiquée dans le cadre de l'information finale, ainsi qu'aux réponses de la Commission à ces observations. Dans ces considérants, la Commission se borne à confirmer l'analyse qu'elle avait déjà retenue dans l'information finale et, par conséquent, la conclusion figurant au point 172 ci-dessus.

174 La requérante soutient que la Commission n'a pas procédé à une appréciation adéquate du préjudice et que le règlement attaqué, qui méconnaîtrait ainsi les dispositions de l'article 3, paragraphe 2, sous b), et paragraphe 5, du règlement de base, lus en combinaison avec l'article 17, paragraphe 1, dudit règlement, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

175 Il importe de rappeler que les différentes conclusions énoncées dans un règlement tel que le règlement attaqué ne sauraient être interprétées isolément, mais bien à la lumière de l'ensemble du raisonnement développé dans celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 210 et jurisprudence citée).

176 Il convient donc, en principe, d'examiner de manière globale l'appréciation portée par la Commission sur le préjudice que l'industrie de l'Union aurait subi (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572, points 56 et 64).

177 Toutefois, au soutien du présent moyen, la requérante invoque un grief tiré de ce que l'analyse des indicateurs microéconomiques est erronée. Or, ce grief repose sur la prémisse selon laquelle l'échantillon ne serait pas représentatif. Ainsi, ce grief, s'il était retenu, serait susceptible de réduire le nombre d'éléments factuels pertinents sur la base desquels la Commission pouvait se fonder afin de déterminer l'incidence des importations faisant l'objet d'un dumping sur l'industrie de l'Union. Il convient donc de l'examiner au préalable.

178 Il y a lieu de rappeler que l'article 17, paragraphe 1, du règlement de base prévoit deux méthodes d'échantillonnage. Ainsi, une enquête peut se limiter soit à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions, en utilisant des échantillons statistiquement valables d'après les renseignements disponibles au moment du choix, soit au plus grand volume représentatif de production, de ventes ou d'exportations sur lequel l'enquête peut raisonnablement porter, compte tenu du temps disponible.

179 L'existence de ces deux méthodes a été rappelée par la Cour dans l'arrêt du 15 juin 2017, T.KUP (C‑349/16, EU:C:2017:469, point 30). Elle a jugé que, dans les cas dans lesquels le nombre de plaignants, d'exportateurs ou d'importateurs, de types de produits ou de transactions était important, la composition d'un échantillon était susceptible d'être déterminée selon deux méthodes alternatives. La Cour a précisé que l'enquête pouvait se limiter à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons statistiquement représentatifs d'après les renseignements disponibles au moment du choix. Elle a précisé également que l'enquête pouvait, à la discrétion des institutions, se limiter au plus grand volume de production, de ventes ou d'exportations sur lequel elle pouvait raisonnablement porter compte tenu du temps disponible.

180 Par ailleurs, dans le prolongement de la jurisprudence déjà mentionnée aux points 44 et 45 ainsi qu'au point 158 ci-dessus, la Cour a jugé que les institutions disposaient d'un large pouvoir d'appréciation dans le choix du recours à l'échantillonnage, de telle sorte que le juge de l'Union devait, dans le cadre de son contrôle, se limiter à vérifier que ledit choix n'était pas fondé sur des faits matériellement inexacts ou entaché d'une erreur manifeste d'appréciation (arrêt du 15 juin 2017, T.KUP, C‑349/16, EU:C:2017:469, point 27).

181 Lorsqu'elles optent pour la seconde méthode d'échantillonnage, les institutions de l'Union disposent d'une certaine latitude, tenant à l'évaluation prospective de ce qu'il leur est raisonnablement possible d'accomplir dans le délai qui leur est imparti pour mener leur enquête (arrêt du 15 juin 2017, T.KUP, C‑349/16, EU:C:2017:469, point 31).

182 Toutefois, la partie requérante peut avancer des éléments de nature à établir que l'échantillon n'était pas effectivement représentatif (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2017, T.KUP, C‑349/16, EU:C:2017:469, point 34).

183 En l'espèce, la requérante ne conteste pas le recours à un échantillon ou le choix de la méthode d'échantillonnage, à savoir le plus grand volume représentatif de production, de ventes ou d'exportations sur lequel l'enquête pouvait raisonnablement porter, compte tenu du temps disponible. Elle soutient toutefois qu'un ensemble d'indicateurs montrerait que l'échantillon n'était pas représentatif de l'industrie de l'Union dans son ensemble.

184 Selon la requérante, compte tenu de cette discordance, l'échantillon, qui ne comporte qu'une seule entreprise dans la catégorie des « grands producteurs » et ne couvre que 6 % de la production totale estimée, ne saurait être regardé comme étant représentatif de la production ou de la vente du produit en cause au sens de l'article 17, paragraphe 1, du règlement de base (voir point 178 ci-dessus).

185 Le premier indice invoqué par la requérante résulte de la comparaison entre le prix à l'exportation des producteurs de l'échantillon et celui de l'ensemble des producteurs de l'Union, tel qu'il résulte des données émanant de la réponse de l'Association européenne des producteurs de carreaux en céramique au questionnaire de la Commission ainsi que d'Eurostat. Selon la requérante, il ressort d'une telle comparaison que le prix à l'exportation des producteurs de l'échantillon est substantiellement plus élevé que celui de l'ensemble des producteurs de l'Union.

186 À cet égard, la requérante reprend les données figurant dans les tableaux 12 et 13 du règlement attaqué. Il ressort de ces tableaux que, en 2018, le prix moyen à l'exportation pour les producteurs de l'échantillon, à savoir 13,60 euros par mètre carré, représentait 158,50 % du prix moyen à l'exportation pour l'ensemble des producteurs de l'Union, à savoir 8,58 euros par mètre carré. Ce pourcentage était de 161,90 % en 2019, de 132,46 % en 2020 et de 128,16 % lors de la période d'enquête.

187 Un autre indice invoqué par la requérante résulte d'une comparaison entre le coût de production unitaire des producteurs de l'échantillon et le prix à l'exportation de l'ensemble des producteurs de l'Union, tel qu'il résulte des données émanant de la réponse de l'Association européenne des producteurs de carreaux en céramique au questionnaire de la Commission ainsi que d'Eurostat. Selon la requérante, il ressort d'une telle comparaison que le premier est substantiellement plus élevé que le second.

188 À cet égard, la requérante reprend les données figurant dans les tableaux 7 et 12 du règlement attaqué. Il ressort de ces tableaux que, en 2018, le coût de production unitaire pour les producteurs de l'échantillon, à savoir 9,79 euros par mètre carré, représentait 114,10 % du prix moyen à l'exportation pour l'ensemble des producteurs de l'Union, à savoir 8,58 euros par mètre carré. Ce pourcentage était de 129,89 % en 2019, 128,81 % en 2020 et 122,80 % lors de la période d'enquête.

189 La requérante se fonde sur ces indices pour conclure à une absence de représentativité de l'échantillon s'agissant des coûts de production, lesquels seraient substantiellement plus élevés pour les producteurs de l'échantillon que pour l'ensemble des producteurs de l'Union.

190 Il convient de souligner que les éléments mentionnés aux points 185 à 188 ci-dessus figurent, pour certains, dans la partie du règlement attaqué consacrée au préjudice et, en particulier, à la situation de l'industrie de l'Union et, pour d'autres, dans la partie de ce règlement consacrée aux éventuels autres facteurs ayant pu être à l'origine du préjudice. Dans cette dernière partie, la Commission examine de manière séparée l'évolution, au cours de la période considérée, des exportations, d'une part, de l'ensemble de l'industrie de l'Union et, d'autre part, des producteurs de l'échantillon.

191 C'est donc en opérant des rapprochements entre des données dispersées dans le règlement attaqué que la requérante a pu relever ce qu'elle estime être une discordance entre les données de l'échantillon et celles de l'ensemble des producteurs de l'Union.

192 Par conséquent, la Commission n'est pas fondée à reprocher à la requérante de ne pas avoir formulé d'observations sur la sélection de l'échantillon dans le délai qu'elle lui avait imparti dans le cadre de la procédure d'adoption du règlement attaqué, à supposer même qu'un tel argument en défense puisse utilement être invoqué.

193 Selon la requérante, les éléments factuels concernés feraient ressortir l'existence de différences importantes entre les données issues de l'échantillon et celles relatives à l'industrie de l'Union dans son ensemble. Ces différences, compte tenu de leur caractère substantiel et convergent, permettraient de supposer que les producteurs de l'échantillon avaient des coûts de production substantiellement supérieurs à ceux de l'ensemble des producteurs de l'Union. Dans cette mesure, selon la requérante, l'échantillon ne serait pas représentatif de la production de l'Union au sens de l'article 17, paragraphe 1, du règlement de base.

194 Toutefois, ainsi qu'il ressort du considérant 306 du règlement attaqué, lequel n'est pas utilement contesté par la requérante, la Commission s'est assurée que l'échantillon reflétait la diversité des producteurs de l'Union. Elle a ainsi tenu compte de la fragmentation de l'industrie de l'Union en distinguant les grands producteurs, les producteurs moyens et les petits producteurs, en s'assurant que chaque type de producteur était représenté et en procédant à une pondération des indicateurs microéconomiques pertinents en fonction d'un ratio tenant compte de la part de chaque type de producteur dans la production de l'Union. La Commission s'est assurée également de la représentativité de l'échantillon au regard de la répartition géographique de l'industrie de l'Union, l'échantillon couvrant les États membres où se situait environ 90 % de la production de l'Union.

195 Ainsi, la méthode appliquée par la Commission garantissait que l'échantillon, même s'il ne représentait que 6 % de la production de l'Union, était représentatif de celle-ci.

196 À cet égard, il convient de relever qu'aucun seuil minimal n'a été retenu dans la jurisprudence développée au titre de l'article 17, paragraphe 1, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, points 86 à 94).

197 En outre, si l'échantillon n'incluait qu'un seul grand producteur alors que les grands producteurs représentent, selon la requérante, plus de la moitié de la production de l'Union, la Commission, ainsi qu'il a été indiqué au point 194 ci-dessus, a appliqué un ratio aux indicateurs microéconomiques pertinents. Or, ce ratio était de 53 % pour les grands producteurs, ce qui correspond à la part de la production de l'Union que leur attribue la requérante.

198 Compte tenu de la méthode suivie pour constituer l'échantillon, celui-ci doit être regardé comme étant représentatif au sens de l'article 17, paragraphe 1, du règlement de base.

199 Par conséquent, les incohérences constatées aux points 185 à 189 ci-dessus entre, d'une part, les données issues de l'échantillon et, d'autre part, celles émanant de la réponse de l'Association européenne des producteurs de carreaux en céramique au questionnaire de la Commission ainsi que d'Eurostat ne permettent pas de conclure que la constitution de cet échantillon par la Commission est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

200 Il en va de même, a fortiori, des autres éléments invoqués par la requérante à cet égard, à savoir le fait que le prix à l'exportation pour les producteurs de l'Union retenus dans l'échantillon était supérieur à leurs coûts de production et que, par conséquent, leurs ventes à l'exportation étaient rentables, de même que le fait que le volume des exportations de l'industrie de l'Union avait augmenté entre 2018 et 2021. En effet, ces éléments ne permettent pas d'établir une divergence entre, d'une part, les données de l'échantillon et, d'autre part, celles émanant de la réponse de l'Association européenne des producteurs de carreaux en céramique au questionnaire de la Commission ainsi que d'Eurostat.

201 Enfin, s'agissant de l'argument distinct relatif à la différence entre la méthode appliquée pour la constitution de l'échantillon et celle appliquée pour la constitution de l'échantillon de producteurs-exportateurs turcs (voir point 156 ci-dessus), il convient de rappeler que ni l'article 17, paragraphe 1, du règlement de base, ni l'article 3 dudit règlement, ni le principe d'égalité de traitement n'exigent de recourir à la même méthode pour la constitution de ces deux échantillons. Au contraire, il ressort de l'article 17, paragraphe 2, du règlement de base que le choix final des parties, des types de produits ou des transactions relève de la Commission, en application des dispositions relatives à l'échantillonnage (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 87).

202 Il résulte des considérations exposées aux points 183 à 201 ci-dessus que, s'agissant des indicateurs microéconomiques du préjudice, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la Commission a pu conclure au considérant 337 du règlement attaqué que, malgré la hausse de son prix de vente, l'industrie de l'Union n'avait pu, pendant la majorité de la période considérée, augmenter les prix dans l'Union à des niveaux suffisamment élevés pour couvrir ses coûts et que, dès lors, tout au long de ladite période, elle avait été soit en situation déficitaire, soit en situation de très faible rentabilité et que, dans ce contexte, les investissements avaient diminué de 62 % (voir point 170 ci-dessus).

203 Par ailleurs, il convient de constater, s'agissant des indicateurs macroéconomiques du préjudice, que, au cours de la période considérée, l'industrie de l'Union n'a pas pu tirer profit d'un marché en expansion. Ainsi, la production, les capacités de production, l'utilisation des capacités et l'emploi sont restés au même niveau tout au long de ladite période et les ventes de l'Union ont augmenté plus lentement que la consommation entraînant une diminution de la part de marché de l'industrie de l'Union, laquelle est passée de 90,1 % en 2018 à 87,1 % au cours de la période d'enquête (voir points 149, 150 et 169 ci-dessus).

204 Certes, un certain nombre d'évolutions positives ont pu être observées. Ainsi, l'industrie de l'Union a accru ses ventes sur le marché de l'Union en valeur absolue d'environ 20 millions de mètres carrés. Elle a augmenté le volume de ses exportations de 9 %. La productivité de ses employés s'est accrue de 2 %. La rentabilité de ses ventes est passée de 5,4 % à 0,6 %. Enfin, le prix de vente unitaire moyen dans l'Union a augmenté de 19 %.

205 Toutefois, compte tenu des éléments rappelés aux points 202 et 203 ci-dessus, il ne saurait être conclu que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en concluant au considérant 338 du règlement attaqué que « l'industrie de l'Union avait subi un préjudice important au sens de l'article 3, paragraphe 5, du règlement de base » (voir point 172 ci-dessus).

206 Il résulte de tout ce qui précède qu'il convient d'écarter le présent moyen et, par conséquent, de rejeter le recours.

Sur les dépens

207 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Hitit Seramik Sanayi ve Ticaret AŞ est condamnée aux dépens.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site