CA Agen, ch. civ., 4 juin 2025, n° 24/00804
AGEN
Arrêt
Autre
ARRÊT DU
04 Juin 2025
MDB / NC
--------------------
N° RG 24/00804
N° Portalis DBVO-V-B7I -DIKV
--------------------
SA POUEY
C/
SELARL LMJ
SCP ODILE STUTZ
SARL LUCIEN GEORGELIN
-------------------
GROSSES le 04.06.25
aux avocats
ARRÊT n° 168-2025
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Section commerciale
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
SA POUEY RENSEIGNEMENT COMMERCIAL GARANTI prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
RCS PARIS 414 494 419
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Louis VIVIER, avocat au barreau d'AGEN
APPELANTE d'une ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce d'AGEN en date du 29 juillet 2024, RG 24/003420
D'une part,
ET :
SARL LUCIEN GEORGELIN prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
RCS AGEN 382 510 816
[Adresse 8]
[Localité 3]
représentée par Me François DELMOULY, membre de la SELARL AD-LEX, avocat postulant au barreau d'AGEN
et Me Luc-Christophe DEJEAN, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
SELARL LMJ ès-qualités de mandataire judiciaire de la société LUCIEN GEORGELIN
[Adresse 7]
[Localité 2]
n'ayant pas constitué avocat
SCP ODILE STUTZ ès-qualités de mandataire judiciaire de la société LUCIEN GEORGELIN
[Adresse 5]
[Localité 4]
n'ayant pas constitué avocat
INTIMÉES
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 18 novembre 2024, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Présidente : Marianne DOUCHEZ-BOUCARD, Présidente de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience
Assesseur : Valérie SCHMIDT, Conseiller
qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre elles-mêmes de :
Anne Laure RIGAULT, Conseiller
en application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
L'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis par écrit
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
' '
'
EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement du 6 juillet 2023, le Tribunal de commerce d'Agen a placé la SARL LUCIEN GEORGELIN en redressement judiciaire.
La SA POUEY RENSEIGNEMENT COMMERCIAL GARANTI (ci-après SA PRCG), assureur crédit, a procédé par virement du 23 août 2023, à l'indemnisation de la société de travail temporaire, START PEOPLE, à hauteur de la somme de 19 020,26 euros HT, représentant le montant d'un impayé de facturation de la SARL LUCIEN GEORGELIN.
Par courrier du 30 août 2023, la SA PRCG a déclaré sa créance auprès du représentant des créanciers.
Par ordonnance réputée contradictoire du 29 juillet 2024, le juge commissaire d'Agen a rejeté la déclaration de créance à hauteur de la somme de 19.020,26 euros.
Le 9 août 2024, la SA PRCG a interjeté appel de l'intégralité des chefs de l'ordonnance.
L'avis de fixation à bref délai a été envoyé le 28 août 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 25 octobre 2024, la SA PRCG demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et y faisant droit, de réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté sa déclaration de créance à concurrence de la somme de 19.020,26 euros ; en conséquence, statuant à nouveau, de liquider et fixer à titre chirographaire sa créance à la somme de 19.020,26 euros au passif de la SARL LUCIEN GEORGELIN, de condamner toute partie succombante au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, la SA PRCG fait valoir en premier lieu que son appel, pour avoir été interjeté dans un délai de 10 jours, est recevable et qu'en outre l'application des dispositions de l'article L. 624-3 al 2 du code de commerce doit être ici écartée dans la mesure où elle n'a pas été destinataire d'un avis du mandataire judiciaire l'informant d'une contestation par la SA PRCG de sa créance et du délai de 30 jours pour apporter toutes observations utiles et qu'en tout état de cause l'absence de réponse dans le délai de 30 jours ne lui fait perdre aucun droit, le juge commissaire n'ayant pas confirmé dans son ordonnance la proposition du mandataire judiciaire.
En second lieu, elle rappelle les termes des dispositions du 12 avril 2014 modifiant l'article L.622-24 du code de commerce qui permettent au créancier de ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de sa créance. Aucune forme particulière n'étant prévue par loi, la présente procédure emporte ratification dés lors que l'on considérerait que le mandat donné à la SA POUEY INTERNATIONAL serait discutable, ajoutant que la demande d'admission faite par son conseil vaut nécessairement ratification.
Enfin, s'agissant du caractère admissible de sa créance, elle considère que conformément à la convention d'indemnisation la liant à la société START PEOPLE, elle a procédé au règlement de la somme litigieuse, après déclaration de sinistre de son assurée. Elle bénéficie en conséquence de la subrogation consentie par la société START PEOPLE en considération de ce paiement.
Par conclusions du 2 octobre 2024, la SARL LUCIEN GEORGELIN sollicite de la cour de déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée la SA PRCG en son appel, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté sa déclaration de créance pour un montant de 19.020,26 euros et de la condamner aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, elle soutient que selon l'article L.624-3 al 2 du code de commerce, la SA PRCG ne peut pas contester le rejet de sa créance en raison de l'absence de réponse dans le délai de 30 jours. La SARL LUCIEN GEORGELIN a régulièrement contesté sa créance au motif qu'elle ne justifiait pas détenir de la société START PEOPLE un quelconque pouvoir pour obtenir le remboursement de celle-ci et s'est en outre abstenue de faire connaître son argumentation lors de l'audience du juge commissaire. Elle n'a adressé aucune réponse à la correspondance du mandataire judiciaire du 13 décembre 2023 portant contestation de sa déclaration de créance, ce qui en application de l'article L.624-3 alinéa 2 du code de commerce lui interdit de contester l'option de rejet ouverte par le mandataire judiciaire. En outre, les pièces versées aux débats par l'appelante déterminent notamment que la société START PEOPLE n'a pas pu légalement concéder les droits dont elle tente de s'emparer.
La SELARL LMJ, à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 30 août 2024, n'a pas constitué avocat.
La SCP Odile STUTZ, à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 2 septembre 2024, n'a pas constitué avocat.
Par conclusions du 15 novembre 2024, le ministère public demande à la cour de confirmer l'ordonnance querellée.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience en date du 18 novembre 2024.
La cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
1) Sur la recevabilité de l'appel
L'article L.624-3 du code de commerce dispose que le recours contre les décisions du juge commissaire prises en application de la présente section est ouvert au créancier, au débiteur, à l'administrateur lorsqu'il a pour mission d'assurer l'administration ou au mandataire judiciaire.
Toutefois, le créancier dont la créance est discutée en tout ou en partie et qui n'a pas répondu au mandataire judiciaire dans le délai mentionné à l'article L. 622-27 ne peut pas exercer de recours contre la décision du juge-commissaire lorsque celle-ci confirme la proposition du mandataire judiciaire.
L'article R.624-1 du code de commerce, précise que si une créance est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui précise l'objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l'inscription est proposée et rappelle les dispositions de l'article L. 622-27 du même code.
Selon l'article L.622-27 du même code, s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L. 625-1, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances.
La SA PRCG, représentée par la SA POUEY International, a déclaré à la SELARL LMJ, mandataire judiciaire désigné par jugement du 6 juillet 2023, sa créance d'un montant de 19 020,26 euros, par courrier du 30 août 2023.
La SELARL LMJ a informé l'appelante du désaccord du débiteur portant sur la créance de 19 020,26 euros, par courrier du 13 décembre 2023 adressé par pli recommandé avec accusé de réception. Ce désaccord était fondé, aux termes de ce courrier, sur l'absence de fourniture des éléments prouvant l'existence et le montant de la créance. Elle indiquait notamment qu'elle entendait proposer au juge commissaire de rejeter sa créance à hauteur de 19 020.26 euros.
Dans l'ordonnance déférée, le juge commissaire, après avoir constaté que la SARL LUCIEN GEORGELIN, représentée par son conseil, contestait la créance de l'appelante au motif que le créancier "ne justifiait pas d'un pouvoir au soutien de sa déclaration" ; que le créancier avait ratifié sa déclaration en produisant les justificatifs nécessaires et que le mandataire judiciaire, pris en la personne de la SELARL LMJ représentée par Maître [B] [M] s'en remettait à la décision du juge ; a fait droit à la proposition du rejet contenue dans le courrier du 13 décembre 2023 et a rejeté la créance de la SA PRCG.
Or, ni devant le premier juge, ni devant la cour, le litige opposant la SA PRCG à la SARL LUCIEN GEORGELIN ne porte sur l'existence ou le montant de la créance dont l'inscription au passif de la seconde est demandée, mais sur la régularité de la déclaration de créance de la première qui n'aurait pas été assortie de la justification des pouvoirs nécessaires à sa recevabilité.
Ainsi, non seulement le principe du contradictoire n'a pas été respecté à l'égard du créancier qui n'a pas été informé du motif réel de la contestation élevée par le débiteur mais encore la discussion soumise au premier juge ne portait que sur la régularité de la déclaration de créance, hypothèse dans laquelle l'article L.622-27 du code de commerce précité permet au créancier de contester la décision du juge commissaire, y compris lorsqu'il n'a pas répondu dans les 30 jours suivant l'envoi du courrier d'information adressé par le mandataire judiciaire.
D'où il s'ensuit que le moyen soulevé par l'intimée tendant à l'irrecevabilité de l'appel de la SA PRCG sera rejeté et que le recours du créancier contre l'ordonnance du 29 juillet 2024 sera déclaré recevable.
2) Sur la régularité de la déclaration de créance de la SA PRCG et son admission au passif de la SARL LUCIEN GEORGELIN :
Aux termes de l'article L.622-24 alinéa 2 du code de commerce la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance.
En l'espèce, la SARL LUCIEN GEORGELIN a contesté la chaîne de délégation de pouvoir ayant permis la déclaration de la créance de la SA PRCG. Cette contestation telle qu'évoquée dans ses dernières conclusions devant la cour ne porte cependant pas sur la déclaration de créance de la SA PRCG mais sur celle de la société START PEOPLE. Cette société a en effet déclaré une créance propre d'un montant 3 804,05 euros, représentant les sommes restées à sa charge, après indemnisation de la somme de 19 020,26 euros, au titre de la TVA, par courrier du 30 août 2023 qui a fait l'objet d'une procédure de contestation distincte devant le juge commissaire du tribunal de commerce d'Agen.
En outre, en demandant, dans ses conclusions d'appel signées et notifiées par son avocat qui, muni d'un mandat ad litem, la représente judiciairement, l'admission de sa créance, la SA PRCG a nécessairement ratifié la déclaration de créance faite en son nom, ce qui conduit la cour à considérer comme régulière cette déclaration.
La SA PRCG justifie de l'existence et du montant de sa créance par la production du relevé de compte certifié conforme de la société START PEOPLE, du relevé des factures indemnisées à la société START PEOPLE au titre de factures impayées par la SARL LUCIEN GEORGELIN d'un montant de 19 020.26 euros HT, de la convention d'indemnisation de cette somme par la SA PRCG, en sa qualité d'assureur-caution de cette dernière, du bordereau de paiement bancaire de la somme de 19 020.26 euros en date du 28 août 2023. La SA PRCG étant désormais subrogée dans les droits de la société START PEOPLE, sa créance à hauteur de 19 020.26 euros doit être admise au passif de la SARL LUCIEN GEORGELIN.
Enfin, le plan de redressement judiciaire arrêté par jugement du 23 octobre 2024 n'est pas de nature à faire obstacle à l'application de l'article R624-9 du code de commerce qui dispose que l'état des créances est notamment complété des décisions rendues par la cour d'appel statuant sur les recours formés contre les décisions du juge-commissaire.
En considération de ce qui précède, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de faire droit à l'admission au passif de la SARL LUCIEN GEORGELIN, de la créance de la SA PRCG.
Sur les demandes accessoires
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA PRCG les sommes exposées au titre de la présente procédure d'appel ce qui commande l'octroi d'une somme de 600 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
DÉCLARE recevable l'appel de la SA POUEY RENSEIGNEMENT COMMERCIAL GARANTI à l'encontre de l'ordonnance du 29 juillet 2024 ;
INFIRME l'ordonnance déférée des chefs critiqués ;
Statuant de nouveau :
DÉCLARE régulière la déclaration de créance de la SA POUEY RENSEIGNEMENT COMMERCIAL GARANTI ;
ORDONNE en conséquence la modification de l'état des créances et l'admission au passif de la SARL LUCIEN GEORGELIN, de la créance déclarée pour un montant de 19. 020,26 euros, à titre chirographaire, par la SA POUEY RENSEIGNEMENT COMMERCIAL GARANTI ;
CONDAMNE la SARL LUCIEN GEORGELIN à payer à la SA POUEY RENSEIGNEMENT COMMERCIAL GARANTI la somme de 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Le présent arrêt a été signé par Marianne DOUCHEZ-BOUCARD, présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,
04 Juin 2025
MDB / NC
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N° RG 24/00804
N° Portalis DBVO-V-B7I -DIKV
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SA POUEY
C/
SELARL LMJ
SCP ODILE STUTZ
SARL LUCIEN GEORGELIN
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GROSSES le 04.06.25
aux avocats
ARRÊT n° 168-2025
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Section commerciale
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
SA POUEY RENSEIGNEMENT COMMERCIAL GARANTI prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
RCS PARIS 414 494 419
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Louis VIVIER, avocat au barreau d'AGEN
APPELANTE d'une ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce d'AGEN en date du 29 juillet 2024, RG 24/003420
D'une part,
ET :
SARL LUCIEN GEORGELIN prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
RCS AGEN 382 510 816
[Adresse 8]
[Localité 3]
représentée par Me François DELMOULY, membre de la SELARL AD-LEX, avocat postulant au barreau d'AGEN
et Me Luc-Christophe DEJEAN, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
SELARL LMJ ès-qualités de mandataire judiciaire de la société LUCIEN GEORGELIN
[Adresse 7]
[Localité 2]
n'ayant pas constitué avocat
SCP ODILE STUTZ ès-qualités de mandataire judiciaire de la société LUCIEN GEORGELIN
[Adresse 5]
[Localité 4]
n'ayant pas constitué avocat
INTIMÉES
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 18 novembre 2024, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Présidente : Marianne DOUCHEZ-BOUCARD, Présidente de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience
Assesseur : Valérie SCHMIDT, Conseiller
qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre elles-mêmes de :
Anne Laure RIGAULT, Conseiller
en application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
L'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis par écrit
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement du 6 juillet 2023, le Tribunal de commerce d'Agen a placé la SARL LUCIEN GEORGELIN en redressement judiciaire.
La SA POUEY RENSEIGNEMENT COMMERCIAL GARANTI (ci-après SA PRCG), assureur crédit, a procédé par virement du 23 août 2023, à l'indemnisation de la société de travail temporaire, START PEOPLE, à hauteur de la somme de 19 020,26 euros HT, représentant le montant d'un impayé de facturation de la SARL LUCIEN GEORGELIN.
Par courrier du 30 août 2023, la SA PRCG a déclaré sa créance auprès du représentant des créanciers.
Par ordonnance réputée contradictoire du 29 juillet 2024, le juge commissaire d'Agen a rejeté la déclaration de créance à hauteur de la somme de 19.020,26 euros.
Le 9 août 2024, la SA PRCG a interjeté appel de l'intégralité des chefs de l'ordonnance.
L'avis de fixation à bref délai a été envoyé le 28 août 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 25 octobre 2024, la SA PRCG demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et y faisant droit, de réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté sa déclaration de créance à concurrence de la somme de 19.020,26 euros ; en conséquence, statuant à nouveau, de liquider et fixer à titre chirographaire sa créance à la somme de 19.020,26 euros au passif de la SARL LUCIEN GEORGELIN, de condamner toute partie succombante au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, la SA PRCG fait valoir en premier lieu que son appel, pour avoir été interjeté dans un délai de 10 jours, est recevable et qu'en outre l'application des dispositions de l'article L. 624-3 al 2 du code de commerce doit être ici écartée dans la mesure où elle n'a pas été destinataire d'un avis du mandataire judiciaire l'informant d'une contestation par la SA PRCG de sa créance et du délai de 30 jours pour apporter toutes observations utiles et qu'en tout état de cause l'absence de réponse dans le délai de 30 jours ne lui fait perdre aucun droit, le juge commissaire n'ayant pas confirmé dans son ordonnance la proposition du mandataire judiciaire.
En second lieu, elle rappelle les termes des dispositions du 12 avril 2014 modifiant l'article L.622-24 du code de commerce qui permettent au créancier de ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de sa créance. Aucune forme particulière n'étant prévue par loi, la présente procédure emporte ratification dés lors que l'on considérerait que le mandat donné à la SA POUEY INTERNATIONAL serait discutable, ajoutant que la demande d'admission faite par son conseil vaut nécessairement ratification.
Enfin, s'agissant du caractère admissible de sa créance, elle considère que conformément à la convention d'indemnisation la liant à la société START PEOPLE, elle a procédé au règlement de la somme litigieuse, après déclaration de sinistre de son assurée. Elle bénéficie en conséquence de la subrogation consentie par la société START PEOPLE en considération de ce paiement.
Par conclusions du 2 octobre 2024, la SARL LUCIEN GEORGELIN sollicite de la cour de déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée la SA PRCG en son appel, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté sa déclaration de créance pour un montant de 19.020,26 euros et de la condamner aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, elle soutient que selon l'article L.624-3 al 2 du code de commerce, la SA PRCG ne peut pas contester le rejet de sa créance en raison de l'absence de réponse dans le délai de 30 jours. La SARL LUCIEN GEORGELIN a régulièrement contesté sa créance au motif qu'elle ne justifiait pas détenir de la société START PEOPLE un quelconque pouvoir pour obtenir le remboursement de celle-ci et s'est en outre abstenue de faire connaître son argumentation lors de l'audience du juge commissaire. Elle n'a adressé aucune réponse à la correspondance du mandataire judiciaire du 13 décembre 2023 portant contestation de sa déclaration de créance, ce qui en application de l'article L.624-3 alinéa 2 du code de commerce lui interdit de contester l'option de rejet ouverte par le mandataire judiciaire. En outre, les pièces versées aux débats par l'appelante déterminent notamment que la société START PEOPLE n'a pas pu légalement concéder les droits dont elle tente de s'emparer.
La SELARL LMJ, à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 30 août 2024, n'a pas constitué avocat.
La SCP Odile STUTZ, à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 2 septembre 2024, n'a pas constitué avocat.
Par conclusions du 15 novembre 2024, le ministère public demande à la cour de confirmer l'ordonnance querellée.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience en date du 18 novembre 2024.
La cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
1) Sur la recevabilité de l'appel
L'article L.624-3 du code de commerce dispose que le recours contre les décisions du juge commissaire prises en application de la présente section est ouvert au créancier, au débiteur, à l'administrateur lorsqu'il a pour mission d'assurer l'administration ou au mandataire judiciaire.
Toutefois, le créancier dont la créance est discutée en tout ou en partie et qui n'a pas répondu au mandataire judiciaire dans le délai mentionné à l'article L. 622-27 ne peut pas exercer de recours contre la décision du juge-commissaire lorsque celle-ci confirme la proposition du mandataire judiciaire.
L'article R.624-1 du code de commerce, précise que si une créance est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui précise l'objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l'inscription est proposée et rappelle les dispositions de l'article L. 622-27 du même code.
Selon l'article L.622-27 du même code, s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L. 625-1, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances.
La SA PRCG, représentée par la SA POUEY International, a déclaré à la SELARL LMJ, mandataire judiciaire désigné par jugement du 6 juillet 2023, sa créance d'un montant de 19 020,26 euros, par courrier du 30 août 2023.
La SELARL LMJ a informé l'appelante du désaccord du débiteur portant sur la créance de 19 020,26 euros, par courrier du 13 décembre 2023 adressé par pli recommandé avec accusé de réception. Ce désaccord était fondé, aux termes de ce courrier, sur l'absence de fourniture des éléments prouvant l'existence et le montant de la créance. Elle indiquait notamment qu'elle entendait proposer au juge commissaire de rejeter sa créance à hauteur de 19 020.26 euros.
Dans l'ordonnance déférée, le juge commissaire, après avoir constaté que la SARL LUCIEN GEORGELIN, représentée par son conseil, contestait la créance de l'appelante au motif que le créancier "ne justifiait pas d'un pouvoir au soutien de sa déclaration" ; que le créancier avait ratifié sa déclaration en produisant les justificatifs nécessaires et que le mandataire judiciaire, pris en la personne de la SELARL LMJ représentée par Maître [B] [M] s'en remettait à la décision du juge ; a fait droit à la proposition du rejet contenue dans le courrier du 13 décembre 2023 et a rejeté la créance de la SA PRCG.
Or, ni devant le premier juge, ni devant la cour, le litige opposant la SA PRCG à la SARL LUCIEN GEORGELIN ne porte sur l'existence ou le montant de la créance dont l'inscription au passif de la seconde est demandée, mais sur la régularité de la déclaration de créance de la première qui n'aurait pas été assortie de la justification des pouvoirs nécessaires à sa recevabilité.
Ainsi, non seulement le principe du contradictoire n'a pas été respecté à l'égard du créancier qui n'a pas été informé du motif réel de la contestation élevée par le débiteur mais encore la discussion soumise au premier juge ne portait que sur la régularité de la déclaration de créance, hypothèse dans laquelle l'article L.622-27 du code de commerce précité permet au créancier de contester la décision du juge commissaire, y compris lorsqu'il n'a pas répondu dans les 30 jours suivant l'envoi du courrier d'information adressé par le mandataire judiciaire.
D'où il s'ensuit que le moyen soulevé par l'intimée tendant à l'irrecevabilité de l'appel de la SA PRCG sera rejeté et que le recours du créancier contre l'ordonnance du 29 juillet 2024 sera déclaré recevable.
2) Sur la régularité de la déclaration de créance de la SA PRCG et son admission au passif de la SARL LUCIEN GEORGELIN :
Aux termes de l'article L.622-24 alinéa 2 du code de commerce la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance.
En l'espèce, la SARL LUCIEN GEORGELIN a contesté la chaîne de délégation de pouvoir ayant permis la déclaration de la créance de la SA PRCG. Cette contestation telle qu'évoquée dans ses dernières conclusions devant la cour ne porte cependant pas sur la déclaration de créance de la SA PRCG mais sur celle de la société START PEOPLE. Cette société a en effet déclaré une créance propre d'un montant 3 804,05 euros, représentant les sommes restées à sa charge, après indemnisation de la somme de 19 020,26 euros, au titre de la TVA, par courrier du 30 août 2023 qui a fait l'objet d'une procédure de contestation distincte devant le juge commissaire du tribunal de commerce d'Agen.
En outre, en demandant, dans ses conclusions d'appel signées et notifiées par son avocat qui, muni d'un mandat ad litem, la représente judiciairement, l'admission de sa créance, la SA PRCG a nécessairement ratifié la déclaration de créance faite en son nom, ce qui conduit la cour à considérer comme régulière cette déclaration.
La SA PRCG justifie de l'existence et du montant de sa créance par la production du relevé de compte certifié conforme de la société START PEOPLE, du relevé des factures indemnisées à la société START PEOPLE au titre de factures impayées par la SARL LUCIEN GEORGELIN d'un montant de 19 020.26 euros HT, de la convention d'indemnisation de cette somme par la SA PRCG, en sa qualité d'assureur-caution de cette dernière, du bordereau de paiement bancaire de la somme de 19 020.26 euros en date du 28 août 2023. La SA PRCG étant désormais subrogée dans les droits de la société START PEOPLE, sa créance à hauteur de 19 020.26 euros doit être admise au passif de la SARL LUCIEN GEORGELIN.
Enfin, le plan de redressement judiciaire arrêté par jugement du 23 octobre 2024 n'est pas de nature à faire obstacle à l'application de l'article R624-9 du code de commerce qui dispose que l'état des créances est notamment complété des décisions rendues par la cour d'appel statuant sur les recours formés contre les décisions du juge-commissaire.
En considération de ce qui précède, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de faire droit à l'admission au passif de la SARL LUCIEN GEORGELIN, de la créance de la SA PRCG.
Sur les demandes accessoires
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA PRCG les sommes exposées au titre de la présente procédure d'appel ce qui commande l'octroi d'une somme de 600 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
DÉCLARE recevable l'appel de la SA POUEY RENSEIGNEMENT COMMERCIAL GARANTI à l'encontre de l'ordonnance du 29 juillet 2024 ;
INFIRME l'ordonnance déférée des chefs critiqués ;
Statuant de nouveau :
DÉCLARE régulière la déclaration de créance de la SA POUEY RENSEIGNEMENT COMMERCIAL GARANTI ;
ORDONNE en conséquence la modification de l'état des créances et l'admission au passif de la SARL LUCIEN GEORGELIN, de la créance déclarée pour un montant de 19. 020,26 euros, à titre chirographaire, par la SA POUEY RENSEIGNEMENT COMMERCIAL GARANTI ;
CONDAMNE la SARL LUCIEN GEORGELIN à payer à la SA POUEY RENSEIGNEMENT COMMERCIAL GARANTI la somme de 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Le présent arrêt a été signé par Marianne DOUCHEZ-BOUCARD, présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,