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Décisions

Cass. com., 12 juin 2025, n° 23-22.076

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Pasaryne (SAS), Firma (SELARL), Arva (SARL)

Défendeur :

Kabrousse (Sté), Pacabear (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Bedouet

Avocat général :

M. de Monteynard

Avocats :

SCP Le Bret-Desaché, SCP Gouz-Fitoussi

Bordeaux, 4e ch. civ., du 5 sept. 2023, …

5 septembre 2023

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 5 septembre 2023), la société O Sorbet d'amour, à qui la société Pacabear a consenti un bail commercial le 1er octobre 2012 et la société Kabrousse un autre bail commercial en janvier 2013, a été mise en redressement judiciaire le 23 octobre 2019, la société Laurent Mayon étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et la société Vincent Mequignon, devenue la société Arva, en qualité d'administrateur judiciaire.

3. Soutenant que les loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture étaient demeurés impayés, les bailleresses ont chacune saisi le juge-commissaire en résiliation des baux.

4. Le tribunal, statuant par des jugements distincts sur les recours contre les ordonnances a constaté la résiliation des baux.

5. La société O Sorbet d'amour, son administrateur judiciaire et son mandataire judiciaire ont interjeté appel de ces deux décisions.

6. Au cours de ces instances d'appel, le tribunal a prononcé la résolution du plan de redressement de la société O Sorbet d'amour et ouvert une procédure de liquidation judiciaire, la société Firma étant désignée liquidateur.

7. Le 12 avril 2023, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société O Sorbet d'amour au profit de la société Pasaryne, lequel plan incluait la cession des baux commerciaux.

Examen du moyen

Sur les moyens des pourvois n° W 2322076 et X 2322077 pris en leurs premières branches réunies

Enoncé du moyen

8. La société Pasaryne, l'administrateur et le liquidateur de la société O sorbet d'amour font grief aux arrêts de constater la résiliation des baux alors que « lorsque la liquidation judiciaire est ouverte sur résolution du plan, il ne s'agit pas d'une conversion de la procédure de redressement en cours, mais d'une nouvelle procédure collective ; que, dans cette hypothèse, le point de départ du délai de carence de trois mois pour la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges prévue à l'article L. 622-14 2°, du code de commerce, auquel renvoie l'article L. 641-12, 3° de ce code, est la date du jugement prononçant la résolution du plan et ouvrant la liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour que par jugement du 8 mars 2023, le tribunal de commerce a prononcé la résolution du plan de redressement de la société O Sorbet d'Amour ; qu'à cette date, aucune décision irrévocable ayant force de chose jugée n'avait prononcé ou constaté la résiliation des baux litigieux de telle sorte que lesdits baux étaient toujours en cours, qu'en constatant néanmoins la résiliation des baux pour une créance de loyer et charge échus antérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire après résolution du plan et en se plaçant à la date du 14 février 2020, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susvisés et de l'article 500 du code de procédure civile »

- Réponse de la cour

Recevabilité du moyen

9. Les bailleresses contestent la recevabilité du moyen comme étant nouveau.

10. Cependant ce moyen qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond est de pur droit.

11. Le moyen est donc recevable.

Bien fondé du moyen

Vu les articles L. 622-27, L. 641-11-1, I et II et L. 641-12,3° du code de commerce et l'article 500 du code de procédure civile:

12. Il résulte de ces textes qu'une liquidation judiciaire ouverte concomitamment à la résolution d'un plan de redressement constitue une nouvelle procédure collective, laquelle fait obstacle à la résiliation du bail des immeubles pour des loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire. Le bailleur dispose cependant de la faculté de se prévaloir d'une décision constatant ou prononçant la résolution du bail dès lors que cette décision a acquis force de chose jugée avant le jugement d'ouverture de cette nouvelle procédure.

13. Pour constater la résiliation du bail, la cour d'appel relève qu'à la date de la requête du bailleur déposée trois mois après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire, la société O Sorbet d'amour restait devoir des loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture.

14 . En statuant ainsi alors qu'elle avait constaté que le 8 mars 2023, le plan de redressement de la société O Sorbet d'amour avait été résolu de sorte que la résiliation des baux ne pouvait plus intervenir en application de l'article L. 622-14, 2° du fait de la liquidation judiciaire de cette société ouverte le même jour, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

Vu l'article 625 du code de procédure civile :

15. Selon ce texte, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

16. La cassation des arrêts ayant constaté la résiliation des baux consentis par les sociétés Pacabear et Kabrousse entraîne l'annulation par voie de conséquence, de l'arrêt du 12 septembre 2023, qui s'y attache par un lien de dépendance nécessaire.

17. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3 alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 05 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette les demandes des sociétés Kabrousse et Pacabear tendant à la résiliation des baux consentis à la société O Sorbet d'amour ;

Condamne la société Pacabear aux dépens de l'instance d'appel ayant donné lieu à l'arrêt RG n° 22/00254 du 5 septembre 2023 ;

Condamne la société Kabrousse aux dépens de l'instance d'appel ayant donné lieu aux arrêts RG n° 22/00249 et 22/00251 du 5 septembre 2023 ;

ANNULE par voie de conséquence l'arrêt rendu le 12 septembre 2023 ;

Condamne les sociétés Kabrousse et Pacabear aux dépens de l'instance d'appel ayant donné lieu à l'arrêt rendu le 12 septembre 2023 et aux dépens de l'instance de cassation ;

Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le douze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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