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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 4 juin 2025, n° 24/04842

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 24/04842

4 juin 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 4 JUIN 2025

N° RG 24/04842 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N74I

S.A.S. CHICKEN 33

c/

Monsieur [V] [E]

Monsieur [M] [U]

Monsieur [Y] [K]

Monsieur [F] [N]

Monsieur [C] [T]

Monsieur [R] [H]

S.E.L.A.R.L. EKIP'

Nature de la décision : AU FOND

Notifié aux parties par LRAR le :

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 septembre 2024 (R.G. 2024P01034) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 04 novembre 2024

APPELANTE :

S.A.S. CHICKEN 33, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

Représentée par Maître David DUMONTET, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

S.E.L.A.R.L. EKIP', ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS CHICKEN 33, désignée à ses fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de BORDEAUX en date du 4 septembre 2024, domiciliée en cette qualité [Adresse 4]

Représentée par Maître Esther RENTING substituant Maître Olivier BOURU, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [V] [E], demeurant [Adresse 7]

Monsieur [M] [U], demeurant [Adresse 5]

Monsieur [Y] [K], demeurant [Adresse 6]

Monsieur [F] [N], demeurant [Adresse 5]

Monsieur [C] [T], demeurant résidence [Adresse 9]

Monsieur [R] [H], demeurant [Adresse 2]

Non représentés

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mars 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

1. Le 3 août 2023, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a prononcé 6 jugements condamnant la société par actions simplifiée Chicken 33 à verser à ses salariés les sommes suivantes :

- Pour M. [F] [N] : 8 646,40 euros ;

- Pour M. [Y] [K] : 8 748,94 euros ;

- Pour M. [C] [T] : 7 100,00 euros ;

- Pour M. [M] [U] : 8 646,40 euros ;

- Pour M. [R] [H] : 8 646,40 euros ;

- Pour M. [V] [E] : 6 950,37 euros ;

soit une somme totale de 48 738,51 euros.

Ces salariés ont tenté de recouvrer le montant de ces condamnations auprès de leur employeur puis ont fait exécuter ces décisions par saisie du compte bancaire de la société Chicken 33 ; trois tentatives ont donné lieu à un procès-verbal de difficultés le 24 novembre 2023 puis les 9 et 13 février 2024.

2. Par six actes du 28 juin 2024, les six salariés ont assigné la société Chicken 33 devant le tribunal de commerce de Bordeaux en ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, enrôlés sous les numéros 2024P01034 à 2024P01039.

Par jugement réputé contradictoire prononcé le 4 septembre 2024, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- Constaté la non-comparution de la société Chicken 33 SAS, joint les instances ;

Le Ministère Public ayant été avisé de la procédure,

- Constaté l'état de cessation des paiements de la société Chicken 33 SAS,

- Ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de :

La société Chicken 33 SAS, au capital de 10 000,00 euros, identifiée sous le n° 828 336 735 RCS Bordeaux (2017 B 01648), dont le siège social et établissement principal est situé [Adresse 3], exerçant une activité de petite restauration sur place et à emporter, sous l'enseigne [12],

Conformément aux dispositions du chapitre 1er du titre IV du livre VI du code de commerce,

- Fixé provisoirement au 12 mai 2024 la date de cessation des paiements,

- Nommé Eric Groisillier, juge-commissaire et Paul Bernard, juge-commissaire suppléant,

- Désigné la SELARL Ekip', [Adresse 4], en qualité de liquidateur et dit que cette mission sera suivie par Maître [W] [P],

- Désigné en application de l'article L 641-1 du code de commerce Maître [S] [D], [Adresse 1], commissaire de justice, afin de réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article L 622-6 du code de commerce,

- Fixé à un an à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leur créance, le délai pour l'établissement de la liste des créances déclarées, conformément aux articles L 624-1 et R 624-2 du code du commerce,

- Invité le comité d'entreprise, les délégués du personnel, ou, à défaut de ceux-ci, les salariés à désigner au sein de l'entreprise un représentant des salariés conformément aux articles L 641-1, L 621-4, L 621-5, L 621-6 et R 621-14 du code du commerce,

- Ordonné que dans les dix jours du prononcé du présent jugement, le représentant légal de la personne morale débitrice ou le débiteur personne physique réunisse le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou, à défaut, les salariés de l'entreprise pour désigner un représentant des salariés dans les conditions prévues à l'article R 621-14 du code du commerce,

- Ordonné au chef d'entreprise de déposer immédiatement au greffe du tribunal de commerce conformément à l'article R 621-14 du code du commerce, le procès-verbal de désignation de ce représentant des salariés, ou le procès-verbal de carence,

- Fixé à deux ans le délai dans lequel le tribunal devra examiner la clôture de la liquidation judiciaire,

- Dit que le présent jugement sera signifié par acte extrajudiciaire au débiteur avec convocation de celui-ci d'avoir à comparaître à l'audience du 7 septembre 2026 à 09 heures 40 au tribunal de commerce de Bordeaux pour que soit examinée la clôture de la procédure conformément aux dispositions de l'article L 643-9 du code de commerce,

- Dit que les notifications, mentions, avis et publicités du présent jugement seront effectuées sans délai, nonobstant toutes voies de recours.

Par déclaration au greffe du 4 novembre 2024, la société Chicken 33 a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la société Ekip' es qualités, M. [E], M. [U], M. [K], M. [N], M. [T], M. [H] et le procureur général.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 12 mars 2025.

Par actes de commissaire de justice du 14 janvier 2025, les conclusions de l'appelante ont été signifiées aux salariés intimés selon les formes de l'article 659 du code de procédure civile.

Par actes du 17 janvier 2025, l'assignation à bref délai a également été signifiée aux salariés intimés selon les formes de l'article 659 du code de procédure civile.

Par avis notifié le 19 février 2025, le Ministère public a requis la confirmation du jugement en ce qu'il avait constaté la cessation de paiement de la société et ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, sauf production à l'audience d'éléments justifiant du provisionnement ou du paiement des dettes prud'homales et plus généralement de la production d'une comptabilité démontrant que la société est en capacité de poursuivre son activité.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

3. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 13 décembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, société Chicken 33 demande à la cour de :

Vu les articles L. 631-1 ; L. 640-1 et suivants du code de commerce

- Réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 4 septembre 2024, en ce qu'il a décidé ce qui suit :

Constate l'état de cessation des paiements de la société Chicken 33 ;

Ouvre à son égard une procédure de liquidation judiciaire ;

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 12 mai 2024 ;

Désigne la SELARL Ekip' en qualité de liquidateur ;

Désigne Maître [D] en vue de voir réalisé l'inventaire ;

Fixe à un an à compter de l'expiration du délai accordé aux créanciers pour déclarer leurs créances, celui pour établir la liste des créances ;

Ordonne au Président de la société liquidée, sous dix jours, d'avoir à réunir les salariés pour voir désigné leur représentant et de déposer au greffe le procès-verbal régularisé à cette occasion ;

Fixe à deux an le délai pour voir clôturées les opérations de liquidation ;

Dit que le présent jugement sera signifié au débiteur avec injonction d'avoir à paraître à l'audience du 7 septembre 2026 à 9h40 ;

Ordonne les mentions et publications, nonobstant tout recours.

Y faisant droit,

- Constater que la société Chicken 33 a été déclarée à tort en état de cessation des

paiements.

En conséquence,

- Dire et juger n'y avoir lieu à liquidation judiciaire.

- Statuer ce que de droit quant aux dépens.

4. La société Ekip', en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Chicken 33, s'est constituée le 21 novembre 2024 mais n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 février 2025.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

5. Au visa des articles L. 631-1 et L.640-1 du code de commerce, la société Chicken 33 fait grief au jugement déféré d'avoir prononcé sa liquidation judiciaire.

Elle fait valoir que la difficulté tient moins à son état de cessation des paiements qu'à sa méconnaissance des différentes procédures diligentées à son encontre ; qu'elle a vraisemblablement été défaillante à l'audience du conseil de prud'hommes au cours de laquelle les dossiers des intimés ont été appelés ; qu'elle n'a pas reçu les jugements prononcés par la juridiction prud'homale.

L'appelante explique qu'elle a cessé toute activité à l'établissement de la [Adresse 11], à [Localité 8], et a fait transférer son siège social au [Adresse 10] à [Localité 8] ; qu'elle a par ailleurs modifié ses coordonnées bancaires, de sorte que l'échec des procédures de saisie n'est pas justificative de son impécuniosité.

La société Chicken 33 indique qu'elle ne fait pas de difficulté à provisionner la somme litigieuse pour couvrir le montant des condamnations, ce qui est confirmé par son expert comptable, et, le cas échéant, à réaliser un versement en ce sens auprès de la Carpa.

Sur ce,

6. L'article L.640-1 alinéa 1 du code de commerce dispose :

« Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L.640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.»

En vertu du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement déféré.

7. Il résulte des termes du jugement prononcé le 4 septembre 2024 par le tribunal de commerce de Bordeaux et que la société Ekip', qui n'a pas conclu, est réputée s'approprier, que le conseil de prud'hommes de Bordeaux a condamné, par 6 jugements en date du 3 août 2023, la société Chicken 33 à verser diverses sommes à six salariés pour un montant total de 48 738,51 euros ; que ces condamnations sont définitives et ont fait l'objet de vaines tentatives d'exécution les 24 novembre 2023 et 9 et 13 février 2024.

8. La société Chicken 33 soutient que les décisions du conseil de prud'hommes ne pouvaient en effet être exécutées puisqu'elle a modifié ses coordonnées bancaires.

Il faut pourtant observer que l'appelante n'indique pas quelles seraient ses nouvelles coordonnées bancaires et ne produit d'ailleurs aucun document à ce titre.

Il est néanmoins versé aux débats une attestation de M. [A], expert comptable exerçant dans le département de la Haute Garonne, qui indique, le 13 décembre 2024, que la somme litigieuse « sera [souligné par la cour] transcrite dans la comptabilité de la société de l'exercice clos au 30/09/23 au travers d'une provision comptable.»

L'appelante ne produit toutefois aucun document en ce sens, ni d'ailleurs aucun document comptable établissant qu'elle serait en mesure d'honorer les condamnations bénéficiant à ses salariés.

La société Chicken 33 affirme qu'elle versera la somme de 48 738,51 euros sur le compte Carpa de son Conseil mais ne produit pas de justificatif à cet égard, les seules pièces présentes à son dossier étant l'attestation mentionnée supra et un relevé de l'Institut national de la propriété industrielle qui mentionne une déclaration reçue le 3 juin 2024 par une société de domiciliation établie [Adresse 10] à [Localité 8], étant observé que dans le cadre de la procédure d'appel, la société Chicken 33 ne mentionne que son adresse au [Adresse 3] à [Localité 8], qu'il s'agisse de la déclaration d'appel ou de ses dernières conclusions.

9. Le tribunal de commerce était donc fondé à retenir que la société Chicken 33 est en état de cessation des paiements.

10. En vertu de l'article L.640-1 alinéa 1 du code de commerce, il doit être recherché si la situation de l'appelante lui permet de bénéficier d'un plan de redressement. Faute de document comptable et bancaire produit par la société Chicken 33, il ne peut cependant être examiné la possibilité d'un redressement.

11. Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, d'ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt par défaut,

Confirme le jugement prononcé le 4 septembre par le tribunal de commerce de Bordeaux.

Y ajoutant,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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