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Décisions

CA Nîmes, 1re ch., 5 juin 2025, n° 24/00577

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

X

Défendeur :

Agl Technic (Sté), BNP Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Defarge

Conseillers :

Mme Berger, Mme Gentilini

Avocats :

Me Benezech, Me Reinhard, Selarl Boulaire, Scp RD avocats & associés

TJ Avignon, du 5 déc. 2023, n° 22/00802

5 décembre 2023

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [T] [M] et son épouse [C] née [W], propriétaires d'une maison à [Localité 7] (13) ont commandé le 23 janvier 2024 après démarchage à domicile à la société AGL Technic la livraison et la pose d'une installation photovoltaïque financée partiellement par la souscription d'un contrat de crédit affecté selon offre préalable acceptée le 23 janvier 2014 de la société Sygma Banque, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance, d'un montant initial de 37 400 euros remboursable en 180 mensualités au taux nominal annuel de 5,76 %.

Le 23 mai 2014, la société AGL Technic a émis une facture d'un montant de 44 551,71 euros.

Le prêteur a procédé à la mise à disposition des fonds sur présentation du certificat de livraison signé par M. [M] le 5 mai 2014.

Par jugement du 28 octobre 2015, la société AGL Technic a été placée en liquidation judiciaire dont par jugement du 20 juin 2019, le tribunal de commerce d'Avignon a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif.

Le 4 mai 2021, un expert mandaté par les acquéreurs a conclu à l'absence d'autofinancement de l'installation.

Par acte du 18 octobre 2022, M. et Mme [M] ont assigné la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de société Sygma Banque, et Mme [E] [Z], en qualité de mandataire ad'hoc de la société AGL Technic devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Avignon qui, par jugement contradictoire du 5 décembre 2023 :

- a déclaré leurs demandes irrecevables car prescrites,

- a rejeté l'ensemble des demandes pour le surplus de la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de société Sygma Banque,

- a condamné les requérants aux entiers dépens de l'instance.

M. et Mme [M] ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 14 février 2024.

Par acte du 5 juin 2024, ils ont assigné en intervention forcée Mme [Z], ès qualités de mandataire ad'hoc de la société AGL Technic.

Par ordonnance du 9 décembre 2024, la procédure a été clôturée le 18 avril 2025 et l'affaire fixée à l'audience du 5 mai 2025 à laquelle elle a été mise en délibéré au 5 juin 2025.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS

Au terme de leurs dernières conclusions régulièrement notifiées le 21 avril 2024 les appelants demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau

- de déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,

- de prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre eux et la société AGL Technic,

- de prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre eux et la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque,

- de déclarer que cette société a commis une faute dans le déblocage des fonds à leur préjudice devant entraîner la privation de sa créance de restitution,

- de la condamner à leur verser au titre des fautes commises les sommes de - 44 551,71 euros au titre du montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution,

- 24 791,49 euros au titre des intérêts conventionnels et frais payés en exécution du prêt souscrit,

- 10 000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation litigieuse et de la remise en état de l'immeuble,

- 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause

- de prononcer la déchéance de la société BNP Paribas Personal Finance de son droit aux intérêts contractuels,

- de la condamner à leur rembourser l'ensemble des intérêts versés au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement et lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgé des intérêts,

- de la débouter ainsi que la société AGL Technic de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes,

- de la condamner à supporter les entiers frais et dépens de l'instance.

Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 17 décembre 2024, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- de déclarer les appelants irrecevables en leur demande de déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels en raison du caractère nouveau de la demande et de la prescription,

A titre subsidiaire

- de les débouter de l'intégralité de leurs demandes,

A titre plus subsidiaire

- de les débouter de leur demande visant à la voir privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'elle n'a pas commis de faute, et qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité à l'égard du prêteur,

- de juger

- que le contrat de crédit a d'ores et déjà été intégralement remboursé par anticipation

- qu'elle conservera le bénéfice du capital prêté remboursé par anticipation,

- qu'elle devra rembourser les intérêts et frais versés, au titre du crédit, dont ils devront démontrer le montant, après justification de leur part de la résiliation du contrat conclu avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'énergie et au Trésor public des crédits d'impôt perçus,

- de les débouter de toute autre demande, fin ou prétention,

En tout état de cause

- de les condamner in solidum à lui payer une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.

La déclaration d'appel a été signifiée à Mme [E] [Z], en qualité de mandataire ad'hoc de la société AGL Technic, intimée non constituée, par acte du 22 avril 2024.

Il est expressément fait renvoi aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* recevabilité de l'action en nullité du bon de commande

Pour fixer au jour de la signature du bon de commande le point de départ (du délai de prescription) de leur action en nullité du contrat pour irrégularité formelle et dire cette action prescrite, le premier juge a estimé que les requérants étaient dès cette date en mesure de déceler les irrégularités qu'ils lui opposaient, en prenant simplement connaissance des dispositions des articles du Code de la consommation relatifs à sa validité.

Pour dire leur action en nullité du contrat pour dol également prescrite, il a relevé que dès la signature du bon de commande ils avaient eu connaissance du fait que l'installation ne pourrait être autofinancée et qu'ils devraient compléter le rendement energétique et donc financer (les) panneaux photovoltaïques installés par leur propres moyens, et que le point de départ (du délai de prescription) de leur action se situait donc également au jour de la signature de ce bon de commande.

Les appelants excipent des dispositions de l'article 2224 du Code civil pour soutenir que le point de départ de la prescription extinctive de droit commun n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder leur action mais doit être être reporté au jour où ils les ont connus ou auraient dû les connaître, c'est-à-dire du jour où ils ont eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi dans toute son ampleur mais encore du fait générateur de responsabilité.

Ils soutiennent que leurs craintes d'une absence complète d'autofinancement et de rentabilité de leur installation ne se sont confirmées qu'après plusieurs années de production d'électricité et la lecture du rapport d'expertise.

L'intimée soutient que s'agissant de la rentabilité de l'installation, c'est forcément la première année de production d'électricité que l'acquéreur peut s'assurer que les éventuelles promesses du vendeur ont été tenues, la première facture de production constituant le point de départ du délai de prescription de l'action fondée sur le dol concernant la rentabilité et l'éventuel autofinancement de l'installation.

Elle soutient s'agissant de l'absence alléguée de contrat que les acquéreurs étaient en mesure de s'en assurer dès le jour du démarchage dont ils soutiennent avoir fait l'objet.

**recevabilité de l'action en nullité du bon de commande

Les appelants auxquels incombe la preuve des irrégularités formelles susceptibles de constituer des violations des dispositions du Code de la consommation relatives aux contrats formés hors établissement comme soutenu en l'espèce, ne produisent ni le bon de commande litigieux, ni le contrat de crédit affecté initialement souscrit auprès de la société Sygma Banque mais seulement la facture bis n°210-2014-04-24 du 23 mai 2014 de la société AGL Technic d'un montant total de 44 551,71 euros pour l'achat et l'installation

- d'un kit photovoltaïque pour production d'électricité

- d'un kit photovoltaïque pour auto-consommation avec batterie.

L'intimée produit la copie d'un document n° AGL 201 établi sur papier à en-tête de AGL Enr (Saint-Gobain) signé par M. [T] [M] le 23 janvier 2014 comportant la mention 'En signant, je reconnais avoir reçu un exemplaire du présent bon de commande doté d'un formulaire détachable de rétraction (sic) et le cas échéant avoir reçu un exemplaire de l'offre de finance (sic). Je déclare aussi qu'aucune modification ne sera apportée. Si vous annulez votre commande vous pouvez utiliser le formulaire détachable en arrière'.

Il résulte suffisamment de ce document, dont la date est cohérente avec celle de la facture ensuite émise, qu'un bon de commande a été signé le 23 janvier 2014.

Le délai de prescription de l'action en nullité de ce bon de commande pour les éventuelles irrégularités formelles qu'il pouvait comporter a donc commencé à courir à cette date et l'action engagée par M. et Mme [M] devant le juge des contentieux de la protection le 17 octobre 2022 était donc prescrite comme ce magistrat l'a jugé.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

**recevabilité de l'action en nullité du bon de commande pour dol

Aux termes de l'article 1116 du Code civil en vigueur du 21 mars 1804 au 01 octobre 2016 ici applicable le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Aux termes de l'article 1304 du même code en vigueur du 01 janvier 2009 au 01 janvier 2016 ici applicable, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

Les appelants soutiennent que lors de sa visite à leur domicile le représentant de la société AGL EnR leur a présenté son produit comme devant leur permettre de réaliser des économies substantielles et remis un document présentant une simulation du projet, faisant apparaître une production d'électricité par les panneaux photovoltaïques sur 20 ans de 64 048,35 euros soit une moyenne de 3 202,42 euros par an.

Ils produisent (pièce 1) la copie d'un document intitulé 'investissement photovoltaïque Provence-Alpes-Côte-d'Azur Exemple d'estimation de production avec simulation' où figurent leur nom et des éléments relatifs à leur foyer (mariés, 2 enfants, maison de + 2 ans dans les Bouches-du-Rhône) ne comportant ni date ni les coordonnées de la société AGL EnR.

Ce document ne peut donc être considéré comme un élément du contrat et les éléments qu'il comportent être considérés comme étant entrés dans le champ contractuel.

La preuve de manoeuvres frauduleuses préalables à la conclusion du contrat du 23 janvier 2014 dont les appelants auraient pu découvrir les conséquences à une date postérieure n'étant pas rapportée, le point de départ du délai de prescription de leur action sur le fondement du dol est resté fixé à cette date et cette action est donc également prescrite comme jugé en première instance.

Les appelants soutiennent ensuite que la promesse de rentabilité procède de la nature même de la chose vendue et constitue un élément objectif du contrat de vente conclu entre le consommateur et le vendeur d'installations productrices d'énergies renouvelables et que ce qui est promis à l'acheteur par la nature même de la chose est un gain financier, et à tout le moins une économie substantielle, qui n'est atteinte qu'à la condition que l'installation s'avère rentable c'est-à-dire qu'elle ne coûte rien.

Mais ce faisant ils confondent rendement et rentabilité de l'installation, étant rappelé qu'aucune manoeuvre frauduleuse précédant le consentement ne peut s'évincer de la nature même de l'objet du contrat, dont la non-conformité ou les vices cachés ouvrent éventuellement des actions qu'ils n'ont entendu exercer ni devant le premier juge ni devant la cour.

* conséquence sur l'action en nullité subséquente du contrat de crédit

Le premier juge a omis de statuer sur ce point, dont la cour est saisie par l'effet dévolutif de l'appel.

Le jugement étant confirmé sur la prescription de l'action en nullité du bon de commande, l'article L 312-55 du Code de la consommation selon lequel le contrat de crédit affecté au financement d'un contrat principal est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé, si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur, ne peut trouver ici à s'appliquer et les appelants sont donc déboutés de cette demande.

* recevabilité de l'action en responsabilité à l'encontre de l'organisme de crédit

Le premier juge a omis de statuer sur ce point, dont la cour est saisie par l'effet dévolutif de l'appel.

L'intimée soutient que l'action en responsabilité dont elle fait l'objet est prescrite, le délai de prescription ayant commencé à courir à la date de conclusion du contrat, et au plus tard le jour du remboursement par anticipation du montant du crédit, intervenu plus de 5 ans avant l'introduction de l'instance.

Les appelants soutiennent que le prêteur s'est rendu complice du dol allégué du vendeur en aménageant le report d'une durée de 12 mois des échéances de remboursement ce qui a non seulement augmenté le coût du crédit mais soutenu et conforté la présentation faite par celui-ci selon laquelle l'installation serait autofinancée, ces échéances étant alors censées commencer après la réalisation des premiers gains ; que l'absence de bon de commande aurait du le conduire à ne pas se libérer des fonds entre les mains de la société AGL Technic avant de s'assurer qu'exu-mêmes en avaient bien reçu un exemplaire et étaient parfaitement informés de l'absence de validité de la vente (sic).

Mais d'une part l'action en responsabilité du prêteur pour dol est tout autant prescrite que l'action en nullité du contrat sur ce fondement, le contrat de crédit affecté produit ayant été signé le 23 janvier 2014 et le certificat de livraison le 5 mai 2014, d'autre part l'historique du compte versé aux débats par l'intimée et non contesté par les appelants démontre que le crédit a fait l'objet d'un remboursement anticipé partiel le 10 février 2017.

Leur action sur ce fondement est en conséquence déclarée irrecevable.

* demande de déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels

Les appelants soutiennent que la banque qui a manqué à leur égard à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde et n'a pas justifié des démarches préalables obligatoires lui incombant avant l'octroi du crédit doit être privée de son droit aux intérêts contractuels.

L'intimée soutient que cette demande est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

La lecture de l'exposé des motifs du jugement attaqué révèle en effet que cette demande n'a pas été soumise au premier juge.

Elle est donc déclarée irrecevable.

* dépens et article 700

Succombant à l'instance, les appelants sont condamnés à en supporter les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande par ailleurs de les condamner à payer à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque la somme demandée de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant et réparant l'omission de statuer du premier juge sur ce point

Déboute M. [T] [M] et Mme [C] [W] épouse [M] de leur action en nullité du contrat de crédit affecté au contrat d'achat d'une installation photovoltaïque souscrit le 23 janvier 2014 auprès de la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société BNP Paribas Personal Finance,

Déclare irrecevable comme prescrite leur action en responsabilité de la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque,

Déclare irrecevable comme nouvelle en appel leur demande tendant à voir cette société privée de son droit aux intérêts contractuels,

Condamne M. [T] [M] et Mme [C] [W] épouse [M] aux dépens d'appel,

Les condamne à payer à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

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