Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 5 juin 2025, n° 22/00607

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

NRJ (SAS)

Défendeur :

Adel Solutions (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseiller :

Mme Ranoux-Julien

Conseiller :

Mme Prigent

Avocats :

Me Lesenechal, Me Chauplannaz, Me Bonaldi, Me Dutto, Me Giraud-Louis, SELARL Bunch, SELARL Cressard Dutto Le Goff Avocats

T. com. Rennes, du 16 déc. 2021, n° 2021…

16 décembre 2021

EXPOSE DU LITIGE

La société Adel Solutions est une société de transport spécialisée dans le transport express de marchandises basée à [Localité 3] (35).

La société NRJ intervient dans les secteurs du transport de marchandises et de la logistique sur tout le territoire français. Elle est une filiale du groupe Warning, spécialisé dans le transport de marchandises en milieu urbain et, plus particulièrement, celui du « dernier kilomètre ».

A compter de mars 2018, la société NRJ a confié des missions de transport à la société Adel Solutions.

Cette relation s'est ensuite poursuivie sans interruption jusqu'en août 2020, date à laquelle la société Adel Solutions a constaté ne plus recevoir de mission de la part de la société NRJ.

Le 11 septembre 2020, la société NRJ a adressé à la société Adel Solutions un courrier aux termes duquel elle lui indiquait prononcer la résiliation de la relation à effet du 31 janvier 2021.

Par courrier du 28 janvier 2021 avec demande d'avis de réception, la société Adel Solutions, par l'intermédiaire de son conseil, a sollicité que la société NRJ l'indemnise pour ne pas avoir respecté le préavis effectif en indiquant que son comportement caractérisait une rupture brutale des relations établies.

Par acte du 31 mars 2021, la société Adel Solutions a assigné la société NRJ devant le tribunal de commerce de Rennes en indemnisation du préjudice subi suite à la rupture de la relation commerciale.

Par jugement du 16 décembre 2021, le tribunal de commerce de Rennes a :

Condamné la société NRJ à payer la somme de 55 624 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 28 janvier 2021 ;

Débouté la société Adel Solutions du surplus de sa demande ;

Ordonné la capitalisation des intérêts ;

Débouté la société NRJ de sa demande au titre de la procédure abusive ;

Condamné la société NRJ à payer à la société Adel Solutions la somme de 3000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté la société Adel Solutions du surplus de sa demande ;

Condamné la société NRJ aux entiers dépens ;

Dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire ;

Débouté la société Adel Solutions de sa demande de paiement de l'ensemble des frais d'exécution y compris les émoluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du code de commerce ;

Liquidé les frais de greffe à la somme de 69,59 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du code de procédure civile.

Par déclaration du 2 janvier 2022, la société NRJ a interjeté appel du jugement sauf en ce qu'il en ce qu'il a débouté la société Adel Solutions du surplus de sa demande.

Par ses dernières conclusions notifiées le 23 août 2022 par RPVA, la société NRJ demande, au visa de l'article L442-1-II du code de commerce, de l'article 1240 du code civil, des articles 32-1 et 700 du code de procédure civile, de :

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 16 décembre 2021 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

- Condamné la société NRJ à payer à la société Adel Solutions la somme de 55 624 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 28 janvier 2021 ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts ;

- Débouté la société NRJ de sa demande au titre de la procédure abusive ;

- Condamné la société NRJ à payer à la société Adel Solutions la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société NRJ aux entiers dépens ;

- Débouté la société NRJ de ses plus amples demandes ;

Et statuant à nouveau,

À titre liminaire,

' Dire qu'en l'absence de demande d'infirmation du jugement par la société Adel Solutions et donc d'appel incident valable, la cour n'est pas saisie de la demande formée par la société Adel Solutions tendant à la condamnation de la société NRJ à lui payer la somme de 82 852,23 euros ;

À titre principal,

' Juger que le défaut d'exécution du préavis de rupture n'est aucunement imputable à la société NRJ mais résulte de sérieuses difficultés économiques intervenues sur le marché pour lequel elle confiait des missions de sous-traitance à la société Adel Solutions ;

' Juger que la rupture brutale des relations commerciales qu'invoque la société Adel Solutions ne saurait être reprochée à la société NRJ qui était dans l'incapacité économique et matérielle de lui sous-traiter la moindre activité ;

En conséquence,

' Débouter la société Adel Solutions de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société NRJ ;

À titre reconventionnel,

' Juger que l'action initiée par la société Adel Solutions est abusive dans la mesure où elle tente de profiter de la crise économique subie par sa cliente ;

En conséquence,

' Condamner la société Adel Solutions à verser à la société NRJ une indemnité de 10 000 euros au titre de l'abus du droit d'agir en justice ;

À titre subsidiaire,

' Constater que le calcul de l'indemnité utilisé par la société Adel Solutions est parfaitement erroné ;

En conséquence,

' Réduire l'indemnité due à la société Adel Solutions à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

' Condamner la société Adel Solutions à verser à la société NRJ une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner la société Adel Solutions aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 24 octobre 2022 par RPVA, la société Adel Solutions demande de :

Débouter la société NRJ de ses demandes, tant en ce qu'elles sont irrecevables qu'infondées ;

Déclarer la société Adel Solutions recevable en son appel incident ;

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 19 décembre 2021 sauf en ce qu'il a :

' Limité la condamnation de la société NRJ à payer la somme de 55 624 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 28 janvier 2021 ;

' Débouté la société Adel Solutions du surplus de sa demande ;

' Débouté la société Adel Solutions de sa demande de paiement de l'ensemble des frais d'exécution (y compris les émoluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du code de commerce) ;

En ce sens infirmer le jugement et statuant à nouveau ;

- Débouter la société NRJ de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société NRJ à verser à la société Adel Solutions la somme de 82 852,23 euros outre les intérêts de retard courant à compter du 28 janvier 2021 ;

- Prononcer l'anatocisme ;

A défaut,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 19 décembre 2021 ;

En toutes hypothèses,

- Condamner la société NRJ à verser à la société Adel Solutions la somme de 17 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exécution (y compris les émoluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du code de commerce) ;

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 janvier 2025.

Le message suivant été adressé le 26 mars 2025 aux conseils des parties :

« La société Adel Solutions a sollicité l'indemnisation d'un préjudice sur le fondement de l'article L 442-1-II du code de commerce. La société NRJ a répondu sur ce fondement.

Or, l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce devenu l'article L442-1-II du code commerce, qui instaure une responsabilité de nature délictuelle, ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales nées de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat type, qui prévoit la durée des préavis de rupture régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport. (C.cass ch. com. n° 10-20.240 du 4 octobre 2010.) (C.cass ch. com. n° 17-22.275 du 25 septembre 2019).

Vous êtes invités à faire valoir vos observations avant le 30 avril 2025 sur le moyen soulevé d'office tiré de l'application du contrat type de sous-traitance de transport excluant l'application de l'article L 442-1- II du code commerce et sur ses conséquences juridiques. »

La société Adel Solutions a répondu le 27 mars 2025 que l'article L 442-1-II du code de commerce s'appliquait en ce que le contrat-type était supplétif de volonté et qu'en l'espèce, les parties avaient manifesté la volonté de déroger au contrat-type quant à la durée du préavis en le fixant à cinq mois. Elle ajoute que si la cour d'appel applique le contrat-type, le préavis à respecter serait de 4 mois et 3 semaines.

La société NRJ a répondu le 29 avril 2025 que sur le fondement du contrat-type, la société Adel Solutions ne pouvait prétendre théoriquement à un préavis supérieur à trois mois et que même sur ce fondement, la responsabilité de la société NRJ ne pouvait valablement être engagée, la rupture résultant de circonstances économiques défavorables et non de sa propre volonté.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'étendue de la saisine de la cour

L'article 542 du code de procédure civile énonce que l'appel tend par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Il en résulte que l'acte d'appel doit préciser les chefs du jugement critiqués sinon l'effet dévolutif n'opère pas.

L'appel incident n'est pas différent de l'appel principal par sa nature ou son objet.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 25 mai 2022, la société Adel Solutions a sollicité :

« Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 19 décembre 2021 sauf en ce qu'il a :

' Limité la condamnation de la société NRJ à payer la somme de 55 624 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 28 janvier 2021 ;

' Débouté la société Adel Solutions du surplus de sa demande ;

' Débouté la société Adel Solutions de sa demande de paiement de l'ensemble des frais d'exécution (y compris les émoluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du code de commerce) ;

et statuant à nouveau ;

- Débouter la société NRJ de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société NRJ à verser à la société Adel Solutions la somme de 82 852,23 euros outre intérêts de retard courant à compter du 28 janvier 2021 ;

- Prononcer l'anatocisme ;

- Condamner la société NRJ à verser à la société Adel Solutions la somme de 17 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exécution (y compris les émoluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du code de commerce) ;

A défaut,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 19 décembre 2021. »

En sollicitant « la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a limité la condamnation de la société NRJ à payer la somme de 55 624 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 28 janvier 2021, débouté la société Adel Solutions du surplus de sa demande, débouté la société Adel Solutions de sa demande de paiement de l'ensemble des frais d'exécution, » la société Adel Solutions a demandé l'infirmation du jugement sur ce point et qu'il soit statué à nouveau pour obtenir un montant d'indemnisation de 82 852,23 euros outre les intérêts de retard courant à compter du 28 janvier 2021et la condamnation de la société NRJ aux dépens y compris les frais d'exécution.

La cour est en conséquence saisie des demandes formées par la société Adel Soutions tendant à la condamnation de la société NRJ à lui payer la somme de 82 852,23 euros et les dépens y compris les frais d'exécution.

Sur les dispositions applicables à la rupture de la relation commerciale

La société NRJ ne s'oppose pas à l'application du contrat type du 1er juillet 2019 relatif aux transports publics de marchandises exécutés par des sous-traitants et fait valoir qu'à ce titre, la société Adel Solutions ne pouvait prétendre qu'à un préavis d'une durée de trois mois. Elle ajoute que l'application du contrat-type ne fait pas obstacle au fait que sa responsabilité ne peut être engagée au motif que la rupture résultait de circonstances économiques défavorables et non de sa propre volonté.

La société Adel Solutions réplique que le contrat type ne s'applique pas en l'espèce au bénéfice de l'article L442-1 II du code de commerce car il est supplétif de la volonté des parties qui ont manifesté la volonté de déroger au contrat type en ce que la société NRJ a appliqué un préavis de cinq mois, que dans l'hypothèse où la cour appliquerait les dispositions du contrat-type du 1er juillet 2019 relatif aux transports publics de marchandises exécutés par des sous-traitants, la durée de la relations étant de six ans, elle pouvait prétendre à un préavis de 4 mois et 3 semaines.

L'article L442-1 II du code de commerce issu de l'ordonnance du 24 avril 2019 énonce que :

« II. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »

En vertu de l'article L.1432-4 du code des transports, à défaut de convention écrite et sans préjudice de dispositions législatives régissant les contrats, les rapports entre les parties sont, de plein droit, ceux fixés par les contrats-types.

L'article 14 du contrat type de transport du 1er juillet 2019 relatif aux transports publics de marchandises exécutés par des sous-traitants énonce que :

« Durée du contrat de sous-traitance, reconduction et résiliation 14.1. Le contrat de sous-traitance est conclu, soit pour une durée déterminée, reconductible ou non, soit pour une durée indéterminée. 14.2. Chacune des parties peut y mettre un terme par l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception moyennant un préavis se calculant comme suit : a) Un (1) mois lorsque la durée de la relation est inférieure ou égale à six (6) mois ; b) Deux (2) mois lorsque la durée de la relation est supérieure à six (6) mois et inférieure ou égale à un (1) an ; c) Trois (3) mois lorsque la durée de la relation est supérieure à un (1) an et inférieure ou égale à trois (3) ans ; d) Quatre (4) mois quand la durée de la relation est supérieure à trois (3) ans, auxquels s'ajoute une semaine, par année complète de relations commerciales, sans pouvoir excéder une durée maximale de six (6) mois. 14.3. Pendant la période de préavis, les parties maintiennent l'économie du contrat. »

En l'espèce, les parties ne produisent aucun contrat régissant les prestations de sous-traitance de transport convenues entre elles. Le fait que la société NRJ ait accordé un préavis à la société Adel Solutions constitue un engagement unilatéral de sa part et ne détermine pas les dispositions applicables au litige. Il sera fait observer que la société Adel Solutions conteste la durée du préavis accordé.

Dès lors, le contrat type de sous-traitance de transport s'applique, ce qui exclut l'application de l'article L442-1 II code commerce.

Sur la cause exonératoire de responsabilité quant à la rupture de la relation

La société NRJ fait valoir que la responsabilité de l'auteur d'une rupture des relations commerciales en la présence ou non d'un préavis ne peut être engagée si cette rupture résulte de circonstances économiques défavorables, que la nette diminution de l'activité confiée à la société Adel Solutions ne lui est pas imputable puisque le secteur de l'imagerie médicale sur lequel elle intervenait a été lourdement impacté par la pandémie de Covid-19, que la société Adel Solutions a de plus refusé d'effectuer des missions de sous-traitance durant la période de préavis.

La société Adel Solutions réplique que la société NRJ fonde l'intégralité de son argumentation sur un rapport d'expertise amiable non contradictoire, que la crise sanitaire n'était pas de nature à empêcher toute commande par la société NRJ car la crise sanitaire a eu un impact limité sur l'activité globale de celle-ci, qu'elle n'a pas refusé sans motif de réaliser des missions que la société NRJ lui aurait confiées au cours de la période de préavis.

La société NRJ verse aux débats un rapport amiable de M. [E], expert inscrit sur la liste des experts assermentés près la cour d'appel de Lyon. Ce rapport a été discuté contradictoirement entre les parties et constitue une pièce du dossier.

Aux termes d'un rapport daté du 28 juin 2021, M. [E] relève que la branche médicale de la société NRJ a subi une perte d'activité de 31% en 2020 par rapport à 2019, le chiffre d'affaires ayant diminué de 1793 961 euros à 1 233 922 euros soit une perte de 560 029 euros. M. [E] ajoute que le chiffre d'affaires entre janvier et avril 2021 par rapport aux mêmes mois de l'année 2019 a diminué de 171 656 euros soit de l'ordre de 29%. M. [E] conclut que cette baisse du chiffre d'affaires a contraint la société NRJ à se réorganiser et à réaffecter son personnel, que la société NRJ a dû recourir au chômage partiel entre septembre 2020 et janvier 2021 pour 40 jours cumulés de travail, de sorte que ne disposant plus de suffisamment d'activité, la société NRJ a privilégié son propre personnel au détriment des travaux sous-traités.

La société NRJ a adressé le 11 septembre 2020 à la société Adel Solutions, le courrier recommandé avec demande d'avis de réception suivant :

« Il est apparu que les prestations qui vous ont été confiées aux termes de la commerciale entre nos deux sociétés sont anormalement onéreuses pour notre entreprise, et représente un coût non impactable à notre clientèle & que nous subissons depuis lors' »

Aux termes de sa lettre de résiliation, la société NRJ indique qu'elle rompt la relation commerciale au motif que le coût des prestations de la société Adel Solutions est trop élevé. La résiliation étant intervenue à la mi-septembre 2020, la société NRJ avait déjà subi l'impact de la pandémie et a, malgré ces circonstances, accordé un préavis d'une durée de 4 mois et demi à la société Adel Solutions. Comme le démontre les pièces versées aux débats, l'impact de la pandémie a été relatif pour la société NRJ qui exerce dans le domaine médical ; si les soins se sont davantage orientés vers les patients souffrant du covid 19, il est démontré que l'activité de la société NRJ a été simplement réduite durant l'année 2020 tout en demeurant conséquente dans son montant. En conséquence, la société NRJ ne démontre pas que l'impact de la crise sanitaire sur la situation économique ne lui permettait pas de confier des prestations à la société Adel Solutions sur une période fixée par elle-même à 4 mois et demi alors qu'elle s'y était engagée en connaissant le contexte économique défavorable.

La société NRJ a proposé le 6 novembre 2020 une mission au cours de la période de préavis hors du secteur de l'imagerie médicale. La société Adel Solutions indique avoir été contrainte de décliner la mission pour laquelle elle avait candidaté pour le compte d'un autre client le 5 novembre 2020 comme en attestent les échanges de courriels versés aux débats. S'agissant de la seule mission refusée en cours de préavis, ce refus motivé ne peut constituer une faute de la société Adel Solutions.

Sur la durée du préavis et l'indemnisation

La société NRJ a adressé le 11 septembre 2020 à la société Adel Solutions, le courrier recommandé avec demande d'avis de réception suivant :

« Vous devez donc considérer la présente lettre comme un courrier de dénonciation faisant débuter le délai de préavis nécessaire. Notre relation commerciale serait ainsi résiliée avec effet à compter du 31/01/2021 minuit. »

Par courriel du 14 septembre 2020, la société NRJ confirmait avoir envoyé le courrier ce jour.

La société Adel Solutions se prévaut d'une durée de relations de six ans en invoquant la reprise de certains salariés de la société LD Trans ainsi que de la relation contractuelle avec la société NRJ. Cependant, la production d'un seul listing de commandes des années 2019 et 2020 passées par la société Adel Solutions auprès de la société NRJ portant la référence « LD Trans » est insuffisante pour caractériser la reprise d'une relation commerciale. Le tribunal a, à juste titre, retenu que la société Adel Solutions ne démontre pas avoir acquis des éléments d'actifs justifiant de la reprise des contrats lors de la liquidation judiciaire de la société LD Trans. Contrairement à ce qu'allègue la société Adel Solutions, la société NRJ n'a pas reconnu dans son courrier du 1er février 2021 une reprise d'activité de la société LD Trans mais la conteste.

Il est justifié d'une durée de relations non contestée du mois de mars 2018 au mois de septembre 2020 soit une durée de 30 mois.

Dès lors que la société NRJ a accordé à la société Adel Solutions un préavis d'une durée de 4 mois et l5 jours, ce préavis octroyé ne peut être réduit au motif que le contrat type prévoyait un préavis d'une durée moindre.

Le préavis octroyé par la société NRJ à la société Adel Solutions dans son courrier de résiliation doit être retenu en ce qu'il est supérieur au préavis de trois mois auquel pouvait prétendre la société Adel Solutions selon les dispositions du contrat type au vu de la durée de la relation commerciale.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu un préavis de 4 mois et demi.

Il résulte de l'attestation en date du 23 mars 2021 de la société KPMG, expert-comptable de la société Adel Solutions, qu'elle a réalisé les chiffres d'affaires suivants avec la société NRJ :

- De mars à décembre 2018 : 122.493 euros

- Année 2019 : 252 485 euros

- De janvier à juillet 2020 : 64 642 euros

Soit une moyenne mensuelle du chiffre d'affaires de 439 620 euros / 29 mois = 15 159 euros

Il n'est pas pris en compte le mois d'août, aucune activité n'ayant eu lieu durant ce mois.

Le chiffre d'affaires que la société Adel Solutions n'a pas réalisé avec la société NRJ pendant le préavis est de 15 159 euros X 4,5 mois de préavis = 68 215 euros - 868 euros (réalisé durant le préavis) = 67 347 euros.

Aux termes de l'attestation en date du 23 mars 2021, la société KMPG, expert-comptable de la société Adel Solutions, a évalué la marge brute de celle-ci au taux de 82,63% pour l'année 2019 et de 80,69% pour l'année 2020 soit une moyenne de 81,66% après avoir déduit du chiffre d'affaires les frais de carburant, d'entretien des véhicules, de déplacement et péage, de restaurant et d'hôtels.

A la demande de la société NRJ, M. [E] a évalué le taux de marge d'exploitation de la société Adel Solutions à une moyenne de 31,47% pour les années 2019 et 2020 en déduisant également les charges liées au personnel et de sous-traitance.

Au vu des pièces produites par chacune des parties, pour déterminer le taux de marge de la société Adel Solutions, doivent être déduites du chiffre d'affaires outre les charges retenues par la société KMPG, des charges de personnel et de sous-traitance, la société NRJ ne justifiant pas d'une situation spécifique lui permettant d'exclure celles-ci.

Sera pris en compte le montant du chiffre d'affaires dont il sera déduit les charges suivantes pour les exercices arrêtés au 30 juin 2019 et 30 juin 2020 :

Exercice 2019 :

Chiffre d'affaires : 809 179 euros

Seront déduites les charges suivantes :

Sous-traitance : 153 393 euros

Charges de personnel : 207 726 euros

Carburant : 95 386 euros

Entretien véhicules : 19 469 euros

Frais de déplacement péages : 19 779 euros

Montant de la marge : 313 426 euros

Taux de marge : 38,73 %

Exercice 2020 :

Chiffre d'affaires : 949 329 euros

Seront déduites les charges suivantes :

Sous-traitance : 175 382 euros

Charges de personnel : 271 679 euros

Carburant : 116 778 euros

Entretien véhicules : 28 514 euros

Frais de déplacement péages : 30 719 euros

Montant de la marge : 326 257 euros

Taux de marge : 34,36 %

Le taux de marge moyen pour les exercices 2019 et 2020 s'élève à 36,54 %.

Le jugement sera infirmé et la société NRJ sera condamnée à verser à la société Adel Solutions, au titre de l'indemnité de rupture, la somme de :

67 347 euros X 36,54 % = 24 608,59 euros

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2021, date du jugement.

Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la demande de la société NRJ en dommages-intérêts pour procédure abusive

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »

La société Adel Solutions ayant été déclarée partiellement fondée en ses demandes, en première instance et en appel, la demande de dommages-intérêts de la société NRJ pour procédure abusive sera rejetée. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

La société NRJ sera condamnée aux dépens d'appel et devra verser à la société Adel Solutions la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande à ce titre sera rejetée. Les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution sont énumérés à l'article 695 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Dit que la cour est saisie des demandes formées par la société Adel Soutions tendant à la condamnation de la société NRJ à lui payer la somme de 82 852,23 euros, et les dépens y compris les frais d'exécution,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Rennes du 16 décembre 2021 en ce qu'il a condamné la société NRJ à payer la somme de 55 624 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 28 janvier 2021,

Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société NRJ à payer à la société Adel Solutions la somme de 24 608,59 euros au titre de l'indemnité de rupture avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2021,

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la société NRJ à payer à la société Adel Solutions la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société NRJ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société NRJ à payer à la société Adel Solutions les dépens d'appel.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site