Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 10, 5 juin 2025, n° 22/05326

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/05326

5 juin 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 05 JUIN 2025

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05326 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFX5D

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Avril 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F21/00240

APPELANTE

Madame [M] [C]

CHEZ INSER-ASAF [Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Marilyn GATEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0555

INTIMEES

E.U.R.L. EURL DOM 03 Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

S.E.L.A.R.L. JSA SELARL JSA es qualité de Mandataire Ad Hoc de la société DOM 03

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC143

Association AGS CGEA ILE DE FRANCE EST pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-charles GANCIA, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile,

l'affaire a été débattue le 05 Mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé jusqu'à ce jour .

- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre et par madame Sonia BERKANE,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement en date du 5 juillet 2017, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société DOM 03. La SELARL JSA a été nommée en qualité de liquidateur.

Mme [C] expose avoir été embauchée par la société DOM 03 par contrat à durée indéterminée du 24 octobre 2017 en qualité d'aide-ménagère.

La convention collective applicable est celle de l'aide à domicile.

Par jugement en date du 7 février 2018, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif.

Après un arrêt maladie du 22 septembre au 29 novembre 2018, Mme [C] a demandé à son employeur un congé sans solde de deux mois qui lui a été accordé.

Mme [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier en date du 25 juillet 2019.

Le 5 août 2019, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil.

Par ordonnance du 16 octobre 2019, le tribunal de commerce de Créteil a désigné la SELARL JSA en qualité de mandataire ad hoc.

Par jugement en date du 11 avril 2022, notifié le 14 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Créteil, en formation paritaire, a :

- dit les demandes de Mme [C] irrecevables

En conséquence,

- débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes

- dit les demandes de Mme [C] irrecevables et inopposables à l'AGS CGEA IDF EST

En conséquence,

- mis hors de cause l'AGS CGEA IDF EST

- débouté la SELARL JSA de sa demande de condamnation de Mme [C] au paiement des dépens.

Le 14 mai 2022, Mme [C] a interjeté appel de la décision dont elle a reçu notification le 14 avril 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 19 janvier 2025, Mme [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 11 avril 2022 par la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a débouté la SELARL JSA de sa demande de condamnation de Mme [C] au paiement des dépens

- infirmer le jugement rendu le 11 avril 2022 par la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a :

- dit irrecevables les demandes de Mme [C], débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes

- dit irrecevables les demandes de Mme [C] et inopposables à l'AGS CGEA IDF EST

Statuant à nouveau,

- prononcer la prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de la société EURL DOM 03

- requalifier cette prise d'acte en rupture aux torts exclusifs de la société EURL DOM 03 et dire qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- en conséquence, condamner la société EURL DOM 03 ou la société EURL DOM 03 représentée par la SELARL JSA en qualité de mandataire ad hoc à payer à Mme [C] les sommes suivantes :

* 706,74 euros au titre du maintien de salaire légal pour la période du 22/09/2018 au 30/11/2018

* 70,67 euros au titre des congés payés y afférents

* 6 064,15 euros au titre du rappel des salaires pour la période du 19 février au 25 juillet 2019

* 606,41 euros au titre des congés payés y afférents

* 6 064,15 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 554,86 euros à titre d'indemnité légale de licenciement (article R 1234-2 du code du travail)

* 1 212, 83 euros soit 1 mois de salaire à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 121,28 euros au titre des congés payés y afférents

* 7 276,98 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

* 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

- en tant que de besoin, voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société EURL DOM 03 les sommes suivantes :

* 706,74 euros au titre du maintien de salaire légal pour la période du 22/09/2018 au 30/11/2018

* 70,67 euros au titre des congés payés y afférents

* 6 064,15 euros au titre du rappel des salaires pour la période du 19 février au 25 juillet 2019

* 606,41 euros au titre des congés payés y afférents

* 6 064,15 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 554,86 euros à titre d'indemnité légale de licenciement (article R 1234-2 du code du travail)

* 1 212, 83 euros soit 1 mois de salaire à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 121,28 euros au titre des congés payés y afférents

* 7 276,98 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

* 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

- ordonner la remise à Mme [C] de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail, du reçu pour solde de tout compte et des bulletins de paie de septembre 2018 à juillet 2019, rectifiés et conformes aux condamnations à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard de la notification de l'arrêt, avec le droit pour la cour de liquider l'astreinte

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à l'AGS CGEA IDF EST

- dire que l'AGS CGEA IDF EST devra garantir toutes les sommes sollicitées par Mme [C]

- déclarer l'AGS CGEA IDF EST et la SELARL JSA es qualité de mandataire ad hoc de la société EURL DOM 03 mal fondées en leurs demandes, fins et conclusions

- condamner la SARL JSA et l'AGS CGEA IDF EST en tous les dépens de la présente instance

- déclarer les défendeurs mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions.

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 26 septembre 2022, la SELARL JSA, en qualité de mandataire ad hoc de la société DOM 03 demande à la cour de :

- dire et juger la SELARL JSA ès qualité de mandataire ad hoc de la société DOM 03 recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 11 avril 2022

A titre principal,

- dire et juger Mme [C] irrecevable en ses demandes, fins et conclusions, celle-ci ayant saisi le conseil de céans postérieurement à la clôture des opérations de liquidation judiciaire

En conséquence,

- débouter Mme [C] de toutes ses demandes

- condamner Mme [C] aux entiers dépens

A titre subsidiaire,

- dire et juger que les demandes de Mme [C] sont inopposables à la procédure collective

En conséquence,

- débouter Mme [C] de toutes ses demandes

- condamner Mme [C] aux entiers dépens

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger Mme [C] mal fondée en ses demandes, fins et conclusions

En conséquence,

- débouter Mme [C] de toutes ses demandes

- condamner Mme [C] aux entiers dépens

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 13 janvier 2025, l'AGS CGEA IDF EST demande à la cour de :

- déclarer l'AGS CGEA IDF EST recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 11 avril 2022 en ce qu'il a dit irrecevables et inopposables à l'AGS les demandes de Mme [C]

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 11 avril 2022 en ce qu'il a débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes

A titre subsidiaire,

- dire et juger que les créances sollicitées par Mme [C] sont postérieures à l'ouverture et la clôture de la procédure collective dont la société DOM 03 a fait l'objet

- dire et juger que les créances sollicitées par Mme [C] concernent une période au cours de laquelle la société DOM 03 n'avait plus d'activité du fait de la procédure de liquidation judiciaire

Par conséquent,

- dire et juger inopposables à la procédure collective de la société DOM 03 et à l'AGS CGEA IDF EST les créances sollicitées par Mme [C]

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [C] n'est pas fondée

Par conséquent,

- dire et juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne peut produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Et donc, débouter Mme [C] de ses demandes afférentes

- dire et juger que Mme [C] ne rapporte aucune preuve concernant le travail dissimulé ou l'intention frauduleuse de son employeur

Par conséquent,

- débouter Mme [C] de sa demande au titre du travail dissimulé

Sur la garantie de l'AGS :

- dire et juger que, s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale

- dire et juger le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L. 3253-19 du code du travail

- dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L. 3256-6 du Code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de l'article L. 3253-8 du code du travail

- dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, sous déductions des sommes déjà versées, l'un des trois plafonds fixés en vertu des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail

- exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que de leurs moyens et prétentions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 2025.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 5 mars 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des demandes de Mme [C]

Mme [C] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit ses demandes irrecevables. Elle soutient que son action concerne des droits attachés à sa personne et qu'en conséquence la règle de perte du droit de poursuite individuelle ne s'applique pas.

La SELARL JSA soutient que Mme [C] est irrecevable en ses demandes fondées sur la saisine du conseil de prud'hommes postérieurement à la clôture des opérations de liquidation judiciaire.

L'AGS CGEA IDF EST soutient également que Mme [C] n'est pas recevable à intenter une action puisqu'au moment où elle l'a introduite, la société DOM 03 n'existait plus. Elle estime qu'aucune fixation ne peut en l'état plus être prononcée ni être rendue opposable à l'AGS.

La cour retient que la créance salariale est une créance née irrégulièrement après le jugement d'ouverture de la liquidation. Si Mme [C] ne pouvait agir tant que la procédure était en cours, elle retrouvait la possibilité d'agir après la liquidation.

C'est à tort que le conseil de prud'hommes a jugé que la saisine de Mme [C], intervenue après la clôture des opérations de liquidation était irrecevable. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l'opposabilité des demandes de Mme [C]

En application de l'article L.641-9 du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Les actes conclus par le débiteur dessaisi sont inopposables à la liquidation.

La SELARL JSA demande à la cour de déclarer inopposable à la procédure collective les créances de Mme [C]. Elle expose que compte tenu de la liquidation intervenue, la société DOM 03 ne pouvait plus fonctionner ni embaucher de salariés, et aurait donc été dans l'impossibilité de conclure un contrat de travail avec Mme [C], ce que cette dernière revendique pourtant.

L'AGS soutient la même argumentation.

La cour constate qu'il n'est pas contesté que le contrat de travail a été conclu par le gérant de la société postérieurement au jugement de liquidation alors que celui-ci était dessaisi de l'administration de la société et que la société avait cessé toute activité. La cour retient en conséquence que les demandes de Mme [C] sont inopposables à la liquidation de la société. Elles sont également inopposables à l'AGS.

Sur les autres demandes

Mme [C] sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement ce qu'il a dit les demandes de Mme [C] inopposables à l' AGS et en ce qu'il a débouté Mme [C] de toutes ses demandes,

Statuant à nouveau,

Dit recevables les demandes de Mme [M] [C],

Dit les demandes de Mme [M] [C] inopposables à la procédure collective,

Condamne Mme [M] [C] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site