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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 5 juin 2025, n° 24/04028

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Domofinance (SA)

Défendeur :

Futura Internationale (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Durand

Conseillers :

Mme Arbellot, Mme Coulibeuf

Avocats :

Me Mendes Gil, Me Bensimon

JCP Paris, du 12 janv. 2024, n° 22/05082

12 janvier 2024

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 10 novembre 2016, dans le cadre d'un démarchage à domicile, Mme [P] [T] a conclu avec la société Futura Internationale un contrat prévoyant la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques et d'un ballon thermodynamique en vue de la consommation et de la revente du surplus au prix de 26 900 euros.

Pour financer cette opération, Mme [T] et Mme [E] [R] ont signé le même jour avec la société Domofinance, un contrat de crédit affecté prévoyant un financement en capital de 26 900 euros sur une durée de 125 mois au taux d'intérêts contractuel de 3,67 % l'an, remboursable après un moratoire de 5 mois, en 120 échéances mensuelles de 272,28 euros chacune hors assurance, soit 295,64 euros assurance comprise.

Le 26 décembre 2016, Mme [T] a signé une fiche de réception des travaux sollicitant de la société Domofinance le déblocage des fonds au profit du vendeur. La facture a été remise le 27 décembre 2016. L'installation a été raccordée au réseau électrique le 1er septembre 2017 et produit de l'électricité. Un contrat d'achat a été signé le 8 septembre 2017.

Le 19 août 2019, Mmes [T] et [R] ont fait assigner le vendeur et la banque devant le tribunal d'instance de Paris sollicitant principalement la suspension du crédit, l'annulation des contrats, la privation de la créance de restitution de la banque, la condamnation du vendeur à tout remettre en état et celle du vendeur et de la banque solidairement à leur payer des dommages et intérêts et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Futura Internationale a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire par jugement du 15 septembre 2021 du tribunal de commerce de Créteil et la société [F] prise en la personne de Maître [C] [F] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

L'affaire a fait l'objet de deux radiations dans l'attente de la mise en cause du mandataire liquidateur ce qui a finalement été fait par acte du 8 juillet 2022.

Par jugement réputé contradictoire à raison de l'absence du liquidateur en date du 12 janvier 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré irrecevable la demande en nullité en ce qu'elle a été formée par Mme [R] mais recevable en ce qu'elle a été formée par Mme [T],

- prononcé la nullité du contrat de vente,

- déclaré recevables Mmes [T] et [R] en leur demande de nullité du contrat de crédit et prononcé la nullité du contrat de crédit,

- dit que pour le cas où le mandataire liquidateur du vendeur exprimerait le souhait de reprendre le matériel, Mme [T], ne pourrait s'y opposer et dit que la mise à disposition du matériel au domicile de Mme [T] pendant un délai de deux mois à compter de la signification de la décision vaudra restitution,

- constaté que la société Domofinance avait commis des fautes en octroyant un crédit malgré un bon de commande nul puis en versant prématurément les fonds et en ne réclamant pas une attestation de fin de travaux décrivant le détail des prestations exécutées et leur date,

- dit que Mmes [T] et [R] rapportaient la preuve de leur préjudice et du lien de causalité,

- dit que la société Domofinance serait privée de sa créance de restitution à hauteur de 60 % soit la somme de 16 140 euros,

- dit que Mmes [T] et [R] devront restituer à la société Domofinance la somme de 10 760 euros hors la déduction des échéances déjà réglées,

- enjoint aux parties de faire le compte entre elles faute pour le tribunal de disposer des éléments financiers nécessaires,

- rejeté la demande de Mmes [T] et [R] de faire récupérer les sommes versées par le vendeur compte tenu de sa liquidation, condamné la société Domofinance à verser à Mmes [T] et [R] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société Domofinance aux dépens et à verser à Mmes [T] et [R] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le premier juge a relevé qu'aucune des parties ne fournissait d'original du contrat de vente, que Mmes [T] et [R] ne produisaient qu'une copie en noir et blanc quasiment illisible tandis que la banque produisait une copie couleur sur laquelle il apparaissait néanmoins que des mentions avaient été rajoutées notamment les encarts concernant le prix unitaire des prestations vendues, l'écriture et la couleur de l'encre étant différentes de celles du reste du document.

Il a considéré que seule la signataire du contrat de vente avait qualité pour en solliciter l'annulation.

Il a relevé que la marque des panneaux et celle de l'onduleur ne figuraient pas sur le bon de commande alors qu'il s'agissait de caractéristiques essentielles. Il a également considéré que la date de livraison était illisible et que la mention du délai de 90 jours était insuffisante, aucun délai de réalisation des prestations administratives n'étant précisé. Il a considéré que le contrat de vente encourrait donc la nullité pour ces deux motifs mais a écarté l'absence de mention du prix unitaire comme cause de nullité.

Il a écarté toute confirmation de la nullité en relevant que rien ne permettait de considérer que Mme [T] avait connaissance du vice.

Il a relevé que Mmes [T] et [R] ayant toutes deux signé l'offre de crédit elles étaient toutes deux recevables à en solliciter l'annulation puis a précisé que l'annulation du contrat de vente entraînait celle du contrat de crédit en application des dispositions de l'article L. 312-55 du code de la consommation.

Il a rappelé que la nullité des contrats devait conduire à remettre les parties en l'état antérieur, que du fait de la liquidation du vendeur la reprise ne pouvait être ordonnée et qu'il ne restituerait pas le prix de vente et a indiqué que la mise à disposition du matériel pendant deux mois sans reprise vaudrait restitution.

Il a condamné la banque à restituer les sommes perçues au titre du crédit puis s'agissant de la restitution du capital par les emprunteuses, il a considéré que la banque avait commis deux fautes d'une part en ne décelant pas les irrégularités du bon de commande tenant à l'absence de marque et de délai de livraison et d'autre part en libérant les fonds avant l'achèvement complet de l'installation, le contrat prévoyant l'installation mais aussi la réalisation des démarches et la mise en service et cette libération ayant été faite précocement le contrat d'achat ayant été signé le lendemain du versement des fonds lequel avait été réalisé sur la foi d'une attestation de fin de travaux très succincte. Il a retenu qu'il en avait résulté pour Mme [T] après annulation du contrat de vente une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et le fait de ne pas pouvoir retarder le remboursement du crédit sans toutefois que les conséquences sur ce dernier point soient établies. Il a relevé que l'installation était raccordée et fonctionnelle et il a estimé que ces fautes avaient donc engendré un préjudice de 60 % du capital emprunté. Il n'a donc condamné Mmes [T] et [R] qu'à en rembourser 40 % soit la somme de 10 760 euros et qu'il faudrait déduire de cette somme les mensualités payées.

Il a rejeté les autres demandes de Mmes [T] et [R] sauf celles fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a rejeté les demandes de la société Domofinance en relevant qu'elle avait commis des fautes et que c'est elle qui avait élaboré le document censé permettre le déblocage des fonds.

Par déclaration électronique du 20 février 2024, la société Domofinance a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2024, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté certaines des demandes de Mmes [T] et [R],

- statuant à nouveau sur les chefs critiqués :

- à titre principal, de déclarer irrecevable la demande de Mmes [T] et [R] en nullité du contrat de vente conclu avec la société Futura Internationale, de déclarer par voie de conséquence, irrecevable la demande de Mmes [T] et [R] en nullité du contrat de crédit conclu avec la société Domofinance, de dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées, de débouter Mmes [T] et [R] de leur demande en nullité du contrat conclu avec la société Futura Internationale ainsi que de leur demande en nullité du contrat de crédit conclu avec elle et de leur demande en restitution des mensualités réglées,

- en tout état de cause, de constater que Mmes [T] et [R] sont défaillantes dans le remboursement du crédit, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit du fait des impayés avec effet au 2 février 2024, de condamner solidairement Mmes [T] et [R] à lui payer à la somme de 11 053,56 euros avec les intérêts au taux contractuel de 3,67 % l'an à compter du 2 février 2024 sur la somme de 10 234,78 euros et au taux légal pour le surplus, outre la restitution des sommes versées à Mmes [T] et [R] en exécution du jugement soit la somme de 12 913,96 euros, en tant que de besoin, de condamner solidairement Mmes [T] et [R] à lui restituer cette somme de 12 913,96 euros, subsidiairement, de condamner solidairement Mmes [T] et [R] à lui régler les mensualités échues impayées au jour où la cour statue, outre la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire, et de leur enjoindre de reprendre le remboursement des mensualités à peine de déchéance du terme,

- subsidiairement, en cas de nullité des contrats, de déclarer irrecevable la demande de Mmes [T] et [R] visant à la décharge de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins les en débouter, de les condamner, en conséquence à lui régler la somme de 26 900 euros en restitution du capital prêté,

- en tout état de cause, de déclarer irrecevables les demandes de Mmes [T] et [R] visant à la privation de sa créance ainsi que leur demande de dommages et intérêts, à tout le moins, de les débouter de leurs demandes,

- très subsidiairement, de limiter la réparation qui serait due par elle eu égard au préjudice effectivement subi par les emprunteurs à charge pour eux de l'établir et eu égard à la faute des emprunteurs ayant concouru à leur propre préjudice, de limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour Mmes [T] et [R] d'en justifier, en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, de limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et dire et juger que Mmes [T] et [R] restent tenues de restituer l'entier capital à hauteur de 26 900 euros,

- à titre infiniment subsidiaire, en cas de privation de créance de la banque, de condamner in solidum Mmes [T] et [R] à lui payer la somme de 26 900 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable, d'enjoindre à Mmes [T] et [R] de restituer, à leurs frais, le matériel installé au liquidateur judiciaire de la société Futura Internationale, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, et dire et juger qu'à défaut de restitution, elles resteront tenues du remboursement / restitution du capital prêté, subsidiairement, de priver Mmes [T] et [R] de leur créance en restitution des sommes réglées du fait de leur légèreté blâmable,

- de débouter Mmes [T] et [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- de débouter Mmes [T] et [R] de l'ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts,

- de débouter Mmes [T] et [R] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que de leur demande formée au titre des dépens,

- d'ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,

- en tout état de cause, de condamner in solidum Mmes [T] et [R] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; de les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil.

Elle invoque l'irrecevabilité ou le caractère infondé de la demande de nullité des contrats au regard des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil en ce que ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que l'une des parties peut obtenir en justice la remise en cause du contrat et sans mauvaise foi.

Elle fait état du caractère irrecevable, à tout le moins non-fondé du grief tiré de la nullité du contrat de vente entraînant la nullité du contrat de crédit sur le fondement d'une irrégularité formelle du bon de commande au regard des dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation.

Soulignant le caractère exceptionnel de l'annulation d'un contrat, elle conteste les griefs émis à l'encontre du libellé du bon de commande et rappelle le caractère strict de l'interprétation de l'article L. 111-1 du code de la consommation.

Elle conteste toute méconnaissance des dispositions des articles L. 111-1, L. 221-8 et L. 221-25 du code de la consommation s'agissant de la désignation des biens dont elle estime que la marque ne fait pas partie, du rendement dont elle souligne qu'il n'est pas entré dans le champ contractuel ou du délai de livraison et d'installation qui figure dans les conditions particulières. Elle indique que le prix apparaît suffisamment étant indiqué globalement et que les modalités de paiement figurent au contrat de crédit. Elle relève que Mmes [T] et [R] n'allèguent aucun préjudice pouvant résulter d'une éventuelle irrégularité formelle du bon de commande.

Elle note que les allégations de dol au sens des articles 1130 et 1137 du code civil ne sont aucunement étayées et que son caractère déterminant n'est pas non plus démontré. Elle relève que la seule pièce contractuelle produite par Mmes [T] et [R] est la copie du bon de commande, laquelle ne fait état d'aucune garantie de revenus ou d'un autofinancement. Elle souligne qu'elles produisent des extraits de plaquettes de présentation sans établir qu'ils leur auraient été remis, alors qu'elles produisent de nombreuses pièces qui ne concernent pas leur dossier, ce qui n'est nullement à même de prouver les man'uvres dont elles auraient été victimes et affirment qu'elles argumentent, en réalité, au travers de pièces qui ne concernent pas leur dossier. Elle ajoute que l'article 7 exclut toute responsabilité à cet égard. Elle relève qu'il n'est pas justifié de la rentabilité effective de l'installation, qu'aucune contestation n'a été émise avant l'assignation et qu'aucune expertise sérieuse et contradictoire n'est produite. Elle considère que ce type d'achat ne s'inscrit pas exclusivement dans une finalité de rentabilité, mais s'inscrit également dans une finalité d'achat responsable dans le cadre d'un objectif de protection de l'environnement.

A titre subsidiaire, elle indique que la nullité ne serait que relative s'agissant de nullités formelles et que Mmes [T] et [R] ont confirmé le contrat par leur exécution volontaire.

Elle rappelle qu'en l'absence de nullité du contrat principal entraînant la nullité ou résolution du contrat de crédit, le contrat de crédit est maintenu. Elle souligne que l'infirmation du jugement emporte obligation de rembourser les sommes versées au titre de l'exécution provisoire. Elle ajoute que Mmes [T] et [R] ayant cessé de régler les échéances du crédit du fait de l'exécution provisoire, et celle-ci s'opérant aux risques de celui qui en bénéficie, elle n'a d'autre choix que de solliciter le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de crédit avec effet au 2 février 2024 du fait des mensualités impayées et la condamnation de Mmes [T] et [R] au paiement de la somme due au titre du crédit soit capital restant dû après l'échéance du 2 février 2024 pour 10 234,78 euros et indemnité d'exigibilité anticipée sur capital pour 818,78 euros soit un total de 11 053,56 euros avec les intérêts au taux contractuel de 3,67 % l'an à compter du 2 février 2024 sur la somme de 10 234,78 euros et au taux légal pour le surplus.

À titre subsidiaire, elle fait valoir que la nullité des contrats emporterait obligation pour Mmes [T] et [R] restituer les biens et le capital emprunté, pour le vendeur l'obligation de rembourser le prix et pour elle celle de rembourser les échéances payées.

Elle soutient qu'en cas de nullité du contrat de crédit, seule la responsabilité civile délictuelle des parties peut être engagée, ce qui ne permet pas à celles-ci de faire valoir l'inexécution d'une obligation contractuelle supposée n'avoir jamais existé, conteste toute obligation de contrôler la validité du bon de commande, toute faute dans la vérification du bon de commande qui ne pourrait tout au plus porter que sur l'omission de mentions et non sur leur imprécision ou de l'exécution de la prestation qui ne lui incombe pas ou encore dans la délivrance des fonds réalisée à la demande des emprunteurs sous leur propre responsabilité et souligne que toutes les demandes des emprunteurs à son encontre sont vaines dès lors qu'ils ne justifient pas du moindre préjudice ni d'un lien causal entre celui-ci et un fait imputable à la banque.

Elle précise qu'à supposer que le préjudice résultant de la faute dans la vérification du bon de commande puisse consister dans une perte de chance pour les acquéreurs-emprunteurs de ne pas poursuivre la relation contractuelle comme cela a pu être jugé dans le cadre de certains arrêts, il n'en reste pas moins que ceux-ci ne démontrent pas en l'espèce avoir effectivement perdu une chance de ne pas contracter, qu'ils ne justifient nullement quelle mention prétendument omise du bon de commande aurait pu les empêcher de poursuivre la relation, et aurait donc pu empêcher le déblocage des fonds prêtés, ce dans un contexte où ils ont poursuivi l'exécution des contrats. Elle ajoute que le préjudice qui aurait résulté pour Mmes [T] et [R] du versement des fonds prêtés n'est nullement établi et souligne que ces dernières disposent d'une installation dont il n'est pas démontré qu'elle ne serait pas fonctionnelle, à défaut de toute expertise ou pièce justifiant d'un dysfonctionnement. Elle ajoute que les emprunteurs bénéficient déjà, à titre de réparation, en cas de nullité, de l'absence de paiement des intérêts contractuels, ce qui doit nécessairement être pris en compte dans l'appréciation d'un éventuel préjudice. Elle ajoute qu'il est aussi impossible de caractériser le préjudice au regard de la non obtention par l'acquéreur de la restitution du prix de vente du fait de la procédure collective en l'absence de lien direct entre la faute de la banque et le préjudice tiré de la non restitution du prix de vente.

Elle soutient que si la cour devait considérer que le lien de causalité est caractérisé, le préjudice devrait être apprécié dans sa globalité en tenant compte des impossibilités de restitutions au titre du contrat des deux côtés : côté acquéreur, mais aussi côté vendeur. Elle affirme que les prestations non restituées et conservées doivent être évaluées et relève que Mmes [T] et [R] vont conserver l'installation laquelle est fonctionnelle et a une valeur ce qui limite d'autant son préjudice.

A titre subsidiaire, elle demande que la privation ne soit que partielle à concurrence du préjudice subi.

Elle soutient être fondée à opposer à Mmes [T] et [R] la légèreté blâmable avec laquelle elles ont sollicité le déblocage des fonds.

Elle fait valoir que les emprunteurs qui sollicitent en plus de la privation de la créance de la banque, sa condamnation au paiement de dommages et intérêts complémentaires ne peuvent solliciter à être indemnisés doublement, à la fois par la voie de décharge et par la voie de l'octroi de dommages et intérêts et en déduit que la demande de dommages et intérêts est irrecevable, à tout le moins infondée. Elle relève l'absence de préjudice de Mmes [T] et [R] qui se fondent principalement sur des nullités formelles et n'ont jamais formé de réclamation auprès de l'entreprise.

Subsidiairement, elle rappelle que le devoir de mise en garde n'existe qu'en cas de risque d'endettement et conteste que tel soit le cas en l'espèce.

Aux termes de leurs dernières conclusions (n° 2) notifiées par voie électronique le 3 février 2025, Mmes [T] et [R] demandent à la cour :

- de déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente signé le 10 novembre 2016, constaté l'absence de confirmation du bon de commande nul par Mme [T], prononcé la nullité la nullité du contrat de crédit affecté signé par elles le 10 novembre 2016, constaté la faute commise par la société Domofinance dans le cadre du déblocage des fonds, dit qu'elles rapportaient la preuve de leur préjudice, condamné la société Domofinance à leur verser la somme de 800 euros en réparation de leur préjudice moral, celle de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et ordonné l'exécution provisoire,

- de réformer le jugement pour le surplus, et statuant de nouveau,

- à titre principal,

- de déclarer que la société Futura Internationale a commis un dol à leur encontre et de prononcer en conséquence l'annulation du contrat d'achat conclu le 10 novembre 2016 les liant toutes deux à la société Futura Internationale,

- de prononcer l'annulation de l'offre de contrat de crédit conclue avec la société Domofinance le 10 novembre 2016 en conséquence du caractère interdépendant du contrat de vente et du contrat de crédit affecté et à défaut en raison de la participation de la société Domofinance au dol de son souscripteur,

- en conséquence de la nullité des contrats Futura Internationale et Domofinance de déclarer que la société Domofinance a commis des fautes la privant de son droit au capital prêté en libérant les fonds à la société Futura Internationale sans s'assurer de la validité du contrat principal au regard des dispositions du code de la consommation, en libérant de manière anticipée les fonds à la société Futura Internationale, sans s'assurer de la parfaite exécution des prestations contractuellement prévues, de déclarer que les fautes commises par la société Domofinance leur ont causés un préjudice, de déclarer qu'en toutes hypothèses, la société Domofinance devra récupérer les sommes auprès de la société Futura Internationale seule bénéficiaire des fonds débloqués, de condamner la société Domofinance à restituer les échéances indûment perçues au titre du contrat de crédit du 10 novembre 2016 et de condamner in solidum les sociétés Futura Internationale et Domofinance à leur verser les sommes de 3 000 euros au titre de leur préjudice matériel et de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- à titre subsidiaire de constater qu'elles sont des emprunteurs non avertis, que leur taux d'endettement est excessif, de déclarer que la société Domofinance a manqué à son obligation de mise en garde, de condamner la société Domofinance à leur verser la somme de 13 450 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit du 10 novembre 2016,

- en tout état de cause de condamner in solidum les sociétés Domofinance et Futura Internationale à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens,

- de fixer la créance au passif de la liquidation de la société Futura Internationale.

Les intimées expliquent avoir été démarchées à domicile le 10 novembre 2016 par un représentant de la société Futura Internationale qui leur a présenté l'installation comme étant autofinancée et productive de revenus. Elles soulignent que du fait de ce crédit, leur taux d'endettement qui s'élevait à 61,97 % au jour du démarchage, est passé à 66,51 % du fait de l'ajout d'une charge mensuelle supplémentaire de 295 euros.

Elle relèvent que la demande complète de raccordement au réseau public a été adressée par la société Futura Internationale le 28 décembre 2016 et que la mise en service du raccordement a été réalisée le 1er septembre 2017 et que suite aux premiers revenus énergétiques, constatant une faible baisse de leur facture de consommation d'électricité, elles ont alors pris conscience du caractère ruineux de l'opération.

Elles font valoir que le contrat de vente est nul faute :

- de mention de la marque ainsi que du modèle des panneaux et des onduleurs,

- de calendrier précis de livraison et de réalisation de la prestation,

- de ventilation du prix de vente entre le prix des panneaux, le coût de la main d''uvre, le coût de réalisation des prestations de service, et soutiennent que même si elles étaient gratuites, il convenait de le préciser sur le bon de commande,

- de précision du prix unitaire.

- de mention du coût de l'assurance, des frais de dossier, des mensualités comprenant le coût de l'assurance.

Elles soutiennent que le niveau d'exigence légale quant à la précision des caractéristiques essentielles du bien et du service doit nécessairement tenir compte de la nature mais également de l'importance de l'engagement financier des acquéreurs et que le caractère sommaire du bon de commande ne permet pas aux consommateurs de comparer l'offre avec celle d'éventuels concurrents malgré l'importance de l'investissement, l'impact sur le bien immobilier et le fait qu'il conduise à un engagement de près de 10 ans remboursement d'un crédit.

Elles contestent avoir confirmé l'acte entaché d'irrégularités faute de connaissance des vices affectant le contrat et se prévalent de la jurisprudence de la Cour de cassation et notamment de son arrêt du 24 juillet 2024.

Elles soutiennent que la nullité du contrat de vente entraîne celle du contrat de crédit « en application des dispositions de l'article L. 311-55 du code de la consommation ».

Subsidiairement, elles demandent l'annulation du contrat de vente pour dol et affirment qu'il ne souffre aucun doute que l'autofinancement de l'installation et la perception de revenus à l'issue de la période de remboursement du crédit étaient la cause exclusive de leur engagement. Elles font état de ce qu'au regard de la puissance de la centrale photovoltaïque acquise et de la destination de la production à savoir la revente de surplus, celle-ci ne pouvait en aucun cas être autofinancée, et encore moins productrice de revenus.

Elles affirment que leur installation de 3 kilowatts-crêtes, engendrant une capacité de production d'environ 3 000 kilowatts-heure par an ne leur permet d'autoconsommer que 1 500 kilowatts-heure par an car seule la moitié de la production peut être effectivement consommée. Elles indiquent avoir consommé 26 548 kWh entre le 27 octobre 2015 et le 25 octobre 2016 et que dès lors cette installation ne leur permettait de faire baisser leur consommation que de 5,65 % soit un gain annuel d'environ 105,57 euros soit 2 111,51 euros sur 20 ans. Elles ajoutent que s'agissant de la revente du surplus, soit 1 500 kWh par an, il ne pouvait leur procurer au mieux que 358,50 euros par an soit sur 20 ans au mieux la somme de 7 170 euros et que ceci ne permet pas de couvrir le coût du crédit. Elles en déduisent que l'installation était intrinsèquement ruineuse et qu'elles devront supporter les frais de remise en état de la toiture après obsolescence des panneaux. Elles font valoir ne jamais avoir été informées par le commercial sur les rendements de la centrale photovoltaïque, ne pas avoir été en mesure, au jour du démarchage, de relever le caractère trompeur du discours du représentant du vendeur et qu'il est évident qu'alors qu'elles étaient déjà très endettées, elles n'auraient jamais souscrit à une telle opération si elles avaient eu connaissance du caractère particulièrement ruineux de cette opération. Elles en déduisent que le silence ou les propos mensongers du commercial quant à la rentabilité de l'installation ont emporté leur consentement et que la nullité pour dol doit être prononcée.

Elles font à nouveau valoir la nullité subséquente du contrat de crédit sur le fondement cette fois de l'article L. 312-55 du code de la consommation et considèrent qu'à défaut, la cour prononcera la nullité de l'offre de contrat de crédit en raison de la participation de la société Domofinance au dol du vendeur dont elle soutient qu'il ne pouvait ignorer les mécanismes douteux de conclusion des nombreux contrats de vente qu'elle a eu à connaître ni la cause prépondérante, sinon exclusive, des contrats financés, à savoir les revenus énergétiques attendus, s'agissant de biens nécessairement présentés comme des produits financiers. Elles affirment que la banque a nécessairement été informée par les centaines de réclamations et signalements faisant état des partenariats illusoires, des promesses d'autofinancement ou de la désinformation quant à la nature même du contrat de crédit, souvent présenté comme un prêt remboursé directement par la société EDF et a néanmoins permis la poursuite de ces ventes en continuant d'apporter son concours au financement d'opérations frauduleuses.

Elles soutiennent que la société Domofinance a commis des fautes qui la privent de son droit à restitution du capital faute de vérification du bon de commande et dès lors qu'elle a déloqué les fonds sans s'assurer de la parfaite exécution de la prestation. Elles soulignent que le contrat d'achat prévoyait non seulement l'installation de panneaux photovoltaïques, mais aussi la réalisation des démarches administratives nécessaires à la mise en service de l'installation (déclaration préalable de travaux, demande ERDF, demande de raccordement, élaboration de la demande de contrat d'achat EDF AOA) et qu'au jour du déblocage des fonds, la demande complète de raccordement au réseau public n'avait pas encore été envoyée par la société Futura Internationale (28 décembre 2016) et que la mairie de [Localité 7] n'avait pas encore autorisé la réalisation des travaux sur la toiture de leur maison.

Elles affirment que la déchéance de la banque de son droit à la restitution ne doit pas être subordonnée à la démonstration d'un préjudice mais doit être analysée comme une sanction du professionnel visant à le priver de son droit à la restitution car il s'agit d'un mécanisme classique en droit français que de déchoir le créancier de sa créance lorsqu'il commet une faute.

Elles font valoir subir en tout état de cause un préjudice caractérisé par le fait que l'annulation des contrats après ce déblocage fautif des fonds entre les mains du vendeur ayant permis la réalisation d'une opération commerciale hasardeuse les placent dans la situation de devoir restituer le capital emprunté sans perspective de pouvoir se retourner contre le fournisseur qui, lui-même, fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire. Elles ajoutent que le préjudice subi est également financier au regard de la nature ruineuse de l'installation. Elles contestent que ce préjudice soit limité à une perte de chance.

Elles font valoir que la disparition du contrat de vente rend à la société Futura Internationale la propriété des biens installés chez elles et qu'il serait particulièrement inéquitable de laisser à leur charge les frais de désinstallation des panneaux photovoltaïques et de remise en état initial, suite à la dépose de leur installation.

Elles soutiennent que dès lors qu'elles ont été victimes d'un dol, ceci implique un préjudice moral qu'elles estiment à 3 000 euros.

A défaut de nullité des contrats, elles font valoir le manquement de la société Domofinance à son devoir de mise en garde et rappellent que du fait de ce crédit leur taux d'endettement qui s'élevait à 61,97 % au jour du démarchage, est passé à 66,51 % du fait de l'ajout d'une charge mensuelle supplémentaire de 295 euros.

La déclaration d'appel a été signifiée à la société Futura Internationale par acte du 30 avril 2024 délivré selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile et à la société [F] en la personne de Maître [C] [F] par acte du 29 avril 2024 délivré à personne morale. Les conclusions de la société Domofinance ont été dénoncées à la société Futura Internationale en leur premier état par acte du 3 juin 2024 et en leur second état par acte du 28 novembre 2024 tous deux délivrée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile et à la société [F] en la personne de Maître [C] [F] en leur premier état par acte du 22 mai 2024 et en leur second état par acte du 15 novembre 2024 tous deux délivrés à personne morale.

Les conclusions de Mmes [T] et [R] ont été signifiées à la société [F] en la personne de Maître [C] [F] en leur premier état par acte du 22 août 2024 et en leur second état par acte du 19 février 2025 tous deux délivré à personne morale.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 1er avril 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate :

- que le contrat de vente souscrit le 10 novembre 2016 est soumis aux dispositions du code de la consommation dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile est soumis aux dispositions en leur version postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016,

- que le contrat de crédit affecté conclu le même jour est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,

- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Sur la recevabilité des demandes principales de Mmes [T] et [R]

1- Sur l'irrecevabilité de la demande de nullité du contrat de vente présentée par Mme [R]

Mmes [T] et [R] qui sollicitent que le jugement soit réformé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en nullité formée par Mme [R] ne développent aucun moyen à l'appui. Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

2- Sur la fin de non-recevoir soulevée sur le fondement des articles 1103 et 1104 du code civil

La banque se fonde dans ses écritures sur les articles 1103 et 1104 du code civil pour invoquer le caractère irrecevable et à tout le moins infondé de la demande de nullité des contrats, faisant état du caractère exceptionnel de la remise en cause d'un contrat par une partie qui ne doit pas agir de mauvaise foi.

Ce faisant, l'appelante n'explique pas en quoi le non-respect des dispositions de ces articles viendrait fonder une irrecevabilité des demandes formulées.

Il s'ensuit qu'aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef et que la fin de non-recevoir formée à ce titre à hauteur d'appel doit être rejetée.

3- Sur la fin de non-recevoir du grief tiré de la nullité du contrat de vente entraînant la nullité du contrat de crédit sur le fondement d'une irrégularité formelle du bon de commande

Si la banque soulève l'irrecevabilité ou à tout le moins le caractère infondé du grief tiré de la nullité du contrat de vente entraînant la nullité du contrat de crédit sur le fondement d'une irrégularité formelle du bon de commande, elle ne développe pas ce moyen dans ses écritures, ni ne propose de fondement à cette irrecevabilité, de sorte qu'il ne sera pas statué spécifiquement sur ce point.

Sur la nullité des contrats de vente et de crédit

A. Sur le moyen tiré du vice du consentement

Mme [T] soulève dans son dispositif la nullité du contrat de vente pour vice du consentement à titre principal tout en la développant à titre subsidiaire dans ses écritures.

Selon l'article 1130 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Aux termes de l'article 1131 du même code, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

L'article 1137 du même code définit le dol par le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges ou encore par dissimulation intentionnelle par l'un des cocontractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre.

Le dol ne se présume pas et doit être prouvé par celui qui l'invoque.

Mme [T] affirme qu'il ne souffre aucun doute que l'autofinancement de l'installation et la perception de revenus à l'issue de la période de remboursement du crédit étaient la cause exclusive de leur engagement.

La cour observe toutefois qu'aucun engagement de rentabilité n'est entré dans le champ contractuel, le bon de commande n'évoquant nullement ce point, non plus que celui d'un autofinancement.

Le bien n'est nullement présenté comme un produit financier contrairement à ce qu'elle soutient. Il s'agit d'un simple bon de commande d'une installation devant permettre de produire de l'électricité, de la consommer et de revendre ce qui n'a pas été consommé, ce qui est effectivement le cas. Son niveau d'endettement ne suffit pas à établir le caractère exclusivement financier de ses motivations qui ne sont pas entrées dans le champ contractuel. Le contrat informe le client en son article 7 des aléas de la production.

Elle fait encore valoir que le coût de l'installation avec le crédit dépasse celui des économies et montant de revente. Toutefois dès lors qu'il n'est pas établi autrement que par ses affirmations que ses motivations étaient uniquement financières et n'avaient aucune composante écologique, cet argument n'est pas pertinent. En outre, elle a commencé à produire et à consommer le 31 août 2017 et ne produit en 2025, soit 7 ans plus tard, que ses factures de consommation du 28 octobre 2016, du 27 octobre 2017 et du 26 octobre 2018. Il en résulte que lui ont été facturés en octobre 2016'pour les douze mois précédents une consommation de 26 548 kWh, en octobre 2017 pour les douze mois précédents une consommation de 27 424 kWh et en octobre 2018 pour les douze mois précédents une consommation de 24 891 kWh soit une baisse de plus de 9 % de la consommation et non de 5,65 % comme elle l'affirme. Elle ne verse aux débats que sa première facture de revente et aucune des suivantes alors que l'installation produit depuis près de 7 ans. Elle ne démontre donc pas le caractère totalement ruineux de l'installation laquelle ne saurait en outre inclure le coût du crédit dont il n'a jamais été prétendu qu'il serait gratuit, le taux de l'emprunt apparaissant clairement sur le contrat. Aucune plaquette ou extrait n'est produit.

Aucune annulation n'est donc encourue sur le fondement du dol.

B. Sur le moyen tiré de la nullité formelle

En application de l'article L. 221-5 du code de la consommation en sa version applicable au contrat, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.

L'article L. 221-9 dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

Selon l'article L. 111-1, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence de toute restriction d'installation de logiciel, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

Selon l'article L. 242-1 du code de la consommation, les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

La cour relève que Mme [T] soutient devant elle que le bon de commande ne respecte pas les points 1,2 et 3 susvisés. Elle ne produit comme devant le premier juge qu'une copie très peu lisible du bon de commande. La société Domofinance ne produit pas de bon de commande.

S'agissant du point 1 le texte n'exige que la mention des caractéristiques essentielles du bien ou du service. Le bon de commande mentionne que l'installation porte sur :

« PHOTOVOLTAIQUE PRODUCTION D'ELECTRICITE ETUDE / FOURNITURE / INSTALLATION COMPRISE

Puissance 3000 Wc composé de 10 modules solaires photovoltaïques de type monocristallins

Puissance unitaire 300 Wc certifiés NF EN 61215 CLASSE II

Câblage, protection électrique, boîtier ACDC, interrupteur/sectionneur, parafoudre, DDR 30 M, coupe-circuit, câbles solaires 4mm2

Démarches administratives, déclaration préalable de travaux (demande d'autorisation à la mairie), demande ERDF (électricité réseau, distribution France), demande de raccordement, élaboration de la demande de contrat d'achat EDF AOA (agence d'obligation d'achat)

Garantie longue durée 20 ans constructeur

Les panneaux photovoltaïques sont garantis 20 ans avec échange standard sous 72 heures

Kit thermodynamique production d'eau chaude sanitaire ECS Etude fourniture installation

Ballon thermodynamique de marque Thaleos ou équivalent capacité --- litres

Mylight Etude fourniture installation

UGC My light System (unité centrale de gestion de l'énergie)

Montage effectué par Futura (...)

Remarques': démarches administratives et frais de raccordement au réseau ERD pris en charge à 100% par Futura

Délai d'installation 90 jours sous réserve des accords administratifs, techniques, et de l'acceptation du financement.

Prix total TTC 26 700 € TVA 10 %

Date de livraison illisible ».

Il est désormais acquis que la marque des principaux éléments à savoir les panneaux, l'onduleur et le ballon fait partie des caractéristiques essentielles. Or ne figurent ni celle des panneaux ni celle de l'onduleur et le contrat encourt l'annulation de ce chef.

S'agissant du point 2, le prix global figure bien à savoir 26 900 euros et le texte n'exige nullement que le prix unitaire soit mentionné. Le ballon thermodynamique et la centrale sont en lien avec l'installation et dès lors le prix global apparaît suffisant. Les modalités de paiement auxquelles l'article R. 111-1,2° fait référence concernent le fait que le financement est au comptant ou à crédit et c'est à tort que Mmes [T] et [R] soutiennent que le bon de commande qui mentionne bien sur leur original que le financement se fait à l'aide d'un crédit doit aussi mentionner tous les éléments relatifs audit crédit. Les mentions relatives aux conditions du crédit avaient effectivement été considérées comme essentielles et devant figurer sur le bon de commande par le législateur mais seulement jusqu'au 14 juin 2014 inclus mais ne sont plus exigées depuis par le texte applicable au contrat en cause, lequel n'encourt pas donc pas d'annulation de ce chef. Au surplus tous les éléments relatifs au crédit figurent dans le contrat de crédit signé le même jour.

S'agissant du point 3, le contrat ne mentionne pas le délai d'accomplissement des formalités administratives et encourt l'annulation de ce chef.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que le contrat encourait l'annulation.

C. Sur la confirmation de la nullité

Par application des dispositions de l'article 1182 du code civil dans sa version applicable au litige, il est admis que la nullité formelle résultant du texte précité est une nullité relative à laquelle la partie qui en est bénéficiaire peut renoncer par des actes volontaires explicites dès lors qu'elle avait connaissance des causes de nullité.

En l'espèce aucun élément ne permet de dire que Mme [T] a eu connaissance des vices affectant l'obligation critiquée et a eu l'intention de le réparer en toute connaissance de cause même si elle a exécuté le contrat.

Dès lors, la nullité formelle n'a pas été couverte et il y a lieu de prononcer l'annulation du contrat de vente et subséquemment celle du contrat de crédit. Le jugement doit donc être confirmé.

Sur les conséquences de la nullité des contrats

A. Sur la vente

Les contrats étant anéantis, il convient de replacer les parties dans leur état antérieur à la conclusion des contrats.

Mmes [T] et [R] demandent devant la cour l'infirmation de la décision en ce qu'elle a dit que pour le cas où le mandataire liquidateur du vendeur exprimerait le souhait de reprendre le matériel, Mme [T], ne pourrait s'y opposer et que la mise à disposition du matériel au domicile de Mme [T] pendant un délai de deux mois à compter de la signification de la décision vaudra restitution. Elles ne proposent aucune restitution et ne développent aucun moyen à l'appui de leur demande de réformation sur ce point.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point mais de prévoir un nouveau délai de 2 mois à compter de la signification de l'arrêt et de prévoir qu'à défaut de restitution à l'issue de ce délai, Mme [T] pourra disposer comme bon lui semble dudit matériel et le conserver.

Il n'y a pas lieu d'inscrire de créance au passif de la société Futura Internationale en l'absence de déclaration de créance.

B. Sur le contrat de crédit et la responsabilité de la société Domofinance

Il est admis que l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte la remise en l'état antérieur. Elle emporte donc pour la banque l'obligation de rembourser les sommes perçues. Il y a donc lieu de la condamner à rembourser les échéances payées par Mmes [T] et [R] soit au 2 février 2024, 80 échéances de 295,64 euros et une échéance de 318,40 euros soit une somme de 23 969,60 euros.

Elle emporte aussi pour les emprunteurs l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté et ce même si la somme a été directement versée au vendeur. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande des intimées de faire récupérer par la banque les sommes versées par le vendeur compte tenu de sa liquidation. Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute. En effet, contrairement à ce que soutiennent Mmes [T] et [R], la privation du droit à restitution n'est pas de nature punitive mais indemnitaire. La banque soutient que cette demande n'est pas recevable ne développe pas de moyen à l'appui.

Mmes [T] et [R] font valoir que la banque a commis une faute en ayant débloqué les fonds sur la base d'un contrat atteint de nullités formelles et sur la foi d'une attestation incomplète et insuffisante.

S'agissant du financement d'un contrat nul, il est acquis au regard de l'interprétation donnée par la Cour de cassation que le prêteur aurait dû vérifier la régularité du bon de commande avant de débloquer les fonds. Toutefois la banque n'est tenue de déceler que les irrégularités flagrantes, et force est de constater qu'elle ne pouvait considérer que l'absence de marque était une cause de nullité dès lors que la jurisprudence était particulièrement fluctuante à cet égard et que ceci n'avait pas encore été érigé en qualité substantielle par la Cour de cassation qui avait même décidé du contraire. S'agissant du délai d'exécution exigé par l'article L. 111-1, 3°, un délai de 90 jours pour la livraison et l'installation était mentionné sur le contrat et là encore il n'avait pas encore été jugé que le délai devait aussi porter sur la date de réalisation des formalités administratives de telle sorte que la banque était fondée à considérer que le contrat respectait le texte. Dès lors aucune faute ne sera retenue contre la société Domofinance à cet égard.

S'agissant de la date de déblocage des fonds, elle est intervenue à la demande de Mme [T] qui a signé une demande en ce sens. S'il apparaît que le déblocage des fonds est intervenu prématurément, il n'en a résulté aucun préjudice puisque l'installation est fonctionnelle et raccordée et que la mairie a bien donné son accord. Le déblocage des fonds serait donc intervenu en tout état de cause, toutes les prestations ayant été accomplies par le vendeur.

Enfin aucun dol n'ayant été retenu contre le vendeur, la banque ne saurait en avoir été complice.

Dès lors, la banque ne saurait être privée de son droit à restitution du capital.

Mmes [T] et [R] doivent donc être condamnée à restituer à la société Domofinance la somme de 26 900 euros empruntée.

Il convient d'ordonner la compensation des créances réciproques à due concurrence.

Sur la demande de dommages et intérêts

Les demandes de dommages et intérêts sont recevables mais le contrat n'est annulé qu'en raison de nullités formelles et Mmes [T] et [R] ne démontrant pas de fautes de la banque ayant entraîné un préjudice au titre de leur préjudice matériel ou moral, elles doivent dès lors être déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts, le jugement étant confirmé sur ce point.

La demande liée au manquement au devoir de mise en garde n'est présentée qu'à titre subsidiaire en l'absence d'annulation et il n'y a donc pas lieu d'y répondre.

Sur les demandes de la société Domofinance

Le présent arrêt infirmatif est le titre qui permet d'obtenir restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire et il n'y a donc pas lieu de prononcer de condamnation à cet égard. Ses autres demandes sont devenues sans objet au regard de ce qui précède.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Dès lors qu'aucune faute n'est retenue à l'encontre de la société Domofinance, le jugement doit être infirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et à verser à Mmes [T] et [R] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance doivent être mis à la charge de la société [F] en qualité de mandataire liquidateur de la société Futura Internationale.

La société Domofinance qui succombe en sa demande d'infirmation de l'annulation doit être condamnée aux dépens de l'appel.

Il apparaît toutefois équitable dès lors qu'il est admis qu'elle n'a pas commis de faute de laisser supporter à chacune des partie la charge de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt rendu par défaut en dernier ressort,

Ecarte les fins de non-recevoir ;

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable la demande en nullité en ce qu'elle a été formée par Mme [E] [R] mais recevable en ce qu'elle a été formée par Mme [T],

- prononcé la nullité du contrat de vente,

- déclaré recevables Mmes [P] [T] et [E] [R] en leur demande de nullité du contrat de crédit et prononcé la nullité du contrat de crédit,

- dit que pour le cas où le mandataire liquidateur du vendeur exprimerait le souhait de reprendre le matériel, Mme [P] [T], ne pourrait s'y opposer,

- rejeté la demande de Mmes [P] [T] et [E] [R] de faire récupérer les sommes versées par le vendeur compte tenu de sa liquidation,

- débouté Mmes [P] [T] et [E] [R] de leurs demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau ;

Dit que la mise à disposition du matériel au domicile de Mme [P] [T] pendant un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt vaudra restitution, et que passé ce délai elle pourra le conserver ;

Condamne la société Domofinance à restituer à Mmes [P] [T] et [E] [R] la somme de 23 969,60 euros représentant le montant des échéances payées ;

Condamne Mmes [P] [T] et [E] [R] solidairement à restituer à la société Domofinance la somme de 26 900 euros au titre du capital emprunté ;

Ordonne la compensation des créances réciproques à due concurrence ;

Condamne la société [F] en qualité de mandataire liquidateur de la société Futura Internationale aux dépens de première instance ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

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