CA Paris, Pôle 4 ch. 9 a, 5 juin 2025, n° 24/03766
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sogefinancement (SAS)
Défendeur :
X
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Durand
Conseillers :
Mme Arbellot, Mme Coulibeuf
Avocat :
Me Mendes Gil
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Sogefinancement a émis un crédit personnel n° 37199539182 d'un montant en capital de 20'000 euros remboursable en 60 mensualités de 361,60 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 3,25 %, le TAEG s'élevant à 3,30 %, soit une mensualité avec assurance de 375,60 euros qui a été acceptée par M. [J] [R] selon signature électronique du 15 mars 2019.
Suite au non-paiement d'échéances, la société Sogefinancement a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.
Par acte du 7 avril 2023, la société Sogefinancement a fait assigner M. [R] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Aubervilliers en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 14 novembre 2023, a condamné M. [R] au paiement de la somme de 7 342,43 euros à l'exclusion de l'application du taux d'intérêts légal, rejeté la demande de capitalisation des intérêts et la demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [R] aux dépens.
Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande au regard de la forclusion et la régularité de la déchéance du terme, il a relevé que la preuve de la remise de la Fipen n'était pas rapportée, celle-ci n'étant pas signée et il a appliqué une déchéance du droit aux intérêts contractuels.
Il a déduit les sommes payées soit 7 342,43 euros du capital emprunté de 20 000 euros.
Il a réduit le montant de la clause pénale à zéro euro et a relevé que pour assurer l'effectivité de la sanction il fallait écarter l'application des dispositions relatives à l'application du taux légal et à la majoration de plein droit du taux légal de 5 points.
Il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts.
Par déclaration réalisée par voie électronique le 15 février 2024, la société Sogefinancement a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 15 mai 2024, la société Sogefinancement demande à la cour :
- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels, en ce qu'il a limité la condamnation à la somme de 7 342,43 euros sans intérêt et l'a déboutée de ses demandes en paiement de la clause pénale, de capitalisation des intérêts et d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de dire et juger que la déchéance du droit aux intérêts contractuels n'est pas encourue, et de rejeter le moyen,
- de constater que la déchéance du terme a été prononcée, subsidiairement de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit au vu des manquements de l'emprunteur à son obligation de rembourser les échéances du crédit et de fixer la date des effets de la résiliation au 7 décembre 2021 et en tout état de cause,
- de condamner M. [R] à lui payer la somme de 14 984,85 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 3,25 % l'an à compter du 8 décembre 2021 sur la somme de 13 877,60 euros et au taux légal pour le surplus,
subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, de condamner M. [R] à lui payer la somme de 12 512,56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2022,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la date de signification de l'assignation conformément à l'article 1343-2 du code civil,
- en tout état de cause de condamner M. [R] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil.
Elle fait valoir que la signature de la FIPEN n'est pas exigée par les textes, qu'elle la produit et justifie sa remise par la signature de la clause du contrat et par les mentions du fichier de preuve qui en démontrent la visualisation par M. [R].
Elle considère avoir régulièrement prononcé la déchéance du terme et soutient à titre subsidiaire que les manquements de M. [R] justifient le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat et s'estime bien fondée à obtenir les sommes qu'elle réclame. Elle insiste sur le fait qu'elle a le droit de prétendre à une indemnité de résiliation équivalant à 8 % du capital restant dû.
A titre subsidiaire, elle précise que c'est une somme de 7 949,44 euros qui a été réglée par M. [R] mais que les échéances d'assurance échues restent dues car la déchéance du droit aux intérêts ne porte pas sur les cotisations d'assurance et qu'il reste donc dû à ce titre 462 euros si bien qu'en cas de déchéance du droit aux intérêts la somme due est de 12 512,56 euros.
Elle indique que le juge ne peut pas écarter le taux légal qui doit être appliqué et que seul le juge de l'exécution a le pouvoir de supprimer la majoration de 5 points car cette question relève de l'exécution puisque pour être appliquée, il faut une inexécution pendant 2 mois et que la perte des intérêts est suffisamment significative.
Aucun avocat ne s'est constitué pour M. [R] à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 19 avril 2024 remis à étude et les conclusions ont été signifiées par acte du 11 juin 2024 délivré selon les mêmes modalités.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 1er avril 2025.
Le 8 avril 2025, la cour ayant examiné les pièces produites a relevé que le contrat avait été conclu par un moyen de communication à distance ou hors établissement, qu'en ce cas la vérification de la solvabilité était renforcée et que le prêteur devait produire la fiche de dialogue signée ou certifiée exacte et si le crédit portait sur plus de 3 000 euros, des pièces justificatives à jour au moment de l'établissement de la fiche comportant 1° Tout justificatif du domicile de l'emprunteur et 2° Tout justificatif du revenu de l'emprunteur et 3° Tout justificatif de l'identité de l'emprunteur. Elle a invité la société Sogefinancement à produire tout justificatif de domicile et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut, et ce au plus tard le 30 avril 2025.
Le 30 avril 2025, la société Sogefinancement a produit une attestation d'hébergement de M. [R], la copie de la pièce d'identité de l'hébergeant et d'une facture EDF de celui-ci.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 15 mars 2019 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.
Sur la recevabilité de l'action au regard du délai de forclusion
La recevabilité de l'action de la société Sogefinancement au regard de la forclusion, vérifiée par le premier juge, n'est pas remise en cause à hauteur d'appel. Le jugement doit être confirmé sauf à préciser ce point dans le dispositif.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels
En l'espèce, l'appelante produit aux débats au soutien de ses prétentions, l'offre de crédit établie au nom de M. [R] acceptée électroniquement, le dossier de recueil de signature électronique avec un fichier de preuve comprenant une attestation de signature électronique de la société Idemia, la chronologie de la transaction, le courrier de la société Idemia explicitant le process de certification de la signature électronique, et dont il résulte que M. [R] a notamment visualisé la FIPEN le 15 mars 2019 à 15 heures 19 minutes et 06 secondes et le contrat ainsi que le bordereau de rétractation et qu'il a ensuite apposé sa signature électronique sur l'offre de crédit, la fiche de dialogue, la synthèse des garanties des contrats d'assurance et le document de l'acceptation au bénéfice de l'assurance facultative, que les date et heure de validation sont bien horodatées avec certificat d'horodatage et M. [R] identifié par un code utilisateur.
Aucun élément ne vient contredire la présomption de fiabilité du procédé de recueil de signature électronique utilisé telle que prévue au décret susvisé pris pour l'application de l'article 1367 du code civil.
La société Sogefinancement produit en outre la notice d'assurance, les justificatifs d'identité (titre de séjour), de revenus (bulletins de salaire des mois de juin, juillet et août 2018) et de domicile (attestation d'hébergement, pièce d'identité et facture EDF de l'hébergeant) de M. [R] ainsi que le justificatif de la consultation du FICP avant le déblocage des fonds.
Aucune déchéance du droit aux intérêts contractuels n'est encourue et le jugement doit donc être infirmé sur ce point.
Sur la déchéance du terme et les sommes dues
En application de l'article L. 312-39 du code de la consommation en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
L'article D. 312-16 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance. Aucune autre pénalité notamment de retard ne peut être exigée par le prêteur.
La société Sogefinancement produit en sus de l'offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, l'historique de prêt, le tableau d'amortissement, la mise en demeure avant déchéance du terme du 9 novembre 2021 enjoignant à M. [R] de régler l'arriéré de 2 830,35 euros sous 15 jours à peine de déchéance du terme et celle notifiant la déchéance du terme du 15 juin 2022 portant mise en demeure de payer le solde du crédit et un décompte de créance.
Il en résulte que, comme l'a retenu le premier juge, la société Sogefinancement se prévaut de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues comme l'a relevé le premier juge sauf à le préciser au dispositif et qu'elle est fondée à obtenir paiement des sommes dues à la date de déchéance du terme soit :
- 3 004,80 euros au titre des échéances impayées
- 10 872,80 euros au titre du capital restant dû
- 258,87 euros au titre des intérêts échus
- à déduire la somme de 1 100 euros réglée
soit un total de 13 036,47 euros majorée des intérêts au taux de 3,25 % à compter du 15 juin 2022.
Si la capitalisation des intérêts, dit encore anatocisme, est permise pour les crédits renouvelables seuls visés par les dispositions de l'article L. 312-74, elle est prohibée concernant les autres crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées. En effet, l'article L. 312-38 du code de la consommation rappelle qu'aucune indemnité ni aucun frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 312-39 et L. 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles. Cette demande doit donc être rejetée.
Elle est en outre fondée à obtenir une indemnité de résiliation de 8 % laquelle, sollicitée à hauteur de 1 079,83 euros, apparaît excessive au regard du préjudice subi et doit être réduite à la somme de 50 euros et produire intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2022.
La cour condamne donc M. [R] à payer ces sommes à la société Sogefinancement.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. [R] aux dépens de première instance et a rejeté la demande de la société Sogefinancement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche rien ne justifie de le condamner aux dépens d'appel, alors que n'ayant jamais été représenté ni en première instance, ni en appel, il n'a jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l'a fait. La société Sogefinancement conservera donc la charge de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Sogefinancement de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile'et condamné M. [J] [R] aux dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare la société Sogefinancement recevable en sa demande ;
Constate que la déchéance du terme a été valablement prononcée ;
Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts contractuels ;
Condamne M. [J] [R] à payer à la société Sogefinancement les sommes de 13 036,47 euros majorée des intérêts au taux de 3,25 % à compter du 15 juin 2022 au titre du solde du prêt et de 50 euros au titre de l'indemnité de résiliation'avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2022 ;
Rejette la demande de capitalisation des intérêts ;
Condamne la société Sogefinancement aux dépens d'appel ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.