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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 6 juin 2025, n° 23/01527

NÎMES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

NGC (SARL)

Défendeur :

Enedis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

M. Maitral, Mme Vareilles

Avocat :

Me Sanchez-Vinot

TJ Alès, du 13 mars 2023, n° 22/00763

13 mars 2023

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 2 mai 2023 par la SARL NGC à l'encontre du jugement rendu le 13 mars 2023 par le tribunal judiciaire d'Alès dans l'instance n° RG 22/00763 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 10 juillet 2023 par la SARL NGC, appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu la signification de la déclaration d'appel délivrée le 22 juin 2023 à la SA Enedis, intimée, par acte laissé à une personne qui s'est déclarée habilitée à le recevoir pour son destinataire ;

Vu la signification des conclusions de la SARL NGC délivrée le 11 juillet 2023 à la SA Enedis, intimée, par acte laissé à une personne qui s'est déclarée habilitée à le recevoir pour son destinataire ;

Vu l'ordonnance du 13 janvier 2025 de clôture de la procédure à effet différé au 24 avril 2025.

***

La société NGC exerce une activité d'achat et d'exploitation de magasin de vente de textile d'accessoires et d'articles de mode dont le gérant est M. [R] [X].

Le 7 octobre 2018, un poste de transformation électrique, propriété de la société Enedis, a été endommagé à la suite des inondations, la rupture du neutre ayant entraîné des dommages électriques dans le magasin.

La société NGC a réalisé une déclaration de sinistre auprès de son assureur, les Mutuelles du Mans.

Le 21 novembre 2018, la société Enedis a mandaté la société PM Clim pour diagnostic et évaluation de la réparation.

Le même jour s'est tenu une réunion aux fins de « constatations amiables relatives aux causes et circonstances et d'évaluation des dommages » en présence notamment de M. [R] [X], de M. [P] [V], agissant sous mandat de Enedis, la SARL [T] [H] et de M. [N], expert auprès du cabinet conseils & experts du midi (CEM), mandaté par les Mutuelles du Mans, assureur de la société NGC.

Le 26 mars 2019, la SARL [T] [H] a établi une facture d'un montant de 1 968 euros suite à son intervention pour la réparation d'une pompe à chaleur air/air de marque Daikin.

Le 7 août 2019, le cabinet d'expertise CEM a rendu son rapport en indiquant que « la cause du sinistre se situe dans une anomalie de qualité de tension en livraison de l'énergie électrique au niveau du poste local de transformation et de distribution Henri Barbusse ».

Le 25 novembre 2019, la société NGC a mis en demeure la société Enedis de rembourser les travaux d'intervention et de réparations du sinistre.

Le 20 septembre 2020, la société NGC a mis en demeure la société Enedis de lui payer la somme de 1.640,00 euros ht.

Par courrier daté du 5 octobre 2020, la société NGC a saisi le médiateur national de l'énergie.

Le 25 janvier 2021, le médiateur national a adressé sa réponse à la société NGC.

***

Par exploit du 9 juin 2022, la société NGC a fait assigner la société Enedis devant le tribunal judiciaire d'Alès en paiement du solde de la facture soit 1 968 euros, en paiement de 3 000 euros au titre des dommages et intérêts, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Par jugement du 13 mars 2023, le tribunal judiciaire d'Alès a statué en ces termes :

« Constate que la sarl à associé unique NGC avait une parfaite connaissance de la nature du sinistre et de l'identité du fournisseur d'énergie au plus tard à la date du 21 novembre 2018,

Dit et juge que le point de départ du délai de prescription triennale courait à compter de cette date et que du fait de la période de suspension, le délai expiré au 12 mars 2022,

Constate que la sarl à associé unique NGC n'a formalisé son action en justice que le 9 juin 2022, soit postérieurement à la date d'expiration du délai de prescription,

Déclare l'action prescrite et les demandes de la sarl à associé unique NGC irrecevables,

Condamne la sarl à associé unique NGC à payer à la SA Enedis la somme de 300,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la sarl à associé unique NGC aux dépens de l'instance. ».

***

La société NGC a relevé appel le 2 mai 2023 de ce jugement pour le voir infirmer, annuler ou réformer en toutes ses dispositions.

***

Dans ses dernières conclusions, la société NGC, appelante, demande à la cour, au visa de l'article 1245-16 du code civil, des articles 2230 et 2238 du même code, de :

« Réformer le jugement en ce qu'il a :

- constaté que la SARL à associé unique NGC avait une parfaite connaissance de la nature du sinistre et de l'identité du fournisseur d'énergie au plus tard à la date du 21 novembre 2018,

- dit et jugé que le point de départ du délai de prescription triennale courait à compter de cette date et que du fait de la période de suspension, le délai expirait au 12 mars 2022,

- constaté que la SARL à associé unique NGC n'a formalisé son action en justice que le 9 juin 2022, soit postérieurement à la date d'expiration du délai de prescription,

- déclaré l'action prescrite et les demandes de la SARL à associé unique NGC irrecevables,

- condamné la SARL à associé unique NGC à payer à la SA Enedis la somme de 300,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL à associé unique NGC aux dépens de l'instance

En conséquence,

Dire et juger l'action de la société NGC recevable comme ayant été introduite dans le délai de prescription triennal ;

Vu les dispositions des articles 1217 et 1231-1 du code civil,

Vu les articles 1245 et suivants du même code,

Vu les pièces versées aux débats

Condamner la société Enedis à payer à la SARL NGC la somme de 712.10 euros TTC, correspondant aux frais de réparation de la pompe à chaleur endommagée non prise en charge par l'assureur ;

Condamner la société Enedis au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de juste dommages et intérêts pour les désagréments subis par la SARL NGC et la résistance abusive dont elle a fait preuve

Condamner la société Enedis au paiement de la somme de 1.200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ».

Au soutien de ses prétentions, la société NGC, appelante, expose que son action triennale n'était pas prescrite au 9 juin 2022, le dommage de la SARL NGC ayant été établi contradictoirement le 7 août 2019, date du rapport issu de la réunion d'expertise amiable outre le fait que la saisine le 5 octobre 2020 du médiateur, dont les recommandations ont été rendues le 25 janvier 2021, a eu pour effet de suspendre le cours de la prescription.

Concernant la responsabilité de la société Enedis, la société NGC fait valoir que celle-ci n'a pas contesté sa responsabilité mais a refusé de rembourser à la concluante, dans sa totalité, la facture de réparation du 26 février 2019 d'un montant de 1.968 euros ttc qu'elle a dû acquitter auprès de M. [H] [T]. Elle estime que, conformément au principe de la réparation intégrale, il lui est dû la somme de 712.10 euros ttc (1.968 euros - 1.255,90 euros) en réparation du préjudice matériel.

Enfin, elle affirme qu'elle a droit à des dommages et intérêts, puisque dans le cadre de son exploitation d'une boutique de vêtements, elle ne disposait d'aucun moyen de chauffage en pleine période hivernale et qu'elle a dû fermer ses locaux pour la réalisation des travaux de réparation ce qui a eu un impact sur son chiffre d'affaires du mois d'octobre au mois de février.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

sur la prescription

Selon l'article 1245-16 du code de procédure civile l'action en réparation fondée sur les dispositions de la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

Selon l'article 2238 du code civil « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative ou à compter de l'accord du débiteur constaté par l'huissier de justice pour participer à la procédure prévue à l'article L. 125-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. En cas de convention de procédure participative, le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. En cas d'échec de la procédure prévue au même article, le délai de prescription recommence à courir à compter de la date du refus du débiteur, constaté par l'huissier, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois ».

Cependant, selon l'article L 122-1 alinéa 3 du code de l'énergie pris dans sa version applicable au présent litige et dont l'application est nécessairement dans les débats dès lors que la décision litigieuse en fait implicitement référence, le médiateur national de l'énergie est saisi directement et gratuitement par le consommateur ou son mandataire. Il formule sa recommandation dans un délai fixé par voie réglementaire et motive sa réponse. Sa saisine suspend la prescription des actions en matière civile et pénale pendant ce délai.

En l'espèce, il ressort d'un mail adressé le 19 octobre 2018 par le cabinet d'expertise CEM, mandaté par les Mutuelles du Mans, à M. [R] [X] que celui-ci intervient suite aux deux déclarations de sinistre de l'accusé. Il précise : « afin de pouvoir mettre en cause ENEDIS, il est nécessaire que nous ayons en mains les devis de remise en état de vos installations ainsi que la dernière quittance ENEDIS pour les deux adresses ».

Il s'en suit que M. [R] [X] qui répondra à ce mail le 24 octobre 2018, avait connaissance du dommage qu'il avait déclaré auprès de son assureur et de l'identité du producteur. Par ailleurs, le 19 novembre 2018, M. [Z] [N], expert-conseil auprès de CEM, invite M. [R] [X] à venir à l'expertise contradictoire amiable le 21 novembre 2018 en présence de l'expert missionné par la société Enedis.

Il n'est pas contesté que la réunion s'est tenue ledit jour notamment en présence de M. [R] [X] ainsi que cela ressort par ailleurs du procès-verbal établi le 7 août 2019.

Or, dans un mail daté du 22 novembre 2018 adressé au cabinet CEM, M. [R] [X] indique : « j'émets tout de même des réserves quand au bon fonctionnement des cartes une fois que les transformateurs seront changés par la société PC.Clim. En fonction du temps de réparations par rapport à la date du début du sinistre, les sociétés NGC et SAS [X] dont je suis le représentant, se réservent le droit de poursuivre la société Enedis pour préjudice financier'Dans la mesure où ENEDIS décide d'effectuer les réparations par l'intermédiaire de PC.CLIM et à leurs frais'Je souhaite donc que les réparations se fassent et soient conclues sous 15 jours'sans faute de quoi je ferais réparer les climatiseurs et me retournerai judiciairement contre ENEDIS afin d'obtenir le paiement des réparations. Nous attendrons bien entendu avec impatience le résultat du changement de transformateur que j'espère dans sous 7 jours ».

Cependant, le 21 novembre 2018, M. [P] [V], mandaté par Enedis, avait indiqué : « contrôle cartes remplacées (1 int/1 ext). pas de traces de brulures'transformateur HS ». Il précise : « impossible ce jour de déterminer avec certitude le bon fonctionnement des appareils après le remplacement des pièces ».

Par conséquent, au 22 novembre 2018, le représentant légal du magasin NGC a connaissance du défaut à l'origine du dommage (le transformateur), du producteur (Enedis) mais ne connaît pas l'étendue du dommage affectant son climatiseur.

A la date du 26 février 2019, l'entreprise [T] [H] intervient dans le magasin NGC au titre la réparation de pompe à chaleur air/air en facturant la fourniture de la carte électronique de puissance et de commande et d'une télécommande filaire.

Il s'en suit qu'à cette date, le représentant de la SARL NGC a la connaissance de l'intégralité du dommage causé par le dysfonctionnement du transformateur. Il convient de retenir en conséquence le 26 février 2019 comme point de départ du délai de prescription qui s'achève le 26 février 2022.

Par courrier du 5 octobre 2020, la SARL NGC a saisi le médiateur national de l'énergie afin qu'il intervienne auprès d'Enedis dont il n'a aucune réponse afin d'obtenir le remboursement de son préjudice financier lié à la réparation de la climatisation défectueuse. La recommandation du médiateur étant rendue le 25 janvier 2021, la prescription a été suspendue 112 jours.

Par conséquent, l'action de la société NGC à l'encontre de la société Enedis n'est pas prescrite dès lors que l'assignation a été délivrée le 9 juin 2022 devant le tribunal judiciaire d'Alès alors que l'action devait se prescrire le 18 juin 2022.

Par conséquent, la décision de première instance sera infirmée.

sur la réparation du préjudice

Selon l'article 1245 du code civil « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ».

En l'espèce, il ressort des pièces fournies que la société NGC a effectué la réparation de la pompe à chaleur air/air pour un montant de 1 968 euros selon la facture précitée du 26 février 2019 et qu'il ne lui a été remboursée que celle de 1 255.90 euros conformément aux différents « bon à payer » produit.

Concernant les dommages et intérêts au titre de l'absence de moyen de chauffage, de la fermeture de la boutique le temps des réparations et la baisse du chiffre d'affaires en découlant, la demande sera rejetée dès lors qu'il n'est produit aucun élément probant. De même, il ne peut être reproché à Enedis une résistance abusive dès lors qu'elle a exercé les voies de droit qui lui était offertes et qu'elle a reconnu le principe de sa responsabilité, le litige portant sur le reliquat de la somme due suite à l'intervention d'une entreprise de réparation sur ordre de la victime.

Par conséquent, la société Enedis sera condamnée à payer à la SARL NGC prise en la personne de son représentant légal la somme de 712.10 euros.

La société Enedis supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à la SARL NGC une somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de la SARL NGC à l'encontre de la société Enedis ;

Statuant à nouveau,

Dit que l'action de la SARL NGC n'est pas prescrite ;

Condamne la société Enedis à payer à la SARL NGC prise en la personne de son représentant légal la somme de 712.10 euros ;

Rejette les autres demandes.

Dit que la société Enedis supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à la SARL NGC une somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

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