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Décisions

CA Orléans, ch. com., 5 juin 2025, n° 22/01949

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Enrvert (SARL), BNP Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chegaray

Conseillers :

Mme Chenot, M. Desforges

Avocats :

Me Gallier, Me Vilain, Me Bonin

TJ Blois, du 2 juin 2022

2 juin 2022

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Le 6 décembre 2012, M. [L] [D] a signé avec la société Enrvert un bon de commande portant sur l'acquisition et l'installation d'une chaudière de marque Enrvert, d'un ballon thermodynamique de 250 l et d'un ballon électrique de 15 l, pour un montant total de 23'500 euros.

Cette acquisition a été financée par un crédit du même montant souscrit par M. [L] [D] et son épouse [W] [H] auprès de la banque Solfea le 29 décembre 2012, remboursable par échéances mensuelles de 212 euros hors assurance sur une durée de 15 ans au taux débiteur fixe de 5,79 %, pour un coût total hors assurance de 36'098,06 euros.

Une attestation de fin de travaux a été transmise à la banque Solfea le 7 février 2013.

Par jugement du 12 février 2014, la société Enrvert a été placée en liquidation judiciaire, et Maître [I] [R] désignée en qualité de liquidateur.

Par actes des 29 juillet et 2 août 2016, les époux [D] ont fait assigner la société Enrvert, prise en la personne de son liquidateur Maître [R], et la banque Solfea devant le tribunal de grande instance de Blois aux fins d'annulation du contrat principal et par voie de conséquence d'annulation du contrat de crédit affecté.

Par courrier du 4 août 2016, Maître [R], liquidateur judiciaire de la société Enrvert, a indiqué au conseil des époux [D] qu'elle ne serait ni présente ni représentée devant la juridiction dans la mesure où la procédure de liquidation en cours allait s'acheminer vers une clôture pour insuffisance d'actifs.

Par jugement du 2 juin 2022, le tribunal judiciaire de Blois a :

- rejeté la demande de nullité du contrat conclu le 6 décembre 2012 entre M. [L] [D] et la société Enrvert,

- en conséquence, rejeté la demande de nullité du contrat de crédit affecté conclu avec la banque Solfea,

- rejeté la demande de résolution du contrat principal pour inexécution formée par M. [L] [D] et Mme [W] [H] épouse [D],

- rejeté la demande formée par M. [L] [D] et Mme [W] [H] épouse [D] sur le fondement de la responsabilité décennale,

- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. [L] [D] et Mme [W] [H] épouse [D] à l'encontre de la BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la banque Solfea,

- condamné solidairement M. [L] [D] et Mme [W] [H] épouse [D] à régler à la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Solfea, les échéances du prêt conformément aux dispositions du contrat de prêt,

- rejeté toute autre demande,

- rejeté l'ensemble des demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [L] [D] et Mme [W] [H] épouse [D] aux dépens,

- autorisé les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

M. [L] [D] et Mme [W] [H] épouse [D] ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du 4 août 2022 en intimant la société Enrvert prise en la personne de son liquidateur Maître [I] [R] ainsi que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Solfea, et en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Par conclusions en date du 20 janvier 2023, la société BNP Paribas Personal Finance a introduit un incident en vue de voir constater la caducité de l'appel interjeté par les époux [D], subsidiairement l'interruption de l'instance en raison de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Enrvert, et à titre très subsidiaire l'irrecevabilité des demandes des époux [D] d'annulation et de résolution judiciaire du contrat de vente du 6 décembre 2012 et du contrat de crédit affecté.

Par ordonnance du 4 mai 2023, le président de cette chambre chargé de la mise en état a principalement :

- déclaré recevable l'incident formé par la société BNP Paribas Personal Finance,

- constaté l'interruption de l'instance à raison de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif et de la radiation de la société Enrvert qui s'en est suivie, à compter de la notification qui en a été faite,

- dit n'y avoir lieu en l'état à statuer sur la caducité de l'appel,

- dit que l'instance sera reprise par l'intervention volontaire ou forcée de Me [I] [R], ès-qualités de mandataire ad hoc de la société Enrvert, désignée par ordonnance du président du tribunal de commerce de Caen du 29 mars 2023,

- dit que les époux [D] devront justifier de leurs diligences et notamment de leur assignation en intervention forcée du mandataire ad hoc,

- dit que l'instance reprendra son cours en l'état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue,

- rappelé que l'interruption de l'instance emporte celle du délai imparti pour conclure et fait courir un nouveau délai à compter de la reprise d'instance.

Par acte du 28 avril 2023, remis au greffe le 3 mai 2023, M. et Mme [D] ont fait assigner en intervention forcée devant la cour Me [I] [R], es-qualités de mandataire ad hoc de la SARL Enrvert, en lui dénonçant l'ensemble de la procédure.

La société BNP Paribas Personal Finance ayant indiqué par courrier du 12 avril 2024 maintenir son incident en ce qu'il portait non seulement sur la caducité de l'appel mais également sur la recevabilité des demandes des époux [D], l'affaire a été de nouveau évoquée en audience d'incident devant le président de cette chambre chargé de la mise en état lequel a rendu une ordonnance en date du 5 septembre 2024 :

- constatant la reprise de l'instance par l'intervention forcée de Maître [I] [R], ès-qualités de mandataire ad hoc de la société Enrvert, par acte du 28 avril 2023,

- déboutant la société BNP Paribas Personal Finance de son incident,

- déclarant les demandes des époux [D] recevables.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 avril 2023, M. [L] [D] et Mme [W] [H] épouse [D] demandent à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par les époux [D] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 2 juin 2022,

- infirmer ledit jugement sur tous les chefs de jugement tels que visés dans la déclaration

d'appel régularisée par les époux [D],

- déclarer parfaitement recevables les demandes formées par les époux [D],

- annuler le contrat en date du 6 décembre 2012 signé avec la société Enrvert pour violation de la législation sur le démarchage,

Au subsidiaire,

- résoudre ce contrat au titre de l'inexécution,

- annuler par voie de conséquence et au subsidiaire résoudre le contrat de crédit affecté

souscrit auprès de la société Solfea aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance,

- dire que la banque est privée de son droit à restitution compte tenu de ses fautes,

- juger que le préjudice des époux [D] est suffisamment démontré,

- ordonner à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Solfea de restituer à M. et Mme [D] l'intégralité des sommes déjà versées au titre du crédit affecté y compris au titre de l'assurance,

- la condamner à rembourser la totalité des sommes versées au centime près,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Solfea à indemniser M. et Mme [D] à hauteur de leur préjudice de jouissance depuis le 8 février 2013 à raison de 300 euros par mois jusqu'à restitution par la société BNP venant aux droits de la société Solfea de l'intégralité des sommes déjà versées puisque depuis cette date leur endettement leur interdit de réinvestir dans un chauffage qui fonctionne de façon pérenne et sécurisée,

Ou, au subsidiaire,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Solfea à indemniser M. et Mme [D] à hauteur de 31 931,50 euros représentant le coût de remplacement de leur installation de chauffage,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Solfea à indemniser M. [L] [D] à hauteur de 7 000 euros et Mme [W] [D] à hauteur de 3 000 euros pour leur préjudice moral, hors préjudice de jouissance,

- débouter la banque BNP Paribas Personal Finance et la société Enrvert, prise en la personne de son mandataire ad hoc Maître [I] [R] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Solfea à indemniser M. et Mme [D] à hauteur de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Nelly Gallier, avocat.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2023, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

À titre principal :

Vu les articles L 311-32 du code de la consommation, 14, 31 et 122 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevables les demandes des époux [D] d'annulation et de résolution judiciaire du contrat de vente du 6 décembre 2012 et du contrat de crédit affecté du 6 décembre 2012,

Subsidiairement, au fond :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

en conséquence,

- débouter les époux [D] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

y ajoutant,

- condamner in solidum M. [L] [D] et Mme [W] [H] épouse [D] à payer à la BNP Paribas Personal Finance la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [L] [D] et Mme [W] [H] épouse [D] aux dépens, et admettre Me Pascal Vilain de la Selarl Celce Vilain, avocat, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

Par acte du 28 avril 2023 remis à étude, les époux [D] ont fait signifier à Maître [I] [R] ès-qualités de mandataire ad hoc de la société Enrvert le jugement entrepris, leur déclaration d'appel ainsi que leurs premières conclusions prises devant la cour le 27 octobre 2022, observation faite que leurs dernières écritures ne contiennent aucune modification de leurs prétentions ni de leurs moyens impliquant la société Enrvert.

Maître [R] n'a pas constitué avocat.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 9 janvier 2025. L'affaire a été plaidée le 30 janvier suivant.

MOTIFS :

Sur la recevabilité des demandes des époux [D] :

Par ordonnance d'incident du 5 septembre 2024 postérieure aux dernières conclusions au fond des parties, le conseiller de la mise en état s'est prononcé sur la recevabilité des demandes des époux [D] de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer de ce chef.

Sur la demande formée à titre principal d'annulation du contrat de vente :

Il résulte de l'article L 121-23 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits de l'espèce que le contrat signé dans le cadre d'un démarchage à domicile doit comporter, à peine de nullité, diverses mentions dont :

- la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou services proposés,

- les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services.

La charge de la preuve de l'accomplissement de ces obligations légales d'information incombe au professionnel (Civ 1re, 1er fev. 2023, n°20-22.176).

La lecture du bon de commande signé par M. [L] [D] met en évidence :

- l'absence de toute précision sur la marque et sur la puissance du ballon thermodynamique dont seule la contenance de 250 l est indiquée, de même que sur la nature et les caractéristiques du « panneau » fourni avec ce ballon,

- l'absence de ces mêmes précisions concernant le ballon électrique de 15 l également vendu par la société Enrvert,

- l'absence de toute mention sur le délai de livraison des biens commandés.

Ces manquements du vendeur aux prescriptions du code de la consommation entachent de nullité le contrat de vente signé par M. [L] [D].

Il est néanmoins exact que, s'agissant d'une nullité relative, celle-ci peut être couverte par la volonté des parties de confirmer l'acte.

Suivant l'article 1338 du code civil dans sa version applicable à la cause :

« L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.

À défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.

La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers ».

En vertu de ce texte, la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et la manifestation, expresse ou tacite, de l'intention de le réparer.

Or la seule reproduction des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable aux contrats conclus hors établissement n'était pas de nature à donner à M. [L] [D] une connaissance effective du vice qui résultait de l'inobservation de ces dispositions (Civ 1re, 24 janv. 2024, n°22-16.115). Elle ne permet donc pas de caractériser une quelconque confirmation tacite du contrat de la part de celui-ci, au contraire de ce qu'a pu admettre le tribunal.

Dès lors la nullité du contrat de vente sera prononcée, et ce par infirmation du jugement déféré.

Sur la nullité du contrat de prêt affecté :

En application de l'article L 311-32 du code de la consommation dans sa version en vigueur au moment de la conclusion des contrats litigieux, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Dès lors que le contrat de vente conclu le 6 décembre 2012 entre M. [L] [D] et la société Enrvert se voit judiciairement annulé, la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 29 décembre suivant entre la banque Solfea, aux droits de laquelle vient la BNP Paribas Personal Finance, et les époux [D] ne pourra, en vertu de ce texte, qu'être constatée.

Sur les conséquences de l'annulation des contrats :

L'annulation des contrats entraîne leur anéantissement rétroactif, en sorte que les parties doivent être replacées en l'état où elles se trouvaient avant leur conclusion.

S'agissant du contrat principal, si son annulation emporte l'obligation pour la société Enrvert de restituer le prix de vente à M. [L] [D], et réciproquement l'obligation pour ce dernier de restituer les biens fournis par la société Enrvert, il n'est pas contestable que cette dernière, dont la liquidation a été clôturée pour insuffisance d'actifs et qui a été radiée du registre du commerce et des sociétés fin 2020, ne peut aujourd'hui ni restituer le prix de vente aux époux [D], ni reprendre les biens installés au domicile de ces derniers.

S'agissant du contrat de crédit affecté, son annulation emporte pour le prêteur l'obligation de restituer aux emprunteurs l'intégralité des sommes versées par ces derniers au titre du prêt, et pour les emprunteurs l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.

Cependant, la Cour de cassation juge régulièrement depuis 2020 que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal, peut-être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (1re Civ, 25 nov 2020, n°19-14.908).

En sa qualité de professionnel du crédit intervenant de façon habituelle pour le financement de ventes conclues dans le cadre de démarchages à domicile, la société Solfea aux droits de laquelle vient la BNP Paribas Personal Finance se devait, ne serait-ce que pour s'assurer de l'efficacité des contrats de crédit souscrits, de vérifier le respect par le vendeur des dispositions d'ordre public du droit de la consommation. À défaut d'une telle vérification, elle a commis une faute (1re Civ. 22 septembre 2021, n° 19-21.968).

Cette faute de la banque, qui a donc consisté à remettre les fonds aux emprunteurs malgré les irrégularités manifestes qui affectaient le contrat de vente principal, cause un préjudice aux époux [D], ceux-ci se voyant tenus de restituer les fonds prêtés en conséquence de l'annulation du crédit affecté, alors que parallèlement :

- la société Enrvert, dont la liquidation a été clôturée pour insuffisance d'actif il y a plus de 4 ans, n'est pas en situation de leur restituer le prix de vente de l'installation,

- le matériel vendu et installé il y a plus de 12 ans, à défaut de pouvoir être repris par cette société, doit néanmoins pouvoir être retiré pour éviter des frais d'entretien ou de réparation (Civ 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754 ; 7 mai 2025, n°23-13.141), et ce d'autant que les époux [D] montrent avoir multiplié les démarches depuis 2015 auprès du fabricant de la chaudière en se plaignant d'un défaut de fonctionnement depuis son installation.

Les époux [D] justifient dans ces conditions d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente annulé, en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (Civ 1ère, 10 juillet 2024, précité).

Aussi, si la société BNP Paribas Personal Finance est condamnée à restituer aux époux [D] l'intégralité des sommes acquittées par ces derniers au titre du crédit affecté, y compris les échéances d'assurance, il n'y a pas lieu en revanche à restitution par les époux [D] du montant du capital prêté.

Sur la demande des époux [D] en réparation de préjudices accessoires :

En cas d'annulation d'un contrat de crédit affecté en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, la faute du prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y est tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution n'ouvre droit à paiement de dommages et intérêts à l'emprunteur que si celui-ci justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

Le préjudice financier des époux [D] tel qu'il résulte de la faute de la banque se voit réparé dès lors que ceux-ci sont dispensés de restituer le capital prêté.

Les requérants font toutefois état de préjudices supplémentaires, dont ils sollicitent également l'indemnisation de la part de la banque.

* Sur la demande au titre du préjudice de jouissance :

Les époux [D] sollicitent d'abord l'indemnisation d'un préjudice de jouissance en ce que l'installation aurait fonctionné de façon aléatoire en 2013 et 2014, et plus du tout à compter du 19 janvier 2015. Dénonçant des conditions de vie indécentes, ils affirment être restés deux hivers avec une cheminée et des radiateurs d'appoint à une température de 12 degrés dans la maison, avant de se résigner à faire rebrancher leur vieille chaudière au fioul. Selon les appelants, ce préjudice de jouissance a pour fait générateur l'impossibilité qui a été la leur de réinvestir dans un appareil de chauffage compte tenu du crédit maintenu par la banque.

Les divers témoignages de proches s'étant rendus à leur domicile entre 2013 et 2015 et ayant pu constater l'emploi nécessaire de divers chauffages d'appoint et les disparités de température d'une pièce à l'autre, l'attestation d'un cousin éloigné, plombier-chauffagiste de formation, ayant procédé au rebranchement et à la remise en route de l'ancienne chaudière à fioul des époux [D], et les photographies versées à l'appui, établissent suffisamment que la chaudière vendue et installée par la société Enrvert dans le cadre du contrat litigieux n'a pas fonctionné correctement, et que l'absence de chauffage central efficient a nui au confort de vie des époux [D] durant plusieurs saisons hivernales.

Cependant, ce préjudice de jouissance lié au dysfonctionnement du matériel installé par la société Enrvert, dont au demeurant rien ne permet d'affirmer qu'il résulte d'un désordre imputable à la venderesse plutôt qu'au fabriquant de la chaudière, est quoi qu'il en soit sans lien avec la faute de la banque, dont le seul manquement réside dans le fait d'avoir versé les fonds prêtés sans s'être assurée de la régularité formelle du contrat principal. Par ailleurs les époux [D] ne produisent pas de pièces financières de nature à justifier que, comme ils l'affirment, l'obligation dans laquelle ils étaient de rembourser le crédit affecté ne leur a pas permis de réinvestir dans un système de chauffage efficient.

À défaut de preuve d'un lien de causalité entre la faute de la banque et leur préjudice de jouissance, les appelants seront déboutés de leurs demande indemnitaire formée à ce titre à l'encontre de la BNP Paribas Personal Finance.

* Sur la demande au titre du préjudice matériel :

Les époux [D] sollicitent subsidiairement l'indemnisation d'un préjudice matériel à hauteur de 33'931,50 euros, correspondant au montant d'un devis du mois de décembre 2015 portant sur l'installation d'une chaudière à bois neuve.

L'existence même d'un préjudice matériel n'est toutefois pas avérée, dans la mesure où l'annulation du contrat de vente litigieux et du contrat de crédit affecté a pour effet de replacer les époux [D] dans une situation matérielle identique à celle qui était la leur avant leur investissement malheureux, sans qu'ils n'aient au final à supporter le coût de l'installation défectueuse. Aussi l'indemnité réclamée à hauteur de 33'931,50 euros, en ce qu'elle vise à leur permettre de financer sans bourse délier une installation de chauffage neuve, constituerait, si elle leur était accordée, un enrichissement sans cause. Par ailleurs l'évacuation de leur ancienne chaudière Fioul prévue pour 111 euros HT au sein de ce devis ne porte pas sur le matériel vendu par la société Enrvert.

Aussi les appelants ne pourront qu'être déboutés de leur demande indemnitaire formée de ce chef.

* Sur la demande au titre du préjudice moral :

Au vu des éléments factuels rappelés ci-avant et des pièces produites par les époux [D], il n'est pas contestable que ceux-ci, confrontés durant plusieurs années à la fois au dysfonctionnement de leur chaudière et à l'incurie de leur vendeur et du fabricant de celle-ci, et ayant vainement multiplié les démarches auprès de ce dernier, ont subi des tracasseries source d'un réel préjudice moral.

Pour autant les époux [D] n'établissent pas de lien suffisant entre ce préjudice, découlant du dysfonctionnement de la chaudière installée dont la cause n'a pas pu être élucidée par l'expert de leur assureur, et le comportement fautif de la banque Solfea ayant consisté uniquement, dans le cas présent, à libérer le capital prêté au vu d'un bon de commande qui, ne précisant ni le délai d'installation du matériel ni la marque et la puissance des ballons installés concomitamment à la chaudière défectueuse, ne satisfaisait pas aux dispositions impératives du code de la consommation.

Aussi cette demande indemnitaire supplémentaire dirigée à l'encontre de la BNP Paribas Personal Finance devra être rejetée.

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu de la solution donnée au litige, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La BNP Paribas Personal Finance, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser aux époux [D] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rappelle que par ordonnance du président de cette chambre chargé de la mise en état du 5 septembre 2024, les demandes de M. et Mme [D] ont été déclarées recevables,

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 2 juin 2022,

Statuant à nouveau,

Annule le contrat conclu entre M. [L] [D] et la société Enrvert le 6 décembre 2012, ainsi que le contrat de crédit affecté souscrit par M. [L] [D] et son épouse [W] [H] auprès de la banque Solfea le 29 décembre 2012,

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la banque Solfea à restituer aux époux [D] l'intégralité des sommes acquittées par ces derniers au titre de ce crédit affecté, y compris les échéances d'assurance,

Dit n'y avoir lieu à restitution par les époux [D] du montant du capital prêté,

Déboute les époux [D] de leur demande en réparation de préjudices complémentaires formée à l'encontre de la BNP Paribas Personal Finance,

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer aux époux [D] la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d'appel, et accorde pour ces derniers à Me Nelly Garnier, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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