Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 5 juin 2025, n° 24/13090

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/13090

5 juin 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 05 JUIN 2025

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/13090 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJY64

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2024 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2023054760

APPELANTE

S.A.S. PRESTIGIOUS représentee par son président domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 797 547 890

Représentée par Me Christophe DESCAUDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1455

INTIMÉE

S.E.L.A.R.L. [X] [M], prise en la personne de Me [T] [X], ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A.S. PRESTIGIOUS

[Adresse 5]

[Localité 3]

Immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le n° [Numéro identifiant 1]

Représentée par Me Olivier PECHENARD de la SELARL PBM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0899

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie MOLLAT, Présidente

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Caroline TABOUROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La société par actions simplifiée Prestigious, immatriculée le 30 septembre 2023 et présidée par M. [H] [P], exerce une activité de programmation informatique.

Par jugement du 28 septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a notamment ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Prestigious et fixé la date de cessation des paiements au 31 mars 2022.

Par jugement contradictoire du 4 juillet 2024, sur assignation de la SELARL [X]-[M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Prestigious, du 15 septembre 2024, le tribunal de commerce de Paris a notamment reporté la date de cessation des paiements au 31 mars 2021 et dit que les dépens seront employés en frais de procédure de liquidation judiciaire.

Par déclaration du 15 juillet 2024, la société Prestigious a interjeté appel de ce jugement, intimant ainsi la SELARL [X] [M], ès-qualités.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2024, la société Prestigious demande à la cour d'appel de Paris de :

- Dire nul et de nul effet le jugement du tribunal de commerce de Paris ;

- Débouter Me [X], purement et simplement, de l'intégralité de ses demandes tendant à la modification de la date de cessation des paiements.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 décembre 2024, la SELARL [X] [M], ès-qualités, demande à la cour d'appel de Paris de :

- Débouter la société Prestigious de sa demande en nullité du jugement du 4 juillet 2024 ;

- Débouter la société Prestigious de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 4 juillet 2024 ;

En tout état de cause,

- Condamner Mme [Z], épouse [P], à payer à la SELARL [X] [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Prestigious, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Mme [Z], épouse [P], aux dépens de l'appel.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 10 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du jugement

La société Prestigious, au visa des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, soutient que le jugement n'est pas motivé s'agissant du report de la date de cessation des paiements et de l'absence de communication du rapport complet du cabinet Cogeed à la dirigeante, en ce qu'il n'a pas répondu aux arguments du débiteur, de sorte que le jugement doit être annulé.

Elle ajoute que, selon les articles 15 et 16 du code de procédure civile, il revient au juge de faire respecter le principe de la contradiction, sous peine de nullité du jugement ; qu'en l'espèce, elle a demandé la communication intégrale du rapport du cabinet Cogeed, mais ne l'a jamais obtenu et qu'ainsi la dirigeante n'a jamais pu déposer ses observations sur ce rapport.

Elle soutient enfin, aux fins de nullité du jugement et au visa de l'article 12 du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, qu'il appartenait au tribunal de prendre en considération les arguments apportés par le débiteur, alors qu'il s'est borné aux seuls arguments du rapport du cabinet Cogeed en violation du droit à un procès équitable.

La SELARL [X] [M], ès-qualités, réplique que, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le tribunal a exposé succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens en visant expressément les dernières conclusions déposées par elles, avant d'en déduire la solution applicable au litige ; qu'en conséquence, l'obligation de motivation du jugement a parfaitement été respectée.

Elle ajoute que, conformément aux articles 15 et 16 du code de procédure civile, le rapport du cabinet Cogeed a été communiqué par le liquidateur judiciaire dès la délivrance de son assignation en report de la date de cessation des paiements, de sorte que la société Prestigious avait tout le temps utile pour organiser sa défense et que le tribunal n'a commis aucune violation du principe de la contradiction.

Elle expose enfin que, conformément à l'article 12 du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, le tribunal, qui n'était pas tenu de reprendre l'intégralité de l'argumentation de la société Prestigious, en a rappelé une partie avant de l'écarter, de sorte que le grief tenant à l'absence de réponse aux arguments du débiteur n'est pas caractérisé.

Sur ce,

Selon l'article 12 du code de procédure civile, Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.

Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d'appel si elles n'y ont pas spécialement renoncé.

En application de l'article 15 du code de procédure civile, Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'article 455 du code de procédure civile dispose par ailleurs que Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.

Il énonce la décision sous forme de dispositif.

Enfin, selon l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

En l'espèce, il apparaît que le tribunal a exposé, certes succinctement, les prétentions respectives des parties et leurs moyens en visant expressément les dernières conclusions déposées par elles, puis a développé les motifs de sa décision au vu des textes applicables au litige.

En conséquence, l'obligation de motivation du jugement a été respectée.

En outre, il y a lieu de constater que le rapport du cabinet Cogeed a été communiqué par le liquidateur judiciaire dès la délivrance de son assignation en report de la date de cessation des paiements, de sorte que la société Prestigious disposait d'un temps raisonnable pour organiser sa défense. En tout état de cause, Mme [P], présidente de la société [P] avait déjà eu l'occasion de prendre connaissance du projet de rapport puisqu'elle avait été invitée à plusieurs reprises à présenter ses observations sur le projet comme en atteste le rapport établi par le cabinet Cogeed. Ainsi, Mme [P] a été associée au processus d'élaboration du rapport du cabinet Cogeed et a eu la possibilité de formuler des observations avant l'établissement des conclusions finales du rapport, ce qu'elle n'a pas fait mais qu'elle ne peut imputer au liquidateur. De même, la société Prestigious ne justifie pas ses allégations selon lesquelles elle aurait notamment demandé à maintes reprises la communication intégrale du rapport et ne l'aurait jamais obtenue.

Il s'ensuit que le tribunal n'a commis aucune violation du principe de la contradiction.

Enfin, il est observé que bien que le tribunal ne soit pas tenu de reprendre l'intégralité de l'argumentation de la société Prestigious, il en a toutefois rappelé une partie avant de l'écarter, étant précisé que l'appelante n'apportait aucun élément de nature à remettre en cause la constatation de son état de cessation des paiements au 31 mars 2021 et la demande de report présentée par le liquidateur judiciaire, de sorte que le grief tenant à l'absence de réponse aux arguments du débiteur n'est pas caractérisé.

Il résulte de ce qui précède que la demande de nullité du jugement doit être rejetée.

Sur la date de cessation des paiements

La SELARL [X] [M], ès-qualités, soutient que suivant les articles L. 631-8 et L. 641-5 du code de commerce, l'action en report de la date de cessation des paiements est réservée à certaines personnes dont le liquidateur judiciaire ; qu'en outre, cette action doit être exercée dans un délai d'un an à compter du jugement d'ouverture de la procédure ; qu'enfin, le tribunal ne peut pas reporter la date de cessation des paiements antérieurement à dix-huit mois avant le jugement d'ouverture ; qu'en l'espèce, les conditions procédurales de l'action en report de la date de cessation des paiements sont réunies.

Elle énonce en outre, au visa des dispositions de l'article L. 631-1 du code de commerce quant à l'état de cessation des paiements, que le passif exigible au 31 mars 2021 - constitué des créances certaines, liquides et exigibles - était d'au moins 258 260 euros ; que l'actif disponible était inexistant au 31 mars 2021, et, enfin, que le cabinet Cogeed a considéré que la date de cessation des paiements de la société Prestigious était avérée au 31 mars 2021, de sorte que la société Prestigious était en état de cessation des paiements au 31 mars 2021.

La société Prestigious ne répond pas à ce moyen.

Sur ce,

En application de l'article 954 du code de procédure civile, La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

En l'espèce, la société Prestigious - appelante - ne sollicite pas l'infirmation du jugement en ce qu'il a reporté la date de cessation des paiements au 31 mars 2021, pas plus qu'elle ne développe de moyens à cet égard.

Il y a par conséquent lieu de confirmer le jugement de ce chef, sans qu'il soit utile d'examiner le report de la date de cessation de paiements.

Sur les frais et dépens

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens.

En outre, les dépens d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.

Enfin, la demande la SELARL [X] [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Prestigious, tendant à la condamnation de Mme [Z], épouse [P], à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée, cette dernière personne n'étant pas partie à l'instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette la demande de nullité du jugement formée par la société Prestigious ;

Confirme le jugement en ses dispositions frappées d'appel ;

Y ajoutant,

Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective ;

Rejette la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site