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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 6, 6 juin 2025, n° 22/02684

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/02684

6 juin 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 06 JUIN 2025

(n° /2025, 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02684 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFFYV

Décision déférée à la Cour : jugement du 21 octobre 2021 - tribunal judiciaire de Meaux- RG n° 19/01925

APPELANTS

Monsieur [I] [V]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Olivier JESSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0811

Madame [D] [V]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Olivier JESSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0811

INTIMÉES

S.A.S.U. KAUFMAN & BROAD HOMES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Marie-Christine MARTIN BUGNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1687, substituée à l'audience par Me Khadija BOUROUBAT, avocat au barreau de PARIS

S.A. ALLIANZ IARD venant aux droits et obligations de GAN EUROCOURTAGE, prise en sa qualité d'assureur de la société TRADITION BATIMENT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Matthieu MALNOY de la SELAS L ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P550

S.A. SMA en sa qualité d'assureur DO et CNR de la société KAUFMAN 1 BROAD HOMES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 février 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sylvie DELACOURT, présidente de chambre

Mme Laura TARDY, conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Viviane Szlamovicz, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Manon CARON

ARRÊT :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 23 mai 2025, prorogé au 06 juin 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie DELACOURT, présidente de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Courant 2002, la société Kaufman & Broad Homes a confié à la société Tradition Bâtiment la réalisation de la construction d'un ensemble pavillonnaire sur un terrain dont elle était propriétaire à [Localité 10].

Le 27 novembre 2003, les ouvrages ont été réceptionnés sans réserve.

Par acte authentique du même jour, M. et Mme [V] ont acheté à Kaufman & Broad Homes le pavillon témoin situé [Adresse 2] (lot n° 237) pour un prix de 355 663 euros. Ce bien a été mis en location.

Courant 2005, la société Tradition Bâtiment a été placée en redressement judiciaire et, dans ce cadre, un plan de cession a été décidé par jugement du tribunal de commerce de Bobigny au profit de la société Construction et Méthodes Ile-de-France.

En juillet 2009, les locataires ont informé M. et Mme [V] qu'ils avaient constaté un affaissement du dallage du rez-de-chaussée du pavillon.

Ce sinistre a été déclaré à l'assurance dommage-ouvrage, la Sagena (devenue SMA), le 28 août 2009.

Une expertise amiable a été diligentée à l'initiative de l'assureur dommages-ouvrage qui, sur la base de ce rapport, a décliné sa garantie.

Par ordonnance de référé du 27 avril 2011, une expertise judiciaire a été diligentée, au contradictoire de M. et Mme [V], de la société Kaufman & Broad Homes, de la SMA et de la société Allianz IARD, assureur de la société Tradition Bâtiment.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 27 novembre 2014.

Le 5 juin 2015, M. et Mme [V] ont notamment fait assigner les sociétés Kaufman & Broad Homes, SMA et Allianz IARD devant le tribunal de grande instance de Meaux aux fins d'obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 19 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Meaux a notamment condamné la société Kaufman & Broad Homes à payer à M. et Mme [V] les sommes suivantes : 1285,92 euros au titre du tassement du dallage, somme qui comprend l'arrachage d'un arbre et 3355 euros au titre de l'habillage du conduit de cheminée. Ce même jugement a rejeté les demandes de M. et Mme [V] au titre de la dépréciation de la valeur de leur pavillon et au titre de leur préjudice moral ainsi que leurs demandes dirigées contre la SMA et la société Allianz IARD.

M. et Mme [V] ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 8 novembre 2018, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable leur appel.

Les 2 et 5 février 2018, les locataires du bien immobilier ont informé M. et Mme [V] de l'existence de désordres.

Des constats d'huissiers ont été dressés et, courant septembre 2019, M. et Mme [V] ont mandaté la société JPS aux fins de déterminer les causes des désordres déplorés.

Par acte du 19 avril 2019, M. et Mme [V] ont fait assigner la société Kaufman & Broad Homes, la SMA, la société Construction et méthodes Ile-de-France et la société Allianz IARD notamment aux fins d'obtenir leur condamnation à payer une somme " à déterminer " en règlement des travaux devant intervenir.

Par ordonnance du 9 septembre 2019, le juge de la mise en état a constaté le désistement d'instance et d'action des demandeurs à l'égard de la société Construction et Méthodes Ile-de-France.

Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Meaux a statué en ces termes :

Rejette des débats les conclusions récapitulatives n°6 communiquées par M. et Mme [V] le 23 août 2021, jour de l'ordonnance de clôture, ainsi que les pièces y afférentes ;

Juge irrecevables les demandes formées par M. et Mme [V] à l'encontre de la société Kaufman & Broad Homes ;

Déboute la société Kaufman & Broad Homes et la SMA de leurs demandes de dommages et intérêts fondées sur les dispositions de l'article 31-1 du code de procédure civile ;

Condamne M. et Mme [V] à payer à la société Kaufman & Broad Homes une somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne M. et Mme [V] à payer à la SMA une somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne M. et Mme [V] à payer à la société Allianz IARD une somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne M. et Mme [V] aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Martin Bugnot ;

Déboute les parties de toutes autres demandes.

Par déclaration en date du 2 février 2022, M. et Mme [V] ont interjeté appel, intimant devant de la cour :

- La société Kaufman & Broad Homes

- La société Allianz IARD

- La SMA

Par ordonnance du 6 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a statué en ces termes :

Rejetons les demandes tendant à voir prononcer la nullité de la déclaration d'appel de M. et Mme [V] ;

Rejetons les demandes tendant à voir prononcer l'irrecevabilité des conclusions des appelants ;

Rejetons les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive formées à l'encontre des appelants ;

Rejetons les demandes de dommages et intérêts formées par M. et Mme [V] ;

Disons que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens ;

Rejetons les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par leurs conclusions signifiées par la voie électronique le 7 mars 2022, M. et Mme [V] demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement attaqué et statuant à nouveau :

A titre principal ou subsidiaire :

- Condamner in solidum la société Kaufman & Broad Homes et la société Tradition Bâtiment à payer à M. et Mme [V] solidairement une somme de 6 582,40 euros TTC en règlement des travaux qui doivent être réalisés pour remettre en état le dallage du pavillon, à charge pour les demandeurs de faire réaliser les travaux financés dans le délai de douze mois à compter du paiement ;

A titre très subsidiaire :

- Condamner la société Kaufman & Broad Homes à payer à M. et Mme [V] solidairement la somme de 125 000 euros au titre de la dépréciation de la valeur du pavillon ;

En tout état de cause :

- Condamner in solidum la société Kaufman & Broad Homes et la société Tradition Bâtiment à payer à M. et Mme [V] solidairement la somme déterminable et à déterminer en règlement des travaux qui doivent être réalisés pour remettre en état la cheminée du pavillon ;

- Condamner la société Kaufman & Broad Homes à payer à M. et Mme [V] solidairement la somme de 50 400 euros en réparation de leur préjudice financier subi de décembre 2012 à mars 2015 ;

- Condamner la société Kaufman & Broad Homes à payer à M. et Mme [V] solidairement la somme de 1 750 euros par mois écoulé depuis le 2 février 2018 et jusqu'à parfait achèvement des travaux et, le cas échéant, au maximum, douze mois après paiement du coût des travaux ou, le cas échéant, jusqu'au paiement de la somme prévue pour la réparation de la perte de valeur du pavillon ;

- Condamner la société Kaufman & Broad Homes à payer à M. et Mme [V] solidairement la somme de 1 500 euros par année écoulée depuis le 28 août 2009, date de la première déclaration de sinistre, et jusqu'à parfait achèvement des travaux et, le cas échéant, au maximum, douze mois après paiement du coût des travaux ou, le cas échéant, jusqu'au paiement de la somme prévue pour la réparation de la perte de valeur du pavillon ;

- Statuer ce que de droit sur la garantie des assureurs ;

- Ordonner l'exécution provisoire, conformément à l'article 515 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum la société Kaufman & Broad Homes et la société Tradition Bâtiment à payer à M. et Mme [V] solidairement la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum la société Kaufman & Broad Homes et la société Tradition Bâtiment aux entiers dépens.

Par ses conclusions signifiées par la voie électronique le 2 décembre 2022, la société Kaufman & Broad Homes demande à la cour de :

- Recevoir la société Kaufman & Broad Homes en ses conclusions et l'y déclarer bien fondée.

A titre principal

Confirmer le jugement entrepris

- Débouter M. et Mme [V] de leur appel, ceux-ci étant irrecevables en leurs demandes du fait de l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement rendu le 19 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Meaux en application des dispositions des articles 122 du code de procédure civile et 1355 du code civil

- Débouter M. et Mme [V] de leur appel à l'encontre de la société Kaufman & Broad Homes, ceux-ci étant irrecevables car prescrits en leurs demandes, à l'encontre de La société Kaufman & Broad Homes au titre de la garantie contractuelle en application des dispositions des articles 1646-1 et 1792-3-4 du code civil

- Débouter M. et Mme [V] de leurs demandes à l'encontre de la société Kaufman & Broad Homes au titre de l'affaissement du dallage de la fissure du coffrage du manteau de la cheminée ceux-ci ne rapportant pas la preuve d'une faute en application de l'article 1231-1 du code Civil (1147 ancien)

A titre subsidiaire

- Débouter M. et Mme [V] du quantum de leurs demandes à titre de travaux de remise en état du carrelage et du manteau de cheminée

En tout état de cause,

- Ordonner la compensation judiciaire entre le montant des sommes versées à M. et Mme [V] au titre des travaux de remise en état du carrelage et du manteau de cheminée en exécution du jugement en date du 29 octobre 2017, soit la somme de 6 140,92 euros et le montant éventuellement fixé des travaux au titre de l'aggravation alléguée des désordres en application de l'article 1348 du code civil ;

- Débouter M. et Mme [V] de leur demande au titre de la dépréciation de la valeur de leur maison

- Débouter M. et Mme [V] en leur demande à titre de préjudice moral

- Débouter M. et Mme [V] en leurs demandes au titre de leur prétendu préjudice locatif

A titre infiniment subsidiaire ;

- Déclarer la société Tradition Bâtiment responsable des désordres affectant le dallage et l'habillage de la cheminée ;

- Condamner la société Allianz en qualité d'assureur de la société Tradition Bâtiment à relever et à garantir la société Kaufman & Broad Homes de toutes condamnations en principal, intérêts frais et accessoires qui pourraient être prononcées à son encontre au titre du tassement du dallage en application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ;

- Condamner la société Allianz en qualité d'assureur de la société Tradition Bâtiment à relever et à garantir la société Kaufman & Broad Homes de toutes condamnations en principal, intérêts frais et accessoires qui pourraient être prononcées à son encontre au titre de la fissure du coffrage de la cheminée en application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ;

- Condamner la société Allianz en qualité d'assureur de la société Tradition Bâtiment à relever et à garantir la société Kaufman & Broad Homes de toutes condamnations en principal, intérêts frais et accessoires qui pourraient être prononcées à son encontre au titre de la dépréciation de la valeur de la maison, au titre du préjudice locatif et à titre de préjudice moral en application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil

- Condamner la société Allianz en qualité d'assureur de la société Tradition Bâtiment à relever et à garantir la société Kaufman & Broad Homes de toutes condamnations en principal, intérêts frais et accessoires qui pourraient être prononcées à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens de l'instance comprenant les frais de l'expertise judiciaire de Monsieur [H] en application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil

- Condamner la société SMA en qualité d'assureur CNR couvrant ses activités de maîtrise d''uvre à relever et à garantir la société Kaufman & Broad Homes de toutes condamnations en principal, intérêts frais et accessoires qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de M. et Mme [V] au titre de l'affaissement du dallage, de la fissure du coffrage de la cheminée du séjour, de la dépréciation de la valeur de la maison, du préjudice locatif, du préjudice moral, de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens de l'instance comprenant les frais d'expertise en application des dispositions des articles L. 124-3 du code des assurances et 1792 et suivants du code civil.

- Condamner solidairement M. et Mme [V] à payer à la société Kaufman & Broad Homes la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile

- Condamner in solidum M. et Mme [V], la société Allianz venant aux droits de la société Gan Eurocourtage et la société SMA à payer à la société Kaufman & Broad Homes une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Martin Bugnot sous le visa de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses conclusions signifiées par la voie électronique le 7 juillet 2022, la SMA demande à la cour de :

A titre principal

- Juger M. et Mme [V] irrecevables en leurs demandes du fait de l'autorité de la chose jugée dont sont revêtus, d'une part, le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 19 octobre 2017 et, d'autre part, l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris du 8 novembre 2018,

En conséquence,

- Confirmer le jugement du 21 octobre 2021 du tribunal judiciaire de Meaux sauf en ce qu'il a débouté la SMA de sa demande au titre des dommages-intérêts pour procédure abusive ;

A titre subsidiaire

- Juger que les désordres allégués par M. et Mme [V] ne sont pas de nature décennale de sorte que les garanties dues par la SMA, en qualité d'assureur DO et CNR de la société Kaufman & Broad Homes, ne sont pas applicables,

- Juger que la théorie des dommages évolutifs ne peut s'appliquer à la présente affaire et que la preuve n'est pas rapportée que les nouveaux désordres relèvent bien d'une aggravation ou de la suite des désordres initiaux,

- Juger que, s'agissant de nouveaux désordres, la prescription serait acquise.

En conséquence,

- Confirmer le jugement du 21 octobre 2021 du tribunal judiciaire de Meaux sauf en ce qu'il a débouté la SMA de sa demande au titre des dommages-intérêts pour procédure abusive ;

A titre très subsidiaire,

Si, par extraordinaire, la cour considérait que l'affaissement du dallage constitue un désordre de nature décennale,

- Déclarer M. et Mme [V] mal fondés en leurs demandes au titre de la reprise du dallage et de remise en état de la cheminée,

- Juger que les travaux de reprise du dallage ne sauraient excéder un montant de 200 euros HT,

- Débouter M. et Mme [V] de leur demande en paiement de la somme de 125 000 euros au titre de la prétendue dépréciation de la valeur de leur maison,

- Débouter M. et Mme [V] de leur demande en paiement de la somme de 1 500 euros par année écoulée depuis le 28 août 2009, date de la première déclaration de sinistre, et jusqu'à parfait achèvement des travaux de remise en état en réparation de leur prétendu préjudice moral,

- Débouter M. et Mme [V] de leur demande en paiement de la somme de 50400 euros en réparation de leur prétendu préjudice locatif,

A titre infiniment subsidiaire,

- Juger que la SMA est bien fondée à opposer à la société Kaufman & Broad Homes sa franchise contractuelle d'un montant de 6 402 euros,

En toutes hypothèses,

- Débouter M. et Mme [V] ou toute autre partie de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SMA,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SMA de sa demande de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive ;

Statuant à nouveau,

- Condamner M. et Mme [V] à payer à la SMA la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Condamner M. et Mme [V] à payer à la SMA la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'avocats générés par la procédure d'appel,

- Condamner M. et Mme [V] en tous les dépens d'appel dont le recouvrement sera effectué au profit de Maître Patricia Hardouin conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses conclusions signifiées par la voie électronique le 8 mars 2022, la société Allianz IARD demande à la cour de :

- Confirmer le jugement déféré,

Se faisant,

- Dire et juger irrecevable l'action de M. et Mme [V] à l'encontre de la société Allianz,

- Dire et juger qu'aucune condamnation ne peut intervenir à l'encontre de la société Tradition Bâtiment qui n'était pas partie à l'instance critiquée devant la cour et qui n'est pas partie en cause d'appel,

- Constater que le contrat d'assurance souscrit en son temps par la société Tradition Bâtiment a été résilié à sa demande, à compter du 24 août 2005,

- Constater qu'en conséquence, seules subsistent les garanties obligatoires,

- Dire et juger qu'aucun désordre au titre desquels M. et Mme [V] présentent des demandes, n'avait de caractère décennal dans les dix ans de la réception,

- Dire et juger que la demande est tardive,

En conséquence,

- Rejeter toute demande à l'encontre de l'assureur de la responsabilité décennale de la société Tradition Bâtiment, que ce soit à la demande de M. et Mme [V] ou de la société Kaufman & Broad Homes,

- Rejeter toute demande à l'encontre de la société Allianz fondée sur les dispositions de l'article 1147 du code civil, cet assureur ne garantissant pas la responsabilité contractuelle de la société Tradition Bâtiment, pas plus que sa responsabilité délictuelle,

- Constater qu'ensuite de la résiliation du contrat d'assurance à la demande de l'assuré, la société Allianz ne peut être tenue au titre de dommages immatériels,

En conséquence,

- Dire et juger qu'aucune condamnation ne saurait être prononcée contre cette société à propos d'une prétendue dépréciation de la valeur de la maison ou encore d'un préjudice moral ou d'une perte de loyers,

En conséquence,

- Mettre hors de cause la compagnie Allianz,

A titre très subsidiaire, si une quelconque condamnation devait être prononcée à l'encontre de la société Allianz,

- Constater que l'expert judiciaire précédemment désigné souligne la responsabilité prépondérante de la société Kaufman & Broad Homes,

- Constater que la société Tradition Bâtiment ne saurait être tenue pour responsable au titre du manteau de cheminée et que sa responsabilité est très limitée à propos du léger affaissement du dallage le long du mur pignon Nord-Est du séjour,

En conséquence,

- Dire et juger que la société Allianz, aux droits et obligations de Gan Eurocourtage en suite d'une cession de portefeuille, sera garantie par la société Kaufman & Broad Homes et son assureur,

- Rejeter les demandes présentées contre la société Allianz au titre de dommages immatériels et des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que ce soit à la demande de M. et Mme [V] ou de la société Kaufman & Broad Homes,

- Condamner M. et Mme [V] solidairement ou à défaut tous succombants à payer à la société Allianz une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du même code, ainsi qu'au paiement des entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Matthieu Malnoy, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 23 janvier 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 20 février 2025 à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des demandes formées à l'encontre de la société Tradition et bâtiment

La société Tradition et bâtiment n'étant pas dans la cause, toutes les demandes formées à son encontre seront déclarées irrecevables.

Sur la recevabilité des demandes formées à l'encontre de la SMA et de la société Allianz

La demande de voir " statuer ce que de droit sur la garantie des assureurs " ne pouvant être analysée comme une prétention et n'étant au surplus fondée sur aucun moyen de fait ou de droit, dès lors que dans leurs conclusions M. et Mme [V] indiquent seulement dans le paragraphe relatif à la responsabilité des assureurs " les époux [V] s'en remettent à la sagesse du tribunal pour engager les garanties mobilisables ", cette demande sera déclarée irrecevable, étant observé que le tribunal avait été saisi d'une demande dans les mêmes termes et n'y avait pas répondu.

Sur la recevabilité des demandes de M. et Mme [V]

Moyens des parties

M. et Mme [V] font valoir que leurs demandes sont recevables, l'évolution des désordres constatés dénoncés dans le délai de forclusion générant un fait nouveau rendant possible de saisir à nouveau la justice sur ce point.

La société Kaufman & Broad Homes, la SMA et la société Allianz soutiennent que M. et Mme [V] forment des demandes identiques à celles formées dans le cadre de l'instance ayant donné lieu au jugement rendu le 19 octobre 2017.

La société Kaufman & Broad Homes observe que les désordres constatés les 3 et 12 février 2018 et le rapport d'expertise privé en date du 5 septembre 2019 sont identiques à ceux ayant fait l'objet de l'expertise judiciaire et que leur nature décennale n'a pas été retenue par le jugement du 19 octobre 2017.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Pour qu'une nouvelle action soit déclarée irrecevable sur le fondement de l'autorité de la chose jugée, il faut donc une triple identité d'objet, de cause et de parties avec l'action originaire. La Cour de cassation considère que manquent de base légale les décisions qui s'abstiennent de préciser si ces trois conditions sont cumulativement remplies (1re Civ., 16 juillet 1971, n° 70-10.063, Bull n° 239 ; 2e Civ., 16 mars 1995, n° 95-60.294, Bull. n° 94 ; 3e Civ., 26 juin 1996, n° 94-19.377 ; 2e Civ., 9 septembre 2021, n° 20-15.569).

S'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci (Ass. Plén., 7 juillet 2006, n° 04-10.672, Bull n° 8), il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits (2e Civ., 22 mai 2014, n° 13-18.208 ; 2e Civ., 1er mars 2018, n° 16-27.554 ; 2e Civ., 22 mars 2018, n° 17-14.302).

Un élément nouveau, produit ou révélé postérieurement au premier procès, permet en revanche d'introduire une nouvelle action, l'autorité de la chose jugée ne pouvant être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice (Com., 4 décembre 2001, n° 99-15.112 ; 1re Civ., 22 octobre 2002, n° 00-14.035, Bull n° 234 ; 3e Civ., 25 avril 2007, n° 06-10.662, Bull n° 59 ; 2e Civ., 10 juin 2010, n° 09-67.172).

L'autorité de la chose jugée, attachée au seul dispositif de la décision, ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice (1re Civ., 16 avril 2015, pourvoi n° 14-13.280, Bull. 2015, I, n° 95).

Au cas d'espèce, il résulte du jugement du 19 octobre 2017 que M. et Mme [V] avaient sollicité la condamnation in solidum de la société Kaufman & Broad Homes, la SMA et la société Allianz à leur payer les sommes suivantes :

- 26 980,25 euros correspondant aux travaux de reprise de l'affaissement du dallage avec actualisation sur l'indice BT 01

- 3500 euros correspondant aux travaux de réfection de l'habillage de la cheminée avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation

- 25 000 euros correspondant à la valeur de la dépréciation de la maison avec intérêts au taux légal à compter du jugement

- 15 000 euros au titre de leur préjudice moral

Ces demandes étaient formées sur le fondement de l'article 1792 du code civil à titre principal et sur le fondement de l'article 1147 du code civil à titre subsidiaire.

Il résulte du dispositif du jugement que le tribunal a condamné la société Kaufman & Broad Homes à payer à M. et Mme [V] les sommes suivantes :

- 1285,92 euros au titre du tassement du dallage, somme qui comprend l'arrachage de l'arbre

- 3355 euros au titre de l'habillage du conduit de cheminée

Il a rejeté les demandes de M. et Mme [V] portant sur la dépréciation de la valeur de leur pavillon et leur préjudice moral.

Il a également rejeté les demandes de M. et Mme [V] formées à l'encontre de la SMA et de la société Allianz.

Sur la demande de M. et Mme [V] au titre de la reprise du dallage pour un montant de 5271,50 euros

Cette demande, fondée sur un devis du 28 juillet 2014 est identique à celle qui avait été formée dans l'instance ayant donné lieu au jugement du 19 octobre 2017, lequel a statué sur la demande de reprise des désordres du dallage. M. et Mme [V] exposent eux-mêmes que le devis du 28 juillet 2014 avait été présenté en première instance et que le tribunal l'aurait rejeté au motif que les désordres étaient simplement d'ordre esthétique.

Il apparaît des motifs du jugement du 19 octobre 2017 que M. et Mme [V] avaient sollicité l'indemnisation de la remise en état du carrelage pour un montant de 26 980,25 euros correspondant à des travaux d'injections au croisement des joints du carrelage et que le tribunal a rejeté cette demande en entérinant les conclusions de l'expert qui limitait la solution de réparation à la somme 200 euros HT.

Il en résulte que le fait que M. et Mme [V] se prévalent d'éléments nouveaux pour établir l'existence de désordres évolutifs et par conséquent l'application de la garantie décennale ne constitue pas une circonstance de nature à modifier la situation antérieurement connue en justice, la cause de la demande de M. et Mme [V] au titre de la réparation des désordres du dallage étant identique à celle formée dans l'instance ayant donné lieu au jugement devenu définitif du 19 octobre 2017.

Cette demande sera donc déclarée irrecevable sur le fondement de l'autorité de la chose jugée.

Sur la demande à hauteur de 125 000 euros au titre de la dépréciation de la valeur du pavillon

M. et Mme [V] font valoir qu'avant le sinistre de 2018 leur pavillon avait été déprécié de 13% et que suite au sinistre du 1er février 2018 cette dépréciation peut être estimé à 25%.

Il résulte du jugement du 19 octobre 2017 que M. et Mme [V] avaient sollicité dans le cadre de cette instance une indemnisation de leur préjudice immatériel au titre d'une dépréciation de leur habitation du fait du tassement du dallage et que cette demande a rejeté au motif qu'ils n'établissaient pas la preuve de la dépréciation alléguée compte-tenu de l'indemnité allouée pour mettre un terme au désordre litigieux.

Si la demande M. et Mme [V] est identique à celle formée dans le cadre de la précédente instance concernant la dépréciation de la maison au jour du jugement du 19 octobre 2017 et doit donc être déclarée irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée, la demande est distincte en ce qu'elle porte sur la dépréciation de la maison alléguée depuis le 1er février 2018, dès lors qu'il s'agit d'une demande de réparation d'un préjudice distinct de celui sur lequel portait le jugement du 19 octobre 2017.

Cette demande n'est donc recevable qu'en ce qu'elle porte sur la dépréciation de la maison postérieurement au sinistre du 1er février 2018.

Sur la demande de voir condamner la société Kaufman & Broad Homes à leur payer la somme " déterminable et à déterminer en règlement des travaux qui doivent être réalisés pour remettre en état la cheminée du pavillon "

M. et Mme [V] soutiennent que le tribunal avait relevé la responsabilité de la société Kaufman & Broad Homes dans ces désordres, que le coffrage de la cheminée aurait été réparé en 2015 mais qu'une nouvelle fissure serait apparue en 2018 justifiant le remboursement des travaux dont ils justifieraient par la production d'un devis du 13 août 2018 en pièce n°47 et d'une facture du 18 octobre 2019 en pièce 46.

Les pièces n°46 et 47 ne sont cependant pas relatives au coffrage de la cheminée mais aux travaux de réfection du sol.

Il en résulte que la demande de M. et Mme [V] visant à être indemnisés des travaux qui doivent être réalisés pour remettre en état la cheminée du pavillon n'est ni déterminée ni déterminable et par conséquent irrecevable.

Sur la demande en réparation du préjudice financier de décembre 2012 à mars 2015 et à compter du 2 février 2018

M. et Mme [V] soutiennent subir un préjudice du fait de l'inoccupation de la maison depuis le départ des locataires le 1er décembre 2012 en raison de nombreux désordres rendant le local impropre à sa destination.

Ces demandes n'avaient pas été formées dans le cadre de l'instance ayant donné lieu au jugement rendu le 19 octobre 2017 de telle sorte que la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée devra être rejetée les concernant.

Sur le préjudice moral

M. et Mme [V] sollicitent la somme de 1 500 euros par an à compter du 28 août 2009, en faisant valoir que le pavillon a été source d'angoisse et de tracasseries quotidiennes.

Aucune demande n'ayant été formée par M. et Mme [V] au titre de leur préjudice moral dans le cadre de l'instance ayant donné lieu au jugement rendu le 19 octobre 2017, cette demande ne peut être déclarée irrecevable sur le fondement de l'autorité de la chose jugée.

Sur la garantie décennale

Moyens des parties

M. et Mme [V] soutiennent que les conditions pour caractériser l'évolution de désordres relevant de la garantie décennale sont remplies :

- un sinistre suffisamment grave (décollement spectaculaire des carreaux)

- un sinistre trouvant son siège dans un désordre constaté dans le délai d'épreuve, sans que ce dernier n'ait nécessairement été qualifié de décennal

- un sinistre dont le siège a été dénoncé dans le délai d'épreuve

Ils soulignent que l'expert judiciaire avait écarté à tort la garantie décennale alors que les désordres constatés établissent le caractère inhabitable et impropre à sa destination du pavillon.

Ils observent que la société Kaufman & Broad Homes, du fait de son comportement pendant l'expertise, a empêché que les désordres puissent être qualifiés de décennaux dans le délai d'épreuve.

Ils font valoir qu'il résulte de l'expertise privé réalisée en septembre 2019 par la société JPS une aggravation des désordres qui sont décrits comme étant des phénomènes très brutaux et bruyants comme des coups de fusil et pouvant avoir un caractère dangereux car les carreaux peuvent " voler " et casser et être alors très coupants.

Ils observent qu'il résulte du constat d'huissier établi suite aux visites du pavillon les 3 et 12 février 2018 que la fissure au niveau du dallage a progressé de 80 centimètres.

La société Kaufman & Broad Homes fait valoir que M. et Mme [V] ne peuvent se fonder sur une prétendue aggravation des désordres initiaux ceux-ci n'ayant pas revêtu la gravité de l'article 1792 du code civil avant l'expiration du délai de 10 ans, courant à compter de la date de réception des ouvrages.

Réponse de la cour

Il est établi que de nouveaux désordres constatés au-delà de l'expiration du délai décennal qui est un délai d'épreuve, ne peuvent être réparés au titre de l'article 1792 du code civil que s'ils trouvent leur siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature a été constaté et dont la réparation a été demandée en justice avant l'expiration de ce délai (3e Civ., 18 janvier 2006, pourvoi n° 04-17.400, Bull. 2006, III, n° 17).

Au cas d'espèce, s'il résulte de l'expertise privée réalisée en septembre 2019 par M. et Mme [V], que la dalle a continué à descendre après les opérations de l'expert judiciaire en 2014 et que ce mouvement continue est à l'origine de " l'explosion " du carrelage en 2018, il indique également que les murs ne semblent pas avoir bougé, ce qui montre la solidité de la maison et que cette maison peut être à nouveau habitable très rapidement après enlèvement des carrelages et plinthes dans le salon et le couloir, les autres pièces carrelées ne posant pas de problème. Le technicien ajoute qu'avec une reprise des finitions sols/murs, la maison peut être à nouveau louée sans délai et sans risque pour la solidité.

Ces conclusions ne sont pas contraires à celles de l'expert judiciaire qui avait déposé son rapport le 27 novembre 2014 puisque ce dernier avait également constaté le mouvement du dallage lié à la dessication puis à la réhydratation du sol d'assise à caractère argileux, ne constatant cependant aucun mouvement des fondations.

Il n'apparaît donc pas établi que les désordres constatés dans le délai d'épreuve décennal à compter de la réception revêtent un caractère décennal, ce qui ne permet pas à M. et Mme [V] de se prévaloir de la garantie décennale au titre des désordres évolutifs.

Les demandes de M. et Mme [V] fondées sur l'article 1792 du code civil sont donc forcloses.

Sur la garantie contractuelle

Sur la recevabilité des demandes

Moyens des parties

M. et Mme [V] font valoir que le tribunal ayant condamné la société Kaufman & Broad Homes sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun par jugement du 9 octobre 2017, la prescription de l'action contractuelle a recommencé à courir à compter de cette date en application des articles 2241 et 2242 du code civil.

La société Kaufman & Broad Homes fait valoir qu'en application des articles 1792-4-3 et l'article 1646-1 du code civil sa responsabilité contractuelle vis-à-vis des époux [V] était donc de 10 ans à compter de la réception des travaux, prononcée le 27 novembre 2003, et a donc expiré le 27 novembre 2013,

L'assignation au fond a été délivrée par les époux [V] le 5 juin 2015 et à cette date le délai de garantie contractuelle était expiré, et cette assignation ne peut pas être interruptive de la prescription.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1792-4-3 du code civil, en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.

Selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de forclusion.

M. et Mme [V] ayant saisi le juge des référés par acte du 22 mars 2011 aux fins d'obtenir une mesure d'expertise et l'ordonnance de référé du 27 avril 2011 ayant fait droit à cette demande, ils ont agi dans le délai décennal de forclusion à compter du 27 novembre 2003 et ce délai ayant été interrompu le 22 mars 2011 et ayant recommencé à courir le 27 avril 2011, leur action engagée le 19 avril 2019, l'a été dans le délai de forclusion décennale et sera déclarée recevable.

Sur la faute de la société Kaufman & Broad Homes

Moyens des parties

M. et Mme [V] font valoir que la société Kaufman & Broad Homes a commis une faute en choisissant un dallage sur terre-plein et non un dallage porté, préconisé par l'étude géologique et géotechnique et en ne justifiant pas que les ouvrages ont été réalisés dans les règles de l'art précisées par l'étude géologique et géotechnique.

Ils observent que l'avis du bureau Veritas ne sont pas probants, s'agissant uniquement d'avis théoriques émis avant l'exécution des travaux.

La société Kaufman & Broad Homes soutient que le dallage sur terre-plein n'était pas contre-indiqué et qu'elle rapporte la preuve que les travaux de réalisation du dallage sur terre-plein ont été commandés et exécutés selon les préconisations du rapport de sol. Elle fait valoir qu'il ne peut lui être reproché ni une immixtion fautive en sa qualité de maître d'ouvrage ni une faute dans sa mission de suivi du chantier, en sa qualité de maître d''uvre d'exécution.

Réponse de la cour

Selon l'article 1147 du code civil, également dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il est établi que l'architecte, tenu que d'une obligation de moyens dans l'exécution de ses missions (3e Civ., 3 octobre 2001, pourvoi n° 00-13.718), est responsable envers le maître de l'ouvrage des fautes commises dans le suivi du chantier lorsque cette mission lui a été confiée.

Au cas d'espèce, il résulte des deux études géologiques et géotechniques du cabinet En Om Fra de septembre 2000 et de mars 2011 que le choix d'un dallage porté par la structure était la solution la plus sécuritaire, eu égard au comportement des sols argileux et que le dallage sur terre-plein devrait être assujetti à un certain nombre de contraintes, les précautions à prendre étant détaillées dans la deuxième étude.

Il s'en infère que si le choix d'un dallage sur terre-plein n'était pas à exclure, cette solution requérait une surveillance accrue du maître d''uvre d'exécution, qui devait s'assurer non seulement du respect des règles de mise en 'uvre préconisées par l'étude de sol mais également que les essais techniques nécessaires soient réalisés.

L'expert judiciaire a conclu que l'affaissement de la dalle était le fait à la fois " d'un défaut, toujours possible de réalisation de l'assise du dallage sur terre-plein par l'entreprise de gros 'uvre " et principalement du choix d'un dallage sur terre-plein plutôt que d'un dallage porté par la structure.

En raison de l'absence de sondages réalisés, il ne peut être établi qu'il y aurait eu un défaut de réalisation de l'assise du dallage.

Dès lors si la société Kaufman & Broad Homes ne justifie pas qu'elle aurait vérifié les essais Proctor, qu'elle a elle-même demandés lors de la réunion de chantier du 19 février 2002 ni qu'elle aurait exercé un suivi attentif des travaux pour s'assurer du respect des préconisations de mise en 'uvre du dallage, il n'est pas établi l'existence d'un lien de causalité entre ces manquements et l'affaissement de la dalle.

Il ne peut davantage être reproché à la société Kaufman & Broad Homes d'avoir opté pour un dallage sur terre-plein, alors que cette solution constructive n'était pas exclue par l'étude de sol.

Par conséquent, toutes leurs demandes M. et Mme [V] formées à l'encontre de la société Kaufman & Broad Homes sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun seront rejetées.

Sur les demandes au titre de l'abus de procédure

A défaut d'établir la preuve que les demandes formées par M. et Mme [V], bien que non fondée, seraient constitutives d'un abus de leur droit d'agir en justice, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Kaufman & Broad Homes et de la SMA à ce titre.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, M. et Mme [V], parties succombantes, seront condamnés in solidum aux dépens et à payer à la société Kaufman & Broad Homes la somme de 5 000 euros, à la SMA la somme de 5000 euros et à la société Allianz la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il :

Déclare irrecevables les demandes de M. et Mme [V] à l'encontre de la société Kaufman & Broad Homes en ce qu'elles portent sur l'indemnisation de la dépréciation de la maison depuis le 1er février 2018, le préjudice financier résultant de la perte de loyers et le préjudice moral ;

L'infirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes de M. et Mme [V] à l'encontre de la société Kaufman & Broad Homes en ce qu'elles portent sur l'indemnisation de la dépréciation de la maison depuis le 1er février 2018, le préjudice financier résultant de la perte de loyers et le préjudice moral ;

Rejette toutes les demandes de M. et Mme [V] formées à l'encontre de la société Kaufman & Broad Homes ;

Déclare irrecevables toutes les demandes formées à l'encontre de la société Tradition et bâtiment ;

Déclare irrecevables toutes les demandes formées par M. et Mme [V] à l'encontre de la SMA et de la société Allianz IARD ;

Condamne in solidum M. et Mme [V] aux dépens d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme [V] et les condamne in solidum à payer à la société Kaufman & Broad Homes la somme de 5 000 euros, à la SMA la somme de 5 000 euros et à la société Allianz IARD la somme de 3 000 euros.

La greffière, La présidente de chambre,

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