CA Nîmes, 2e ch. A, 5 juin 2025, n° 23/02459
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/02459 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I4VF
NA
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS
27 juin 2023 RG :22/00436
Société QBE EUROPE SA / NV
C/
[S]
[E]
S.A. ACM IARD
Copie exécutoire délivrée
le
à :
Me Cauvin
Selarl Lamy Pomiès-Richaud
Me Martel
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 05 JUIN 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PRIVAS en date du 27 Juin 2023, N°22/00436
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, et M. André LIEGEON, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats et en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre
Virginie HUET, Conseillère
André LIEGEON, Conseiller
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Mars 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Juin 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Société QBE EUROPE SA / NV, recherché en sa qualité d'assureur 'dommages-ouvrage'
[Adresse 11]
[Localité 2] (BELGIQUE)
Représentée par Me Emmanuel PERREAU de la SELASU PERREAU AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Ludivine CAUVIN, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
M. [C] [S]
né le 03 Octobre 1949 à [Localité 9] (69)
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Claude GRAVIER de la SCP ABG Elvire GRAVIER-Claude GRAVIER, Plaidant, avocat au barreau D'ARDECHE
Mme [X] [E] épouse [S]
née le 02 Octobre 1960 à [Localité 10] (01)
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Claude GRAVIER de la SCP ABG Elvire GRAVIER-Claude GRAVIER, Plaidant, avocat au barreau D'ARDECHE
S.A. ACM IARD, immatriculée au RCS de Strasbourg sous le n° 352 406 748, dont le siège social sis
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Olivier MARTEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 Février 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 05 Juin 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte reçu le 4 septembre 2010 par Maitre [R] [Z], notaire, M. [C] [S] et Mme [X] [E] épouse [S] (les époux [S]) ont acquis une maison d'habitation sise à [Adresse 12], cadastrée Section A n°[Cadastre 3], [Adresse 8].
La maison a été construite et vendue par la société ARTERRA. Une assurance dommages ouvrage avait été souscrite auprès de la société QBE EUROPE SA NV.
Par acte en date du 19 juin 2019 M. et Mme [S] ont saisi le juge des référés pour voir ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 8 août 2019, la juge des référés du tribunal de grande-instance de Privas a fait droit à la demande des époux [S] tendant à l'organisation d'une mesure d'expertise au contradictoire de la société QBE EUROPE SA NV, de la SAS AGEMI (délégataire de gestion de la société QBE) et de la SA ASSURANCES CREDIT MUTUEL IARD (assureur multirisque habitation) relative à des désordres affectant leur maison, et a désigné M. [P] [T] pour y procéder.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 2 décembre 2021.
Par actes d'huissier du 7 février 2022, les époux [S] ont assigné la société QBE EUROPE SA NV et la société d'ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD devant le tribunal judiciaire de Privas pour aux termes de leurs dernières conclusions voir condamner à titre principal la société QBE et à titre subsidiaire la société ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts et de frais divers.
La société QBE EUROPE SA NV bien que régulièrement assignée n'a pas constitué avocat.
Le tribunal judiciaire de Privas, par jugement réputé contradictoire en date du 27 juin 2023, a :
- condamné la société QBE EUROPE SA NV, à verser à M. [C] [S] et
Mme [X] [E] épouse [S] la somme de 33 086,73 euros TTC au titre des travaux de reprise ;
- condamné la société QBE EUROPE SA NV aux dépens ;
- condamné la société QBE EUROPE SA NV à verser à M. [C] [S] et Mme [X] [E] épouse [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la SA ASSURANCES CREDIT MUTUEL IARD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la garantie de la société QBE EUROPE SA NV, le premier juge sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil et de l'article L 242-1 du code des assurances relève tout d'abord que la réception des travaux de construction n'est pas contestée, puis que l'expert judiciaire a constaté plusieurs désordres':
- humidité et infiltrations sur l'ensemble des parois et au droit des ouvertures dans plusieurs pièces de la maison et le cellier,
- remontées d'humidité à travers les carrelages dans plusieurs pièces de la maison,
- infiltrations dans les cloisons de la douche avec des traces d'humidité dans les chambres mitoyennes,
- décollement des bandes de calicots à la jonction des doublages et des plafonds.
Il ajoute que selon l'expert ces désordres sont liés à un problème d'humidité ayant pour origine une mauvaise ventilation de la maison mais aussi des infiltrations par la dalle et par les parois de douche non étanches et qu'il ne s'agit pas de désordres seulement esthétiques, mais de désordres de nature à rendre le bien impropre à sa destination, désordres qui se sont révélés dans un délai de dix ans à compter de la réception et donc de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur.
Le jugement ajoute qu'il est produit aux débats une attestation d'assurance dommage ouvrage de la société QBE EUROPE SA NV concernant la construction d'une maison individuelle correspondant au permis ayant pour bénéficiaire la société ARTERRA qui a réalisé les travaux de construction de la maison acquis par les époux [S], et qu'il en résulte que la société QBE EUROPE SA NV est tenue d'indemniser les époux [S] des préjudices subis du fait des désordres de nature décennale.
Sur les préjudices indemnisables, le premier juge les évalue en se basant sur les propositions de l'expert judiciaire.
La société QBE EUROPE SA NV a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 18 juillet 2023.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 23/02459.
Par ordonnance du 20 novembre 2024, la clôture de la procédure a été fixée au 27 février 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 25 mars 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 juin 2025.
EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
'
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2025, la société QBE EUROPE SA NV, appelante, demande à la cour de :
Vu les articles 1792 et suivants du code civil,
Vu les articles L. 114-1 et suivants du code des assurances,
Vu l'article L.121-12 du code des assurances,
Vu l'article 122 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu la jurisprudence citée,
Il plaira à la cour d'appel de Nîmes de :
- JUGER l'appel recevable en la forme ;
- INFIRMER le jugement prononcé le 27 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Privas en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
- DECLARER Monsieur et Madame [S] irrecevables et mal fondés en leur action à l'encontre de la compagnie QBE.
- DEBOUTER Monsieur et Madame [S] de toutes leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre de la compagnie QBE.
SUBSIDIAIREMENT :
- LIMITER toute éventuelle condamnation de la compagnie QBE à la somme de 4.506,80 € TTC correspondant à la réparation du « décollement des bandes de calicot à la jonction des doublages et des plafonds ».
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- CONDAMNER in solidum Monsieur et Madame [S] à verser à la compagnie QBE la somme de 1.000 € sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNER in solidum Monsieur et Madame [S] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Ludivine CAUVIN, Avocat aux offres de droit.
La société QBE EUROPE SA NV fait essentiellement valoir':
Sur la réception des travaux et le délai d'expiration de la garantie décennale :
- que la réception en l'espèce a été prononcée sans réserve le 27 mars 2008, comme en atteste le procès-verbal de réception établi par la société les BATISSEURS ARDECHOIS pour le compte de la SARL ARTERA et que c'est cette date à l'exclusion de toute autre qui est le point de départ de la garantie décennale des constructeurs,
- que la date du 4 septembre 2010 telle que mentionnée dans le rapport d'expertise n'est pas la date de réception mais celle de l'attestation d'achèvement et de conformité des travaux déposée en mairie par la SARL ARTERA,
- que dès lors M. et Mme [S] devaient engager une action interruptive de la forclusion décennale avant le 27 mars 2018';
Sur la prescription de l'action en réparation des dommages objets des déclarations de sinistre des 13 novembre 2012 et 22 septembre 2014, la société QBE EUROPE SA NV rappelle les dispositions de l'article L 114-1 du code des assurances sur la prescription biennale à laquelle est soumise l'action en paiement de l'indemnité due à la suite d'un sinistre exercée par l'assuré contre l'assureur et en l'espèce,
- que pour le sinistre déclaré le 13 novembre 2012 le délégataire de la société QBE EUROPE SA NV a notifié une opposition de garantie le 16 janvier 2013 si bien que les époux [S] avaient jusqu'au 16 janvier 2015 pour engager une action interruptive de prescription,
- que pour le sinistre déclaré 22 septembre 2014 le délégataire de la société QBE EUROPE SA NV a notifié une opposition de garantie le 6 novembre 2014 si bien que les époux [S] avaient jusqu'au 6 novembre 2016 pour engager une action interruptive de prescription,
- qu'ils n'ont fait délivrer une assignation en référé contre la société QBE EUROPE SA NV que le 18 juin 2019 et que donc leur action concernant ces sinistres est prescrite';
Sur la forclusion de l'action en réparation du dommage objet de la déclaration de sinistre du 10 avril 2019,
- que ce sinistre relatif aux infiltrations dans les murs recevant les douches a été déclaré postérieurement au 27 mars 2018 date d'expiration du délai d'épreuve décennal,
- qu'il ne peut être valablement opposé un achèvement des travaux au 4 septembre 2010 cette notion ne se confondant pas avec la réception des travaux,
Sur la déchéance de M. et Mme [S] de leur droit à indemnisation pour le dommage objet de la déclaration de sinistre du 12 janvier 2018':
- que pour le sinistre déclaré le 12 janvier 2018 le délégataire de la société QBE EUROPE SA NV a notifié une opposition de garantie le 6 février 2018 si bien que les époux [S] devaient engager une procédure avant l'expiration du délai d'épreuve décennal le 27 mars 2018, ce qu'ils n'ont pas fait, privant ainsi la société QBE EUROPE SA NV de ses recours à l'encontre des constructeurs et de leurs assureurs,
- que sur le fondement de l'article L 121-12 du code des assurances, la société QBE EUROPE SA NV est donc bien fondée à opposer l'exception de subrogation';
Sur la nature non décennale des désordres,
- que les dégâts au niveau des baies vitrées sont de nature purement esthétique,
- que les traces de remontées d'humidité à travers le sol lors d'orages sont aussi purement esthétiques,
- que le décollement des bandes de calicots à la jonction des doublages et plafonds est encore de nature esthétique et ne rendend pas l'ouvrage impropre à sa destination ou ne compromettant pas sa solidité.
En l'état de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2025, M. [C] [S] et Mme [X] [E] épouse [S], intimés, demandent à la cour de :
Il est demandé à la Cour de Céans :
- De rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de la société QBE EUROPE SA/NV ;
- De confirmer le jugement du 27 juin 2023 dans son intégralité ;
- De condamner la société QBE EUROPE SA/NV à payer à Monsieur et Madame [S] la somme de 6.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- De condamner la société QBE EUROPE SA/NV aux entiers dépens d'appel.
- De rejeter la demande de la société ACM IARD dirigée contre les époux [S] au titre de l'article 700 du Code Procédure Civile;
- A titre infiniment subsidiaire, de condamner la société QBE EUROPE SA/NV à relever et garantir les époux [S] de toutes condamnations au bénéfice de la société ACM IARD.
M. et Mme [S] soutiennent pour l'essentiel':
Sur la réception des travaux,
- que le 27 mars 2008 ne peut être la date de réception des travaux car il y a eu plusieurs permis de construire modificatifs postérieurs, le 3 octobre 2008 et le 17 février 2010,'
- qu'ils n'ont réglé les travaux que lors de l'achat du bien le 4 septembre 2010,
- que le juge a le pouvoir de prononcer une réception judiciaire en l'espèce à la date du 4 septembre 2010,
Sur la prescription biennale de l'action en réparation des dommages objets des déclarations de sinistre des 13 novembre 2012 et 22 septembre 2014,
- que l'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité se prescrit par le même délai que son action contre le responsable soit en l'espèce par dix ans,
- que pour le sinistre déclaré le 13 novembre 2012, la société QBE EUROPE ne peut pas en tout état de cause se prévaloir de la prescription biennale dans la mesure où elle n'a adressé une opposition de garantie que le 16 janvier 2013 soit au-delà du délai de soixante jours à compter de la déclaration de sinistre en violation de l'article L 242-1 du code des assurances,
Sur la forclusion de l'action en réparation du dommage objet de la déclaration de sinistre du 10 avril 2019,
- que la réception des travaux a eu lieu le 2 septembre 2010 et non le 27 mars 2008,
Sur la déchéance de M. et Mme [S] de leur droit à indemnisation pour le dommage objet de la déclaration de sinistre du 12 janvier 2018':
- qu'ils ont bien introduit leur action avant l'expiration du délai décennal le 3 septembre 2020 par leur assignation en référé en date du 3 septembre 2019,
Sur le fait que les garanties de l'assureur sont mobilisables,
- que les désordres affectant leur maison sont bien de nature décennale ce qui rend mobilisable la garantie de la société QBE EUROPE.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, la société ACM IARD, intimée, demande à la cour de :
DE RECEVOIR L'APPEL, formé par la société de droit belge QBE EUROPE SA/NV, à l'encontre des époux [S], et des ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD SA,
D'AVOIR TELS EGARDS QUE DE DROIT, sur les mérites de l'appel en ce qu'il est dirigé à l'encontre des époux [S],
A TITRE CONSERVATOIRE, dans l'attente des conclusions des époux [S],
LES DEBOUTER, de toute demande, fin, conclusion, à l'encontre de la société LES ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD SA,
INFIRMANT DU SEUL CHEF DES FRAIS IRREPETIBLES, le jugement frappé d'appel,
CONDAMNER, à ce titre, les époux [S] au paiement d'une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, au bénéfice des ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL,
CONDAMNER l'appelante au paiement d'une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, au bénéfice des ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL,
DE LA CONDAMNER aux entiers dépens d'appel.
La SA ACM IARD soutient principalement,
- que dès qu'elle a eu connaissance des sinistres elle a proposé l'intervention d'une entreprise pour chercher l'origine des infiltrations, puis elle a mandaté le cabinet d'expertise POLYEXPERT qui s'est rendu sur les lieux
- que consécutivement au rapport d'expertise amiable elle a avisé les époux [S] que le sinistre relevait de leur assurance dommage ouvrage,
- que suite au dépôt du rapport d'expertise judiciaire elle a confirmé aux époux [S] que les désordres ne relevaient pas de l'assurance multirisque habitation, les désordres constatés ayant pour origine le mode constructif de la maison acquise par les époux [S],
- qu'aucune des parties au litige ne forment de prétentions à l'encontre de la SA ACM IARD qui a été assignée en première instance puis intimée en appel de manière inutile.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS':
Sur la date de réception des travaux':
Il sera relevé qu'en premier instance, à laquelle la société QBE EUROPE SA NV était défaillante il n'y a pas eu de débat sur réception des travaux, le juge partant du postulat que celle-ci n'était pas contestée sans pour autant qu'il soit statué sur la date de ladite réception.
Devant la cour les parties s'opposent sur la date de la réception des travaux, la société QBE EUROPE SA NV arguant que celle-ci a eu lieu le 27 mars 2008, date à laquelle un procès-verbal de réception a été établi, les époux [S] arguant qu'elle a eu lieu le 4 septembre 2010, date de la déclaration d'achèvement de chantier du 4 septembre 2010, chantier qui a fait l'objet de permis modificatif le 3 octobre 2008 et le 17 février 2010 et date à laquelle ils ont réglé le prix du bien immobilier.
La cour observe en outre que si dans la discussion les époux [S] invoquent une réception judiciaire à la date du 4 septembre 2010 au lieu d'une réception expresse le 27 mars 2008, ils ne forment dans le dispositif de leurs écritures auquel la cour est seulement tenue de répondre, aucune prétention en ce sens.
Il sera rappelé que la réception est définie à l'article 1792-6 alinéa 1 du code civil comme l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve.
La réception expresse ou par procès-verbal est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage, elle marque la fin du contrat d'entreprise, constitue le moment du transfert du risque sur le fondement de l'article 1788 du code civil, et celui de la garde du chantier, elle constitue enfin le point de départ des garanties légales et résulte du procès-verbal établi contradictoirement entre le maître de l'ouvrage et le constructeur.
La réception expresse de l'ouvrage ne se confond pas avec la déclaration d'achèvement de travaux.
En l'espèce il ressort des pièces produites au débat qu'un procès-verbal de réception des travaux sans réserve a été signé le 27 mars 2008 entre l'entreprise des BATISSEURS ARDECHOIS en qualité de maître d''uvre constructeur et la SARL ARTERRA auteur des époux [S] et il n'est pas contesté par ces derniers que les travaux réceptionnés sont ceux de la maison en litige.
Le fait qu'il existerait des permis de construire modificatifs aucune pièce n'étant toutefois produite en ce sens et le fait que les époux [S] ne sont acquitté du prix de la maison que lors de l'acte d'achat le 4 septembre 2010 est sans incidence sur la date de réception des travaux et ne remet pas en cause le procès-verbal de réception expresse signé le 27 mars 2008 par leur auteur et vendeur la société ARTERRA.
Par conséquent la cour ne peut que fixer la date de réception expresse des travaux au 27 mars 2008, points de départ des garanties légales.
Sur la recevabilité des demandes de M. et Mme [S] à l'encontre de la société QBE EUROPE SA NV':
Il est constant et non contesté que la société ARTERRA a souscrit pour le chantier [Adresse 5] à [Localité 13] une assurance dommages-ouvrage le 27 septembre 2007 auprès de la société QBE EUROPE SA NV selon contrat N° 2004-CN/0099.
Sur la nature et la définition de l'assurance dommages-ouvrages il sera rappelé que l'article L 242-1 du code des assurances dispose que « Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de bâtiment, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil ».
L'assurance de dommages obligatoire a ainsi pour objet de garantir, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
L'assurance dommages-ouvrage n'étant pas une assurance de responsabilité, mais une assurance de chose attachée à l'ouvrage, qui se transmet, de plein droit, avec la propriété de l'immeuble et bénéficie au maître de l'ouvrage, ainsi qu'aux propriétaires successifs ou à ceux qui sont subrogés dans leurs droits, le bénéficiaire de l'assurance dommages ouvrage est le propriétaire de l'ouvrage assuré au jour du sinistre ou de la déclaration de sinistre.
Il s'en déduit au cas d'espèce qu'au regard de la police d'assurance dommages-ouvrages N° 2004-CN/0099, les époux [S] venant aux droits de la société ARTERRA en sont les bénéficiaires en qualité d'assuré mais pas de tiers lésés, si bien que la société QBE EUROPE SA NV est légitime à leur opposer tant la prescription décennale, le maître de l'ouvrage n'étant plus recevable à agir sur le fondement de la garantie légale au-delà du délai de dix ans à compter de la réception des travaux, que la prescription biennale de l'article L114-1 du code des assurances qui dispose que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
Pour une meilleure clarté de la décision la cour examinera donc chaque déclaration de sinistre formée par les époux [S] auprès de la société QBE EUROPE SA NV.
* Sinistre déclaré le 13 novembre 2012':
Il ressort des pièces produites au débat que suite à cette déclaration de sinistre la société QBE EUROPE SA NV après avoir fait diligenter une expertise amiable confiée au cabinet CLE Expertises, a par l'intermédiaire de son mandant la SAS AGEMI opposé aux époux [S] le 16 janvier 2013 soit postérieurement au délai de 60 jours édicté par l'article L 242-1 du code des assurances, un refus de garantie des dommages, étant observé que la société QBE EUROPE SA NV ne peut valablement soutenir qu'elle aurait opposé son refus de garantie dans le délai légal des 60 jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre qui ne serait datée que du 19 novembre 2012 dans la mesure où elle n'en rapporte pas la preuve et où le rapport d'expertise mentionne seulement la date du 13 novembre 2012.
Comme le soutiennent les époux [S], l'assureur dommage-ouvrage doit notifier à l'assuré sa décision sur le principe de la garantie dans un délai de 60 jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre, et à défaut de réponse dans ce délai, la garantie est réputée acquise, sauf cas de force majeure.
Toutefois contrairement à ce qui est allégué par les époux [S], l'inobservation du délai de 60 jours n'entraîne pas la déchéance du droit pour l'assureur d'opposer la prescription biennale.
Ainsi si le non-respect du délai de 60 jours entraîne l'acceptation implicite de la garantie, il n'emporte pas renonciation de l'assureur à invoquer la prescription biennale de l'article L.114-1 et ne vaut pas reconnaissance du droit de l'assuré à indemnisation chiffrée, et n'interrompt ni ne suspend le délai de prescription, sauf actes interruptifs spécifiques (commandement, expertise judiciaire, mise en demeure, etc.).
Ainsi, conformément à l'article L 114-1 du code des assurances les époux [S] disposaient donc d'un délai de deux ans, soit jusqu'au 16 janvier 2015, pour assigner la société QBE EUROPE SA NV au fond, soit pour interrompre la prescription biennale, or il ne pourra qu'être constaté que leur assignation en référé expertise n'a été délivrée que le 19 juin 2019, soit bien au-delà du délai de deux ans, si bien que leur action envers la société QBE EUROPE SA NV en ce qui concerne le sinistre du 13 novembre 2012 est prescrite et par voie de conséquence irrecevable.
* Sinistre déclaré le 22 septembre 2014':
Il ressort des pièces produites que pour cette déclaration de sinistre après voir confié une expertise amiable au cabinet CLE Expertises, la société QBE EUROPE SA NV par l'intermédiaire de son mandant la SAS AGEMI a opposé aux époux [S] le 6 novembre 2014 soit dans le délai de 60 jours édicté par l'article L 242-1 du code des assurances, un refus de garantie des dommages.
Conformément à l'article L 114-1 du code des assurances les époux [S] disposaient donc d'un délai de deux ans, soit jusqu'au 6 novembre 2016 pour assigner la société QBE EUROPE SA NV au fond, soit pour interrompre la prescription biennale, or il ne pourra qu'être constaté que leur assignation en référé expertise n'a été délivrée que le 19 juin 2019, soit bien au-delà du délai de deux ans, si bien que leur action envers la société QBE EUROPE SA NV en ce qui concerne le sinistre du 22 septembre 2014 est prescrite et par voie de conséquence irrecevable.
* Sinistre déclaré le 12 janvier 2018':
L'article L 121-12 du code des assurances, propre à l'assurance de choses ou de dommages, dispose que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la garantie de l'assureur.
L'alinéa deux de ce texte dispose toutefois que l'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur.
Il s'agit de l'exception de subrogation.
Par ailleurs selon l'application combinée de l'article L. 121-12, alinéas 1er et 2, et l'article 334 du code de procédure civile l'assureur qui n'a pas indemnisé son assuré ne peut agir par subrogation mais est en droit d'appeler le responsable en garantie s'il est lui-même poursuivi et l'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur.
En l'espèce la société QBE EUROPE SA NV oppose aux époux [S] l'exception de subrogation.
Il ressort des pièces produites aux débats que les époux [S], ont déclaré le sinistre à l'assureur le 12 janvier 2018 et que la société QBE EUROPE SA NV par l'intermédiaire de son mandant la SAS AGEMI a opposé aux époux [S] le 6 février 2018 soit dans le délai de 60 jours édicté par l'article L 242-1 du code des assurances, un refus de garantie des dommages, délai qui permettait encore aux époux [S] de respecter le délai décennal.
Or en ne délivrant l'assignation en référé expertise que le 18 juin 2019 soit au-delà du délai décennal lequel expirait le 27 mars 2018, les époux [S] n'ont pas permis à la société QBE EUROPE SA NV d'exercer son recours subrogatoire contre les constructeurs et que la délivrance de l'assignation en référé aux fins d'expertise postérieurement à l'expiration du délai décennal a empêché la subrogation de s'opérer, si bien que la société QBE EUROPE SA NV est bien fondée à invoquer la déchéance du droit à indemnisation de M. et Mme [S] pour les dommages objets de la déclaration de sinistre du 12 janvier 2018.
* Sinistre déclaré le 10 avril 2019':
Il ressort des pièces produites que pour cette déclaration de sinistre, la société QBE EUROPE SA NV par l'intermédiaire de son mandant la SAS AGEMI a opposé aux époux [S] le 26 avril 2019 soit dans le délai de 60 jours édicté par l'article L 242-1 du code des assurances, un refus de garantie des dommages fondé sur la prescription décennale, le dommage étant intervenu postérieurement au délai d'épreuve de dix ans.
Il a été ci-dessus rappelé que dans le cadre de la garantie dommages ouvrage, le maître de l'ouvrage n'est plus recevable à agir au-delà du délai de dix ans à compter de la réception des travaux.
En l'espèce il a déjà été statué sur le fait que la réception expresse des travaux a eu lieu le 27 mars 2008 si bien que la garantie ne peut plus être évoquée au-delà du 27 mars 2018. Par conséquent les demandes formées par les époux [S] au titre de la déclaration de sinistre du 10 avril 2019 sont irrecevables comme prescrites.
Sur les demandes accessoires :
Il sera observé que si en première instance il était formé à titre subsidiaire par les époux [S] une demande d'indemnisation à l'encontre de la SA ACM IARD, en appel aucune des parties ne forme de prétention à l'encontre de cette compagnie d'assurance.
Si en première instance l'équité commandait de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, devant la cour constatant que la SA ACM IARD a été intimée de manière inutile par la société QBE EUROPE SA NV ce qui l'a conduit à exposer des frais il convient de condamner l'appelante à lui verser la somme de 1'000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par ailleurs si l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société QBE EUROPE SA NV, tant en première instance qu'en appel dans la mesure où les époux [S] succombent au principal, ils seront condamnés à supporter les entiers dépens de la procédure devant le tribunal judiciaire, comme de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS':
La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Privas, sauf en ce qu'il a débouté la SA ACM IARD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
S'y substituant et y ajoutant,
Déclare les demandes de réparation formées par M. [C] [S] et Mme [X] [E] épouse [S] au titre des sinistres déclarés les 13 novembre 2012, 22 septembre 2014 et 10 avril 2019 irrecevables';
Dit que M. [C] [S] et Mme [X] [E] épouse [S] sont déchus de leur droit à indemnisation concernant le sinistre déclaré le 12 janvier 2018 et en conséquence les déboute de leurs demandes à ce titre';
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 devant le tribunal judiciaire de Privas';
Condamne la société QBE EUROPE SA NV à payer à la SA ACM IARD la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Déboute la société QBE EUROPE SA NV de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne M. [C] [S] et Mme [X] [E] épouse [S] aux entiers dépens exposés dans la cadre de la procédure de première instance et dans la cadre de la procédure d'appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/02459 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I4VF
NA
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS
27 juin 2023 RG :22/00436
Société QBE EUROPE SA / NV
C/
[S]
[E]
S.A. ACM IARD
Copie exécutoire délivrée
le
à :
Me Cauvin
Selarl Lamy Pomiès-Richaud
Me Martel
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 05 JUIN 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PRIVAS en date du 27 Juin 2023, N°22/00436
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, et M. André LIEGEON, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats et en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre
Virginie HUET, Conseillère
André LIEGEON, Conseiller
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Mars 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Juin 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Société QBE EUROPE SA / NV, recherché en sa qualité d'assureur 'dommages-ouvrage'
[Adresse 11]
[Localité 2] (BELGIQUE)
Représentée par Me Emmanuel PERREAU de la SELASU PERREAU AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Ludivine CAUVIN, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
M. [C] [S]
né le 03 Octobre 1949 à [Localité 9] (69)
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Claude GRAVIER de la SCP ABG Elvire GRAVIER-Claude GRAVIER, Plaidant, avocat au barreau D'ARDECHE
Mme [X] [E] épouse [S]
née le 02 Octobre 1960 à [Localité 10] (01)
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Claude GRAVIER de la SCP ABG Elvire GRAVIER-Claude GRAVIER, Plaidant, avocat au barreau D'ARDECHE
S.A. ACM IARD, immatriculée au RCS de Strasbourg sous le n° 352 406 748, dont le siège social sis
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Olivier MARTEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 Février 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 05 Juin 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte reçu le 4 septembre 2010 par Maitre [R] [Z], notaire, M. [C] [S] et Mme [X] [E] épouse [S] (les époux [S]) ont acquis une maison d'habitation sise à [Adresse 12], cadastrée Section A n°[Cadastre 3], [Adresse 8].
La maison a été construite et vendue par la société ARTERRA. Une assurance dommages ouvrage avait été souscrite auprès de la société QBE EUROPE SA NV.
Par acte en date du 19 juin 2019 M. et Mme [S] ont saisi le juge des référés pour voir ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 8 août 2019, la juge des référés du tribunal de grande-instance de Privas a fait droit à la demande des époux [S] tendant à l'organisation d'une mesure d'expertise au contradictoire de la société QBE EUROPE SA NV, de la SAS AGEMI (délégataire de gestion de la société QBE) et de la SA ASSURANCES CREDIT MUTUEL IARD (assureur multirisque habitation) relative à des désordres affectant leur maison, et a désigné M. [P] [T] pour y procéder.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 2 décembre 2021.
Par actes d'huissier du 7 février 2022, les époux [S] ont assigné la société QBE EUROPE SA NV et la société d'ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD devant le tribunal judiciaire de Privas pour aux termes de leurs dernières conclusions voir condamner à titre principal la société QBE et à titre subsidiaire la société ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts et de frais divers.
La société QBE EUROPE SA NV bien que régulièrement assignée n'a pas constitué avocat.
Le tribunal judiciaire de Privas, par jugement réputé contradictoire en date du 27 juin 2023, a :
- condamné la société QBE EUROPE SA NV, à verser à M. [C] [S] et
Mme [X] [E] épouse [S] la somme de 33 086,73 euros TTC au titre des travaux de reprise ;
- condamné la société QBE EUROPE SA NV aux dépens ;
- condamné la société QBE EUROPE SA NV à verser à M. [C] [S] et Mme [X] [E] épouse [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la SA ASSURANCES CREDIT MUTUEL IARD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la garantie de la société QBE EUROPE SA NV, le premier juge sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil et de l'article L 242-1 du code des assurances relève tout d'abord que la réception des travaux de construction n'est pas contestée, puis que l'expert judiciaire a constaté plusieurs désordres':
- humidité et infiltrations sur l'ensemble des parois et au droit des ouvertures dans plusieurs pièces de la maison et le cellier,
- remontées d'humidité à travers les carrelages dans plusieurs pièces de la maison,
- infiltrations dans les cloisons de la douche avec des traces d'humidité dans les chambres mitoyennes,
- décollement des bandes de calicots à la jonction des doublages et des plafonds.
Il ajoute que selon l'expert ces désordres sont liés à un problème d'humidité ayant pour origine une mauvaise ventilation de la maison mais aussi des infiltrations par la dalle et par les parois de douche non étanches et qu'il ne s'agit pas de désordres seulement esthétiques, mais de désordres de nature à rendre le bien impropre à sa destination, désordres qui se sont révélés dans un délai de dix ans à compter de la réception et donc de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur.
Le jugement ajoute qu'il est produit aux débats une attestation d'assurance dommage ouvrage de la société QBE EUROPE SA NV concernant la construction d'une maison individuelle correspondant au permis ayant pour bénéficiaire la société ARTERRA qui a réalisé les travaux de construction de la maison acquis par les époux [S], et qu'il en résulte que la société QBE EUROPE SA NV est tenue d'indemniser les époux [S] des préjudices subis du fait des désordres de nature décennale.
Sur les préjudices indemnisables, le premier juge les évalue en se basant sur les propositions de l'expert judiciaire.
La société QBE EUROPE SA NV a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 18 juillet 2023.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 23/02459.
Par ordonnance du 20 novembre 2024, la clôture de la procédure a été fixée au 27 février 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 25 mars 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 juin 2025.
EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
'
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2025, la société QBE EUROPE SA NV, appelante, demande à la cour de :
Vu les articles 1792 et suivants du code civil,
Vu les articles L. 114-1 et suivants du code des assurances,
Vu l'article L.121-12 du code des assurances,
Vu l'article 122 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu la jurisprudence citée,
Il plaira à la cour d'appel de Nîmes de :
- JUGER l'appel recevable en la forme ;
- INFIRMER le jugement prononcé le 27 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Privas en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
- DECLARER Monsieur et Madame [S] irrecevables et mal fondés en leur action à l'encontre de la compagnie QBE.
- DEBOUTER Monsieur et Madame [S] de toutes leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre de la compagnie QBE.
SUBSIDIAIREMENT :
- LIMITER toute éventuelle condamnation de la compagnie QBE à la somme de 4.506,80 € TTC correspondant à la réparation du « décollement des bandes de calicot à la jonction des doublages et des plafonds ».
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- CONDAMNER in solidum Monsieur et Madame [S] à verser à la compagnie QBE la somme de 1.000 € sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNER in solidum Monsieur et Madame [S] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Ludivine CAUVIN, Avocat aux offres de droit.
La société QBE EUROPE SA NV fait essentiellement valoir':
Sur la réception des travaux et le délai d'expiration de la garantie décennale :
- que la réception en l'espèce a été prononcée sans réserve le 27 mars 2008, comme en atteste le procès-verbal de réception établi par la société les BATISSEURS ARDECHOIS pour le compte de la SARL ARTERA et que c'est cette date à l'exclusion de toute autre qui est le point de départ de la garantie décennale des constructeurs,
- que la date du 4 septembre 2010 telle que mentionnée dans le rapport d'expertise n'est pas la date de réception mais celle de l'attestation d'achèvement et de conformité des travaux déposée en mairie par la SARL ARTERA,
- que dès lors M. et Mme [S] devaient engager une action interruptive de la forclusion décennale avant le 27 mars 2018';
Sur la prescription de l'action en réparation des dommages objets des déclarations de sinistre des 13 novembre 2012 et 22 septembre 2014, la société QBE EUROPE SA NV rappelle les dispositions de l'article L 114-1 du code des assurances sur la prescription biennale à laquelle est soumise l'action en paiement de l'indemnité due à la suite d'un sinistre exercée par l'assuré contre l'assureur et en l'espèce,
- que pour le sinistre déclaré le 13 novembre 2012 le délégataire de la société QBE EUROPE SA NV a notifié une opposition de garantie le 16 janvier 2013 si bien que les époux [S] avaient jusqu'au 16 janvier 2015 pour engager une action interruptive de prescription,
- que pour le sinistre déclaré 22 septembre 2014 le délégataire de la société QBE EUROPE SA NV a notifié une opposition de garantie le 6 novembre 2014 si bien que les époux [S] avaient jusqu'au 6 novembre 2016 pour engager une action interruptive de prescription,
- qu'ils n'ont fait délivrer une assignation en référé contre la société QBE EUROPE SA NV que le 18 juin 2019 et que donc leur action concernant ces sinistres est prescrite';
Sur la forclusion de l'action en réparation du dommage objet de la déclaration de sinistre du 10 avril 2019,
- que ce sinistre relatif aux infiltrations dans les murs recevant les douches a été déclaré postérieurement au 27 mars 2018 date d'expiration du délai d'épreuve décennal,
- qu'il ne peut être valablement opposé un achèvement des travaux au 4 septembre 2010 cette notion ne se confondant pas avec la réception des travaux,
Sur la déchéance de M. et Mme [S] de leur droit à indemnisation pour le dommage objet de la déclaration de sinistre du 12 janvier 2018':
- que pour le sinistre déclaré le 12 janvier 2018 le délégataire de la société QBE EUROPE SA NV a notifié une opposition de garantie le 6 février 2018 si bien que les époux [S] devaient engager une procédure avant l'expiration du délai d'épreuve décennal le 27 mars 2018, ce qu'ils n'ont pas fait, privant ainsi la société QBE EUROPE SA NV de ses recours à l'encontre des constructeurs et de leurs assureurs,
- que sur le fondement de l'article L 121-12 du code des assurances, la société QBE EUROPE SA NV est donc bien fondée à opposer l'exception de subrogation';
Sur la nature non décennale des désordres,
- que les dégâts au niveau des baies vitrées sont de nature purement esthétique,
- que les traces de remontées d'humidité à travers le sol lors d'orages sont aussi purement esthétiques,
- que le décollement des bandes de calicots à la jonction des doublages et plafonds est encore de nature esthétique et ne rendend pas l'ouvrage impropre à sa destination ou ne compromettant pas sa solidité.
En l'état de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2025, M. [C] [S] et Mme [X] [E] épouse [S], intimés, demandent à la cour de :
Il est demandé à la Cour de Céans :
- De rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de la société QBE EUROPE SA/NV ;
- De confirmer le jugement du 27 juin 2023 dans son intégralité ;
- De condamner la société QBE EUROPE SA/NV à payer à Monsieur et Madame [S] la somme de 6.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- De condamner la société QBE EUROPE SA/NV aux entiers dépens d'appel.
- De rejeter la demande de la société ACM IARD dirigée contre les époux [S] au titre de l'article 700 du Code Procédure Civile;
- A titre infiniment subsidiaire, de condamner la société QBE EUROPE SA/NV à relever et garantir les époux [S] de toutes condamnations au bénéfice de la société ACM IARD.
M. et Mme [S] soutiennent pour l'essentiel':
Sur la réception des travaux,
- que le 27 mars 2008 ne peut être la date de réception des travaux car il y a eu plusieurs permis de construire modificatifs postérieurs, le 3 octobre 2008 et le 17 février 2010,'
- qu'ils n'ont réglé les travaux que lors de l'achat du bien le 4 septembre 2010,
- que le juge a le pouvoir de prononcer une réception judiciaire en l'espèce à la date du 4 septembre 2010,
Sur la prescription biennale de l'action en réparation des dommages objets des déclarations de sinistre des 13 novembre 2012 et 22 septembre 2014,
- que l'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité se prescrit par le même délai que son action contre le responsable soit en l'espèce par dix ans,
- que pour le sinistre déclaré le 13 novembre 2012, la société QBE EUROPE ne peut pas en tout état de cause se prévaloir de la prescription biennale dans la mesure où elle n'a adressé une opposition de garantie que le 16 janvier 2013 soit au-delà du délai de soixante jours à compter de la déclaration de sinistre en violation de l'article L 242-1 du code des assurances,
Sur la forclusion de l'action en réparation du dommage objet de la déclaration de sinistre du 10 avril 2019,
- que la réception des travaux a eu lieu le 2 septembre 2010 et non le 27 mars 2008,
Sur la déchéance de M. et Mme [S] de leur droit à indemnisation pour le dommage objet de la déclaration de sinistre du 12 janvier 2018':
- qu'ils ont bien introduit leur action avant l'expiration du délai décennal le 3 septembre 2020 par leur assignation en référé en date du 3 septembre 2019,
Sur le fait que les garanties de l'assureur sont mobilisables,
- que les désordres affectant leur maison sont bien de nature décennale ce qui rend mobilisable la garantie de la société QBE EUROPE.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, la société ACM IARD, intimée, demande à la cour de :
DE RECEVOIR L'APPEL, formé par la société de droit belge QBE EUROPE SA/NV, à l'encontre des époux [S], et des ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD SA,
D'AVOIR TELS EGARDS QUE DE DROIT, sur les mérites de l'appel en ce qu'il est dirigé à l'encontre des époux [S],
A TITRE CONSERVATOIRE, dans l'attente des conclusions des époux [S],
LES DEBOUTER, de toute demande, fin, conclusion, à l'encontre de la société LES ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD SA,
INFIRMANT DU SEUL CHEF DES FRAIS IRREPETIBLES, le jugement frappé d'appel,
CONDAMNER, à ce titre, les époux [S] au paiement d'une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, au bénéfice des ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL,
CONDAMNER l'appelante au paiement d'une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, au bénéfice des ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL,
DE LA CONDAMNER aux entiers dépens d'appel.
La SA ACM IARD soutient principalement,
- que dès qu'elle a eu connaissance des sinistres elle a proposé l'intervention d'une entreprise pour chercher l'origine des infiltrations, puis elle a mandaté le cabinet d'expertise POLYEXPERT qui s'est rendu sur les lieux
- que consécutivement au rapport d'expertise amiable elle a avisé les époux [S] que le sinistre relevait de leur assurance dommage ouvrage,
- que suite au dépôt du rapport d'expertise judiciaire elle a confirmé aux époux [S] que les désordres ne relevaient pas de l'assurance multirisque habitation, les désordres constatés ayant pour origine le mode constructif de la maison acquise par les époux [S],
- qu'aucune des parties au litige ne forment de prétentions à l'encontre de la SA ACM IARD qui a été assignée en première instance puis intimée en appel de manière inutile.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS':
Sur la date de réception des travaux':
Il sera relevé qu'en premier instance, à laquelle la société QBE EUROPE SA NV était défaillante il n'y a pas eu de débat sur réception des travaux, le juge partant du postulat que celle-ci n'était pas contestée sans pour autant qu'il soit statué sur la date de ladite réception.
Devant la cour les parties s'opposent sur la date de la réception des travaux, la société QBE EUROPE SA NV arguant que celle-ci a eu lieu le 27 mars 2008, date à laquelle un procès-verbal de réception a été établi, les époux [S] arguant qu'elle a eu lieu le 4 septembre 2010, date de la déclaration d'achèvement de chantier du 4 septembre 2010, chantier qui a fait l'objet de permis modificatif le 3 octobre 2008 et le 17 février 2010 et date à laquelle ils ont réglé le prix du bien immobilier.
La cour observe en outre que si dans la discussion les époux [S] invoquent une réception judiciaire à la date du 4 septembre 2010 au lieu d'une réception expresse le 27 mars 2008, ils ne forment dans le dispositif de leurs écritures auquel la cour est seulement tenue de répondre, aucune prétention en ce sens.
Il sera rappelé que la réception est définie à l'article 1792-6 alinéa 1 du code civil comme l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve.
La réception expresse ou par procès-verbal est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage, elle marque la fin du contrat d'entreprise, constitue le moment du transfert du risque sur le fondement de l'article 1788 du code civil, et celui de la garde du chantier, elle constitue enfin le point de départ des garanties légales et résulte du procès-verbal établi contradictoirement entre le maître de l'ouvrage et le constructeur.
La réception expresse de l'ouvrage ne se confond pas avec la déclaration d'achèvement de travaux.
En l'espèce il ressort des pièces produites au débat qu'un procès-verbal de réception des travaux sans réserve a été signé le 27 mars 2008 entre l'entreprise des BATISSEURS ARDECHOIS en qualité de maître d''uvre constructeur et la SARL ARTERRA auteur des époux [S] et il n'est pas contesté par ces derniers que les travaux réceptionnés sont ceux de la maison en litige.
Le fait qu'il existerait des permis de construire modificatifs aucune pièce n'étant toutefois produite en ce sens et le fait que les époux [S] ne sont acquitté du prix de la maison que lors de l'acte d'achat le 4 septembre 2010 est sans incidence sur la date de réception des travaux et ne remet pas en cause le procès-verbal de réception expresse signé le 27 mars 2008 par leur auteur et vendeur la société ARTERRA.
Par conséquent la cour ne peut que fixer la date de réception expresse des travaux au 27 mars 2008, points de départ des garanties légales.
Sur la recevabilité des demandes de M. et Mme [S] à l'encontre de la société QBE EUROPE SA NV':
Il est constant et non contesté que la société ARTERRA a souscrit pour le chantier [Adresse 5] à [Localité 13] une assurance dommages-ouvrage le 27 septembre 2007 auprès de la société QBE EUROPE SA NV selon contrat N° 2004-CN/0099.
Sur la nature et la définition de l'assurance dommages-ouvrages il sera rappelé que l'article L 242-1 du code des assurances dispose que « Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de bâtiment, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil ».
L'assurance de dommages obligatoire a ainsi pour objet de garantir, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
L'assurance dommages-ouvrage n'étant pas une assurance de responsabilité, mais une assurance de chose attachée à l'ouvrage, qui se transmet, de plein droit, avec la propriété de l'immeuble et bénéficie au maître de l'ouvrage, ainsi qu'aux propriétaires successifs ou à ceux qui sont subrogés dans leurs droits, le bénéficiaire de l'assurance dommages ouvrage est le propriétaire de l'ouvrage assuré au jour du sinistre ou de la déclaration de sinistre.
Il s'en déduit au cas d'espèce qu'au regard de la police d'assurance dommages-ouvrages N° 2004-CN/0099, les époux [S] venant aux droits de la société ARTERRA en sont les bénéficiaires en qualité d'assuré mais pas de tiers lésés, si bien que la société QBE EUROPE SA NV est légitime à leur opposer tant la prescription décennale, le maître de l'ouvrage n'étant plus recevable à agir sur le fondement de la garantie légale au-delà du délai de dix ans à compter de la réception des travaux, que la prescription biennale de l'article L114-1 du code des assurances qui dispose que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
Pour une meilleure clarté de la décision la cour examinera donc chaque déclaration de sinistre formée par les époux [S] auprès de la société QBE EUROPE SA NV.
* Sinistre déclaré le 13 novembre 2012':
Il ressort des pièces produites au débat que suite à cette déclaration de sinistre la société QBE EUROPE SA NV après avoir fait diligenter une expertise amiable confiée au cabinet CLE Expertises, a par l'intermédiaire de son mandant la SAS AGEMI opposé aux époux [S] le 16 janvier 2013 soit postérieurement au délai de 60 jours édicté par l'article L 242-1 du code des assurances, un refus de garantie des dommages, étant observé que la société QBE EUROPE SA NV ne peut valablement soutenir qu'elle aurait opposé son refus de garantie dans le délai légal des 60 jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre qui ne serait datée que du 19 novembre 2012 dans la mesure où elle n'en rapporte pas la preuve et où le rapport d'expertise mentionne seulement la date du 13 novembre 2012.
Comme le soutiennent les époux [S], l'assureur dommage-ouvrage doit notifier à l'assuré sa décision sur le principe de la garantie dans un délai de 60 jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre, et à défaut de réponse dans ce délai, la garantie est réputée acquise, sauf cas de force majeure.
Toutefois contrairement à ce qui est allégué par les époux [S], l'inobservation du délai de 60 jours n'entraîne pas la déchéance du droit pour l'assureur d'opposer la prescription biennale.
Ainsi si le non-respect du délai de 60 jours entraîne l'acceptation implicite de la garantie, il n'emporte pas renonciation de l'assureur à invoquer la prescription biennale de l'article L.114-1 et ne vaut pas reconnaissance du droit de l'assuré à indemnisation chiffrée, et n'interrompt ni ne suspend le délai de prescription, sauf actes interruptifs spécifiques (commandement, expertise judiciaire, mise en demeure, etc.).
Ainsi, conformément à l'article L 114-1 du code des assurances les époux [S] disposaient donc d'un délai de deux ans, soit jusqu'au 16 janvier 2015, pour assigner la société QBE EUROPE SA NV au fond, soit pour interrompre la prescription biennale, or il ne pourra qu'être constaté que leur assignation en référé expertise n'a été délivrée que le 19 juin 2019, soit bien au-delà du délai de deux ans, si bien que leur action envers la société QBE EUROPE SA NV en ce qui concerne le sinistre du 13 novembre 2012 est prescrite et par voie de conséquence irrecevable.
* Sinistre déclaré le 22 septembre 2014':
Il ressort des pièces produites que pour cette déclaration de sinistre après voir confié une expertise amiable au cabinet CLE Expertises, la société QBE EUROPE SA NV par l'intermédiaire de son mandant la SAS AGEMI a opposé aux époux [S] le 6 novembre 2014 soit dans le délai de 60 jours édicté par l'article L 242-1 du code des assurances, un refus de garantie des dommages.
Conformément à l'article L 114-1 du code des assurances les époux [S] disposaient donc d'un délai de deux ans, soit jusqu'au 6 novembre 2016 pour assigner la société QBE EUROPE SA NV au fond, soit pour interrompre la prescription biennale, or il ne pourra qu'être constaté que leur assignation en référé expertise n'a été délivrée que le 19 juin 2019, soit bien au-delà du délai de deux ans, si bien que leur action envers la société QBE EUROPE SA NV en ce qui concerne le sinistre du 22 septembre 2014 est prescrite et par voie de conséquence irrecevable.
* Sinistre déclaré le 12 janvier 2018':
L'article L 121-12 du code des assurances, propre à l'assurance de choses ou de dommages, dispose que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la garantie de l'assureur.
L'alinéa deux de ce texte dispose toutefois que l'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur.
Il s'agit de l'exception de subrogation.
Par ailleurs selon l'application combinée de l'article L. 121-12, alinéas 1er et 2, et l'article 334 du code de procédure civile l'assureur qui n'a pas indemnisé son assuré ne peut agir par subrogation mais est en droit d'appeler le responsable en garantie s'il est lui-même poursuivi et l'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur.
En l'espèce la société QBE EUROPE SA NV oppose aux époux [S] l'exception de subrogation.
Il ressort des pièces produites aux débats que les époux [S], ont déclaré le sinistre à l'assureur le 12 janvier 2018 et que la société QBE EUROPE SA NV par l'intermédiaire de son mandant la SAS AGEMI a opposé aux époux [S] le 6 février 2018 soit dans le délai de 60 jours édicté par l'article L 242-1 du code des assurances, un refus de garantie des dommages, délai qui permettait encore aux époux [S] de respecter le délai décennal.
Or en ne délivrant l'assignation en référé expertise que le 18 juin 2019 soit au-delà du délai décennal lequel expirait le 27 mars 2018, les époux [S] n'ont pas permis à la société QBE EUROPE SA NV d'exercer son recours subrogatoire contre les constructeurs et que la délivrance de l'assignation en référé aux fins d'expertise postérieurement à l'expiration du délai décennal a empêché la subrogation de s'opérer, si bien que la société QBE EUROPE SA NV est bien fondée à invoquer la déchéance du droit à indemnisation de M. et Mme [S] pour les dommages objets de la déclaration de sinistre du 12 janvier 2018.
* Sinistre déclaré le 10 avril 2019':
Il ressort des pièces produites que pour cette déclaration de sinistre, la société QBE EUROPE SA NV par l'intermédiaire de son mandant la SAS AGEMI a opposé aux époux [S] le 26 avril 2019 soit dans le délai de 60 jours édicté par l'article L 242-1 du code des assurances, un refus de garantie des dommages fondé sur la prescription décennale, le dommage étant intervenu postérieurement au délai d'épreuve de dix ans.
Il a été ci-dessus rappelé que dans le cadre de la garantie dommages ouvrage, le maître de l'ouvrage n'est plus recevable à agir au-delà du délai de dix ans à compter de la réception des travaux.
En l'espèce il a déjà été statué sur le fait que la réception expresse des travaux a eu lieu le 27 mars 2008 si bien que la garantie ne peut plus être évoquée au-delà du 27 mars 2018. Par conséquent les demandes formées par les époux [S] au titre de la déclaration de sinistre du 10 avril 2019 sont irrecevables comme prescrites.
Sur les demandes accessoires :
Il sera observé que si en première instance il était formé à titre subsidiaire par les époux [S] une demande d'indemnisation à l'encontre de la SA ACM IARD, en appel aucune des parties ne forme de prétention à l'encontre de cette compagnie d'assurance.
Si en première instance l'équité commandait de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, devant la cour constatant que la SA ACM IARD a été intimée de manière inutile par la société QBE EUROPE SA NV ce qui l'a conduit à exposer des frais il convient de condamner l'appelante à lui verser la somme de 1'000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par ailleurs si l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société QBE EUROPE SA NV, tant en première instance qu'en appel dans la mesure où les époux [S] succombent au principal, ils seront condamnés à supporter les entiers dépens de la procédure devant le tribunal judiciaire, comme de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS':
La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Privas, sauf en ce qu'il a débouté la SA ACM IARD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
S'y substituant et y ajoutant,
Déclare les demandes de réparation formées par M. [C] [S] et Mme [X] [E] épouse [S] au titre des sinistres déclarés les 13 novembre 2012, 22 septembre 2014 et 10 avril 2019 irrecevables';
Dit que M. [C] [S] et Mme [X] [E] épouse [S] sont déchus de leur droit à indemnisation concernant le sinistre déclaré le 12 janvier 2018 et en conséquence les déboute de leurs demandes à ce titre';
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 devant le tribunal judiciaire de Privas';
Condamne la société QBE EUROPE SA NV à payer à la SA ACM IARD la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Déboute la société QBE EUROPE SA NV de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne M. [C] [S] et Mme [X] [E] épouse [S] aux entiers dépens exposés dans la cadre de la procédure de première instance et dans la cadre de la procédure d'appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,