CA Paris, Pôle 4 - ch. 6, 6 juin 2025, n° 23/18296
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRÊT DU 06 JUIN 2025
(n° /2025, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18296 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIQUV
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 02 octobre 2023 - juge de la mise en état de MEAUX - RG n° 21/05022
APPELANTES
S.C.C.V. CALA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Bertrand RABOURDIN, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. SEIXO PROMOTION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Bertrand RABOURDIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
Monsieur [F] [X]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représenté par Me Gilles GOLDNADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1773
Madame [L] [P] épouse [X]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentée par Me Gilles GOLDNADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1773
Monsieur [R] [V]
[Adresse 4]
[Localité 13]
Représenté par Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1912
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF, en sa qualité d'assureur de M. [V], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1912
PARTIES INTERVENANTES
S.E.L.A.S. BL ET ASSOCIES prise en la personne de Me [C] [D], administrateur judiciaire de Monsieur [R] [V], domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représentée par Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1912
S.E.L.A.R.L. JSA, prise en la personne de Me [Z] [U], mandataire judiciaire de Monsieur [R] [V], domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 12]
Représentée par Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1912
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sylvie DELACOURT, présidente de chambre
Mme Laura TARDY, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Sylvie DELACOURT dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Manon CARON
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sylvie DELACOURT, présidente de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Cala, ayant pour gérant la société Seixo Promotion, a entrepris, en qualité de maître d'ouvrage, la construction d'un immeuble de 24 logements sur un terrain situé [Adresse 3] à [Localité 10], sous la maîtrise d''uvre de conception et d'exécution de M. [R] [V], architecte, assuré auprès de la Mutuelle des Architectes Français (la MAF).
Par acte authentique en date du 12 novembre 2018, la société Cala a vendu en l'état futur d'achèvement à M. [X] et Mme [P], épouse [X] (les époux [X]), un appartement et deux parkings pour un prix de 433 000 euros TTC.
La société Cala s'est engagée à achever et à livrer les biens vendus au cours du premier trimestre 2020 et au plus tard le 31 mars 2020, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison.
Suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 23 décembre 2020, l'avocat de M. et Mme [X] a mis en demeure la société Cala de produire les justificatifs du retard de livraison et, à défaut d'être en mesure de justifier ce retard, de payer la somme de 21 252,71 euros.
Les travaux ont été achevés le 27 septembre 2021 et les biens des époux [X] effectivement livrés le 12 octobre 2021, avec réserves. Ces derniers ont fait établir par un huissier de justice un procès-verbal de constat de désordres le jour de la livraison.
Par actes en date du 2 décembre 2021, les époux [X] ont assigné la société Cala et la société Seixo Promotion pour les voir condamner in solidum notamment à réparer leurs préjudices, générés par le retard de livraison et à remédier aux malfaçons listées dans un procès-verbal de constat d'huissier du 12 octobre 2021.
Suivant actes en date des 25 et 28 février 2022, la société Cala a assigné en intervention forcée et en garantie M. [V] et la MAF.
Par ordonnance en date du 23 août 2022, le juge de la mise en état a prononcé la jonction de cette instance à l'instance principale et débouté la société Seixo Promotion de sa demande d'irrecevabilité de la procédure à son encontre.
Suivant une seconde ordonnance en date du 2 janvier 2023, il a déclaré sans objet la demande des époux [X], tendant à voir "rejeter la demande de la société Seixo Promotion visant à être mise hors de cause" et rejeté les demandes de la société Cala et de la société Seixo Promotion comme étant non fondées.
Par ordonnance du 2 octobre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Meaux a statué en ces termes :
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par les sociétés Cala et Seixo Promotion ;
Condamne in solidum la société Cala et la société Seixo Promotion aux dépens ;
Condamne in solidum la société Cala et de la société Seixo Promotion à payer aux époux [X], la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Renvoie l'examen de l'affaire et les parties à l'audience de mise en état du 6 novembre 2023 pour conclusions au fond de la société Cala et de la société Seixo Promotion, à défaut clôture et fixation.
Par déclaration en date du 13 novembre 2023, la société Cala et la société Seixo Promotion ont interjeté appel de l'ordonnance, intimant devant la cour :
M. et Mme [X],
M. [V],
la MAF, en qualité d'assureur de M. [V].
Par jugement du 14 octobre 2024, le tribunal judiciaire de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [V].
Les 21 et le 25 janvier 2025, les sociétés Cala et Seixo Promotion ont assigné en intervention forcée respectivement les sociétés JSA et BL & Associés en qualité de mandataire judiciaire et d'administrateur judiciaire de M. [V].
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 10 février 2025, les sociétés Cala et Seixo Promotion demandent à la cour de :
Infirmer l'ordonnance rendue le 2 octobre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'il a :
rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par les sociétés Cala et Seixo Promotion ;
condamné in solidum la société Cala et la société Seixo Promotion aux dépens ;
condamné in solidum la société Cala et la société Seixo Promotion à payer aux époux [X], la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
rejeté les autres demandes présentées par la société Cala et la société Seixo Promotion sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et, statuant de nouveau :
Recevoir les sociétés Cala et Seixo Promotion en leurs demandes et les dire bien fondées;
En conséquence,
Déclarer irrecevables à raison de la forclusion les demandes formées par les époux [X] à l'encontre des sociétés Cala et Seixo Promotion au titre des " malfaçons listées dans le procès-verbal de constat d'huissier et dans la liste des réserves émises au moment de la livraison en date du 12 octobre 2021 " ;
Débouter les intimés de leurs demandes ;
Condamner les époux [X] à payer à la société Cala et à la société Seixo Promotion la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner les époux [X] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 8 octobre 2024, les époux [X] demandent à la cour de :
Confirmer l'ordonnance rendue le 2 octobre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'elle a :
Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par les sociétés Cala et Seixo Promotion ;
Condamné in solidum les sociétés Cala et Seixo Promotion aux entiers dépens ;
Condamné in solidum les sociétés Cala et Seixo Promotion à payer aux époux [X] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
En conséquence,
Juger recevables et bien fondés les époux [X] en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Débouter les sociétés Cala et Seixo Promotion de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Constater le bienfondé de l'action des époux [X] sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ;
Renvoyer l'affaire devant le juge du fond aux fins de connaître des demandes des époux [X];
Condamner in solidum les sociétés Cala et Seixo Promotion à payer à M. et Mme [X] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner in solidum les sociétés Cala et Seixo Promotion aux entiers dépens.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 5 mars 2025, la MAF et les sociétés BL & associés et JSA, en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de M. [V], demandent à la cour de :
Donner acte que :
la société BL & associés Me [D], en sa qualité d'administrateur judiciaire de M. [V],
la société JSA Me [U], en sa qualité de mandataire judiciaire de M. [V],
Constituent pour avocat Me Delair ;
Constater qu'aucune demande n'était formée contre M. [V] et qu'aucune demande n'est formée la MAF (sic), ni contre les organes de la procédure collective de M. [V] : la société BL & associés Me [D] et la société JSA Me [U] devant la cour d'appel ;
et au besoin,
Rejeter toutes les éventuelles demandes formées contre les organes de la procédure collective la société BL & associés Me [D] et la société JSA Me [U] et la MAF ;
Si la cour devait déclarer irrecevable comme forclose l'action des demandeurs principaux, M. et Mme [X],
Prononcer l'extinction de l'instance, l'action en garantie de la société Cala devenant de ce fait sans objet ;
Condamner les sociétés Cala et Seixo Promotion à payer une somme de 3 000 euros au titre à la MAF de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner les sociétés Cala et Seixo Promotion aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Olivier Delair avocat aux offres de droit (article 699 du code de procédure civile).
La clôture a été prononcée par ordonnance du 6 mars 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 mars 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Préalable
La cour est saisie de l'appel de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Meaux du 2 octobre 2023 ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par les sociétés Cala et Seixo Promotion.
Il n'y a pas lieu de constater l'extinction de l'instance qui se poursuit devant le tribunal qui reste saisi des demandes de M. et Mme [X] autres que celles relatives à l'indemnisation au titre des vices apparents et des non-conformités.
Sur la forclusion
Moyens des parties
Les époux [X] font valoir qu'ils sont en droit de rechercher la responsabilité contractuelle des sociétés Cala et Seixo Promotion qui subsiste concurremment avec la garantie de parfait achèvement avant la levée des réserves et que leur action à ce titre se prescrit par dix ans à compter de la réception.
Ils soutiennent également que la garantie de parfait achèvement se prête à une articulation spécifique avec la responsabilité de droit commun, car elle est conçue comme une obligation de réparation en nature et ne peut faire obstacle aux actions exercées contre les constructeurs, sur le fondement de l'article 1231-1 du Code civil. En conséquence, tant que les réserves ne sont pas levées, l'action en responsabilité contractuelle peut être exercée après expiration du délai de la garantie de parfait achèvement.
Les sociétés Cala et Seixo Promotion font valoir que les défauts de conformité et vices apparents bénéficient d'un délai de forclusion d'un an et un mois à compter de la livraison des biens, au-delà duquel les acquéreurs en VEFA ne sont plus recevables à agir au titre de ces désordres.
Elles ajoutent que l'assignation en justice ne peut interrompre le délai de forclusion des constructeurs que pour les désordres qui y sont mentionnés alors que l'assignation des époux [X] ne mentionnait pas les réserves dont ils sollicitaient la reprise et ils n'ont pas produit les liste des réserves au soutien de leur assignation, n'ayant pas produit non plus le constat du 12 octobre 2021.
Elles revendiquent que le délai de forclusion attaché aux réserves et malfaçons alléguées par les demandeurs a poursuivi son cours et a expiré le 12 novembre 2022.
Elles soutiennent que la garantie de parfait achèvement prévue par l'article 1792-6 du code civil ne s'applique qu'aux désordres réservés lors des opérations de réception, et dans l'année qui suit, dans le cadre des relations entre le maître d'ouvrage et les locateurs d'ouvrage et n'est pas applicable aux relations entre le vendeur en l'état futur d'achèvement et l'acquéreur en l'état futur d'achèvement puisque les désordres réservés à la livraison des biens immobiliers et dans les 13 mois qui suivent sont soumis à la garantie des défauts de conformité et vices apparents prévue aux articles 1642-1 et 1648 du code civil et non à la garantie de parfait achèvement.
Elles rappellent que les époux [X] n'ont jamais contesté l'absence d'interruption de ce délai de forclusion de 13 mois dans leurs dernières écritures.
M. [D] de la société BL & Associés en qualité d'administrateur judiciaire de M. [V] et Me [U] de la société JSA en qualité de mandataire judiciaire de M. [V] et la Maf indiquent que M. [V] a été placé en redressement judiciaire par le tribunal judiciaire de Créteil le 14 octobre 2024 et qu'il n'est formé aucune demande à son encontre et font valoir que si l'action des époux [X] est forclose, l'action en garantie serait également éteinte.
Réponse de la cour
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
- Sur le fondement de la responsabilité des sociétés Cala et Seixo Promotion
Le tribunal a retenu que les demandeurs avaient fondé leur action sur les dispositions de l'article 1231-1 du code civil et que les sociétés Cala et Seixo Promotion ne pouvaient pas leur opposer les dispositions des articles 1642-1 et 1648 du code civil.
Selon l'article 1642-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents. Il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer.
L'action des acquéreurs au titre de désordres apparents qui affectent un bien vendu en l'état futur d'achèvement relève des dispositions des articles 1642-1 et 1648 du code civil qui sont exclusives de l'application de la responsabilité contractuelle de droit commun du vendeur (3ème Civ., 3 juin 2015, pourvoi n° 14-15.796, Bull. 2015, III, n° 55).
La garantie prévue à l'article 1642-1 du code civil est exclusive de l'application de la responsabilité contractuelle de droit commun (3ème Civ., 13 février 2025, pourvoi n° 23-15.846).
Le vendeur d'immeuble à construire n'est pas tenu de la garantie de parfait achèvement, prévue à l'article 1792-6 du code civil, due par l'entrepreneur (3ème Civ., 30 mars 1994, pourvoi n° 92-17.225, Bulletin 1994 III N° 69).
Le vendeur en l'état futur d'achèvement est, comme les constructeurs, tenu, à l'égard des propriétaires successifs de l'immeuble, d'une responsabilité pour faute prouvée en ce qui concerne les désordres intermédiaires (3ème Civ., 4 juin 2009, pourvoi n° 08-13.239, Bull. 2009, III, n° 130).
En l'espèce, après avoir pris livraison avec réserves de leur bien immobilier le 12 octobre 2021, les époux [X] ont sollicité dans leur assignation du 2 décembre 2021, une indemnisation pour retard de livraison, pour les intérêts intercalaires d'avril 2020 à juin 2021 et pour le stockage de la cuisine.
Ils ont également réclamé la condamnation des sociétés Cala et Seixo Promotion à remédier sous astreinte aux malfaçons listées dans le procès-verbal de constat d'huissier du 12 octobre 2021 et dans la liste des réserves émises au moment de la livraison le 12 octobre 2021.
L'annexe du procès-verbal de livraison n'est pas produite, ce qui ne permet pas de prendre connaissance de la nature des réserves.
Le procès-verbal de constat produit du 12 octobre 2021 mentionne expressément que l'huissier de justice est intervenu au jour de la livraison pour constater les éventuelles réserves.
Les époux [X] ont donc entendu dans leur assignation viser les réserves apparentes à la livraison.
En conséquence, les sociétés Cala et Seixo promotion étaient fondées à revendiquer les dispositions spécifiques relatives à la vente en l'état futur d'achèvement s'agissant de la demande des acquéreurs concernant des réserves par nature apparentes.
Les acquéreurs ne justifient pas qu'il s'agit de désordres intermédiaires d'autant que l'examen du procès-verbal de constat d'huissier communiqué en appel confirme le caractère apparent des vices et non conformités allégués par les époux [X].
- S'agissant du délai
Selon l'article 1648 alinéa 2 du code civil, dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.
En application des dispositions de l'article 1648, alinéa 2, du Code civil, l'acquéreur est recevable pendant un an, à compter de la réception des travaux ou de la prise de possession des ouvrages, à intenter contre le vendeur l'action en garantie des vices apparents, mêmes dénoncés postérieurement à l'écoulement du délai d'un mois après la prise de possession prévu par l'article 1642-1 du même code (3ème Civ., 22 mars 2000, pourvoi n° 98-20.250, Bull. 2000, III, n° 63).
Le point de départ du délai court au plus tardif des deux évènements suivants : la réception des travaux, avec ou sans réserve ou l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur.
En l'espèce, le point de départ du délai est fixé au 12 novembre 2021 soit un mois après la livraison du 12 octobre 2021.
- S'agissant de l'interruption du délai
L'assignation n'interrompant le délai de forclusion que pour les désordres qui y sont expressément mentionnés, justifie légalement sa décision déclarant irrecevables les demandes en réparation de certains désordres formées par le maître de l'ouvrage la cour d'appel qui constate qu'aucune demande en réparation de ces désordres n'a été formée dans la première assignation délivrée dans le délai et retient que la première décision n'avait pas statué sur ces désordres et ne pouvait avoir l'autorité de la chose jugée pour des demandes dont la juridiction n'était alors pas saisie (3ème Civ., 20 octobre 1993, pourvoi n° 92-12.325, Bulletin 1993 III N° 123).
Une assignation en justice ne peut interrompre le délai de garantie décennale des constructeurs qu'en ce qui concerne les désordres qui y sont expressément mentionnés ; dès lors, justifient leur décision les juges qui constatent qu'une assignation en référé qui ne vise pas les désordres concernés par la demande, ou une assignation au fond, qui renvoie à une note rédigée en cours d'expertise mais qui ne lui est pas annexée, ne sont pas interruptives de prescription (3ème Civ., 20 mai 1998, pourvoi n° 95-20.870, Bull. 1998, III, n° 104).
En l'espèce, l'assignation du 2 décembre 2021 vise expressément le procès-verbal de livraison et le procès-verbal de constat du 12 octobre 2021 mais elle ne contient pas la liste des réserves auxquelles les acquéreurs demandent de remédier.
Le constat d'huissier du 12 octobre 2021 ne figure pas dans la liste des pièces au soutien de cette assignation.
Le procès-verbal de livraison avec réserve du 12 octobre 2021 figure dans la liste de pièces au soutien de l'assignation sans que son annexe contenant la liste des réserves ne soit mentionnée comme communiquée.
En conséquence, cette assignation sans mention expresse des réserves au titre desquelles l'action est intentée n'a pas interrompu le délai de forclusion et les époux [X] qui ne justifient pas d'une autre cause d'interruption du délai sont donc forclos.
L'ordonnance du juge de la mise en état est infirmée en ce qu'elle rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par les sociétés Cala et Seixo Promotion.
L'action de M. [F] [X] et Mme [L] [P] épouse [X] relative à la responsabilité des sociétés Cala et Seixo Promotion au titre des vices apparents et des non-conformités est donc forclose sans qu'il ait lieu de statuer sur les autres demandes.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer l'ordonnance sur la condamnation aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile même si les sociétés Cala et Seixo promotion ne forment pas de demande de condamnation spécifiquement au titre des frais irrépétibles de première instance, elles sollicitent l'infirmation de la décision qui les a condamnées à ce titre.
En conséquence, les époux [X], ensemble, parties succombantes, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel et à payer aux sociétés Cala et Seixo Promotion, ensemble, la somme de 2 000 euros, au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel. Les demandes de M. [D] de la société BL & Associés en qualité d'administrateur judiciaire de M. [V] et Me [U] de la société JSA en qualité de mandataire judiciaire de M. [V] et la Maf présentées en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance sauf en ce qu'elle rejette les autres demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La confirme sur ce point et statuant à nouveau et y ajoutant ;
Dit que l'action de M. [F] [X] et Mme [L] [P] épouse [X] relative à la responsabilité des sociétés Cala et Seixo Promotion au titre des vices apparents et des non-conformités est irrecevable comme étant forclose ;
Condamne M. [F] [X] et Mme [L] [P] épouse [X] aux dépens de première instance et d'appel ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [F] [X] et Mme [L] [P] épouse [X] et de M. [D] de la société BL & Associés en qualité d'administrateur judiciaire de M. [V] et Me [U] de la société JSA en qualité de mandataire judiciaire de M. [V] et de la Maf et condamne M. [F] [X] et Mme [L] [P] épouse [X], ensemble, à payer aux sociétés Cala et Seixo Promotion, ensemble, la somme de 2 000 euros.
La greffière, La présidente de chambre,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRÊT DU 06 JUIN 2025
(n° /2025, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18296 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIQUV
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 02 octobre 2023 - juge de la mise en état de MEAUX - RG n° 21/05022
APPELANTES
S.C.C.V. CALA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Bertrand RABOURDIN, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. SEIXO PROMOTION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Bertrand RABOURDIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
Monsieur [F] [X]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représenté par Me Gilles GOLDNADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1773
Madame [L] [P] épouse [X]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentée par Me Gilles GOLDNADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1773
Monsieur [R] [V]
[Adresse 4]
[Localité 13]
Représenté par Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1912
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF, en sa qualité d'assureur de M. [V], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1912
PARTIES INTERVENANTES
S.E.L.A.S. BL ET ASSOCIES prise en la personne de Me [C] [D], administrateur judiciaire de Monsieur [R] [V], domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 11]
Représentée par Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1912
S.E.L.A.R.L. JSA, prise en la personne de Me [Z] [U], mandataire judiciaire de Monsieur [R] [V], domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 12]
Représentée par Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1912
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sylvie DELACOURT, présidente de chambre
Mme Laura TARDY, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Sylvie DELACOURT dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Manon CARON
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sylvie DELACOURT, présidente de chambre et par Tiffany CASCIOLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Cala, ayant pour gérant la société Seixo Promotion, a entrepris, en qualité de maître d'ouvrage, la construction d'un immeuble de 24 logements sur un terrain situé [Adresse 3] à [Localité 10], sous la maîtrise d''uvre de conception et d'exécution de M. [R] [V], architecte, assuré auprès de la Mutuelle des Architectes Français (la MAF).
Par acte authentique en date du 12 novembre 2018, la société Cala a vendu en l'état futur d'achèvement à M. [X] et Mme [P], épouse [X] (les époux [X]), un appartement et deux parkings pour un prix de 433 000 euros TTC.
La société Cala s'est engagée à achever et à livrer les biens vendus au cours du premier trimestre 2020 et au plus tard le 31 mars 2020, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison.
Suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 23 décembre 2020, l'avocat de M. et Mme [X] a mis en demeure la société Cala de produire les justificatifs du retard de livraison et, à défaut d'être en mesure de justifier ce retard, de payer la somme de 21 252,71 euros.
Les travaux ont été achevés le 27 septembre 2021 et les biens des époux [X] effectivement livrés le 12 octobre 2021, avec réserves. Ces derniers ont fait établir par un huissier de justice un procès-verbal de constat de désordres le jour de la livraison.
Par actes en date du 2 décembre 2021, les époux [X] ont assigné la société Cala et la société Seixo Promotion pour les voir condamner in solidum notamment à réparer leurs préjudices, générés par le retard de livraison et à remédier aux malfaçons listées dans un procès-verbal de constat d'huissier du 12 octobre 2021.
Suivant actes en date des 25 et 28 février 2022, la société Cala a assigné en intervention forcée et en garantie M. [V] et la MAF.
Par ordonnance en date du 23 août 2022, le juge de la mise en état a prononcé la jonction de cette instance à l'instance principale et débouté la société Seixo Promotion de sa demande d'irrecevabilité de la procédure à son encontre.
Suivant une seconde ordonnance en date du 2 janvier 2023, il a déclaré sans objet la demande des époux [X], tendant à voir "rejeter la demande de la société Seixo Promotion visant à être mise hors de cause" et rejeté les demandes de la société Cala et de la société Seixo Promotion comme étant non fondées.
Par ordonnance du 2 octobre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Meaux a statué en ces termes :
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par les sociétés Cala et Seixo Promotion ;
Condamne in solidum la société Cala et la société Seixo Promotion aux dépens ;
Condamne in solidum la société Cala et de la société Seixo Promotion à payer aux époux [X], la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Renvoie l'examen de l'affaire et les parties à l'audience de mise en état du 6 novembre 2023 pour conclusions au fond de la société Cala et de la société Seixo Promotion, à défaut clôture et fixation.
Par déclaration en date du 13 novembre 2023, la société Cala et la société Seixo Promotion ont interjeté appel de l'ordonnance, intimant devant la cour :
M. et Mme [X],
M. [V],
la MAF, en qualité d'assureur de M. [V].
Par jugement du 14 octobre 2024, le tribunal judiciaire de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [V].
Les 21 et le 25 janvier 2025, les sociétés Cala et Seixo Promotion ont assigné en intervention forcée respectivement les sociétés JSA et BL & Associés en qualité de mandataire judiciaire et d'administrateur judiciaire de M. [V].
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 10 février 2025, les sociétés Cala et Seixo Promotion demandent à la cour de :
Infirmer l'ordonnance rendue le 2 octobre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'il a :
rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par les sociétés Cala et Seixo Promotion ;
condamné in solidum la société Cala et la société Seixo Promotion aux dépens ;
condamné in solidum la société Cala et la société Seixo Promotion à payer aux époux [X], la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
rejeté les autres demandes présentées par la société Cala et la société Seixo Promotion sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et, statuant de nouveau :
Recevoir les sociétés Cala et Seixo Promotion en leurs demandes et les dire bien fondées;
En conséquence,
Déclarer irrecevables à raison de la forclusion les demandes formées par les époux [X] à l'encontre des sociétés Cala et Seixo Promotion au titre des " malfaçons listées dans le procès-verbal de constat d'huissier et dans la liste des réserves émises au moment de la livraison en date du 12 octobre 2021 " ;
Débouter les intimés de leurs demandes ;
Condamner les époux [X] à payer à la société Cala et à la société Seixo Promotion la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner les époux [X] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 8 octobre 2024, les époux [X] demandent à la cour de :
Confirmer l'ordonnance rendue le 2 octobre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'elle a :
Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par les sociétés Cala et Seixo Promotion ;
Condamné in solidum les sociétés Cala et Seixo Promotion aux entiers dépens ;
Condamné in solidum les sociétés Cala et Seixo Promotion à payer aux époux [X] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
En conséquence,
Juger recevables et bien fondés les époux [X] en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Débouter les sociétés Cala et Seixo Promotion de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Constater le bienfondé de l'action des époux [X] sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ;
Renvoyer l'affaire devant le juge du fond aux fins de connaître des demandes des époux [X];
Condamner in solidum les sociétés Cala et Seixo Promotion à payer à M. et Mme [X] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner in solidum les sociétés Cala et Seixo Promotion aux entiers dépens.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 5 mars 2025, la MAF et les sociétés BL & associés et JSA, en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de M. [V], demandent à la cour de :
Donner acte que :
la société BL & associés Me [D], en sa qualité d'administrateur judiciaire de M. [V],
la société JSA Me [U], en sa qualité de mandataire judiciaire de M. [V],
Constituent pour avocat Me Delair ;
Constater qu'aucune demande n'était formée contre M. [V] et qu'aucune demande n'est formée la MAF (sic), ni contre les organes de la procédure collective de M. [V] : la société BL & associés Me [D] et la société JSA Me [U] devant la cour d'appel ;
et au besoin,
Rejeter toutes les éventuelles demandes formées contre les organes de la procédure collective la société BL & associés Me [D] et la société JSA Me [U] et la MAF ;
Si la cour devait déclarer irrecevable comme forclose l'action des demandeurs principaux, M. et Mme [X],
Prononcer l'extinction de l'instance, l'action en garantie de la société Cala devenant de ce fait sans objet ;
Condamner les sociétés Cala et Seixo Promotion à payer une somme de 3 000 euros au titre à la MAF de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner les sociétés Cala et Seixo Promotion aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Olivier Delair avocat aux offres de droit (article 699 du code de procédure civile).
La clôture a été prononcée par ordonnance du 6 mars 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 mars 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Préalable
La cour est saisie de l'appel de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Meaux du 2 octobre 2023 ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par les sociétés Cala et Seixo Promotion.
Il n'y a pas lieu de constater l'extinction de l'instance qui se poursuit devant le tribunal qui reste saisi des demandes de M. et Mme [X] autres que celles relatives à l'indemnisation au titre des vices apparents et des non-conformités.
Sur la forclusion
Moyens des parties
Les époux [X] font valoir qu'ils sont en droit de rechercher la responsabilité contractuelle des sociétés Cala et Seixo Promotion qui subsiste concurremment avec la garantie de parfait achèvement avant la levée des réserves et que leur action à ce titre se prescrit par dix ans à compter de la réception.
Ils soutiennent également que la garantie de parfait achèvement se prête à une articulation spécifique avec la responsabilité de droit commun, car elle est conçue comme une obligation de réparation en nature et ne peut faire obstacle aux actions exercées contre les constructeurs, sur le fondement de l'article 1231-1 du Code civil. En conséquence, tant que les réserves ne sont pas levées, l'action en responsabilité contractuelle peut être exercée après expiration du délai de la garantie de parfait achèvement.
Les sociétés Cala et Seixo Promotion font valoir que les défauts de conformité et vices apparents bénéficient d'un délai de forclusion d'un an et un mois à compter de la livraison des biens, au-delà duquel les acquéreurs en VEFA ne sont plus recevables à agir au titre de ces désordres.
Elles ajoutent que l'assignation en justice ne peut interrompre le délai de forclusion des constructeurs que pour les désordres qui y sont mentionnés alors que l'assignation des époux [X] ne mentionnait pas les réserves dont ils sollicitaient la reprise et ils n'ont pas produit les liste des réserves au soutien de leur assignation, n'ayant pas produit non plus le constat du 12 octobre 2021.
Elles revendiquent que le délai de forclusion attaché aux réserves et malfaçons alléguées par les demandeurs a poursuivi son cours et a expiré le 12 novembre 2022.
Elles soutiennent que la garantie de parfait achèvement prévue par l'article 1792-6 du code civil ne s'applique qu'aux désordres réservés lors des opérations de réception, et dans l'année qui suit, dans le cadre des relations entre le maître d'ouvrage et les locateurs d'ouvrage et n'est pas applicable aux relations entre le vendeur en l'état futur d'achèvement et l'acquéreur en l'état futur d'achèvement puisque les désordres réservés à la livraison des biens immobiliers et dans les 13 mois qui suivent sont soumis à la garantie des défauts de conformité et vices apparents prévue aux articles 1642-1 et 1648 du code civil et non à la garantie de parfait achèvement.
Elles rappellent que les époux [X] n'ont jamais contesté l'absence d'interruption de ce délai de forclusion de 13 mois dans leurs dernières écritures.
M. [D] de la société BL & Associés en qualité d'administrateur judiciaire de M. [V] et Me [U] de la société JSA en qualité de mandataire judiciaire de M. [V] et la Maf indiquent que M. [V] a été placé en redressement judiciaire par le tribunal judiciaire de Créteil le 14 octobre 2024 et qu'il n'est formé aucune demande à son encontre et font valoir que si l'action des époux [X] est forclose, l'action en garantie serait également éteinte.
Réponse de la cour
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
- Sur le fondement de la responsabilité des sociétés Cala et Seixo Promotion
Le tribunal a retenu que les demandeurs avaient fondé leur action sur les dispositions de l'article 1231-1 du code civil et que les sociétés Cala et Seixo Promotion ne pouvaient pas leur opposer les dispositions des articles 1642-1 et 1648 du code civil.
Selon l'article 1642-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents. Il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer.
L'action des acquéreurs au titre de désordres apparents qui affectent un bien vendu en l'état futur d'achèvement relève des dispositions des articles 1642-1 et 1648 du code civil qui sont exclusives de l'application de la responsabilité contractuelle de droit commun du vendeur (3ème Civ., 3 juin 2015, pourvoi n° 14-15.796, Bull. 2015, III, n° 55).
La garantie prévue à l'article 1642-1 du code civil est exclusive de l'application de la responsabilité contractuelle de droit commun (3ème Civ., 13 février 2025, pourvoi n° 23-15.846).
Le vendeur d'immeuble à construire n'est pas tenu de la garantie de parfait achèvement, prévue à l'article 1792-6 du code civil, due par l'entrepreneur (3ème Civ., 30 mars 1994, pourvoi n° 92-17.225, Bulletin 1994 III N° 69).
Le vendeur en l'état futur d'achèvement est, comme les constructeurs, tenu, à l'égard des propriétaires successifs de l'immeuble, d'une responsabilité pour faute prouvée en ce qui concerne les désordres intermédiaires (3ème Civ., 4 juin 2009, pourvoi n° 08-13.239, Bull. 2009, III, n° 130).
En l'espèce, après avoir pris livraison avec réserves de leur bien immobilier le 12 octobre 2021, les époux [X] ont sollicité dans leur assignation du 2 décembre 2021, une indemnisation pour retard de livraison, pour les intérêts intercalaires d'avril 2020 à juin 2021 et pour le stockage de la cuisine.
Ils ont également réclamé la condamnation des sociétés Cala et Seixo Promotion à remédier sous astreinte aux malfaçons listées dans le procès-verbal de constat d'huissier du 12 octobre 2021 et dans la liste des réserves émises au moment de la livraison le 12 octobre 2021.
L'annexe du procès-verbal de livraison n'est pas produite, ce qui ne permet pas de prendre connaissance de la nature des réserves.
Le procès-verbal de constat produit du 12 octobre 2021 mentionne expressément que l'huissier de justice est intervenu au jour de la livraison pour constater les éventuelles réserves.
Les époux [X] ont donc entendu dans leur assignation viser les réserves apparentes à la livraison.
En conséquence, les sociétés Cala et Seixo promotion étaient fondées à revendiquer les dispositions spécifiques relatives à la vente en l'état futur d'achèvement s'agissant de la demande des acquéreurs concernant des réserves par nature apparentes.
Les acquéreurs ne justifient pas qu'il s'agit de désordres intermédiaires d'autant que l'examen du procès-verbal de constat d'huissier communiqué en appel confirme le caractère apparent des vices et non conformités allégués par les époux [X].
- S'agissant du délai
Selon l'article 1648 alinéa 2 du code civil, dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.
En application des dispositions de l'article 1648, alinéa 2, du Code civil, l'acquéreur est recevable pendant un an, à compter de la réception des travaux ou de la prise de possession des ouvrages, à intenter contre le vendeur l'action en garantie des vices apparents, mêmes dénoncés postérieurement à l'écoulement du délai d'un mois après la prise de possession prévu par l'article 1642-1 du même code (3ème Civ., 22 mars 2000, pourvoi n° 98-20.250, Bull. 2000, III, n° 63).
Le point de départ du délai court au plus tardif des deux évènements suivants : la réception des travaux, avec ou sans réserve ou l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur.
En l'espèce, le point de départ du délai est fixé au 12 novembre 2021 soit un mois après la livraison du 12 octobre 2021.
- S'agissant de l'interruption du délai
L'assignation n'interrompant le délai de forclusion que pour les désordres qui y sont expressément mentionnés, justifie légalement sa décision déclarant irrecevables les demandes en réparation de certains désordres formées par le maître de l'ouvrage la cour d'appel qui constate qu'aucune demande en réparation de ces désordres n'a été formée dans la première assignation délivrée dans le délai et retient que la première décision n'avait pas statué sur ces désordres et ne pouvait avoir l'autorité de la chose jugée pour des demandes dont la juridiction n'était alors pas saisie (3ème Civ., 20 octobre 1993, pourvoi n° 92-12.325, Bulletin 1993 III N° 123).
Une assignation en justice ne peut interrompre le délai de garantie décennale des constructeurs qu'en ce qui concerne les désordres qui y sont expressément mentionnés ; dès lors, justifient leur décision les juges qui constatent qu'une assignation en référé qui ne vise pas les désordres concernés par la demande, ou une assignation au fond, qui renvoie à une note rédigée en cours d'expertise mais qui ne lui est pas annexée, ne sont pas interruptives de prescription (3ème Civ., 20 mai 1998, pourvoi n° 95-20.870, Bull. 1998, III, n° 104).
En l'espèce, l'assignation du 2 décembre 2021 vise expressément le procès-verbal de livraison et le procès-verbal de constat du 12 octobre 2021 mais elle ne contient pas la liste des réserves auxquelles les acquéreurs demandent de remédier.
Le constat d'huissier du 12 octobre 2021 ne figure pas dans la liste des pièces au soutien de cette assignation.
Le procès-verbal de livraison avec réserve du 12 octobre 2021 figure dans la liste de pièces au soutien de l'assignation sans que son annexe contenant la liste des réserves ne soit mentionnée comme communiquée.
En conséquence, cette assignation sans mention expresse des réserves au titre desquelles l'action est intentée n'a pas interrompu le délai de forclusion et les époux [X] qui ne justifient pas d'une autre cause d'interruption du délai sont donc forclos.
L'ordonnance du juge de la mise en état est infirmée en ce qu'elle rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par les sociétés Cala et Seixo Promotion.
L'action de M. [F] [X] et Mme [L] [P] épouse [X] relative à la responsabilité des sociétés Cala et Seixo Promotion au titre des vices apparents et des non-conformités est donc forclose sans qu'il ait lieu de statuer sur les autres demandes.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer l'ordonnance sur la condamnation aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile même si les sociétés Cala et Seixo promotion ne forment pas de demande de condamnation spécifiquement au titre des frais irrépétibles de première instance, elles sollicitent l'infirmation de la décision qui les a condamnées à ce titre.
En conséquence, les époux [X], ensemble, parties succombantes, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel et à payer aux sociétés Cala et Seixo Promotion, ensemble, la somme de 2 000 euros, au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel. Les demandes de M. [D] de la société BL & Associés en qualité d'administrateur judiciaire de M. [V] et Me [U] de la société JSA en qualité de mandataire judiciaire de M. [V] et la Maf présentées en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance sauf en ce qu'elle rejette les autres demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La confirme sur ce point et statuant à nouveau et y ajoutant ;
Dit que l'action de M. [F] [X] et Mme [L] [P] épouse [X] relative à la responsabilité des sociétés Cala et Seixo Promotion au titre des vices apparents et des non-conformités est irrecevable comme étant forclose ;
Condamne M. [F] [X] et Mme [L] [P] épouse [X] aux dépens de première instance et d'appel ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [F] [X] et Mme [L] [P] épouse [X] et de M. [D] de la société BL & Associés en qualité d'administrateur judiciaire de M. [V] et Me [U] de la société JSA en qualité de mandataire judiciaire de M. [V] et de la Maf et condamne M. [F] [X] et Mme [L] [P] épouse [X], ensemble, à payer aux sociétés Cala et Seixo Promotion, ensemble, la somme de 2 000 euros.
La greffière, La présidente de chambre,