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Décisions

CA Riom, 1re ch., 10 juin 2025, n° 23/01217

RIOM

Arrêt

Autre

CA Riom n° 23/01217

10 juin 2025

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 10 juin 2025

N° RG 23/01217 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GBHD

- DA- Arrêt n°

[C] [T] / [S] [X]

Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 13 Juillet 2023, enregistrée sous le n° 22/01689

Arrêt rendu le MARDI DIX JUIN DEUX MILLE VINGT CINQ

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [C] [T]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Maître Patrick ROESCH de la SELARL JURIDOME, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANT

ET :

M. [S] [X]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Maître Charles FRIBOURG de la SELARL POLE AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

INTIME

DÉBATS :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 avril 2025, en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. ACQUARONE, rapporteur.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 juin 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

I. Procédure

M. [S] [X] est propriétaire d'un bien immobilier contenant un local commercial donné à bail à M. [C] [T] par acte sous seing privé du 20 juin 2011.

Considérant que les termes du bail n'étaient pas respectés, M. [X] a mis en demeure M. [T] le 2 décembre 2020 de régulariser la situation, et plus particulièrement d'interrompre la sous location des locaux.

Requise par le bailleur, la présidente du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, par ordonnance du 25 février 2021, a désigné un huissier de justice pour procéder à toutes constatations utiles.

Le procès-verbal de constat a été dressé le 12 mars 2021. Au vu de ce document, M. [X] a fait délivrer à M. [T] le 17 juin 2021 un congé avec refus de renouvellement pour motif grave, pour la date du 31 décembre 2021.

Par lettre du 29 juin 2021 M. [T] a contesté les motifs du congé.

Suivant exploit du 22 avril 2022 M. [X] a alors fait assigner M. [T] devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand afin d'obtenir notamment son expulsion.

À l'issue des débats, par jugement du 13 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a rendu la décision suivante :

« Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement en premier ressort et par mise à disposition au Greffe,

Vu la validité du congé avec refus de renouvellement pour motif grave délivré le 17 juin 2021 par Monsieur [S] [X] à Monsieur [C] [T], concernant le local commercial sis [Adresse 1] à [Localité 5], à effet au 31 décembre 2021,

CONSTATE que [C] [T] est occupant sans droit ni titre du commercial sis [Adresse 1] à [Localité 5], propriété de [S] [X] ;

ORDONNE l'expulsion de [C] [T] du commercial sis [Adresse 1] à [Localité 5], propriété de [S] [X], ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec si besoin le concours de la force publique, à défaut de libération volontaire des lieux ;

FIXE à la somme de TROIS CENT TRENTE-TROIS EUROS ET TRENTE-TROIS CENTIMES (333,33 euros) le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due par [C] [T] à [S] [X] à compter du 1er janvier 2022, jusqu'à complète libération des lieux, et le CONDAMNE au paiement ;

CONDAMNE [C] [T] à payer la somme de MILLE EUROS (1000 euros) à [S] [X] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [C] [T] aux dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'assignation et de la signification de la présente décision ;

RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire par provision. »

***

M. [C] [T] a fait appel de ce jugement le 26 juillet 2023, précisant :

« DÉCLARATION D'APPEL REMISE AU SECRETARIAT GREFFE LE 26 JUILLET 2023

Par devant la Cour d'Appel de Riom

D'un jugement rendu par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND en date du 13 juillet 2023 (R.G. 22/01689 - Première Chambre Civile)

Monsieur [C] [T], né le 12 mai 1966 à [Localité 7] (SYRIE), restaurateur, demeurant [Adresse 3],

Pour lequel domicile est élu au Cabinet de Maître Patrick ROESCH, SELARL JURIDÔME, Avocat au Barreau de CLERMONT-FERRAND, demeurant [Adresse 4], lequel se constitue et occupera pour elle sur le présent appel.

Déclare par la présente interjeter appel de la décision ci-dessus énoncée à l'encontre de :

Monsieur [S] [X], né le 11 juin 1983 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

L'appel est général et sollicite sa réformation pure et simple en ce que le Premier Juge a :

- Validé le congé avec refus de renouvellement pour motif grave délivré le 17 juin 2021 ;

- Constaté que [C] [T] est occupant sans droit ni titre du commercial sis [Adresse 1] à [Localité 5] ;

- Ordonné l'expulsion de [C] [T] du commercial sis [Adresse 1] à [Localité 5] ;

- Fixé à TROIS CENT TRENTE-TROIS EUROS ET TRENTE-TROIS CENTIMES (333,33 euros) le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due par [C] [T] à [S] [X] à compter du 1er janvier 2022, jusqu'à complète libération des lieux, et le condamne au paiement ;

- Condamné [C] [T] à payer la somme de MILLE EUROS (1.000 euros) à [S] [X] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné [C] [T] aux dépens. »

Dans ses conclusions ensuite du 19 octobre 2023 M. [C] [T] demande à la cour de :

« Réformer purement et simplement le Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de CLERMONT-FERRAND en date du 13 juillet 2023.

Réformant,

Débouter Monsieur [S] [X] de l'intégralité de ses demandes.

Vu l'Article L. 145-17 du Code de Commerce,

Dire que Monsieur [S] [X] ne peut invoquer les motifs graves et légitimes à l'appui d'un congé délivré sans offre de renouvellement.

Dire et juger également qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du bail, le propriétaire ne rapportant pas la preuve d'un défaut d'exploitation d'une part ; et d'autre part, le non règlement ponctuel des loyers et des charges étant justifié par une légitime exception d'inexécution au regard des manquements du propriétaire à ses obligations de délivrance et de jouissance paisible notamment.

Dire en toute hypothèse qu'à compter de la mise en demeure prévue aux termes de l'Article L. 145-17-1 du Code de Commerce, Monsieur [C] [T] disposait d'un délai d'un mois lui permettant de se mettre en conformité, et précisément dans le délai requis, soit le 08 décembre 2020, Monsieur [C] [T] apportait réponse, aucun élément de preuve n'étant rapporté par le propriétaire bailleur quant aux manquements invoqués postérieurement à la mise en demeure.

Faire droit en revanche à la demande reconventionnelle de Monsieur [C] [T].

Y faisant droit,

Vu l'Article 1719 du Code Civil,

Vu les troubles de jouissance invoqués,

Vu les mises en demeure effectuées au titre de ces troubles de jouissance, et ce sans pour autant qu'il n'y ait été remédié par Monsieur [S] [X],

Condamner Monsieur [S] [X] à payer et porter à Monsieur [C] [T] une somme de 10.000 € à titre de légitimes dommages et intérêts.

Dire que le congé délivré dans ses effets produira celui d'un congé avec offre d'indemnité d'éviction.

Vu l'Article 145 du Code de Procédure Civile,

Dire que Monsieur [C] [T] est en droit de solliciter le paiement d'une indemnité d'éviction.

Avant dire droit sur le montant de cette indemnité d'éviction, organiser une mesure d'expertise judiciaire en confiant celle-ci à tel expert qu'il plaira au tribunal de désigner et en lui confiant notamment la mission sus décrite.

Condamner en toute hypothèse Monsieur [S] [X] à payer et porter à Monsieur [C] [T] une somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner Monsieur [S] [X] à payer et porter à Monsieur [C] [T] une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Condamner Monsieur [S] [X] aux entiers dépens. »

***

M. [S] [X] a conclu pour sa part le 16 janvier 2025 afin de demander à la cour de :

« Recevoir Monsieur [S] [X] en son argumentation et la dire fondée.

Débouter Monsieur [C] [T] en ses motifs d'appel comme non fondés. Confirmer le Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire le 13 JUILLET 2023.

À TITRE PRINCIPAL

Vu les dispositions de l'Article L. 145-17 du Code de Commerce,

Vu la Mise en Demeure extra-judiciaire en date du 2 DECEMBRE 2020.

Juger le Congé pour Motifs Grave en date du 17 JUIN 2021 fondé,

Juger que Monsieur [C] [T], est occupant sans droit titre depuis le 1er Janvier 2022, suite au Congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime en date du 17 JUIN 2021.

À TITRE SUBSIDIAIRE

Juger que Monsieur [C] [T] a manqué à ses obligations contractuelles tant en ce qui concerne les conditions d'exploitation que le paiement régulier des loyers.

En conséquence :

Prononcer la résolution judiciaire du bail à compter du 1er Janvier 2022, pour défaut d'exploitation et règlement des loyers et charges.

Condamner Monsieur [C] [T] à payer la somme de 4 276,62 € au titre de l'indemnité d'occupation, sous réserve de son actualisation à la date de clôture de la procédure.

Ordonner l'expulsion de Monsieur [C] [T], ainsi que de tous occupants de son fait, sur signification du Jugement à intervenir.

Condamner Monsieur [C] [T] au paiement de la somme de 3 609,19 € au titre de l'indemnité d'occupation arrêtée au 31 DÉCEMBRE 2024.

Le condamner à payer une indemnité d'occupation de 333,33 € mensuel, jusqu'à la libération effective des locaux. »

***

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.

Une ordonnance du 20 février 2025 clôture la procédure.

II. Motifs

Le bail commercial « tout commerce » conclu le 20 juin 2011 entre M. [T] et M. [G], précédent propriétaire des lieux, mentionne que le local commercial loué a une surface de 58 m² et possède une cave « sous l'ensemble loué ». Au titre des « charges et conditions », il est expressément mentionné que le preneur s'engage à « ne pouvoir céder ni sous-louer, en tout ou en partie, aucun droit au présent bail, sous peine de résiliation. »

Or le constat réalisé par huissier le 12 mars 2020, sur autorisation du président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, montre à l'évidence que les locaux commerciaux ont été transformés en lieu d'habitation, y compris la cave au sous-sol. Des annonces et avis parus sur Internet en 2018, 2019 et 2020, il se déduit qu'en réalité dans ce local commercial M. [T] exerçait une activité d'hôtellerie, annonçant « un appartement neuf de 90 m² », ce qui suppose que la cave avait été transformée afin accueillir des touristes.

M. [T] fait état d'un accord qui avait été pris précédemment avec M. [G], au terme duquel celui-ci l'aurait autorisé à sous-louer, cependant il n'en rapporte pas la preuve. En effet, à la sommation interpellative qu'il a fait adresser en ce sens à M. [G] le 31 août 2015, celui-ci répond qu'il est d'accord mais sous la réserve que le loyer passe de 4000 à 6000 EUR ; or M. [T] ne démontre nullement avoir satisfait à cette augmentation, et en outre aucun avenant n'a été signé. Au demeurant, si M. [T] s'est estimé contraint de demander au propriétaire d'alors l'autorisation de sous-louer le bien, cela témoigne de ce qu'il avait parfaitement conscience qu'une telle opération n'était pas possible sans son accord. Dans une lettre qu'il adresse à M. [T] le 23 octobre 2017, M. [G] se plaint d'ailleurs de cette situation, notamment l'aménagement de la cave « en usage clientèle » et la transformation du local commercial « en un appartement de location » (cf. pièce nº 13 de l'intimé) ; preuve supplémentaire de ce qu'aucun accord n'avait été pris à la suite de la sommation du 31 août 2015.

Cette tentative d'accord non aboutie dessert par ailleurs l'argumentation de M. [T] consistant à dire que son bail « tout commerce » l'autorisait en toute hypothèse à exploiter n'importe quelle activité commerciale dans le local loué, et en particulier celle de loueur de meublé professionnel (cf. ses conclusions et les termes de la lettre qu'il a adressée au conseil de M. [X] le 18 novembre 2020). En effet, à supposer que l'on puisse tenir pour valable cette affirmation dans le cadre du bail dont il s'agit, il demeure que l'augmentation de loyer sollicitée dans ce cas par M. [G], précédent propriétaire, ne lui a manifestement jamais été payée, moyennant quoi une des conditions essentielles du bail n'était pas remplie par M. [T]. Et en toute hypothèse, le bail « tout commerce » ne lui permettait pas de transformer la cave en lieu d'habitation, ce qui constitue une autre violation du bail.

En conséquence, par motifs adoptés en tant que de besoin, la décision du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand ne peut qu'être intégralement confirmée.

2500 EUR sont justes pour l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;

M. [T] supportera les dépens d'appel qui comprendront le coût du constat réalisé par la SCP H8 le 12 mars 2020, sur autorisation du président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement ;

Condamne M. [C] [T] à payer à M. [S] [X] la somme de 2500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure devant la cour d'appel ;

Condamne M. [C] [T] aux dépens d'appel qui comprendront le coût du constat réalisé par la SCP H8 le 12 mars 2020, sur autorisation du président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Le greffier Le président

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