CA Versailles, ch. civ. 1-2, 10 juin 2025, n° 24/01543
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Compagnie d'Énergie Solaire (SAS)
Défendeur :
Solfinea (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Conseillers :
Mme Thivellier, Mme de Larminat
Avocats :
Me Baudin, Me Karm, Me Boulaire, Me Mendes Gil
Rappel des faits constants
M. [C] [D] est propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 5] à [Localité 3] en Moselle.
A l'issue d'un démarchage de la SAS Compagnie d'Énergie Solaire, M. [D] a commandé, le 29 mai 2012, une installation d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque pour la somme de 19 500 euros TTC.
Le même jour, M. [D] a souscrit auprès de la société Solfinea un contrat de crédit affecté, à hauteur de 19 500 euros, remboursable sur 191 mois, au taux d'intérêt de 5,60 % l'an, ayant pour objet le financement de l'installation photovoltaïque acquise auprès de la société Compagnie d'Énergie Solaire.
Le 30 juillet 2012, M. [D] a signé une attestation de fin de travaux certifiant que les travaux, objets du financement auprès de la société Solfinea, étaient terminés et conformes au devis.
Le prêt a été intégralement remboursé par anticipation en 2015.
M. [D] se plaignant de l'installation litigieuse au regard des promesses de rendement qui lui auraient été faites, a fait établir un rapport d'étude le 1er septembre 2021 par M. [F] [H].
Le tribunal de commerce de Nanterre a, par jugement rendu le 9 avril 2014, placé la société Compagnie d'Énergie Solaire en liquidation judiciaire et désigné Me [Z] [I] en qualité de liquidateur.
Entendant obtenir la nullité des contrats de vente et de prêt affecté et une indemnisation subséquente, M. [D] a assigné Me [I], ès qualités, et la société Solfinea devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine, par acte de commissaire de justice délivré le 28 juin 2022.
La décision contestée
Devant le juge des contentieux de la protection, M. [D] a présenté les demandes suivantes :
- déclarer ses demandes recevables,
- prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société Compagnie d'Énergie Solaire,
- prononcer la nullité du contrat de prêt affecté conclu avec la société Solfinea,
- condamner la société Solfinea à lui rembourser l'ensemble des sommes versées au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,
- condamner la société Solfinea à lui verser les sommes suivantes :
. 19 500 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,
. 9 837,69 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais qu'il a payés à la société Solfinea en exécution du prêt souscrit,
. 10 000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation et de la remise en état de l'immeuble,
. 5 000 euros au titre du préjudice moral,
. 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société Solfinea et la Compagnie d'Énergie Solaire de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires,
- condamner la société Solfinea aux dépens.
La société Solfinea a comparu et a soulevé la prescription de l'action du demandeur.
Me [I], ès qualités, n'a pas comparu et n'était pas représenté.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 12 septembre 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine a :
- déclaré irrecevables les demandes de M. [D] dirigées contre la société Solfinea,
- débouté M. [D] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Solfinea de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [D] aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Pour déclarer irrecevables les demandes de M. [D], le premier juge a retenu que celles-ci étaient prescrites, comme n'ayant pas été présentées dans le délai de 5 ans de l'article 2224 du code civil.
La procédure d'appel
M. [D] a relevé appel du jugement par déclaration du 4 mars 2024 enregistrée sous le numéro de procédure 24/01543.
Par ordonnance rendue le 6 février 2025, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 25 mars 2025, dans le cadre d'une audience collégiale.
Les conseils des parties ont procédé au dépôt de leurs dossiers de plaidoiries sans se présenter à l'audience.
Prétentions de M. [D], appelant
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 29 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [D] demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
. a déclaré irrecevables ses demandes dirigées contre la société Solfinea,
. l'a débouté de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
. l'a condamné aux dépens.
. a rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
statuant à nouveau et y ajoutant,
- déclarer ses demandes recevables et bien fondées,
- prononcer la nullité du contrat de vente qu'il a conclu avec la société Compagnie d'Énergie Solaire,
- mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société Compagnie d'Énergie Solaire l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble et dire qu'à défaut de reprise, l'installation lui demeurera acquise qui pourra alors librement en disposer,
- prononcer la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre lui et la société Solfinea,
- déclarer que la société Solfinea a commis une faute dans le déblocage des fonds à son préjudice devant entraîner la privation de sa créance de restitution,
- condamner la société Solfinea à lui verser l'intégralité des sommes suivantes au titre des fautes commises :
. 19 500 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution,
. 9 837,69 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par lui à la société Solfinea en exécution du prêt souscrit,
. 5 000 euros au titre du préjudice moral,
. 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
en tout état de cause,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société Solfinea,
- condamner la société Solfinea à lui rembourser l'ensemble des intérêts versés au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement et lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgés desdits intérêts,
- débouter la société Solfinea et la société Compagnie d'Énergie Solaire de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes,
- condamner la société Solfinea à supporter les entiers frais et dépens de l'instance.
Prétentions de la société Solfinea, intimée
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 2 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, la société Solfinea demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les demandes de M. [D] irrecevables, en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné l'emprunteur aux entiers dépens,
statuant à nouveau sur les chefs critiqués et sur les demandes des parties,
à titre principal,
- déclarer irrecevables l'action et l'ensemble des demandes formées par M. [D] au vu de la prescription quinquennale,
- rejeter toutes autres demandes dont le bien-fondé dépend de celles prescrites,
à titre principal,
- déclarer irrecevables l'action et l'ensemble des demandes formées par M. [D] au vu du remboursement anticipé,
- à tout le moins, débouter M. [D] de son action et de toutes ses demandes au vu du remboursement anticipé,
à défaut,
- déclarer irrecevable la demande de M. [D] en nullité du contrat conclu avec la société Compagnie d'Énergie Solaire,
- déclarer, par voie de conséquence, irrecevable la demande de M. [D] en nullité du contrat de crédit conclu avec elle,
- dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées,
- débouter M. [D] de sa demande en nullité du contrat conclu avec la société Compagnie d'Énergie Solaire, ainsi que de sa demande en nullité du contrat de crédit conclu avec elle et de leur demande en restitution des mensualités réglées,
- déclarer irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels et la demande de répétition des intérêts, subsidiairement, la rejeter comme infondée,
subsidiairement, en cas de nullité des contrats,
- déclarer irrecevable la demande de M. [D] visant à la décharge de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins l'en débouter,
- condamner en conséquence M. [D] à lui régler la somme de 19 500 euros en restitution du capital prêté,
- débouter M. [D] de ses demandes de sa condamnation à lui régler les sommes de 19 500 euros et de 9 837,69 euros qui ne correspondent pas aux sommes qu'elle a réglées,
- limiter la restitution des mensualités réglées aux sommes effectivement réglées par l'emprunteur,
en tout état de cause,
- déclarer irrecevables les demandes de M. [D] visant à la privation de sa créance, ainsi que ses demandes de dommages-intérêts, à tout le moins, le débouter de ses demandes,
très subsidiairement,
- limiter la réparation qui serait due par elle eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice,
- limiter en conséquence la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. [D] d'en justifier,
- en cas de réparation par voie de dommages-intérêts, limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et dire et juger que M. [D] reste tenu de restituer l'entier capital à hauteur de 19 500 euros,
à titre infiniment subsidiaire, en cas de privation de créance de la banque,
- condamner M. [D] à lui payer la somme de 19 500 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages-intérêts en réparation de sa légèreté blâmable,
- enjoindre à M. [D] de restituer, à ses frais, le matériel installé au liquidateur judiciaire de la société Compagnie d'Énergie Solaire, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, et dire et juger qu'à défaut de restitution, M. [D] restera tenu du remboursement/restitution du capital prêté, subsidiairement, priver M. [D] de sa créance en restitution des sommes réglées du fait de sa légèreté blâmable,
- débouter M. [D] de toutes autres demandes, fins et conclusions,
- ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
en tout état de cause,
- condamner M. [D] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me Mathieu Karm.
Prétentions de Me [I] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Compagnie d'Énergie Solaire, intimée
Me [I], ès qualités, n'a pas constitué avocat.
La déclaration d'appel lui a été signifiée par acte du 29 avril 2024 délivré à une personne habilitée à recevoir l'acte. Les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées par acte du 13 juin 2024 délivré également à personne habilitée à recevoir l'acte.
L'arrêt sera réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire, il est rappelé qu'aux termes de ses écritures, M. [D] entend voir prononcer les nullités des contrats de vente et de prêt affecté et qu'il fonde ses demandes sur le dol - il invoque une discordance entre la rentabilité promise et la rentabilité attendue de son installation - et le non-respect des dispositions impératives du code de la consommation sur la régularité du bon de commande, qu'il entend également engager la responsabilité de la banque et demande enfin que celle-ci soit déchue du droit aux intérêts contractuels.
Sur la recevabilité des demandes d'annulation des contrat de vente et de prêt affecté
M. [D] fait grief au premier juge d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites les actions qu'il a engagées, tant sur le fondement du dol que des violations des dispositions impératives du code de la consommation.
Concernant l'action en nullité fondée sur l'existence d'un dol, M. [D] rappelle que le premier juge a estimé qu'en l'absence d'engagement de rentabilité spécifié dans le bon de commande, il ne pouvait soutenir avoir découvert postérieurement des éléments caractérisant une tromperie et l'erreur qui en aurait résulté, qu'ainsi, aucune nullité n'est encourue de ce chef.
Il critique cette position et fait valoir qu'il a pris pleinement conscience qu'il s'était engagé dans une opération désavantageuse, faite sur la base de fausses promesses, qu'à la lecture du rapport d'expertise qui lui a été remis, ce qui l'a conduit à saisir un avocat, que c'est vainement qu'il est soutenu qu'il a pu se convaincre lui-même, ab initio, de l'ampleur et de la gravité du problème dès lors que l'appréciation de la rentabilité d'une installation ou de biens d'équipement censés produire un gain ou une économie d'énergie sur de nombreuses années suppose nécessairement un tant soit peu de recul.
Concernant l'action fondée sur les irrégularités du bon de commande, M. [D] expose que le premier juge a fixé le point de départ du délai de prescription quinquennale à la date de la signature du bon de commande, au motif qu'il était en mesure de vérifier au jour de la remise de son exemplaire du bon de commande, soit le 29 mai 2012, que le contrat était incomplet comme ne comportant pas certaines mentions qu'il jugeait essentielles pour la validité de celui-ci dans la mesure où les dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation étaient reproduites.
Il critique cette position et soutient que le fait générateur de responsabilité consiste ici dans le fait pour le banquier dispensateur de crédit d'avoir commis une faute dans le déblocage des fonds en manquant à son devoir d'information et d'alerte à son préjudice, qu'il ne pouvait connaître la matérialité de cette faute avant de connaître les faits au sujet desquels la banque devait l'alerter. Il prétend qu'il n'a eu une connaissance effective des faits lui permettant d'agir qu'après avoir saisi un avocat qui a attiré son attention à cet égard.
M. [D] poursuit en conséquence l'infirmation du jugement de ce chef.
La société Solfinea conclut, quant à elle, à l'irrecevabilité des demandes en raison de leur prescription et donc à la confirmation du jugement.
Concernant l'action en nullité fondée sur l'existence d'un dol, elle soutient que, s'il est admis que le point de départ de la prescription peut être reporté au jour de la découverte des man'uvres ou à la date à laquelle le cocontractant a pu déceler le vice allégué, encore faut-il que le requérant justifie des éléments de fait qui induisent qu'il n'a eu connaissance du dol ou qu'il n'a été en mesure de la connaître que postérieurement à la conclusion du contrat, ce que M. [D] ne fait pas.
Concernant l'action fondée sur les irrégularités du bon de commande, la société Solfinea fait valoir que le point de départ du délai de prescription est la signature du contrat de prêt car l'acquéreur était alors en mesure de vérifier la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation et de déceler les irrégularités alléguées sans qu'il puisse opposer le fait qu'il ne connaissait pas la règlement applicable dès lors que « nul n'est censé ignorer la loi », sauf à rendre l'action imprescriptible. Il ajoute qu'il importe donc pas que le bon de commande comporte au non la reproduction des dispositions du code de la consommation.
Sur ce,
L'article 2224 du code civil dispose : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Il est constant que l'opération litigieuse a été souscrite le 29 mai 2012, soit plus de 5 ans avant l'introduction de l'instance intervenue le 28 juin 2022.
Pour autant, M. [D], qui ne remet pas en cause la durée de la prescription applicable, en conteste le point de départ, soutenant que celui-ci doit être fixé plus tardivement, hors la période atteinte par la prescription.
Sur les demandes de nullité fondées sur le dol
En application de l'article 1304 du code civil dans sa version applicable au contrat, la prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert les man'uvres ou la réticence dolosive qu'il dénonce.
Il incombe au requérant de justifier des éléments de fait qui induisent qu'il n'a eu connaissance du dol ou n'a été en mesure de le connaître que postérieurement à la souscription du contrat.
Or, en l'espèce, M. [D] ne rapporte pas la preuve d'une discordance, ni a fortiori de la date à laquelle il en aurait eu connaissance.
En effet, il ne justifie pas que le bon de commande comporterait un engagement contractuel de la venderesse concernant la rentabilité de l'installation acquise ou une garantie de revenus ou d'autofinancement (sa pièce 1).
Également, le rapport, amiable et non-contradictoire, dont l'établissement résulte de la seule volonté de l'appelant, ne peut avoir force probante en ce qu'il n'est corroboré par aucun autre élément du dossier et ne peut en outre constituer le point de départ de la prescription (pièce 4 de l'appelant).
Il sera observé que, dès avant l'établissement de ce rapport d'expertise, M. [D] avait nécessairement connaissance de la moindre rentabilité qu'il invoque et qu'il se fonde sur des suppositions quant à la monétisation prévisible de la production de l'installation.
Au demeurant, compte tenu de sa nature, il peut être retenu que l'acquisition de M. [D] ne s'inscrit pas uniquement dans une finalité de rentabilité, mais constitue également un achat responsable visant à protéger l'environnement et un geste louable pour la planète.
L'argumentation de M. [D], à ce sujet, doit en conséquence être écartée.
Sur les demandes de nullité fondées sur la violation des dispositions du code de la consommation
Il est constant que le point de départ du délai de la prescription commence à courir à compter du moment où son auteur a pris connaissance des faits, ou a décelé les erreurs lui permettant de l'exercer.
Au vu du fondement de la demande en nullité du contrat, à savoir le non-respect des prescriptions de l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa version alors applicable, le point de départ de la prescription est la date de l'acte argué de nullité sauf à ce que M. [D] démontre qu'il était dans l'impossibilité d'agir et qu'il ignorait l'existence de ses droits.
M. [D] ne saurait, pour administrer une telle preuve et solliciter un report du point de départ de la prescription à la date à laquelle il a consulté un avocat, se prévaloir de sa qualité de consommateur profane et d'une méconnaissance de la réglementation applicable, alors même que nul n'est censé ignorer la loi et que les irrégularités formelles invoquées, à les supposer avérées, étaient visibles par l'intéressé à la date de conclusion du contrat.
Par suite, M. [D] connaissait ou auraient dû connaître les irrégularités entachant le bon de commande litigieux et était en mesure d'agir dès sa signature.
Au demeurant, il sera relevé que la reproduction des dispositions applicables jointes au bon de commande, si elle ne permet pas de rapporter la preuve de la connaissance effective par l'acquéreur des irrégularités formelles entachant le bon de commande, avait néanmoins pour conséquence de rendre ces irrégularités décelables au moment de la signature du bon de commande.
Retenir l'argumentation de M. [D] reviendrait par ailleurs à voir repousser le point de départ du délai de prescription à une date décidée à sa seule convenance, à savoir celle à laquelle il a pu avoir une connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme qu'il invoque.
Par ailleurs, c'est en vain que M. [D] invoque la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne pour échapper à la prescription quinquennale. En effet, la règle nationale de prescription de l'action est conforme aux principes européens d'effectivité des droits, notamment du consommateur, en ce que d'une part, elle ne fait courir le délai à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits, d'autre part en ce qu'elle aménage un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre efficacement.
En outre, le principe d'effectivité des sanctions posé par l'article 23 de la directive 2008.43/CE du 23 avril 2008 n'impose pas à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes, et ce dans un souci de sécurité juridique compatible avec le droit communautaire.
De la même manière, M. [D] ne peut utilement invoquer la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux erreurs commises en matière de taux effectif global selon laquelle le point de départ de la prescription quinquennale doit être reporté lorsque l'erreur n'était pas décelable lors de la conclusion du contrat, puisque précisément, en l'espèce, M. [D] était en mesure de déceler lors de la conclusion du contrat de vente litigieux les irrégularités entachant, selon ses dires, le bon de commande, sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux, ces erreurs résultant du seul constat que certaines mentions prévues par le code de la consommation n'apparaissaient pas sur le bon de commande.
Enfin, il ne peut pas davantage invoquer la jurisprudence de la Cour de cassation issue de son arrêt du 24 janvier 2024 relative à la confirmation d'un acte nul par application de l'article 1182 du code civil qui juge désormais que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions, puisque l'article 1182 du code civil exige une connaissance effective de la cause de nullité (« en connaissance de la cause de nullité »), tandis que l'article 2224 du même code applicable à l'espèce, n'exige du titulaire du droit qu'une connaissance effective ou supposée des faits. En effet, le fait permettant d'agir en nullité est l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande et c'est donc la date de signature de celui-ci qui doit être retenue comme point de départ de prescription puisque cette absence y était parfaitement visible, et non la connaissance juridique des conséquences de cette absence, de sorte que le fait que la banque ne l'aurait pas alertée sur les irrégularités formelles du contrat est sans incidence sur le point de départ du délai de prescription.
Ce deuxième argument doit en conséquence également être écarté.
Il résulte de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré prescrite la demande de nullité des contrats de vente et de crédit affecté fondée sur le dol et la violation des dispositions du code de la consommation présentée à l'encontre de la société Solfinea, motif pris de ce qu'elle a été formée par assignation délivrée le 28 juin 2022, soit bien plus de cinq ans après la signature du bon de commande litigieux intervenue le 29 mai 2012.
Ajoutant au jugement, il convient également de déclarer irrecevables l'ensemble des demandes présentées par M. [D] contre la société Compagnie d'Énergie Solaire.
Sur la recevabilité de l'action en responsabilité dirigée contre la banque
Le point de départ du délai de prescription, régi par l'article 2224 du code civil, de l'action en responsabilité dirigée contre la société Solfinea se situe au jour de la commission de la faute prétendue, à savoir ici le déblocage des fonds en exécution d'un contrat comportant des irrégularités formelles sans que ce point de départ puisse être reporté à la date à laquelle l'appelante a eu connaissance, par la consultation d'un avocat, de la faute qu'elle reproche à la banque alors qu'elle était en mesure de connaître les irrégularités du bon de commande pour les motifs ci-dessus indiqués.
Au cas d'espèce, les contrats de vente et de crédit affecté ont été signés le 29 mai 2012. La banque ne précise pas la date de déblocage des fonds laquelle est en tout état de cause nécessairement intervenue avant le remboursement du prêt. La banque ne produit pas de tableau d'amortissement ni d'historique de compte (sa pièce 5 annoncée comme étant un historique de compte dans le bordereau de communication de pièces, étant en réalité l'attestation de fin de travaux et une facture d'électricité) mais, même en ne prenant en compte, pour les besoins du raisonnement, que la date du paiement de l'intégralité du prêt, soit en 2015, le déblocage des fonds est intervenu plus de 5 ans avant la délivrance de l'assignation survenue le 28 juin 2022.
En conséquence, l'action en responsabilité, et subséquemment la totalité des demandes en indemnisation des préjudices de l'appelant sont irrecevables comme étant prescrites.
Le jugement déféré doit donc également être confirmé de ce chef.
Sur la recevabilité de la demande de déchéance du droit aux intérêts
M. [D] demande à la cour de prononcer la déchéance du droit aux intérêts et de condamner la société Solfinea à lui rembourser l'ensemble des intérêts versés aux motifs que la banque a manqué à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde prévus par l'article L. 312-14 du code de la consommation et ne justifie pas de la consultation du FICP, ainsi que dans l'hypothèse où elle n'apporterait pas la preuve que le crédit ait été distribué par un professionnel qualifié, compétent donc formé, dont la société Compagnie d'Énergie Solaire est responsable en application des dispositions des articles L. 546-1, L. 311-8 et D. 311-4-3 du code de la consommation.
Il ne formule aucun moyen en réponse à la demande d'irrecevabilité formée par la banque.
La société Solfinea sollicite que cette demande soit déclarée irrecevable, ainsi que la demande subséquente de répétition des intérêts. Elle fait valoir, sur le fondement de l'article L. 110-4 du code de commerce et l'article 2224 du code civil, que cette demande est prescrite car formée plus de 5 ans après la conclusion du prêt.
Sur ce,
En application de l'article L. 110-4 du code du commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
En l'espèce, il convient de relever que c'est M. [D] qui a agi en annulation des contrats et que la banque ne l'a pas assigné en paiement du solde du crédit et n'a pas formé de demande reconventionnelle en ce sens.
La société Solfinea s'est bornée à conclure à l'irrecevabilité des demandes d'annulation et subsidiairement à leur débouté et s'est opposée à la privation de sa demande de restitution du capital en cas d'annulation.
Dès lors la demande de M. [D] visant à prononcer la déchéance du droit aux intérêts n'est pas un moyen de défense et se trouve donc prescrite l'assignation ayant été délivrée plus de cinq ans après la signature du contrat de crédit le 29 mai 2012.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
Tenant compte de la décision rendue, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [D] au paiement des dépens de l'instance et débouté les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles.
M. [D], qui succombe en son recours, supportera les dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Ceux-ci seront recouvrés directement par Me Karm, avocat, qui en fait la demande, en application des dispositions de l'article 699 du même code.
M. [D] sera en outre condamné à payer à la société Solfinea une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 500 euros et sera débouté de sa propre demande présentée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire,
CONFIRME en toutes ses dispositions dévolues à la cour le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine le 12 septembre 2023,
Y ajoutant,
DECLARE irrecevables les demandes présentées par M. [C] [D] à l'encontre de la société Compagnie d'Énergie Solaire,
CONDAMNE M. [C] [D] au paiement des dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Karm, avocat,
CONDAMNE M. [C] [D] à payer à la SA Solfinea une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [C] [D] de sa demande présentée sur le même fondement.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Bénédicte NISI, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.