CA Poitiers, 1re ch., 10 juin 2025, n° 24/02883
POITIERS
Arrêt
Autre
ARRÊT N°222
N° RG 24/02883
N° Portalis DBV5-V-B7I-HFZM
[W]
C/
S.A.S. AXA FRANCE
SA QBE EUROPE
S.A.S. URETEK
Loi n° 77 - 1468 du 30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le aux avocats
Copie gratuite délivrée
Le aux avocats
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 10 JUIN 2025
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 13 novembre 2024 rendue par le Tribunal Judiciaire de POITIERS
APPELANTS :
Madame [K] [W]
[Adresse 8]
[Localité 17]
Monsieur [N] [W]
[Adresse 8]
[Localité 17].
ayant tous deux pour avocat postulant Me Florent BACLE de la SARL BACLE BARROUX AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Pierre-Alban BERNARDIN, avocat au barreau de TOURS
INTIMÉES :
S.A. AXA FRANCE
[Adresse 9]
[Localité 12]
ayant pour avocat Me Marion LE LAIN de la SELARL 1927 AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS, substituée par Me Anne-Sophie LAPENE, avocat au barreau de POITIERS
Compagnie QBE EUROPE SA/NV
prise en sa qualité d'assureur de la Société URETEK
[Adresse 16]
[Localité 11]
ayant pour avocat postulant Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Emmanuel PERREAU, substitué par Me Benoît GRANGÉ, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. URETEK
N° SIRET : 407 513 370
[Adresse 7]
[Localité 10]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Stéphanie NGUYEN NGOC, substituée par Me Frédéric POIRIER, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par E. TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les époux [N] et [K] [W] sont propriétaires d'une maison d'habitation située [Adresse 8] (Vienne).
Par arrêté du 11 juillet 2012, la commune de [Localité 17] a été reconnue en état de catastrophe naturelle à la suite des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, sur la période du 1er au 30 avril 2011.
Les époux [N] et [K] [W] ont déclaré le 12 juillet 2012 un sinistre à la société Axa France (Axa), leur assureur multirisque habitation.
Une étude de sol a été réalisée le 22 mai 2013. Un rapport d'expertise amiable est en date du 3 août 2013. Il y a été conclu que les désordres allégués étaient liés à la sécheresse. Il était préconisé de traiter les fissures et de mettre en place des mesures permettant de stabiliser les sols.
Par devis accepté le 29 août 2013, les époux [N] et [K] [W] ont confié à la société Uretek les travaux de reprise des désordres liés à la sécheresse, au prix de 32.528 €, montant toutes taxes comprises. Une délégation de paiement a été convenue avec la société Axa France.
Le procès-verbal de réception des travaux, sans réserves, est en date du 25 octobre 2013.
Par courriel en date du 2 mars 2018 puis par courrier en date du 14 mai 2018, les époux [N] et [K] [W] ont signalé à la société Uretek l'apparition de nouveaux désordres sur leur maison d'habitation.
L'assureur de responsabilité décennale de la société Uretek, la société Qbe Europe SA/NV (Qbe), a missionné le cabinet Cristalis, aux fins d'expertise. Six rapports d'expertise ont été établis. Celui n° 4 en date du 27 décembre 2018 conclut que l'affaissement constaté serait consécutif à un défaut d'injection de résine de la rive du dallage lors du traitement de sol et que la fissure verticale présente à l'intérieur de la maison serait due à l'absence de traitement sur la rive délimitant l'extension de l'habitation.
La société Qbe a confié à la société Viroulaud les travaux de démolition et de reconstruction des plafonds de la maison d'habitation.
Par courriel en date du 14 janvier 2020, les époux [N] et [K] [W] ont informé [E] [D], expert du cabinet Cristallis, de l'apparition de nouveaux désordres.
Par courrier recommandé en date du 30 novembre 2022, les époux [N] et [K] [W] ont mis en demeure la société Qbe de prendre position sur la résolution définitive de leur sinistre.
Par courrier en date du 6 novembre 2023, la société Qbe a opposé aux époux [N] et [K] [W] la prescription de la garantie décennale.
Ces derniers ont fait dresser le 19 juin 2024 le constat des fissurations affectant leur bien.
Par acte du 21 août 2024, les époux [N] et [K] [W] ont fait assigner les sociétés Qbe, Uretek et Axa devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers. Ils ont demandé d'ordonner une expertise et paiement à titre de provisions des sommes de 270.298,53 €, 30.000 € et 5.000 € à valoir sur l'indemnisation ultérieure de leurs préjudices matériel, de jouissance et moral.
Ils ont soutenu à l'appui de leurs demandes que :
- leur action née de leur première déclaration de sinistre n'était pas forclose ;
- les travaux de reprise avaient fait courir un nouveau délai de garantie décennale ;
- les défenderesses avaient commis une faute en ne faisant pas réaliser les travaux nécessaires pour remédier aux désordres ;
- leur assureur multirisque habitation devait garantir la réparation du bien ;
- la société Qbe était tenue à une obligation de résultat, s'agissant de l'efficacité des travaux réalisés ;
- ces circonstances caractérisaient un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile.
La société Uretek a conclu au rejet de ces demandes au motif que l'action en garantie décennale était forclose.
La société Qbe a de même conclu au rejet des prétentions des demandeurs, l'action en garantie décennale étant selon elle forclose. Elle a ajouté que la société Axa avait commis une faute en n'ayant pas fait réaliser l'ensemble des travaux nécessaires.
La société Axa n'a pas comparu.
Par ordonnance du 13 novembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers a statué en ces termes :
'DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise judiciaire ;
DIT n'y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnations provisionnelles ;
DIT n'y avoir lieu à aucune condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande ;
RAPPELLE que la présente ordonnance est exécutoire par provision de plein droit ;
RAPPELLE qu'il sera procédé à la signification de la présente ordonnance par la partie la plus diligente ;
CONDAMNE M. [N] [W] et Mmc [K] [W] in solidum aux dépens'.
Il a considéré que :
- l'action en garantie décennale exercée à l'encontre des sociétés Uretek et Qbe était forclose, le délai pour agir ayant expiré au 25 octobre 2023 et l'assignation ayant été délivrée le 21 août 2024 ;
- la forclusion constituait une contestation sérieuse excluant qu'il puisse être fait droit à la demande de provision.
Par déclaration reçue au greffe le 29 novembre 2024, les époux [N] et [K] [W] ont interjeté appel de cette ordonnance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 janvier 2025,n ils ont demandé de :
'Vu l'article 145 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 834 du Code de procédure civile ;
Vu les articles L. 125-1 et L.125-2 du Code des assurances ;
Vu les articles 1792 et suivants du Code civil ;
Vu le constat d'huissier du 19 juin 2024 versé aux débats ;
[...]
INFIRMER l'ordonnance du Juge des référés du Tribunal judiciaire de Poitiers, n°RG 24/00278 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
DESIGNER tel expert qu'il plaira à la juridiction, avec pour mission :
- Se rendre sur place, [Adresse 8] et visiter les lieux ;
- Se faire remettre tous documents utiles à l'exécution de sa mission, notamment les études et devis précédemment réalisés ;
- Entendre les parties ainsi que tout sachant, s'il y a lieu tout sapiteur de la compétence de son choix ;
- Examiner les désordres allégués dans l'assignation ;
- Etablir un historique des travaux et des interventions et leurs conséquences; - Rechercher l'origine, l'étendue et les causes de ces désordres ;
- Prescrire les travaux d'urgence nécessaires à la préservation de l'immeuble en l'état ;
- Dire si les désordres se sont aggravés du fait de la négligence de prise en charge du sinistre initial ;
- Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre le cas échéant, à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues, décrire la chaine de responsabilité éventuellement identifiée, et l'imputation des responsabilités ;
- Chiffrer les préjudices ;
- Donner son avis technique sur les travaux nécessaires à la réfection des lieux, leur faisabilité, les évaluer à l'aide de devis d'entreprise fournis par les parties;
- Déposer un pré-rapport d'expertise et fixer un délai aux parties pour produire des dires ;
FIXER la provision sur frais de l'expert et la mettre à la charge, in solidum, de la société QBE, de la Société AXA France et de la société URETEK, au besoin les condamner ;
CONDAMNER la Société AXA France, au paiement à Monsieur et Madame [W] de la somme provisionnelle de 270 298,53 euros s'agissant des préjudices matériels et au titre des travaux à réaliser ;
CONDAMNER la Société QBE, la société URETEK et la Société AXA France, in solidum, au paiement au bénéfice de Monsieur et Madame [W] de la somme provisionnelle de30.000 euros au titre du préjudice de jouissance subi depuis 2013 ;
CONDAMNER la Société QBE, la société URETEK et la Société AXA France, in solidum, au paiement de la somme provisionnelle de 5.000 euros au titre du préjudice moral subi ;
CONDAMNER la Société QBE, la société URETEK et la société AXA FRANCE, in solidum, au paiement de la somme de 1.500 euros chacun au titre de l'article 700 du Code deprocédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance'.
Ils ont exposé que :
- la société Axa n'avait pas fait contrôler les travaux de reprise des désordres qu'elle avait financés ;
- la société Qbe avait missionné un expert, qui avait procédé aux opérations d'expertise les 28 août et 24 octobre 2018 ;
- la société Groupama, assureur de [F] [O] qui était intervenu sur les embellissements intérieurs, avait fait procéder à une expertise le 13 novembre 2018 ;
- l'expert missionné par la société Qbe avait, à l'issue d'une nouvelle réunion d'expertise le 16 septembre 2019, préconisé la démolition et la reconstruction des plafonds ;
- les travaux ainsi réalisés n'avaient pas été réceptionnés ;
- de nouveaux désordres étaient apparus 15 jours après la réalisation de ces travaux ;
- de nouvelles réunions d'expertises se sont postérieurement tenues ;
- les devis de travaux demandés par l'expert missionné par la société Qbe lui ont été transmis ;
- celui-ci a refusé de leur communiquer ces différents rapports, à destination de la seule société Qbe selon lui.
Ils ont soutenu que :
- le juge des référés avait statué infra petita, sans rechercher si le délai de la garantie décennale n'avait pas été interrompu par les interventions de la société Qbe, ni s'interroger sur la responsabilité de la société Axa qui était alléguée ;
- le délai de la garantie décennale n'était pas expiré, la société Uretek étant intervenue en 2013 et en 2019, cette dernière intervention ayant fait courir un nouveau délai décennal de forclusion ;
- le nouveau sinistre avait été fixé au 26 octobre 2018 dans les documents de la société Uretek et de la société Qbe ;
- ces sociétés, en faisant réaliser de nouveaux travaux, avaient admis leur responsabilité ;
- ces circonstances et l'incertitude sur les causes d'apparition des désordres, fondant l'expertise sollicitée, ne permettaient pas de caractériser la forclusion opposée.
Ils ont pour ces motifs maintenu :
- leur demande d'expertise, justifiant selon eux d'un motif légitime à la voir ordonner au sens de l'article 145 du code de procédure civile ;
- leur demande de provisions ;
- la société Axa, en charge de l'indemnisation de la catastrophe naturelle, était tenue du versement de ces provisions, in solidum avec les autres intimées.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2025, la société Uretek a demandé de :
'Vu l'Ordonnance de Référé rendue par le Président du Tribunal judiciaire de SENS,
Vu l'article 145 du Code de Procédure Civile,
Vu l'article 1792-4-1 du Code Civil,
Vu l'article 1792-4-3 du Code Civil,
Vu les articles 2241 et 2244 du Code Civil,
Vu l'article L. 125-1 du Code des Assurances,
Vu la jurisprudence de la Cour de cassation,
Vu les pièces produites,
EN CE QUI CONCERNE LA DEMANDE D'EXPERTISE JUDICIAIRE :
À TITRE PRINCIPAL :
' CONFIRMER l'Ordonnance en toutes ses dispositions.
À TITRE SUBSIDIAIRE :
' DONNER ACTE à la Société URETEK FRANCE des protestations et réserves d'usage sur la mesure d'expertise judiciaire sollicitée à son encontre.
' COMPLÉTER la mission de l'Expert judiciaire :
« Préciser au stade de la recherche des causes si les désordres sont consécutifs:
' À la présence des arbustes situés à moins de 10 mètres de l'habitation, constituant un facteur aggravant d'assèchement des sols,
' Au défaut de mise en 'uvre des protections hydriques,
' Au caractère insuffisant et inadapté des travaux financés par la Compagnie AXA FRANCE IARD, dans le cadre du sinistre « Sècheresse »,
' Ou à toute autre cause. »
EN CE QUI CONCERNE LA DEMANDE DE PROVISION :
À TITRE PRINCIPAL :
' CONFIRMER l'Ordonnance en toutes ses dispositions.
À TITRE SUBSIDIAIRE :
Vu l'article 1792 du Code Civil,
Vu les articles 2241 et 2244 du Code Civil,
Dans l'hypothèse où le Juge des référés devait se déclarer compétent pour :
ÉCARTER l'exception de forclusion opposée par la Société URETEK et son assureur QBE EUROPE,
RETENIR la responsabilité décennale de la Société URETEK,
CONDAMNER la Société URETEK à payer une provision aux époux [W],
' CONDAMNER la Compagnie QBE EUROPE, qui ne conteste pas sa garantie, sous réserve de la franchise contractuelle de 5 000 €, et la Compagnie AXA FRANCE IARD, à relever et garantir la Société URETEK FRANCE de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, au principal, intérêts, frais, article 700 et dépens'.
Elle a soutenu :
- qu'aucun acte n'avait interrompu le délai de la garantie décennale qui était expiré à la date de l'assignation en référé ;
- les appelants ne justifiaient dès lors pas d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, fondant la demande d'expertise.
Elle a subsidiairement indiqué émettre protestations et réserves sur cette demande et sollicité que la mission d'expertise proposée par les appelants soit complétée.
Elle a, en raison selon elle d'une contestation sérieuse tenant à la forclusion de l'action, conclu à titre principal au rejet de la demande de provision.
Elle a subsidiairement soutenu que la société Axa qui avait financé des travaux inadaptés devait être tenue au versement des provisions sollicitées et que la société Qbe devait la garantir.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2025, la société Qbe Eurpoe SA/NV a demandé de :
'Vu
Les articles 1140, 1792-4-1 et suivants, 2220 et 2241 du Code civil
Les articles 145, 334 et suivants, 835 du Code de procédure civile
La jurisprudence
[...]
A titre principal :
- DEBOUTER les époux [W] et toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société QBE EUROPE
En conséquence :
CONFIRMER l'ordonnance de référé du 13 novembre 2024 dans l'ensemble de ses dispositions
A titre subsidiaire :
- DONNER ACTE à la Cie QBE EUROPE de ses protestations et réserves concernant la mesure d'expertise sollicitée
- COMPLETER la mission d'expertise sollicitée par les chefs suivants :
o Rechercher l'origine, l'étendue et les causes de ces désordres « en ce compris d'éventuels désordres antérieurs à ceux survenus en 2012 »
o Dire si les désordres se sont aggravés du fait de la négligence de prise en charge du sinistre initial « et si de nouveaux désordres sont apparus »
o Déposer un pré rapport d'expertise et fixer un délai « qui ne saurait être inférieur à un mois » pour produire des dires
- DEBOUTER la CIE AXA de ses demandes à l'encontre de la Cie QBE
- CONDAMNER la Cie AXA France a relever et garantir indemne la Cie QBE EUROPE de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ainsi qu'aux entiers dépens
A titre infiniment subsidiaire :
- DEDUIRE de toute condamnation la franchise contractuelle de 5 000€ applicable à la garantie dommages matériels et immatériels après livraison.
En tout état de cause :
CONDAMNER les époux [W] à verser la somme de 1 500 euros à la société QBE EUROPE en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens'.
Elle a soutenu à titre principal que :
- les appelants ne justifiaient pas d'un motif légitime fondant la mesure d'expertise sollicitée, le délai de la garantie décennale due par la société Uretek, qui n'était pas intervenue postérieurement à 2013, étant expiré à la date de l'assignation en référé ;
- les désordres avaient pour cause l'insuffisance des mesures mises en oeuvre par la société Axa qui n'avait pas suivi les recommandations de son expert ;
- la garantie responsabilité civile n'était pas mobilisable et les dommages immatériels n'étaient pas garantis.
Elle a subsidiairement émis protestations et réserves sur la demande d'expertise et contesté devoir garantir la société Axa pour les motifs qui précèdent.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 mars 2025, la société Axa France a demandé de :
'Vu l'article 145 du Code de Procédure Civile,
Vu l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile,
Vu les articles 1240 et suivants du code civil,
AU PRINCIPAL
Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Et par suite,
Condamner Monsieur et Madame [W] à payer à la SA AXA France IARD la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner Monsieur et Madame [W] aux entiers dépens mais dire que conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, la condamnation aux dépens sera prononcée avec distraction au profit de Maître LE LAIN, avec le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision.
SUBSIDIAIREMENT
Dans l'hypothèse où la cour considérerait que l'action dirigée à l'encontre de la compagnie AXA ne serait ni forclose, ni prescrite,
Sans aucune approbation de l'action engagée à l'encontre de la SA AXA France IARD, et au contraire sous les plus expresses réserves de recevabilité comme de fondement de ladite action,
' Statuer ce que de droit sur la demande d'expertise judiciaire sur le principe de laquelle elle ne s'oppose pas.
' Infirmer l'ordonnance entreprise en ce que la demande d'expertise judiciaire sollicitée au contradictoire des sociétés QBE et URETEK a été rejetée et par suite, ordonner la mesure d'expertise judiciaire au contradictoire des sociétés URETEK et QBE dans la mesure où tout action dirigée à leur encontre par la SA AXA France IARD n'est ni forclose ni prescrite et n'est donc pas manifestement vouée à l'échec
Constater le caractère sérieusement contestable de la demande de provision de Monsieur et Madame [W],
Par suite,
Rejeter toutes les demandes de provision formulées par Monsieur et Madame [W] à l'encontre de la SA AXA France IARD comme se heurtant à des contestations sérieuses.
A défaut,
Dire et juger la SA AXA France IARD bien fondée à être relevée indemne et garantie de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre par les sociétés URETEK et QBE qui devront être condamné in solidum à la garantir.
Rejeter la demande de provision au titre du préjudice de jouissance et moral et de l'avance des frais d'expertise, la SA AXA France IARD étant bien fondée à opposer un moyen de non assurance.
Condamner Monsieur et Madame [W] à payer à la SA AXA France IARD la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Rejeter la demande de condamnation dirigée à l'encontre de la SA AXA France IARD au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, comme irrecevable.
Rejeter toutes les demandes et appels en garantie dirigés à l'encontre de la SA AXA France IARD.
Condamner Monsieur et Madame [W] aux entiers dépens mais dire que conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, la condamnation aux dépens sera prononcée avec distraction au profit de Maître LE LAIN, avec le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision'.
Elle a soutenu à titre principal que l'action en responsabilité qui pourrait être exercée à son encontre par les appelants était prescrite, le délai quinquennal de prescription ayant commencé à courir à compter de la connaissance des faits en permettant l'exercice.
Elle ne s'est subsidiairement pas opposée à la mesure d'expertise, avec les réserves d'usage. Elle a ajouté que cette mesure devait être ordonnée au contradictoire des autres intimées, le délai de la garantie décennale n'étant selon elle pas expiré.
Elle a conclu au rejet des demandes de provisions aux motifs que :
- n'était pas rapportée la preuve de l'imputabilité des nouveaux désordres à la sécheresse dont les conséquences avaient été indemnisées ;
- sa faute n'était pas établie, rappelant qu'elle n'était tenue que d'une obligation de moyens ;
- la garantie catastrophe naturelle ne portait que sur les dommages matériels.
Elle a subsidiairement sollicité la garantie des sociétés Uretek et Qbe.
L'ordonnance de clôture est du 20 mars 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR L'EXPERTISE
L'article 145 du code de procédure civile qui sert de fondement à la demande d'expertise dispose que : 'S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.
Ce motif légitime s'apprécie notamment au regard de la recevabilité des demandes qui pourraient être ultérieurement formées par le demandeur à l'expertise.
La prétention au soutien de laquelle la mesure d'instruction est sollicitée ne doit pas être manifestement vouée à l'échec, ce qui est le cas lorsqu'elle se heurte à la prescription.
Le caractère manifestement irrecevable de l'action exclut le motif légitime.
Ce motif légitime existe lorsque l'action éventuelle n'est pas manifestement vouée à l'échec, lorsque la mesure est obtenue dans la perspective d'un procès au fond ultérieur susceptible d'être engagé, lorsque la mesure améliore la situation probatoire des parties, ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes du défendeur.
En l'espèce, les travaux effectués par la société Uretek ont été receptionnés sans réserves le 25 octobre 2013.
La société Qbe, assureur de responsabilité décennal auquel la société Uretek avait déclaré un sinistre, a, après expertise, financé des travaux de reprise de désordres.
Ces travaux de reprise de désordres de nature décennale n'ont pas fait l'objet d'une réception et semblent avoir été insuffisants à y remédier.
Cette prise en charge et ces travaux de reprise sont susceptibles d'avoir interrompu le délai décennal et d'en avoir fait courir un nouveau.
La société Qbe a par ailleurs postérieurement missionné le cabinet Cristallis précité et puis le cabinet 3c afin de réaliser de nouvelles expertises du bien. Celles-ci semblent en cours, les rapports d'expertise n'ayant pas été communiqués. La société Esiris Aso missionnée par la société Qbe a effectué courant 2020 un diagnostic géotechnique G5. Le rapport est en date du 19 octobre 2020.
Il n'est dès lors pas établi avec l'évidence nécessaire en référé que le délai pour agir à l'encontre de la société Uretek et de son assureur de responsabilité décennale est expiré.
La faute alléguée par les appelants de la société Axa pourrait se déduire des rapports d'expertise du cabinet Cristallis produits aux débats. Ces rapports, ayant pour objet la mise en oeuvre de la garantie décennale, ne mentionnent pas expressément que les travaux qu'avait fait réaliser la société Axa n'étaient pas ceux recommandés, ni ne font mention d'une faute de l'assureur.
Le jour où les appelants ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant d'agir à l'encontre de leur assureur sur le fondement de la responsabilité contractuelle n'est ainsi pas précisé.
Il n'est dès lors pas établi avec l'évidence nécessaire en référé que le délai quinquennal de prescription de l'action en responsabilité contractuelle des appelants à l'encontre de la société Axa était expiré au jour de l'assignation en référé expertise.
Il résulte de ces développements que les appelants ont, indépendamment du bien fondé de leur action, un intérêt légitime à voir ordonner une mesure d'expertise.
L'ordonnance sera pour ces motifs réformée de ce chef et l'expertise sollicitée ordonnée ainsi qu'il suit.
SUR LA PROVISION
L'article 835 du code de procédure civile dispose que :
'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.
Les appelants ne justifient pas d'une créance non sérieusement contestable sur les intimées fondant leur demande de provision.
L'ordonnance sera pour ces motifs confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande.
SUR LES DEPENS
La charge des dépens d'appel incombe in solidum aux appelants.
SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié n'y avoir lieu de faire application de ces dispositions.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire droit aux demandes présentées sur ce fondement devant la cour.
PAR CES MOTIFS
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME l'ordonnance du 13 novembre 2024 du juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers sauf en ce qu'elle :
'DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise judiciaire' ;
et statuant à nouveau de ce chef d'infirmation,
ORDONNE une mesure d'expertise ;
COMMET pour y procéder :
[P] [I]
[Adresse 6]
Tél : [XXXXXXXX02] Fax : [XXXXXXXX05] Port. : [XXXXXXXX04]
Mèl : [Courriel 13]
à défaut en cas d'empêchement,
[G] [T]
[Adresse 14]
Tél : [XXXXXXXX03] Fax : [XXXXXXXX01]
Mèl : [Courriel 15]
avec mission de :
- se rendre sur les lieux, [Adresse 8] à [Localité 17] (Vienne) ;
- recueillir les doléances des parties ;
- prendre connaissance des rapports établis par les sociétés Ais Etudes de sol, Maynard Laporte Experts, Cristallis et Esiris Group ;
- se faire communiquer tout document qu'il jugera utile à l'accomplissement de sa mission ;
- décrire les travaux réalisés par la société Uretek ;
- dire si ces travaux sont ceux qui avaient été préconisés en réparation du sinistre subi en raison des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, sur la période du 1er au 30 avril 2011;
- décrire les désordres affectant ces travaux ;
- préciser leur date d'apparition ;
- dire s'ils étaient apparents à la réception des travaux ;
- déterminer la ou les causes des désordres ;
- décrire les travaux réalisés postérieurement pour y remédier ;
- donner son avis sur ces travaux ;
- donner son avis sur l'évolution future des désordres ;
- donner son avis sur l'imputabilité des désordres ;
- dire si ces désordres affectent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ;
- décrire les travaux propres à remédier aux désordres ;
- en chiffrer le coût ;
- faire le compte entre les parties ;
- donner son avis sur le préjudice éventuellement subi par les époux [N] et [K] [W] ;
- faire toute remarque utile en lien avec la présente mission d'expertise ;
DIT que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise, et devra commencer ses opérations dès sa saisine ;
DIT qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat de la cour chargé du contrôle de l'expertise ;
DIT que l'expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations ;
DIT que l'expert devra tenir le magistrat chargé du contrôle de l'expertise informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission.
DIT que l'expert est autorisé à s'adjoindre tout spécialiste de son choix sous réserve d'en informer le magistrat chargé du contrôle de l'expertise.
DIT que l'expert établira un pré-rapport qu'il adressera aux parties ;
RAPPELLE aux parties qu'à réception de ce pré-rapport :
- le délai (3 semaines minimum) pour adresser les dires fixé par l'expert est un délai impératif ;
- les dires doivent concerner les appréciations techniques et que l'expert ne peut être saisi de questions de nature purement juridique ;
DIT que l'expert devra déposer son rapport définitif (accompagné des documents annexés ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension et restituera les autres contre récépissé aux personnes les ayant fournis ) et sa demande de rémunération au greffe de la cour, dans le délai de rigueur de 6 mois à compter de sa saisine (sauf prorogation dûment autorisée) et communiquer ces deux documents aux parties ;
DIT que les parties disposeront d'un délai de quinze jours à compter de sa réception pour adresser au greffe (service des expertises ) leurs observations sur la demande de rémunération ;
DIT que les frais d'expertise seront provisoirement avancés par les époux [N] et [K] [W] qui devront consigner la somme de 2.500 € à valoir sur la rémunération de l'expert auprès du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Poitiers avant le 12 septembre 2025, étant précisé que:
- la charge définitive de la rémunération de l'expert sera déterminée par le juge du fond s'il est saisi ;
- les intimées sont autorisées à procéder à la consignation de la somme mise à la charge des appelants en cas de carence ou de refus ;
REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE provisoirement les époux [N] et [K] [W] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
N° RG 24/02883
N° Portalis DBV5-V-B7I-HFZM
[W]
C/
S.A.S. AXA FRANCE
SA QBE EUROPE
S.A.S. URETEK
Loi n° 77 - 1468 du 30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le aux avocats
Copie gratuite délivrée
Le aux avocats
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 10 JUIN 2025
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 13 novembre 2024 rendue par le Tribunal Judiciaire de POITIERS
APPELANTS :
Madame [K] [W]
[Adresse 8]
[Localité 17]
Monsieur [N] [W]
[Adresse 8]
[Localité 17].
ayant tous deux pour avocat postulant Me Florent BACLE de la SARL BACLE BARROUX AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Pierre-Alban BERNARDIN, avocat au barreau de TOURS
INTIMÉES :
S.A. AXA FRANCE
[Adresse 9]
[Localité 12]
ayant pour avocat Me Marion LE LAIN de la SELARL 1927 AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS, substituée par Me Anne-Sophie LAPENE, avocat au barreau de POITIERS
Compagnie QBE EUROPE SA/NV
prise en sa qualité d'assureur de la Société URETEK
[Adresse 16]
[Localité 11]
ayant pour avocat postulant Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Emmanuel PERREAU, substitué par Me Benoît GRANGÉ, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. URETEK
N° SIRET : 407 513 370
[Adresse 7]
[Localité 10]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Stéphanie NGUYEN NGOC, substituée par Me Frédéric POIRIER, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par E. TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les époux [N] et [K] [W] sont propriétaires d'une maison d'habitation située [Adresse 8] (Vienne).
Par arrêté du 11 juillet 2012, la commune de [Localité 17] a été reconnue en état de catastrophe naturelle à la suite des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, sur la période du 1er au 30 avril 2011.
Les époux [N] et [K] [W] ont déclaré le 12 juillet 2012 un sinistre à la société Axa France (Axa), leur assureur multirisque habitation.
Une étude de sol a été réalisée le 22 mai 2013. Un rapport d'expertise amiable est en date du 3 août 2013. Il y a été conclu que les désordres allégués étaient liés à la sécheresse. Il était préconisé de traiter les fissures et de mettre en place des mesures permettant de stabiliser les sols.
Par devis accepté le 29 août 2013, les époux [N] et [K] [W] ont confié à la société Uretek les travaux de reprise des désordres liés à la sécheresse, au prix de 32.528 €, montant toutes taxes comprises. Une délégation de paiement a été convenue avec la société Axa France.
Le procès-verbal de réception des travaux, sans réserves, est en date du 25 octobre 2013.
Par courriel en date du 2 mars 2018 puis par courrier en date du 14 mai 2018, les époux [N] et [K] [W] ont signalé à la société Uretek l'apparition de nouveaux désordres sur leur maison d'habitation.
L'assureur de responsabilité décennale de la société Uretek, la société Qbe Europe SA/NV (Qbe), a missionné le cabinet Cristalis, aux fins d'expertise. Six rapports d'expertise ont été établis. Celui n° 4 en date du 27 décembre 2018 conclut que l'affaissement constaté serait consécutif à un défaut d'injection de résine de la rive du dallage lors du traitement de sol et que la fissure verticale présente à l'intérieur de la maison serait due à l'absence de traitement sur la rive délimitant l'extension de l'habitation.
La société Qbe a confié à la société Viroulaud les travaux de démolition et de reconstruction des plafonds de la maison d'habitation.
Par courriel en date du 14 janvier 2020, les époux [N] et [K] [W] ont informé [E] [D], expert du cabinet Cristallis, de l'apparition de nouveaux désordres.
Par courrier recommandé en date du 30 novembre 2022, les époux [N] et [K] [W] ont mis en demeure la société Qbe de prendre position sur la résolution définitive de leur sinistre.
Par courrier en date du 6 novembre 2023, la société Qbe a opposé aux époux [N] et [K] [W] la prescription de la garantie décennale.
Ces derniers ont fait dresser le 19 juin 2024 le constat des fissurations affectant leur bien.
Par acte du 21 août 2024, les époux [N] et [K] [W] ont fait assigner les sociétés Qbe, Uretek et Axa devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers. Ils ont demandé d'ordonner une expertise et paiement à titre de provisions des sommes de 270.298,53 €, 30.000 € et 5.000 € à valoir sur l'indemnisation ultérieure de leurs préjudices matériel, de jouissance et moral.
Ils ont soutenu à l'appui de leurs demandes que :
- leur action née de leur première déclaration de sinistre n'était pas forclose ;
- les travaux de reprise avaient fait courir un nouveau délai de garantie décennale ;
- les défenderesses avaient commis une faute en ne faisant pas réaliser les travaux nécessaires pour remédier aux désordres ;
- leur assureur multirisque habitation devait garantir la réparation du bien ;
- la société Qbe était tenue à une obligation de résultat, s'agissant de l'efficacité des travaux réalisés ;
- ces circonstances caractérisaient un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile.
La société Uretek a conclu au rejet de ces demandes au motif que l'action en garantie décennale était forclose.
La société Qbe a de même conclu au rejet des prétentions des demandeurs, l'action en garantie décennale étant selon elle forclose. Elle a ajouté que la société Axa avait commis une faute en n'ayant pas fait réaliser l'ensemble des travaux nécessaires.
La société Axa n'a pas comparu.
Par ordonnance du 13 novembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers a statué en ces termes :
'DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise judiciaire ;
DIT n'y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnations provisionnelles ;
DIT n'y avoir lieu à aucune condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande ;
RAPPELLE que la présente ordonnance est exécutoire par provision de plein droit ;
RAPPELLE qu'il sera procédé à la signification de la présente ordonnance par la partie la plus diligente ;
CONDAMNE M. [N] [W] et Mmc [K] [W] in solidum aux dépens'.
Il a considéré que :
- l'action en garantie décennale exercée à l'encontre des sociétés Uretek et Qbe était forclose, le délai pour agir ayant expiré au 25 octobre 2023 et l'assignation ayant été délivrée le 21 août 2024 ;
- la forclusion constituait une contestation sérieuse excluant qu'il puisse être fait droit à la demande de provision.
Par déclaration reçue au greffe le 29 novembre 2024, les époux [N] et [K] [W] ont interjeté appel de cette ordonnance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 janvier 2025,n ils ont demandé de :
'Vu l'article 145 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 834 du Code de procédure civile ;
Vu les articles L. 125-1 et L.125-2 du Code des assurances ;
Vu les articles 1792 et suivants du Code civil ;
Vu le constat d'huissier du 19 juin 2024 versé aux débats ;
[...]
INFIRMER l'ordonnance du Juge des référés du Tribunal judiciaire de Poitiers, n°RG 24/00278 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
DESIGNER tel expert qu'il plaira à la juridiction, avec pour mission :
- Se rendre sur place, [Adresse 8] et visiter les lieux ;
- Se faire remettre tous documents utiles à l'exécution de sa mission, notamment les études et devis précédemment réalisés ;
- Entendre les parties ainsi que tout sachant, s'il y a lieu tout sapiteur de la compétence de son choix ;
- Examiner les désordres allégués dans l'assignation ;
- Etablir un historique des travaux et des interventions et leurs conséquences; - Rechercher l'origine, l'étendue et les causes de ces désordres ;
- Prescrire les travaux d'urgence nécessaires à la préservation de l'immeuble en l'état ;
- Dire si les désordres se sont aggravés du fait de la négligence de prise en charge du sinistre initial ;
- Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre le cas échéant, à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues, décrire la chaine de responsabilité éventuellement identifiée, et l'imputation des responsabilités ;
- Chiffrer les préjudices ;
- Donner son avis technique sur les travaux nécessaires à la réfection des lieux, leur faisabilité, les évaluer à l'aide de devis d'entreprise fournis par les parties;
- Déposer un pré-rapport d'expertise et fixer un délai aux parties pour produire des dires ;
FIXER la provision sur frais de l'expert et la mettre à la charge, in solidum, de la société QBE, de la Société AXA France et de la société URETEK, au besoin les condamner ;
CONDAMNER la Société AXA France, au paiement à Monsieur et Madame [W] de la somme provisionnelle de 270 298,53 euros s'agissant des préjudices matériels et au titre des travaux à réaliser ;
CONDAMNER la Société QBE, la société URETEK et la Société AXA France, in solidum, au paiement au bénéfice de Monsieur et Madame [W] de la somme provisionnelle de30.000 euros au titre du préjudice de jouissance subi depuis 2013 ;
CONDAMNER la Société QBE, la société URETEK et la Société AXA France, in solidum, au paiement de la somme provisionnelle de 5.000 euros au titre du préjudice moral subi ;
CONDAMNER la Société QBE, la société URETEK et la société AXA FRANCE, in solidum, au paiement de la somme de 1.500 euros chacun au titre de l'article 700 du Code deprocédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance'.
Ils ont exposé que :
- la société Axa n'avait pas fait contrôler les travaux de reprise des désordres qu'elle avait financés ;
- la société Qbe avait missionné un expert, qui avait procédé aux opérations d'expertise les 28 août et 24 octobre 2018 ;
- la société Groupama, assureur de [F] [O] qui était intervenu sur les embellissements intérieurs, avait fait procéder à une expertise le 13 novembre 2018 ;
- l'expert missionné par la société Qbe avait, à l'issue d'une nouvelle réunion d'expertise le 16 septembre 2019, préconisé la démolition et la reconstruction des plafonds ;
- les travaux ainsi réalisés n'avaient pas été réceptionnés ;
- de nouveaux désordres étaient apparus 15 jours après la réalisation de ces travaux ;
- de nouvelles réunions d'expertises se sont postérieurement tenues ;
- les devis de travaux demandés par l'expert missionné par la société Qbe lui ont été transmis ;
- celui-ci a refusé de leur communiquer ces différents rapports, à destination de la seule société Qbe selon lui.
Ils ont soutenu que :
- le juge des référés avait statué infra petita, sans rechercher si le délai de la garantie décennale n'avait pas été interrompu par les interventions de la société Qbe, ni s'interroger sur la responsabilité de la société Axa qui était alléguée ;
- le délai de la garantie décennale n'était pas expiré, la société Uretek étant intervenue en 2013 et en 2019, cette dernière intervention ayant fait courir un nouveau délai décennal de forclusion ;
- le nouveau sinistre avait été fixé au 26 octobre 2018 dans les documents de la société Uretek et de la société Qbe ;
- ces sociétés, en faisant réaliser de nouveaux travaux, avaient admis leur responsabilité ;
- ces circonstances et l'incertitude sur les causes d'apparition des désordres, fondant l'expertise sollicitée, ne permettaient pas de caractériser la forclusion opposée.
Ils ont pour ces motifs maintenu :
- leur demande d'expertise, justifiant selon eux d'un motif légitime à la voir ordonner au sens de l'article 145 du code de procédure civile ;
- leur demande de provisions ;
- la société Axa, en charge de l'indemnisation de la catastrophe naturelle, était tenue du versement de ces provisions, in solidum avec les autres intimées.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2025, la société Uretek a demandé de :
'Vu l'Ordonnance de Référé rendue par le Président du Tribunal judiciaire de SENS,
Vu l'article 145 du Code de Procédure Civile,
Vu l'article 1792-4-1 du Code Civil,
Vu l'article 1792-4-3 du Code Civil,
Vu les articles 2241 et 2244 du Code Civil,
Vu l'article L. 125-1 du Code des Assurances,
Vu la jurisprudence de la Cour de cassation,
Vu les pièces produites,
EN CE QUI CONCERNE LA DEMANDE D'EXPERTISE JUDICIAIRE :
À TITRE PRINCIPAL :
' CONFIRMER l'Ordonnance en toutes ses dispositions.
À TITRE SUBSIDIAIRE :
' DONNER ACTE à la Société URETEK FRANCE des protestations et réserves d'usage sur la mesure d'expertise judiciaire sollicitée à son encontre.
' COMPLÉTER la mission de l'Expert judiciaire :
« Préciser au stade de la recherche des causes si les désordres sont consécutifs:
' À la présence des arbustes situés à moins de 10 mètres de l'habitation, constituant un facteur aggravant d'assèchement des sols,
' Au défaut de mise en 'uvre des protections hydriques,
' Au caractère insuffisant et inadapté des travaux financés par la Compagnie AXA FRANCE IARD, dans le cadre du sinistre « Sècheresse »,
' Ou à toute autre cause. »
EN CE QUI CONCERNE LA DEMANDE DE PROVISION :
À TITRE PRINCIPAL :
' CONFIRMER l'Ordonnance en toutes ses dispositions.
À TITRE SUBSIDIAIRE :
Vu l'article 1792 du Code Civil,
Vu les articles 2241 et 2244 du Code Civil,
Dans l'hypothèse où le Juge des référés devait se déclarer compétent pour :
ÉCARTER l'exception de forclusion opposée par la Société URETEK et son assureur QBE EUROPE,
RETENIR la responsabilité décennale de la Société URETEK,
CONDAMNER la Société URETEK à payer une provision aux époux [W],
' CONDAMNER la Compagnie QBE EUROPE, qui ne conteste pas sa garantie, sous réserve de la franchise contractuelle de 5 000 €, et la Compagnie AXA FRANCE IARD, à relever et garantir la Société URETEK FRANCE de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, au principal, intérêts, frais, article 700 et dépens'.
Elle a soutenu :
- qu'aucun acte n'avait interrompu le délai de la garantie décennale qui était expiré à la date de l'assignation en référé ;
- les appelants ne justifiaient dès lors pas d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, fondant la demande d'expertise.
Elle a subsidiairement indiqué émettre protestations et réserves sur cette demande et sollicité que la mission d'expertise proposée par les appelants soit complétée.
Elle a, en raison selon elle d'une contestation sérieuse tenant à la forclusion de l'action, conclu à titre principal au rejet de la demande de provision.
Elle a subsidiairement soutenu que la société Axa qui avait financé des travaux inadaptés devait être tenue au versement des provisions sollicitées et que la société Qbe devait la garantir.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2025, la société Qbe Eurpoe SA/NV a demandé de :
'Vu
Les articles 1140, 1792-4-1 et suivants, 2220 et 2241 du Code civil
Les articles 145, 334 et suivants, 835 du Code de procédure civile
La jurisprudence
[...]
A titre principal :
- DEBOUTER les époux [W] et toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société QBE EUROPE
En conséquence :
CONFIRMER l'ordonnance de référé du 13 novembre 2024 dans l'ensemble de ses dispositions
A titre subsidiaire :
- DONNER ACTE à la Cie QBE EUROPE de ses protestations et réserves concernant la mesure d'expertise sollicitée
- COMPLETER la mission d'expertise sollicitée par les chefs suivants :
o Rechercher l'origine, l'étendue et les causes de ces désordres « en ce compris d'éventuels désordres antérieurs à ceux survenus en 2012 »
o Dire si les désordres se sont aggravés du fait de la négligence de prise en charge du sinistre initial « et si de nouveaux désordres sont apparus »
o Déposer un pré rapport d'expertise et fixer un délai « qui ne saurait être inférieur à un mois » pour produire des dires
- DEBOUTER la CIE AXA de ses demandes à l'encontre de la Cie QBE
- CONDAMNER la Cie AXA France a relever et garantir indemne la Cie QBE EUROPE de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ainsi qu'aux entiers dépens
A titre infiniment subsidiaire :
- DEDUIRE de toute condamnation la franchise contractuelle de 5 000€ applicable à la garantie dommages matériels et immatériels après livraison.
En tout état de cause :
CONDAMNER les époux [W] à verser la somme de 1 500 euros à la société QBE EUROPE en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens'.
Elle a soutenu à titre principal que :
- les appelants ne justifiaient pas d'un motif légitime fondant la mesure d'expertise sollicitée, le délai de la garantie décennale due par la société Uretek, qui n'était pas intervenue postérieurement à 2013, étant expiré à la date de l'assignation en référé ;
- les désordres avaient pour cause l'insuffisance des mesures mises en oeuvre par la société Axa qui n'avait pas suivi les recommandations de son expert ;
- la garantie responsabilité civile n'était pas mobilisable et les dommages immatériels n'étaient pas garantis.
Elle a subsidiairement émis protestations et réserves sur la demande d'expertise et contesté devoir garantir la société Axa pour les motifs qui précèdent.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 mars 2025, la société Axa France a demandé de :
'Vu l'article 145 du Code de Procédure Civile,
Vu l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile,
Vu les articles 1240 et suivants du code civil,
AU PRINCIPAL
Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Et par suite,
Condamner Monsieur et Madame [W] à payer à la SA AXA France IARD la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner Monsieur et Madame [W] aux entiers dépens mais dire que conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, la condamnation aux dépens sera prononcée avec distraction au profit de Maître LE LAIN, avec le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision.
SUBSIDIAIREMENT
Dans l'hypothèse où la cour considérerait que l'action dirigée à l'encontre de la compagnie AXA ne serait ni forclose, ni prescrite,
Sans aucune approbation de l'action engagée à l'encontre de la SA AXA France IARD, et au contraire sous les plus expresses réserves de recevabilité comme de fondement de ladite action,
' Statuer ce que de droit sur la demande d'expertise judiciaire sur le principe de laquelle elle ne s'oppose pas.
' Infirmer l'ordonnance entreprise en ce que la demande d'expertise judiciaire sollicitée au contradictoire des sociétés QBE et URETEK a été rejetée et par suite, ordonner la mesure d'expertise judiciaire au contradictoire des sociétés URETEK et QBE dans la mesure où tout action dirigée à leur encontre par la SA AXA France IARD n'est ni forclose ni prescrite et n'est donc pas manifestement vouée à l'échec
Constater le caractère sérieusement contestable de la demande de provision de Monsieur et Madame [W],
Par suite,
Rejeter toutes les demandes de provision formulées par Monsieur et Madame [W] à l'encontre de la SA AXA France IARD comme se heurtant à des contestations sérieuses.
A défaut,
Dire et juger la SA AXA France IARD bien fondée à être relevée indemne et garantie de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre par les sociétés URETEK et QBE qui devront être condamné in solidum à la garantir.
Rejeter la demande de provision au titre du préjudice de jouissance et moral et de l'avance des frais d'expertise, la SA AXA France IARD étant bien fondée à opposer un moyen de non assurance.
Condamner Monsieur et Madame [W] à payer à la SA AXA France IARD la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Rejeter la demande de condamnation dirigée à l'encontre de la SA AXA France IARD au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, comme irrecevable.
Rejeter toutes les demandes et appels en garantie dirigés à l'encontre de la SA AXA France IARD.
Condamner Monsieur et Madame [W] aux entiers dépens mais dire que conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, la condamnation aux dépens sera prononcée avec distraction au profit de Maître LE LAIN, avec le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision'.
Elle a soutenu à titre principal que l'action en responsabilité qui pourrait être exercée à son encontre par les appelants était prescrite, le délai quinquennal de prescription ayant commencé à courir à compter de la connaissance des faits en permettant l'exercice.
Elle ne s'est subsidiairement pas opposée à la mesure d'expertise, avec les réserves d'usage. Elle a ajouté que cette mesure devait être ordonnée au contradictoire des autres intimées, le délai de la garantie décennale n'étant selon elle pas expiré.
Elle a conclu au rejet des demandes de provisions aux motifs que :
- n'était pas rapportée la preuve de l'imputabilité des nouveaux désordres à la sécheresse dont les conséquences avaient été indemnisées ;
- sa faute n'était pas établie, rappelant qu'elle n'était tenue que d'une obligation de moyens ;
- la garantie catastrophe naturelle ne portait que sur les dommages matériels.
Elle a subsidiairement sollicité la garantie des sociétés Uretek et Qbe.
L'ordonnance de clôture est du 20 mars 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR L'EXPERTISE
L'article 145 du code de procédure civile qui sert de fondement à la demande d'expertise dispose que : 'S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.
Ce motif légitime s'apprécie notamment au regard de la recevabilité des demandes qui pourraient être ultérieurement formées par le demandeur à l'expertise.
La prétention au soutien de laquelle la mesure d'instruction est sollicitée ne doit pas être manifestement vouée à l'échec, ce qui est le cas lorsqu'elle se heurte à la prescription.
Le caractère manifestement irrecevable de l'action exclut le motif légitime.
Ce motif légitime existe lorsque l'action éventuelle n'est pas manifestement vouée à l'échec, lorsque la mesure est obtenue dans la perspective d'un procès au fond ultérieur susceptible d'être engagé, lorsque la mesure améliore la situation probatoire des parties, ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes du défendeur.
En l'espèce, les travaux effectués par la société Uretek ont été receptionnés sans réserves le 25 octobre 2013.
La société Qbe, assureur de responsabilité décennal auquel la société Uretek avait déclaré un sinistre, a, après expertise, financé des travaux de reprise de désordres.
Ces travaux de reprise de désordres de nature décennale n'ont pas fait l'objet d'une réception et semblent avoir été insuffisants à y remédier.
Cette prise en charge et ces travaux de reprise sont susceptibles d'avoir interrompu le délai décennal et d'en avoir fait courir un nouveau.
La société Qbe a par ailleurs postérieurement missionné le cabinet Cristallis précité et puis le cabinet 3c afin de réaliser de nouvelles expertises du bien. Celles-ci semblent en cours, les rapports d'expertise n'ayant pas été communiqués. La société Esiris Aso missionnée par la société Qbe a effectué courant 2020 un diagnostic géotechnique G5. Le rapport est en date du 19 octobre 2020.
Il n'est dès lors pas établi avec l'évidence nécessaire en référé que le délai pour agir à l'encontre de la société Uretek et de son assureur de responsabilité décennale est expiré.
La faute alléguée par les appelants de la société Axa pourrait se déduire des rapports d'expertise du cabinet Cristallis produits aux débats. Ces rapports, ayant pour objet la mise en oeuvre de la garantie décennale, ne mentionnent pas expressément que les travaux qu'avait fait réaliser la société Axa n'étaient pas ceux recommandés, ni ne font mention d'une faute de l'assureur.
Le jour où les appelants ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant d'agir à l'encontre de leur assureur sur le fondement de la responsabilité contractuelle n'est ainsi pas précisé.
Il n'est dès lors pas établi avec l'évidence nécessaire en référé que le délai quinquennal de prescription de l'action en responsabilité contractuelle des appelants à l'encontre de la société Axa était expiré au jour de l'assignation en référé expertise.
Il résulte de ces développements que les appelants ont, indépendamment du bien fondé de leur action, un intérêt légitime à voir ordonner une mesure d'expertise.
L'ordonnance sera pour ces motifs réformée de ce chef et l'expertise sollicitée ordonnée ainsi qu'il suit.
SUR LA PROVISION
L'article 835 du code de procédure civile dispose que :
'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.
Les appelants ne justifient pas d'une créance non sérieusement contestable sur les intimées fondant leur demande de provision.
L'ordonnance sera pour ces motifs confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande.
SUR LES DEPENS
La charge des dépens d'appel incombe in solidum aux appelants.
SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié n'y avoir lieu de faire application de ces dispositions.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire droit aux demandes présentées sur ce fondement devant la cour.
PAR CES MOTIFS
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME l'ordonnance du 13 novembre 2024 du juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers sauf en ce qu'elle :
'DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise judiciaire' ;
et statuant à nouveau de ce chef d'infirmation,
ORDONNE une mesure d'expertise ;
COMMET pour y procéder :
[P] [I]
[Adresse 6]
Tél : [XXXXXXXX02] Fax : [XXXXXXXX05] Port. : [XXXXXXXX04]
Mèl : [Courriel 13]
à défaut en cas d'empêchement,
[G] [T]
[Adresse 14]
Tél : [XXXXXXXX03] Fax : [XXXXXXXX01]
Mèl : [Courriel 15]
avec mission de :
- se rendre sur les lieux, [Adresse 8] à [Localité 17] (Vienne) ;
- recueillir les doléances des parties ;
- prendre connaissance des rapports établis par les sociétés Ais Etudes de sol, Maynard Laporte Experts, Cristallis et Esiris Group ;
- se faire communiquer tout document qu'il jugera utile à l'accomplissement de sa mission ;
- décrire les travaux réalisés par la société Uretek ;
- dire si ces travaux sont ceux qui avaient été préconisés en réparation du sinistre subi en raison des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, sur la période du 1er au 30 avril 2011;
- décrire les désordres affectant ces travaux ;
- préciser leur date d'apparition ;
- dire s'ils étaient apparents à la réception des travaux ;
- déterminer la ou les causes des désordres ;
- décrire les travaux réalisés postérieurement pour y remédier ;
- donner son avis sur ces travaux ;
- donner son avis sur l'évolution future des désordres ;
- donner son avis sur l'imputabilité des désordres ;
- dire si ces désordres affectent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ;
- décrire les travaux propres à remédier aux désordres ;
- en chiffrer le coût ;
- faire le compte entre les parties ;
- donner son avis sur le préjudice éventuellement subi par les époux [N] et [K] [W] ;
- faire toute remarque utile en lien avec la présente mission d'expertise ;
DIT que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise, et devra commencer ses opérations dès sa saisine ;
DIT qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat de la cour chargé du contrôle de l'expertise ;
DIT que l'expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations ;
DIT que l'expert devra tenir le magistrat chargé du contrôle de l'expertise informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission.
DIT que l'expert est autorisé à s'adjoindre tout spécialiste de son choix sous réserve d'en informer le magistrat chargé du contrôle de l'expertise.
DIT que l'expert établira un pré-rapport qu'il adressera aux parties ;
RAPPELLE aux parties qu'à réception de ce pré-rapport :
- le délai (3 semaines minimum) pour adresser les dires fixé par l'expert est un délai impératif ;
- les dires doivent concerner les appréciations techniques et que l'expert ne peut être saisi de questions de nature purement juridique ;
DIT que l'expert devra déposer son rapport définitif (accompagné des documents annexés ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension et restituera les autres contre récépissé aux personnes les ayant fournis ) et sa demande de rémunération au greffe de la cour, dans le délai de rigueur de 6 mois à compter de sa saisine (sauf prorogation dûment autorisée) et communiquer ces deux documents aux parties ;
DIT que les parties disposeront d'un délai de quinze jours à compter de sa réception pour adresser au greffe (service des expertises ) leurs observations sur la demande de rémunération ;
DIT que les frais d'expertise seront provisoirement avancés par les époux [N] et [K] [W] qui devront consigner la somme de 2.500 € à valoir sur la rémunération de l'expert auprès du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Poitiers avant le 12 septembre 2025, étant précisé que:
- la charge définitive de la rémunération de l'expert sera déterminée par le juge du fond s'il est saisi ;
- les intimées sont autorisées à procéder à la consignation de la somme mise à la charge des appelants en cas de carence ou de refus ;
REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE provisoirement les époux [N] et [K] [W] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,