CA Riom, 1re ch., 10 juin 2025, n° 23/00995
RIOM
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 10 juin 2025
N° RG 23/00995 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GASW
- DA- Arrêt n°
[H] [N] divorcée [Z] / [O] [A], [K] [E], [V] [Z], [I] [C], Société LLOYD'S INSURANCE COMPANY, Syndic. de copro. [Adresse 9]
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du PUY-EN-VELAY, décision attaquée en date du 02 Mai 2023, enregistrée sous le n° 19/01067
Arrêt rendu le MARDI DIX JUIN DEUX MILLE VINGT CINQ
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
Mme [H] [N] divorcée [Z]
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Maître Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM- CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Sébastien SOY, avocat au barreau de LYON
Timbre fiscal acquitté
APPELANTE
ET :
Mme [O] [A]
[Adresse 1]
[Localité 4]
et
Mme [K] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
et
Syndic. de copro. IMMEUBLE [Adresse 9] représenté par Madame [K] [E] et Madame [O] [A], es qualités de syndics.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Tous représentés par Maître Francis ROBIN de la SCP HERMAN ROBIN & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
M. [V] [Z]
[Adresse 11]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Non représenté
M. [I] [C] entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne AS [C] [I]
[Adresse 10]
[Adresse 13]
[Localité 4]
Non représenté
Société LLOYD'S INSURANCE COMPANY agissant en la personne de son mandataire général pour les opérations en France, Monsieur [G] [P], venant aux droits des SOUSCRIPTEURS DU LLOYDS DE LONDRES
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Maître Jérôme LANGLAIS de la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Sarah XERRI-HANOTE de la SELAS HMM et PARTNERS, avocat au barreau de PARIS
Timbre fiscal acquitté
INTIMES
DÉBATS : A l'audience publique du 31 mars 2025
ARRÊT : PAR DÉFAUT
Prononcé publiquement le 10 juin 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
I. Procédure
Au cours de l'année 2014 époux [V] [Z] et [H] [Z] née [N] ont fait construire, sur un terrain leur appartenant à [Localité 12] (Haute-Loire), une maison d'habitation comprenant deux appartements, un au rez-de-chaussée, l'autre à l'étage.
Un règlement de copropriété a été rédigé le 27 novembre 2014 établissant deux lots.
Par actes authentiques des 27 novembre et 5 décembre 2014, le lot numéro 1 a été vendu à Mme [O] [A] et le lot numéro 2 a été vendu à Mme [K] [E].
Les acquéreurs se sont plaints de désordres affectant leurs immeubles.
Par ordonnance du 14 décembre 2017 le juge des référés au tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a ordonné une expertise dont il a confié la mission M. [J] [X]. Plus tard, par ordonnance du 11 février 2021, les opérations d'expertise ont été rendues communes à la compagnie d'assurances LLOYD'S, en sa qualité d'assureur de M. [I] [C], maçon ayant participé à la construction.
Les époux [V] et [H] [Z] ont divorcé le 9 décembre 2021.
L'expert judiciaire M. [J] [X] a remis son rapport le 15 mars 2022.
Mmes [O] [A] et [K] [E] ont alors assigné au fond les époux [Z], le 22 novembre 2019, devant le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay.
Par exploits ensuite du 17 avril 2022 elles ont appelé en cause le syndicat des copropriétaires de la copropriété « [Adresse 9] », ainsi que M. [F] [C] et son assureur la compagnie LLOYD'S. Les trois procédures ont été jointes.
À l'issue des débats, par jugement du 2 mai 2023, le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay, a rendu la décision suivante :
« Le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay, présidé par Fabien SARTRE-ANDRADE DOS SANTOS, statuant publiquement par jugement contradictoire et susceptible d'appel,
Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de [K] [E] et [O] [A] s'agissant des travaux relatifs aux parties communes,
Juge que les désordres impactant l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 12] sont de nature décennale,
Rejette la demande de partage de responsabilité,
Juge [V] [Z], [H] [N] épouse [Z] et [I] [C] entièrement responsables des désordres et des préjudices subis par [K] [E], [O] [A] et le syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]',
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], [O] [A] et au syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]' la somme de 345.246,35 euros TTC au titre des travaux propres à remédier aux désordres outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2029,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], [O] [A] et au syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]' la somme de 15.600,00 euros TTC au titre de la souscription d'une assurance dommage-ouvrage outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], [O] [A] et au syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]' la somme de 32.400,00 euros TTC au titre des frais de maîtrise d'oeuvre outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [O] [A] la somme de 7.254,00 euros TTC au titre des frais déménagement et de réemménagement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E] la somme de 7.254,00 euros TTC au titre des frais déménagement et de réemménagement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [O] [A] la somme de 11.600,00 euros TTC au titre des frais de relogement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E] la somme de 11.600,00 euros TTC au titre des frais de relogement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z] et [I] [C] à payer à [K] [E] la somme de 5.000,00 euros au titre de son préjudice moral outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z] et [I] [C] à payer à [O] [A] la somme de 5.000,00 euros au titre de son préjudice moral outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Rejette les demandes présentées par [K] [E] et [O] [A] envers la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA au titre de leurs préjudices moraux,
Rejette la demande de garantie présentée par [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z] envers [I] [C],
Juge que les travaux réalisés par [I] [C] ont été réceptionnés tacitement le 17 octobre 2014,
Juge que la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA est condamnée à relever et garantir [I] [C] des sommes mises à sa charge hormis celles allouées au titre des préjudices moraux de [K] [E] et [O] [A],
Juge que la franchise contractuelle de 1.000,00 euros et les plafonds de garantie prévus au contrat d'assurance souscrit par [I] [C] sont applicables et opposables à toutes les parties,
Rejette la demande de garantie présentée par la société LLOYD' S INSURANCE COMPANY SA envers [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z],
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA aux entiers dépens de l'instance qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire.
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [O] [A], la somme de 6.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], la somme de 6.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement. »
Dans les motifs de sa décision le premier juge a notamment écrit :
Il appert des pièces de la procédure que [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z] étaient à la fois maîtres d'ouvrage, maîtres d''uvre, constructeurs et entrepreneurs de second d''uvre. [I] [C], quant à lui, était en charge du lot maçonnerie. Aucun d'entre eux n'a daigné s'assurer que la construction respectait les règles minimales en vigueur. L'érection d'un immeuble dans de telles conditions démontre un acte de construction guidé par un souci d'économie conjugué à une incompétence évidente, le tout au détriment des occupants du bien. L'incurie de [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z] est d'autant plus condamnable qu'ils ont agi sans être couverts par un quelconque contrat d'assurance.
Les responsabilités des défendeurs sont imbriquées car ils sont tous les trois intégralement responsables des désordres subis par les demandeurs. [I] [C] sollicite un partage de responsabilité au motif que [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z] auraient dû souscrire une assurance dommage-ouvrage. Un tel argument est dénué de toute pertinence puisqu'il ne peut pas minimiser sa responsabilité de professionnel du bâtiment alors qu'il est à l'origine directe de la conception et de la réalisation de travaux de maçonnerie indignes de sa corporation.
La demande de partage de responsabilité sera donc rejetée.
[V] [Z], [H] [N] épouse [Z] et [I] [C] seront donc jugés entièrement responsables des désordres et condamnés in solidum à réparer les préjudices subis par [K] [E], [O] [A] et le syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]'.
***
Mme [H] [N] a fait appel de cette décision le 22 juin 2023, précisant :
« Objet/Portée de l'appel : APPEL LIMITÉ : L'appel tend à obtenir la nullité ou, à tout le moins, la réformation de la décision susvisée en ce qu'elle a : - rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de [K] [E] et [O] [A] s'agissant des travaux relatifs aux parties communes - jugé [V] [Z], [H] [N] épouse [Z] et [I] [C] entièrement responsables des désordres et des préjudices subis par [K] [E], [O] [A] et le syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9] condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], [O] [A] et au syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]' la somme de 345.246,35 euros TTC au titre des travaux propres à remédier aux désordres outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2029 - condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], [O] [A] et au syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]' la somme de 15.600,00 euros TTC au titre de la souscription d'une assurance dommage-ouvrage outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 - condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], [O] [A] et au syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]' la somme de 32.400,00 euros TTC au titre des frais de maîtrise d''uvre outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 - condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [O] [A] et à [K] [E], chacune, la somme de 7.254,00 euros TTC au titre des frais déménagement et de réemménagement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 - condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [O] [A] et à [K] [E], chacune, la somme de 11.600,00 euros TTC au titre des frais de relogement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019- condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z] et [I] [C] à payer à [K] [E] et [O] [A], chacune, la somme de 5.000,00 euros au titre de leur préjudice moral outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019- rejeté la demande de garantie présentée par [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z] envers [I] [C] - condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY. »
Dans ses conclusions ensuite du 22 septembre 2023, Mme [H] [N] demande à la cour de :
« Vu les articles 220,1240 et 1792 et suivants du Code Civil, Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile,
À titre principal,
' Infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire du PUY EN VELAY le 2 mai 2023 (RG nº 19/01067) en ce qu'il a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité d'intérêt à agir de Mmes [K] [E] et [O] [A] s'agissant des travaux relatifs aux parties communes ;
- jugé Madame [H] [N] entièrement responsable des désordres et des préjudices subis par Mmes [K] [E] et [O] [A] et le Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] et au Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] la somme de 345.246,35 € TTC au titre de travaux propres à remédier aux désordres outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] et au Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] la somme de 15.600 € TTC au titre de la souscription d'une assurance dommage ouvrage outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] et au Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] la somme de 32.400 € TTC au titre des frais de maîtrise d''uvre outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] chacune la somme de 7.254 € TTC au titre des frais de déménagement et de réaménagement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] chacune la somme de 11.600 € TTC au titre des frais de relogement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] chacune la somme de 5.000 € au titre de leur préjudice moral outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 ;
- rejeté la demande de garantie présenté par Madame [H] [N] envers Monsieur [I] [C] ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] aux entiers dépens de l'instance qui comprendront le coût d'expertise ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] chacune la somme de
6.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
STATUANT À NOUVEAU
À titre principal,
' Débouter Mmes [O] [A] et [K] [E] et le Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] de toutes demandes formulées à l'encontre de Madame [H] [N].
À titre subsidiaire,
' Condamner Monsieur [I] [C] et son assurance LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à relever et garantir Madame [H] [N] de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
À titre infiniment subsidiaire,
' Débouter Mmes [O] [A] et [K] [E] et le Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] de leurs demandes relatives aux frais d'assurance dommage-ouvrage, aux frais de maîtrise d''uvre, aux frais de déménagement, aux frais de relogement et à leur préjudice moral.
En toute hypothèse,
' Condamner Mmes [O] [A] et [K] [E] à payer à Madame [H] [N] une somme de 2.400 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
' Condamner les parties perdantes aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise. »
***
Mmes [O] [A] et [K] [E], ainsi que le syndicat des copropriétaires « [Adresse 9] » ont pris des conclusions communes le 13 novembre 2023, afin de demander à la cour de :
« Vu les pièces versées aux débats,
Vu, notamment, le rapport d'expertise judiciaire définitif de Monsieur [J] [X], expert judiciaire désigné, le rapport de la société ALPHA BTP, le rapport de diagnostic de la société IDEUM PARTNERS et les chiffrages de la société PB CONSTRUCTION,
Vu à titre principal, les dispositions des articles 1792 et suivants du Code Civil,
Vu à titre subsidiaire, les dispositions de l'article 1147 ancien du code civil,
Vu à titre très subsidiaire, les articles 1641 et suivants du Code Civil,
Vu les articles 1101 et suivants du Code civil,
Vu les dispositions de l'article 124-3 du Code des Assurances,
Vu le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire du PUY-EN-VELAY le 02 mai 2023
Il est demandé à la Cour d'Appel de RIOM :
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire du PUY-EN-VELAY, le 02 mai 2023 dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant.
CONDAMNER, Monsieur et Madame [Z] [V], Monsieur [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à Madame [A] la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER, Monsieur et Madame [Z] [V], Monsieur [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à Madame [E] la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP HERMAN-ROBIN & ASSOCIES. »
***
Enfin, dans des conclusions du 20 décembre 2023, la compagnie d'assurances LLOYD'S INSURANCE COMPANY demande à la cour de :
« Vu les articles 1792 et suivants du Code civil ;
Vu l'article 1646-1 alinéa 1 du code civil ;
Vu la jurisprudence citée ;
Vu le jugement du Tribunal Judiciaire du PUY-EN-VELAY du 2 mai 2023 ;
Vu les conclusions d'appelant de Madame [H] [N] ;
Vu les conclusions d'intimées de Madame [A] et de Madame [E] ;
Il est demandé à la Cour d'Appel de RIOM de :
À TITRE PRINCIPAL,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la responsabilité de Monsieur [I] [C], Monsieur [V] [Z], et Madame [H] [N] au titre des désordres litigieux ;
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la démolition/reconstruction de l'ouvrage est disproportionnée ;
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur [I] [C], Monsieur [V] [Z], Madame [H] [N] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY au paiement des sommes suivantes :
' 345.246,35 euros TTC au titre des travaux propres à remédier aux désordres outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2029,
' 15.600,00 euros TTC au titre de la souscription d'une assurance dommage-ouvrage outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
' 32.400,00 euros TTC au titre des frais de maîtrise d''uvre outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
' 7.254,00 euros TTC à Madame [A] au titre des frais déménagement et de réemménagement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
' 7.254,00 euros TTC à Madame [E] au titre des frais déménagement et de réemménagement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
' 11.600,00 euros TTC à Madame [A] au titre des frais de relogement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
' 11.600,00 euros TTC à Madame [E] au titre des frais de relogement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les garanties de la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY ne sont pas mobilisables au titre du préjudice de jouissance ;
CONFIRMER le jugement entrepris en qu'il a jugé que la franchise contractuelle de 1.000,00 euros et les plafonds de garantie prévus au contrat d'assurance souscrit par [I] [C] sont applicables et opposables à toutes les parties ;
En conséquence,
DÉBOUTER Madame [H] [N] et toute autre partie de toute demande autre ou contraire ;
À TITRE SUBSIDIAIRE, si la Cour venait à considérer que la responsabilité de Madame [H] [N] ne pouvait être engagée en l'espèce,
STATUANT À NOUVEAU,
CONDAMNER Monsieur [Z] à relever et garantir la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA de toutes condamnations tant en principal qu'intérêts et frais prononcées à son encontre dans le cadre du présent litige.
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE
CONDAMNER Madame [H] [N] et tout succombant au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de de la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY, et aux entiers dépens. »
***
La déclaration d'appel a été signifiée le 23 août 2023 à M. [V] [Z], par remise à l'étude de l'huissier.
M. [V] [Z] ne comparait pas devant la cour.
La déclaration d'appel a été signifiée le 23 août 2023 à M. [I] [C], par remise à domicile.
M. [I] [C] ne comparait pas devant la cour.
***
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.
Une ordonnance du 23 janvier 2025 clôture la procédure.
II. Motifs
1. Sur les désordres et leur nature
Le caractère décennal des désordres affectant l'immeuble, retenu par le tribunal judiciaire, n'est guère contestable. Il résulte en effet de l'expertise réalisée par M. [J] [X] le 15 mars 2022 que les désordres sont structurels : une poutre préfabriquée a fléchi de 5 mm créant un espace sous plinthe dans l'appartement de Mme [E] et des fissures en plafond et sur une cloison dans l'appartement de Mme [A]. L'expert observe par ailleurs que l'absence de fondations ne permet pas de laisser le bâtiment en l'état, et que des reprises importantes sont indispensables (rapport page 22). Au demeurant cet état de fait n'est pas contesté par la compagnie LLOYD'S, ni même par Mme [H] [N] qui soutient ne pas devoir supporter la responsabilité du constructeur, au motif qu'elle n'est jamais intervenue à l'acte de construire (conclusions page 9).
2. Sur les personnes responsables des désordres
En premier lieu, il résulte de l'expertise que les travaux ont été réalisés par M. [I] [C], artisan maçon (rapport page 7). M. [X] démontre suffisamment que les travaux réalisés par cet entrepreneur ont été totalement défaillants, puisque notamment il a été constaté que l'immeuble ne repose sur aucune fondation (rapport page 16). En sa qualité de constructeur, M. [I] [C] supporte donc à l'égard de Mmes [A] et [E] la responsabilité de plein droit de l'article 1792 du code civil.
En second lieu, il est manifeste que le bâtiment litigieux a été érigé à l'initiative des époux [V] et [H] [Z] (à l'époque non divorcés), pour être ensuite vendu, comme cela résulte très clairement de l'expertise et des actes de vente eux-mêmes.
Dans son rapport page 6 M. [X] note en effet que M. [V] [Z] a réalisé la construction d'une maison sur deux niveaux, et que par actes ensuite des 27 novembre 2014 et 5 décembre 2014 les appartements ont été vendus à Mme [A] (rez-de-chaussée) et à Mme [E] (étage).
Les actes de vente confirment l'opération unique ayant consisté à construire pour vendre. L'acte de vente de Mme [A] en date du 27 novembre 2014 mentionne en effet que le permis de construire a été délivré le 23 janvier 2014 et que la déclaration d'achèvement des travaux a été déposée le 17 octobre 2014. Le bien a été ensuite vendu par M. [V] [Z] et Mme [H] [N] ensemble à Mme [A] le 27 novembre 2014. Il est expressément précisé que l'acquéreur bénéficie de la garantie accordée dans le cadre de la responsabilité décennale prévue par l'article 1792 du code civil, et que les débiteurs des diverses garanties sont le vendeur-constructeur pour la totalité de la construction et les entrepreneurs ayant réalisé les travaux pour le compte du constructeur (cf. pages 11 à 13). Les mêmes indications et garanties figurent à l'identique dans l'acte de vente de Mme [E] en date du 5 décembre 2014 (cf. pages 30 à 32).
Lors de ces deux actes les époux M. [V] [Z] et Mme [H] [N] sont donc mentionnés ensemble comme étant les vendeurs. Or en application de l'article 1792-1 du code civil, est réputé constructeur de l'ouvrage toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire. Compte tenu des éléments ci-dessus énoncés, M. [V] [Z] et Mme [H] [N] sont donc incontestablement les constructeurs de l'ouvrage au sens de ce texte, et dès lors ils sont responsables ensemble et de plein droit envers Mmes [A] et [E], des désordres compromettant la solidité de l'ouvrage, en vertu de l'article 1792.
3. Sur la nature de l'obligation des personnes responsables des désordres
La cour juge ci-dessus que M. [I] [C], en sa qualité de maçon ayant construit l'ouvrage défectueux, M. [V] [Z] et Mme [H] [N], tous deux en leurs qualités de constructeurs et vendeurs du même ouvrage, sont débiteurs ensemble et de plein droit de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil à l'égard de Mmes [A] et [E]. Chacun a donc participé aux mêmes désordres constatés par l'expertise judiciaire, moyennant quoi ces trois personnes sans tenues in solidum à l'égard des acquéreurs de l'ouvrage, comme exactement jugé par le tribunal judiciaire.
4. Sur le montant de la réparation
Mmes [A] et [E] sollicitent la confirmation pure et simple du jugement leur ayant accordé diverses indemnisations.
La compagnie LLOYD'S demande également à la cour de confirmer les réparations allouées à Mmes [A] et [E], et de juger que sa garantie n'est pas mobilisable au titre du préjudice de jouissance. Ce point n'est pas discuté par Mmes [A] et [E].
Dans le dispositif de ses écritures Mme [H] [N] sollicite l'infirmation du jugement. Sa contestation porte en réalité essentiellement sur la disposition du jugement disant qu'elle est entièrement responsable, avec M. [I] [C] et M. [V] [Z], des désordres et des préjudices subis par Mmes [A] et [E], et sa condamnation in solidum à ce titre. Elle ne consacre que quelques lignes à la critique de l'expertise judiciaire concernant le quantum des réparations allouées aux acquéreurs de l'immeuble, sans aucune démonstration pertinente.
Il y a donc lieu à confirmation du jugement concernant les dommages et intérêts arbitrés par le tribunal, qui au demeurant sont pour l'essentiel conformes à l'expertise judiciaire.
5. Sur la demande de garantie formée par la compagnie LLOYD'S
La compagnie LLOYD'S, assureur de M. [I] [C], artisan ayant réalisé la construction de l'immeuble, ne discute pas devoir à celui-ci sa garantie décennale. Elle ne conteste pas non plus sa condamnation, in solidum avec M. [I] [C], M. [V] [Z] et Mme [H] [N], à payer à Mmes [A] et [E] les réparations ordonnées par le jugement, dont elle demande la confirmation. Le tribunal a par ailleurs rejeté les demandes de Mmes [A] et [E] contre l'assureur au titre de leurs préjudices moraux, et jugé que la franchise contractuelle est applicable. Sur ces deux questions aussi bien la compagnie LLOYD'S que Mmes [A] et [E] sollicitent de la même manière la confirmation du jugement.
Dans le dispositif de ses écritures la compagnie LLOYD'S semble vouloir solliciter à titre principal la garantie de Mme [H] [N] et à titre subsidiaire, si celle-ci n'était pas retenue, la garantie de M. [V] [Z]. Cependant, ces demandes ne sont pas exprimées de manière suffisamment claire pour pouvoir être prises en considération par la cour.
Il convient de rappeler que dans le dispositif de sa décision le tribunal judiciaire exclut expressément la garantie de Mme [H] [N] et de M. [V] [Z] à l'égard de la compagnie LLOYD'S, en ces termes dépourvus de toute ambiguïté : « Rejette la demande de garantie présentée par la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA envers [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z] ».
Dans le dispositif de ses écritures la compagnie LLOYD'S sollicite à titre principal la confirmation du jugement en ce que le tribunal a : retenu la responsabilité de M. [I] [C], M. [V] [Z] et Mme [H] [N] « au titre des désordres litigieux » ; alloué diverses réparations à Mmes [A] et [E] ; jugé que la garantie de l'assureur n'est pas mobilisable au titre du préjudice de jouissance, et que la franchise contractuelle de 1000 EUR ainsi que les plafonds de garantie prévus au contrat d'assurance sont opposables à toutes les parties.
Cependant, nulle part dans ce même dispositif la compagnie LLOYD'S ne sollicite l'infirmation du jugement en ce que le tribunal a rejeté sa demande de garantie formée envers M. [V] [Z] et Mme [H] [N]. Elle se contente de demander à la cour de débouter Mme [H] [N] « et toute autre partie de toute demande autre ou contraire », ce qui ressemble plus à une formule de style qu'à une demande claire et précise à laquelle la cour pourrait valablement répondre. De manière tout aussi curieuse, la compagnie LLOYD'S sollicite ensuite à titre subsidiaire, si la cour jugeait que la responsabilité de Mme [H] [N] ne peut être engagée, de condamner M. [V] [Z] à la relever et garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre. L'articulation entre le défaut de responsabilité de Mme [H] [N] et la garantie sollicitée contre M. [V] [Z], apparaît difficile à comprendre alors que tous deux sont constructeurs, et quoi qu'il en soit, la demande subsidiaire de garantie contre M. [V] [Z] devrait être précédée d'une demande principale de garantie contre Mme [H] [N], ce qui n'est pas le cas.
Dans ces conditions, étant exprimée de manière aussi imparfaite et sans aucune démonstration pertinente, la demande de garantie de la compagnie LLOYD'S ne peut valablement prospérer.
6. Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande que Mmes [A] et [E], ainsi que le syndicat des copropriétaires de la copropriété « [Adresse 9] », ensemble, reçoivent en application de ce texte la somme unique de 3500 EUR, qui leur sera payée par la compagnie LLOYD'S.
7. Sur les dépens d'appel
Les dépens d'appel seront supportés par la compagnie LLOYD'S.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut,
Confirme le jugement ;
Condamne la compagnie LLOYD'S INSURANCE COMPANY à payer à Mmes [A], [E] et le syndicat des copropriétaires de la copropriété « [Adresse 9] », ensemble, la somme unique de 3500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;
Condamne la compagnie LLOYD'S INSURANCE COMPANY aux dépens d'appel ;
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Le greffier Le président
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 10 juin 2025
N° RG 23/00995 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GASW
- DA- Arrêt n°
[H] [N] divorcée [Z] / [O] [A], [K] [E], [V] [Z], [I] [C], Société LLOYD'S INSURANCE COMPANY, Syndic. de copro. [Adresse 9]
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du PUY-EN-VELAY, décision attaquée en date du 02 Mai 2023, enregistrée sous le n° 19/01067
Arrêt rendu le MARDI DIX JUIN DEUX MILLE VINGT CINQ
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
Mme [H] [N] divorcée [Z]
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Maître Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM- CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Sébastien SOY, avocat au barreau de LYON
Timbre fiscal acquitté
APPELANTE
ET :
Mme [O] [A]
[Adresse 1]
[Localité 4]
et
Mme [K] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
et
Syndic. de copro. IMMEUBLE [Adresse 9] représenté par Madame [K] [E] et Madame [O] [A], es qualités de syndics.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Tous représentés par Maître Francis ROBIN de la SCP HERMAN ROBIN & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
M. [V] [Z]
[Adresse 11]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Non représenté
M. [I] [C] entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne AS [C] [I]
[Adresse 10]
[Adresse 13]
[Localité 4]
Non représenté
Société LLOYD'S INSURANCE COMPANY agissant en la personne de son mandataire général pour les opérations en France, Monsieur [G] [P], venant aux droits des SOUSCRIPTEURS DU LLOYDS DE LONDRES
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Maître Jérôme LANGLAIS de la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Sarah XERRI-HANOTE de la SELAS HMM et PARTNERS, avocat au barreau de PARIS
Timbre fiscal acquitté
INTIMES
DÉBATS : A l'audience publique du 31 mars 2025
ARRÊT : PAR DÉFAUT
Prononcé publiquement le 10 juin 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
I. Procédure
Au cours de l'année 2014 époux [V] [Z] et [H] [Z] née [N] ont fait construire, sur un terrain leur appartenant à [Localité 12] (Haute-Loire), une maison d'habitation comprenant deux appartements, un au rez-de-chaussée, l'autre à l'étage.
Un règlement de copropriété a été rédigé le 27 novembre 2014 établissant deux lots.
Par actes authentiques des 27 novembre et 5 décembre 2014, le lot numéro 1 a été vendu à Mme [O] [A] et le lot numéro 2 a été vendu à Mme [K] [E].
Les acquéreurs se sont plaints de désordres affectant leurs immeubles.
Par ordonnance du 14 décembre 2017 le juge des référés au tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a ordonné une expertise dont il a confié la mission M. [J] [X]. Plus tard, par ordonnance du 11 février 2021, les opérations d'expertise ont été rendues communes à la compagnie d'assurances LLOYD'S, en sa qualité d'assureur de M. [I] [C], maçon ayant participé à la construction.
Les époux [V] et [H] [Z] ont divorcé le 9 décembre 2021.
L'expert judiciaire M. [J] [X] a remis son rapport le 15 mars 2022.
Mmes [O] [A] et [K] [E] ont alors assigné au fond les époux [Z], le 22 novembre 2019, devant le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay.
Par exploits ensuite du 17 avril 2022 elles ont appelé en cause le syndicat des copropriétaires de la copropriété « [Adresse 9] », ainsi que M. [F] [C] et son assureur la compagnie LLOYD'S. Les trois procédures ont été jointes.
À l'issue des débats, par jugement du 2 mai 2023, le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay, a rendu la décision suivante :
« Le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay, présidé par Fabien SARTRE-ANDRADE DOS SANTOS, statuant publiquement par jugement contradictoire et susceptible d'appel,
Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de [K] [E] et [O] [A] s'agissant des travaux relatifs aux parties communes,
Juge que les désordres impactant l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 12] sont de nature décennale,
Rejette la demande de partage de responsabilité,
Juge [V] [Z], [H] [N] épouse [Z] et [I] [C] entièrement responsables des désordres et des préjudices subis par [K] [E], [O] [A] et le syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]',
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], [O] [A] et au syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]' la somme de 345.246,35 euros TTC au titre des travaux propres à remédier aux désordres outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2029,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], [O] [A] et au syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]' la somme de 15.600,00 euros TTC au titre de la souscription d'une assurance dommage-ouvrage outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], [O] [A] et au syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]' la somme de 32.400,00 euros TTC au titre des frais de maîtrise d'oeuvre outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [O] [A] la somme de 7.254,00 euros TTC au titre des frais déménagement et de réemménagement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E] la somme de 7.254,00 euros TTC au titre des frais déménagement et de réemménagement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [O] [A] la somme de 11.600,00 euros TTC au titre des frais de relogement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E] la somme de 11.600,00 euros TTC au titre des frais de relogement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z] et [I] [C] à payer à [K] [E] la somme de 5.000,00 euros au titre de son préjudice moral outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z] et [I] [C] à payer à [O] [A] la somme de 5.000,00 euros au titre de son préjudice moral outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
Rejette les demandes présentées par [K] [E] et [O] [A] envers la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA au titre de leurs préjudices moraux,
Rejette la demande de garantie présentée par [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z] envers [I] [C],
Juge que les travaux réalisés par [I] [C] ont été réceptionnés tacitement le 17 octobre 2014,
Juge que la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA est condamnée à relever et garantir [I] [C] des sommes mises à sa charge hormis celles allouées au titre des préjudices moraux de [K] [E] et [O] [A],
Juge que la franchise contractuelle de 1.000,00 euros et les plafonds de garantie prévus au contrat d'assurance souscrit par [I] [C] sont applicables et opposables à toutes les parties,
Rejette la demande de garantie présentée par la société LLOYD' S INSURANCE COMPANY SA envers [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z],
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA aux entiers dépens de l'instance qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire.
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [O] [A], la somme de 6.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], la somme de 6.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement. »
Dans les motifs de sa décision le premier juge a notamment écrit :
Il appert des pièces de la procédure que [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z] étaient à la fois maîtres d'ouvrage, maîtres d''uvre, constructeurs et entrepreneurs de second d''uvre. [I] [C], quant à lui, était en charge du lot maçonnerie. Aucun d'entre eux n'a daigné s'assurer que la construction respectait les règles minimales en vigueur. L'érection d'un immeuble dans de telles conditions démontre un acte de construction guidé par un souci d'économie conjugué à une incompétence évidente, le tout au détriment des occupants du bien. L'incurie de [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z] est d'autant plus condamnable qu'ils ont agi sans être couverts par un quelconque contrat d'assurance.
Les responsabilités des défendeurs sont imbriquées car ils sont tous les trois intégralement responsables des désordres subis par les demandeurs. [I] [C] sollicite un partage de responsabilité au motif que [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z] auraient dû souscrire une assurance dommage-ouvrage. Un tel argument est dénué de toute pertinence puisqu'il ne peut pas minimiser sa responsabilité de professionnel du bâtiment alors qu'il est à l'origine directe de la conception et de la réalisation de travaux de maçonnerie indignes de sa corporation.
La demande de partage de responsabilité sera donc rejetée.
[V] [Z], [H] [N] épouse [Z] et [I] [C] seront donc jugés entièrement responsables des désordres et condamnés in solidum à réparer les préjudices subis par [K] [E], [O] [A] et le syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]'.
***
Mme [H] [N] a fait appel de cette décision le 22 juin 2023, précisant :
« Objet/Portée de l'appel : APPEL LIMITÉ : L'appel tend à obtenir la nullité ou, à tout le moins, la réformation de la décision susvisée en ce qu'elle a : - rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de [K] [E] et [O] [A] s'agissant des travaux relatifs aux parties communes - jugé [V] [Z], [H] [N] épouse [Z] et [I] [C] entièrement responsables des désordres et des préjudices subis par [K] [E], [O] [A] et le syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9] condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], [O] [A] et au syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]' la somme de 345.246,35 euros TTC au titre des travaux propres à remédier aux désordres outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2029 - condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], [O] [A] et au syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]' la somme de 15.600,00 euros TTC au titre de la souscription d'une assurance dommage-ouvrage outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 - condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [K] [E], [O] [A] et au syndicat des copropriétaires de la copropriété '[Adresse 9]' la somme de 32.400,00 euros TTC au titre des frais de maîtrise d''uvre outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 - condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [O] [A] et à [K] [E], chacune, la somme de 7.254,00 euros TTC au titre des frais déménagement et de réemménagement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 - condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à [O] [A] et à [K] [E], chacune, la somme de 11.600,00 euros TTC au titre des frais de relogement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019- condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z] et [I] [C] à payer à [K] [E] et [O] [A], chacune, la somme de 5.000,00 euros au titre de leur préjudice moral outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019- rejeté la demande de garantie présentée par [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z] envers [I] [C] - condamné in solidum [V] [Z], [H] [N] épouse [Z], [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY. »
Dans ses conclusions ensuite du 22 septembre 2023, Mme [H] [N] demande à la cour de :
« Vu les articles 220,1240 et 1792 et suivants du Code Civil, Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile,
À titre principal,
' Infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire du PUY EN VELAY le 2 mai 2023 (RG nº 19/01067) en ce qu'il a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité d'intérêt à agir de Mmes [K] [E] et [O] [A] s'agissant des travaux relatifs aux parties communes ;
- jugé Madame [H] [N] entièrement responsable des désordres et des préjudices subis par Mmes [K] [E] et [O] [A] et le Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] et au Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] la somme de 345.246,35 € TTC au titre de travaux propres à remédier aux désordres outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] et au Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] la somme de 15.600 € TTC au titre de la souscription d'une assurance dommage ouvrage outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] et au Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] la somme de 32.400 € TTC au titre des frais de maîtrise d''uvre outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] chacune la somme de 7.254 € TTC au titre des frais de déménagement et de réaménagement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] chacune la somme de 11.600 € TTC au titre des frais de relogement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] chacune la somme de 5.000 € au titre de leur préjudice moral outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019 ;
- rejeté la demande de garantie présenté par Madame [H] [N] envers Monsieur [I] [C] ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] aux entiers dépens de l'instance qui comprendront le coût d'expertise ;
- condamné in solidum Madame [H] [N] à payer à Mmes [K] [E] et [O] [A] chacune la somme de
6.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
STATUANT À NOUVEAU
À titre principal,
' Débouter Mmes [O] [A] et [K] [E] et le Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] de toutes demandes formulées à l'encontre de Madame [H] [N].
À titre subsidiaire,
' Condamner Monsieur [I] [C] et son assurance LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à relever et garantir Madame [H] [N] de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
À titre infiniment subsidiaire,
' Débouter Mmes [O] [A] et [K] [E] et le Syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 9] de leurs demandes relatives aux frais d'assurance dommage-ouvrage, aux frais de maîtrise d''uvre, aux frais de déménagement, aux frais de relogement et à leur préjudice moral.
En toute hypothèse,
' Condamner Mmes [O] [A] et [K] [E] à payer à Madame [H] [N] une somme de 2.400 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
' Condamner les parties perdantes aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise. »
***
Mmes [O] [A] et [K] [E], ainsi que le syndicat des copropriétaires « [Adresse 9] » ont pris des conclusions communes le 13 novembre 2023, afin de demander à la cour de :
« Vu les pièces versées aux débats,
Vu, notamment, le rapport d'expertise judiciaire définitif de Monsieur [J] [X], expert judiciaire désigné, le rapport de la société ALPHA BTP, le rapport de diagnostic de la société IDEUM PARTNERS et les chiffrages de la société PB CONSTRUCTION,
Vu à titre principal, les dispositions des articles 1792 et suivants du Code Civil,
Vu à titre subsidiaire, les dispositions de l'article 1147 ancien du code civil,
Vu à titre très subsidiaire, les articles 1641 et suivants du Code Civil,
Vu les articles 1101 et suivants du Code civil,
Vu les dispositions de l'article 124-3 du Code des Assurances,
Vu le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire du PUY-EN-VELAY le 02 mai 2023
Il est demandé à la Cour d'Appel de RIOM :
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire du PUY-EN-VELAY, le 02 mai 2023 dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant.
CONDAMNER, Monsieur et Madame [Z] [V], Monsieur [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à Madame [A] la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER, Monsieur et Madame [Z] [V], Monsieur [I] [C] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA à payer à Madame [E] la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP HERMAN-ROBIN & ASSOCIES. »
***
Enfin, dans des conclusions du 20 décembre 2023, la compagnie d'assurances LLOYD'S INSURANCE COMPANY demande à la cour de :
« Vu les articles 1792 et suivants du Code civil ;
Vu l'article 1646-1 alinéa 1 du code civil ;
Vu la jurisprudence citée ;
Vu le jugement du Tribunal Judiciaire du PUY-EN-VELAY du 2 mai 2023 ;
Vu les conclusions d'appelant de Madame [H] [N] ;
Vu les conclusions d'intimées de Madame [A] et de Madame [E] ;
Il est demandé à la Cour d'Appel de RIOM de :
À TITRE PRINCIPAL,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la responsabilité de Monsieur [I] [C], Monsieur [V] [Z], et Madame [H] [N] au titre des désordres litigieux ;
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la démolition/reconstruction de l'ouvrage est disproportionnée ;
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur [I] [C], Monsieur [V] [Z], Madame [H] [N] et la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY au paiement des sommes suivantes :
' 345.246,35 euros TTC au titre des travaux propres à remédier aux désordres outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2029,
' 15.600,00 euros TTC au titre de la souscription d'une assurance dommage-ouvrage outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
' 32.400,00 euros TTC au titre des frais de maîtrise d''uvre outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
' 7.254,00 euros TTC à Madame [A] au titre des frais déménagement et de réemménagement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
' 7.254,00 euros TTC à Madame [E] au titre des frais déménagement et de réemménagement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
' 11.600,00 euros TTC à Madame [A] au titre des frais de relogement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
' 11.600,00 euros TTC à Madame [E] au titre des frais de relogement outre intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les garanties de la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY ne sont pas mobilisables au titre du préjudice de jouissance ;
CONFIRMER le jugement entrepris en qu'il a jugé que la franchise contractuelle de 1.000,00 euros et les plafonds de garantie prévus au contrat d'assurance souscrit par [I] [C] sont applicables et opposables à toutes les parties ;
En conséquence,
DÉBOUTER Madame [H] [N] et toute autre partie de toute demande autre ou contraire ;
À TITRE SUBSIDIAIRE, si la Cour venait à considérer que la responsabilité de Madame [H] [N] ne pouvait être engagée en l'espèce,
STATUANT À NOUVEAU,
CONDAMNER Monsieur [Z] à relever et garantir la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA de toutes condamnations tant en principal qu'intérêts et frais prononcées à son encontre dans le cadre du présent litige.
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE
CONDAMNER Madame [H] [N] et tout succombant au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de de la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY, et aux entiers dépens. »
***
La déclaration d'appel a été signifiée le 23 août 2023 à M. [V] [Z], par remise à l'étude de l'huissier.
M. [V] [Z] ne comparait pas devant la cour.
La déclaration d'appel a été signifiée le 23 août 2023 à M. [I] [C], par remise à domicile.
M. [I] [C] ne comparait pas devant la cour.
***
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.
Une ordonnance du 23 janvier 2025 clôture la procédure.
II. Motifs
1. Sur les désordres et leur nature
Le caractère décennal des désordres affectant l'immeuble, retenu par le tribunal judiciaire, n'est guère contestable. Il résulte en effet de l'expertise réalisée par M. [J] [X] le 15 mars 2022 que les désordres sont structurels : une poutre préfabriquée a fléchi de 5 mm créant un espace sous plinthe dans l'appartement de Mme [E] et des fissures en plafond et sur une cloison dans l'appartement de Mme [A]. L'expert observe par ailleurs que l'absence de fondations ne permet pas de laisser le bâtiment en l'état, et que des reprises importantes sont indispensables (rapport page 22). Au demeurant cet état de fait n'est pas contesté par la compagnie LLOYD'S, ni même par Mme [H] [N] qui soutient ne pas devoir supporter la responsabilité du constructeur, au motif qu'elle n'est jamais intervenue à l'acte de construire (conclusions page 9).
2. Sur les personnes responsables des désordres
En premier lieu, il résulte de l'expertise que les travaux ont été réalisés par M. [I] [C], artisan maçon (rapport page 7). M. [X] démontre suffisamment que les travaux réalisés par cet entrepreneur ont été totalement défaillants, puisque notamment il a été constaté que l'immeuble ne repose sur aucune fondation (rapport page 16). En sa qualité de constructeur, M. [I] [C] supporte donc à l'égard de Mmes [A] et [E] la responsabilité de plein droit de l'article 1792 du code civil.
En second lieu, il est manifeste que le bâtiment litigieux a été érigé à l'initiative des époux [V] et [H] [Z] (à l'époque non divorcés), pour être ensuite vendu, comme cela résulte très clairement de l'expertise et des actes de vente eux-mêmes.
Dans son rapport page 6 M. [X] note en effet que M. [V] [Z] a réalisé la construction d'une maison sur deux niveaux, et que par actes ensuite des 27 novembre 2014 et 5 décembre 2014 les appartements ont été vendus à Mme [A] (rez-de-chaussée) et à Mme [E] (étage).
Les actes de vente confirment l'opération unique ayant consisté à construire pour vendre. L'acte de vente de Mme [A] en date du 27 novembre 2014 mentionne en effet que le permis de construire a été délivré le 23 janvier 2014 et que la déclaration d'achèvement des travaux a été déposée le 17 octobre 2014. Le bien a été ensuite vendu par M. [V] [Z] et Mme [H] [N] ensemble à Mme [A] le 27 novembre 2014. Il est expressément précisé que l'acquéreur bénéficie de la garantie accordée dans le cadre de la responsabilité décennale prévue par l'article 1792 du code civil, et que les débiteurs des diverses garanties sont le vendeur-constructeur pour la totalité de la construction et les entrepreneurs ayant réalisé les travaux pour le compte du constructeur (cf. pages 11 à 13). Les mêmes indications et garanties figurent à l'identique dans l'acte de vente de Mme [E] en date du 5 décembre 2014 (cf. pages 30 à 32).
Lors de ces deux actes les époux M. [V] [Z] et Mme [H] [N] sont donc mentionnés ensemble comme étant les vendeurs. Or en application de l'article 1792-1 du code civil, est réputé constructeur de l'ouvrage toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire. Compte tenu des éléments ci-dessus énoncés, M. [V] [Z] et Mme [H] [N] sont donc incontestablement les constructeurs de l'ouvrage au sens de ce texte, et dès lors ils sont responsables ensemble et de plein droit envers Mmes [A] et [E], des désordres compromettant la solidité de l'ouvrage, en vertu de l'article 1792.
3. Sur la nature de l'obligation des personnes responsables des désordres
La cour juge ci-dessus que M. [I] [C], en sa qualité de maçon ayant construit l'ouvrage défectueux, M. [V] [Z] et Mme [H] [N], tous deux en leurs qualités de constructeurs et vendeurs du même ouvrage, sont débiteurs ensemble et de plein droit de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil à l'égard de Mmes [A] et [E]. Chacun a donc participé aux mêmes désordres constatés par l'expertise judiciaire, moyennant quoi ces trois personnes sans tenues in solidum à l'égard des acquéreurs de l'ouvrage, comme exactement jugé par le tribunal judiciaire.
4. Sur le montant de la réparation
Mmes [A] et [E] sollicitent la confirmation pure et simple du jugement leur ayant accordé diverses indemnisations.
La compagnie LLOYD'S demande également à la cour de confirmer les réparations allouées à Mmes [A] et [E], et de juger que sa garantie n'est pas mobilisable au titre du préjudice de jouissance. Ce point n'est pas discuté par Mmes [A] et [E].
Dans le dispositif de ses écritures Mme [H] [N] sollicite l'infirmation du jugement. Sa contestation porte en réalité essentiellement sur la disposition du jugement disant qu'elle est entièrement responsable, avec M. [I] [C] et M. [V] [Z], des désordres et des préjudices subis par Mmes [A] et [E], et sa condamnation in solidum à ce titre. Elle ne consacre que quelques lignes à la critique de l'expertise judiciaire concernant le quantum des réparations allouées aux acquéreurs de l'immeuble, sans aucune démonstration pertinente.
Il y a donc lieu à confirmation du jugement concernant les dommages et intérêts arbitrés par le tribunal, qui au demeurant sont pour l'essentiel conformes à l'expertise judiciaire.
5. Sur la demande de garantie formée par la compagnie LLOYD'S
La compagnie LLOYD'S, assureur de M. [I] [C], artisan ayant réalisé la construction de l'immeuble, ne discute pas devoir à celui-ci sa garantie décennale. Elle ne conteste pas non plus sa condamnation, in solidum avec M. [I] [C], M. [V] [Z] et Mme [H] [N], à payer à Mmes [A] et [E] les réparations ordonnées par le jugement, dont elle demande la confirmation. Le tribunal a par ailleurs rejeté les demandes de Mmes [A] et [E] contre l'assureur au titre de leurs préjudices moraux, et jugé que la franchise contractuelle est applicable. Sur ces deux questions aussi bien la compagnie LLOYD'S que Mmes [A] et [E] sollicitent de la même manière la confirmation du jugement.
Dans le dispositif de ses écritures la compagnie LLOYD'S semble vouloir solliciter à titre principal la garantie de Mme [H] [N] et à titre subsidiaire, si celle-ci n'était pas retenue, la garantie de M. [V] [Z]. Cependant, ces demandes ne sont pas exprimées de manière suffisamment claire pour pouvoir être prises en considération par la cour.
Il convient de rappeler que dans le dispositif de sa décision le tribunal judiciaire exclut expressément la garantie de Mme [H] [N] et de M. [V] [Z] à l'égard de la compagnie LLOYD'S, en ces termes dépourvus de toute ambiguïté : « Rejette la demande de garantie présentée par la société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA envers [V] [Z] et [H] [N] épouse [Z] ».
Dans le dispositif de ses écritures la compagnie LLOYD'S sollicite à titre principal la confirmation du jugement en ce que le tribunal a : retenu la responsabilité de M. [I] [C], M. [V] [Z] et Mme [H] [N] « au titre des désordres litigieux » ; alloué diverses réparations à Mmes [A] et [E] ; jugé que la garantie de l'assureur n'est pas mobilisable au titre du préjudice de jouissance, et que la franchise contractuelle de 1000 EUR ainsi que les plafonds de garantie prévus au contrat d'assurance sont opposables à toutes les parties.
Cependant, nulle part dans ce même dispositif la compagnie LLOYD'S ne sollicite l'infirmation du jugement en ce que le tribunal a rejeté sa demande de garantie formée envers M. [V] [Z] et Mme [H] [N]. Elle se contente de demander à la cour de débouter Mme [H] [N] « et toute autre partie de toute demande autre ou contraire », ce qui ressemble plus à une formule de style qu'à une demande claire et précise à laquelle la cour pourrait valablement répondre. De manière tout aussi curieuse, la compagnie LLOYD'S sollicite ensuite à titre subsidiaire, si la cour jugeait que la responsabilité de Mme [H] [N] ne peut être engagée, de condamner M. [V] [Z] à la relever et garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre. L'articulation entre le défaut de responsabilité de Mme [H] [N] et la garantie sollicitée contre M. [V] [Z], apparaît difficile à comprendre alors que tous deux sont constructeurs, et quoi qu'il en soit, la demande subsidiaire de garantie contre M. [V] [Z] devrait être précédée d'une demande principale de garantie contre Mme [H] [N], ce qui n'est pas le cas.
Dans ces conditions, étant exprimée de manière aussi imparfaite et sans aucune démonstration pertinente, la demande de garantie de la compagnie LLOYD'S ne peut valablement prospérer.
6. Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande que Mmes [A] et [E], ainsi que le syndicat des copropriétaires de la copropriété « [Adresse 9] », ensemble, reçoivent en application de ce texte la somme unique de 3500 EUR, qui leur sera payée par la compagnie LLOYD'S.
7. Sur les dépens d'appel
Les dépens d'appel seront supportés par la compagnie LLOYD'S.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut,
Confirme le jugement ;
Condamne la compagnie LLOYD'S INSURANCE COMPANY à payer à Mmes [A], [E] et le syndicat des copropriétaires de la copropriété « [Adresse 9] », ensemble, la somme unique de 3500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;
Condamne la compagnie LLOYD'S INSURANCE COMPANY aux dépens d'appel ;
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Le greffier Le président