CA Lyon, 1re ch. civ. b, 10 juin 2025, n° 24/00656
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 24/00656 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PNXK
Décision du
Tribunal Judiciaire de LYON
Référé
du 02 janvier 2024
RG : 23/01403
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 10 Juin 2025
APPELANTE :
Association ORSAC
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Laurent LELIEVRE de la SELARL SAINT-EXUPERY AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 716
INTIMEE :
La société ALBINGIA
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-christophe BESSY, avocat au barreau de LYON, toque : 1575
ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle BOCK de la SCP NABA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 16 Octobre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Mars 2025
Date de mise à disposition : 27 mai 2025 prorogée au 10 Juin 2025, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
L'association Orsac (l'association) est une association reconnue d'utilité publique, elle assume des missions de service public dans les domaines de la santé et gère 84 établissements de services, notamment le Centre de soin Virieux (le CSV).
En 2008, celui-ci a engagé une importante opération de restructuration en trois phases sur trois ans. Il a souscrit une assurance dommages ouvrage auprès de la société Albingia le 22 octobre 2008. Les travaux ont été réceptionnés entre les 29 janvier 2009 et 22 décembre 2010 suivant les trois phases.
Le CSV a constaté, dès la mise en service des installations et particulièrement de la nouvelle chaufferie, de nombreuses fuites sur le réseau d'eau, notamment le réseau d'eau chaude sanitaire, et la société Gillet Génie Climatique, qui avait réalisé ce lot, a dû intervenir une dizaine de fois.
La société Otis Endetec est intervenue en septembre 2014 pour expertiser les installations et a mis en évidence les sous-dimensionnements de la production d'eau chaude sanitaire et un déséquilibre hydraulique sur les bouclages d'eau chaude sanitaire.
Une déclaration de sinistre a été effectuée auprès de l'assureur Albingia le 21 septembre 2016, laquelle a mandaté la société Cerec expertises, qui a requis l'intervention d'un sapiteur, la société Sapitherme; cette dernière a conclu le 23 mars 2018 à une omission de la société Gillet de poser des vannes d'équilibrage sur certaines parties du réseau de bouclage, en contradiction avec le DTU 60.1 chapitre 8.5. La société Cerec a confirmé cette analyse, comme l'avait conclu la société O's Endetec en 2014.
Fin septembre 2018 le CSV a déploré une nouvelle fois une fuite importante d'eau sur ce réseau, sur une section qui avait été déjà remplacée en octobre 2016.
Par ordonnance du 14 février 2019, le juge des référés de [Localité 5] a désigné M. [B] [V] en qualité d'expert, puis a étendu les opérations d'expertise à d'autres sociétés.
L'expert a déposé son rapport définitif le 3 avril 2022, soulignant que les désordres constatés relevaient de la garantie de l'assureur dommage ouvrage. Il a évalué le montant des travaux de rénovation des réseaux de bouclage de l'eau chaude sanitaire à la somme de 143.394 euros.
La société Albingia a opposé un refus de garantie.
Par acte introductif d'instance du 31 juillet 2023, l'association a fait assigner en référé la société Albingia pour voir dire qu'elle doit procéder au préfinancement des travaux de réparation concernant le chantier situé [Adresse 3] à [Localité 7], en application du contrat d'assurance dommages ouvrage conclu le 22 octobre 2008 et des dispositions de l'article L242-1 du code des assurances, la voir condamner à lui payer la somme provisionnelle de 143.394 euros au titre des travaux de bouclage ECS, avec intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'assignation, la somme provisionnelle de 31.711,41 euros au titre des travaux supplémentaires retenus par l'expert judiciaire, la somme provisionnelle de 12.070,77 euros au titre des frais de plomberie engagés pour la réparation des fuites pour les années 2022 et 2023, la somme provisionnelle de 6.696 euros au titre des frais engagés au titre de l'expertise amiable de la société Otis Endetec, la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par ordonnance de référé contradictoire du 2 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- rejeté les demandes de l'association,
- condamné l'association aux dépens,
- condamné l'association à payer à la société la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 24 janvier 2024, l'association a interjeté appel.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2024, l'association Orsac demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon du 2 janvier 2024, en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- juger que la déclaration de sinistre du 21 septembre 2016 n'était pas tardive, conformément aux stipulations contractuelles et les articles L114-1 et L242-1 du code des assurances,
- à titre subsidiaire, juger que le point départ de la prescription biennale a commencé à courir à partir du moment où elle a eu connaissance de l'ampleur réelle des désordres, soit au plus tôt à la date du dépôt du rapport amiable de la société Cerec le 18 mai 2018, et au plus tard à la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 3 avril 2022,
- en tout état de cause, juger inopposable le délai de prescription biennal prévu par l'article L.114-1 du code des assurances, en raison du caractère insuffisant de la police d'assurance concernant les points de départ de la garantie et des causes d'interruption de la prescription,
En conséquence,
- déclarer recevable l'action de référé-provision engagée par elle,
- juger que la société Albingia doit procéder au préfinancement des travaux de réparation concernant le chantier sis [Adresse 3], en application du contrat assurance dommages ouvrage conclue le 22 octobre 2008 et des dispositions de l'article L 242-1 du code des assurances,
En conséquence,
- condamner la société Albingia à lui payer une provision de 143.394 euros au titre des travaux de rénovation du bouclage ECS, outre les intérêts de plein droit calculés au double du taux de l'intérêt légal, à compter de la signification de l'assignation,
- condamner la société Albingia à lui payer une provision d'un montant de 31.711,41 euros au titre des travaux supplémentaires retenus par l'expert judiciaire,
- condamner la société Albingia à lui payer une provision d'un montant de 12.070,77 euros TTC, à parfaire au jour de l'ordonnance, au titre des frais de plomberie engagés pour la réparation des fuites correspondant aux années 2022 et 2023,
- condamner la société Albingia à lui rembourser la somme provisionnelle de 6.696 euros TTC au titre des frais engagés au titre de l'expertise amiable de la société Ofis Endetec,
- condamner la société Albingia à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Albingia à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de la procédure d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Albingia aux dépens de l'instance de référé et d'appel y compris la somme de 9.932,91 euros au titre des frais d'expertise judiciaire.
***
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 avril 2024, la société Albingia demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance rendue le 2 janvier 2024 en ce qu'elle a débouté l'association de ses demandes provisionnelles dirigées contre elle, comme se heurtant à une contestation sérieuse eu égard au caractère manifestement prescrit de son action,
- débouter en tout état de cause l'association de l'intégralité de ses demandes, faute pour elle de satisfaire aux conditions de mobilisation des garanties de la police dommages ouvrage,
A titre subsidiaire, sur le quantum
- débouter l'association de sa demande de doublement du taux d'intérêt,
- débouter l'association de sa demande de provision portant sur les prétendus frais engagés en 2022 et 2023,
En tout état de cause,
- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a condamné l'association à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, - condamner l'association à lui régler la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel outre les entiers dépens de la présente instance dont distraction à Me Bessy.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 octobre 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription
L'association fait valoir que :
- le juge des référés a fixé le point de départ de la prescription dans la période entre la réception et le rapport amiable Endetec mais ces éléments n'étaient pas de nature à l'informer du manquement de la société Gillet à ses obligations contractuelles et aux normes techniques ni sur le préjudice en résultant; la prescription ne court qu'à compter du moment où elle a pris connaissance du sinistre entraînant la garantie dommage ouvrage et l'origine et l'ampleur du sinistre et le préjudice subi,
- les fuites étaient ponctuelles et la société Gillet a été appelée pour y remédier, des actions correctives ont té mises en oeuvre, mais les problèmes se sont intensifiés entre décembre 2015 et août 2016 et c'est dans ce contexte qu'elle a pris connaissance du sinistre entraînant la garantie dommage ouvrage,
- l'assureur n'a pas dans un premier temps opposé le caractère tardif de la déclaration mais seulement après l'assignation en référé, la déclaration de sinistre n'était donc pas tardive, la prescription court entre le 18 mai 2018 et le 3 avril 2022,
- l'assureur a mandaté un expert et les rapports confirment la réalité des désordres, leur nature décennale et leur origine,
- le délai biennal n'est en tout état de cause pas opposable, l'assureur n'a pas respecté le formaliste requis des causes d'interruption, les stipulations des conditions générales sont insuffisantes et les conditions particulières silencieuses,
- il n'y a pas de contestation sérieuse, peu importe la preuve de la mise en demeure alors que l'entreprise avait été attraite en référé et participé aux opérations d'expertise, elle est en droit d'obtenir le préfinancement des travaux,
- l'assureur a un délai maximal de 60 jours pour notifier sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties,
- l'expert a retenu un devis de 143.394 euroset elle a droit aux intérêts au double de l'intérêt légal et elle a dû engager des travaux en raison de fuites persistantes, et supporter des frais de rapport amiable.
L'assureur rétorque que :
- les désordres sont apparus très rapidement après la réception intervenue pour la tranche 3 le 22 décembre 2010 et la déclaration de sinistre n'a été faite que le 21 septembre 2016, soit après l'expiration du délai de prescription de deux ans de l'article L 114-1 du code des assurances,
- l'association a reconnu que les fuites n'avaient jamais cessé de se manifester malgré la mise en oeuvre de mesures correctives,
- le point de départ du délai est la date de connaissance du sinistre et non de la découverte de ses causes du sinistre ou des imputabilités technique et le constat de la survenance de fuites remonte à l'année 2010/2011, peu important que le dommage se soit postérieurement révélé dans son ampleur,
- à la date de fin de parfait achèvement du 22 décembre 2011, l'association avait une connaissance suffisante du sinistre pour régulariser une déclaration de sinistre, le fait d'avoir chercher à réparer les désordres par ses propres moyens ne change pas la date de point de départ du délai biennal,
- le cabinet Cerec est l'expert qu'elle a mandaté, après déclaration de sinistre, et l'association a pu procéder à cette déclaration sans être en possession du rapport, et il n'est pas besoin de connaître l'ampleur exacte d'un sinistre pour régulariser la déclaration qui doit seulement préciser la date d'apparition des dommages et leur description et localisation,
- l'avenant 002 aux conditions particulières a modifié l'article 14 des conditions générales, et elle a satisfait à son obligation d'information,
- sa garantie n'est en tout état de cause pas mobilisable, les désordres sont intervenus pendant l'année de parfait achèvement et l'association n'a pas justifié de sa mise en demeure, et n'en justifie toujours pas en appel,
- sur le quantum des demandes, l'association ne peut se prévaloir de l'article L 241-1 du code des assurances puisqu'elle a notifié sa position dans le délai de 2 mois,
- sur les frais engagés en 2022/2023 (d'intervention d'une entreprise) , cette demande se heurte également à contestation sérieuse, les fuites en cause n'ont pas été constatées par l'expert et il n'est produit ni constat, ni rapport d'intervention d'un professionnel, et il n'existe aucune preuve d'un lien avec les phénomènes mis en exergue par le rapport.
Réponse de la cour
En droit 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.
Aux termes de l'article L 114-1 du code des assurances, dans sa version applicable au litige : 'Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
Toutefois, ce délai ne court :
1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;
2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.
Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
La prescription est portée à dix ans dans les contrats d'assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d'assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l'assuré décédé.
Pour les contrats d'assurance sur la vie, nonobstant les dispositions du 2°, les actions du bénéficiaire sont prescrites au plus tard trente ans à compter du décès de l'assuré'.
L'article L 114-2 précise que (2006) : 'La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité'.
Par ailleurs, selon l'article L 242-1 alinéa 6 du code des assurances, l'assurance dommage ouvrage 'prend effet après l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement visé à l'article 1792-6 du code civil'. Par exception les garanties sont mobilisables après réception et avant expiration du délai de parfait achèvement lorsqu'après mise en demeure restée infructueuse, l'entrepreneur n'a pas exécuté ses obligations outre la démonstration d'un dommage de nature décennale. L'assuré doit justifier de la mise en demeure.
Le président du tribunal judiciaire statuant en référé a retenu que :
- les mentions prévues par l'article L 114-1 du code des assurances permettent une information suffisantes des assurés sur leurs obligations de déclaration,
- en l'espèce, les problèmes relatifs aux désordres sont apparus très rapidement après la réception des travaux, (expertise de M. [V] page 85, assignation en référé expertise du 7 janvier 2019 (page 5) qui précise qu'en trois mois, la société Gillet a dû intervenir une dizaine de fois,
- il résulte également de l'intervention de l'agence Endetec du 17 juillet 2014 l'importance et le nombre de fuites constatées sur les réseaux d'eau chaude sanitaire et la déclaration de sinistre du 21 septembre 2016 apparaît en conséquence tardive.
Il résulte des éléments du dossier que :
- l'association a expressément indiqué qu'après réception et dans l'année de parfait achèvement,
le CSV a fait le constat dès la mise en service des installations et particulièrement de la nouvelle chaufferie de nombreuses fuites sur le réseau d'eau chaude sanitaire (assignation en référé) ; le rapport d'expertise le confirme (p50 et 51),
- l'avenant aux conditions particulières à effet du 18 février 2010 signé par le preneur d'assurance a rappelé qu'aux termes de l'article L 114-2 du code des assurances, la prescription était interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre, que cette interruption pouvait en outre résulter de l'envoi d'une courrier recommandé avec accusé de réception adressée à l'assureur par l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.
En appel, l'assuré prétend que le délai biennal n'a pas pu courir en tout état de cause s'agissant du formalisme non respecté du contrat qui rendrait la prescription inopposable.
L'assureur justifie que son avenant 002 à effet du 18 février 2010 a modifié l'article 14 des conditions générales et reprend les termes de l'article L 114-2 du code des assurances mais il ne donne pas connaissance des causes ordinaires de la prescription qui sont visées. En conséquence, selon une jurisprudence constante, cet avenant n'est pas suffisamment précis et en conséquence, la prescription ne peut en tout état de cause être sérieusement opposée. L'ordonnance querellée est donc infirmée en ce qu'elle a retenu la prescription sans qu'il ne soit nécessaire de se prononcer sur le point de départ du délai.
Sur le droit à garantie
Selon l'article L 242-1 du code des assurances, 'Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de bâtiment, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Cette assurance prend effet après l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement visé à l'article 1792-6 du code civil. Toutefois, elle garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque : (...) Après la réception, après mise en demeure restée infructueuse, l'entrepreneur n'a pas exécuté ses obligations.
Il n'est pas justifié en l'espèce de la mise en demeure prévue par cet article alors qu'il résulte clairement du rapport de l'expert que si les désordres n'étaient pas apparents au moment de la réception, ils se sont manifesté pendant l'année de parfait achèvement de sorte qu'il existe une contestation sérieuse manifeste sur le droit à garantie au vu des dispositions susvisées.
En effet, si l'assurée fait état d'une jurisprudence selon laquelle une assignation en référé pourrait pallier l'absence de mise en demeure, il est constant que l'assignation en référé de l'entreprise est intervenue en l'espèce en 2019 alors l'assureur s'était antérieurement prévalu, son courrier du 14 juin 2018 rappelant la position prise le 16 novembre 2016, de l'absence de mise en demeure adressée par le maître de l'ouvrage à l'entreprise pendant l'année de parfait achèvement.
La demande de provision est dès lors sérieusement contestable et la cour, statuant avec les pouvoirs du juge des référés n'a donc pas le pouvoir se statuer sur le présent litige.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'association qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens d'appel et conserve la charge des dépens de première instance et la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme l'ordonnance querellée en ce qu'elle a rejeté les demandes de la société Orsac aux motifs d'une demande tardive,
Confirme l'ordonnance querellée pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la demande de l'association Orsac n'est pas tardive,
Dit que la cour n'a pas le pouvoir de statuer sur la demande de provision en raison d'une contestation sérieuse sur l'application de l'article 242-1 du code de procédure civile,
Condamne l'association Orsac aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La greffière, La Présidente,
Décision du
Tribunal Judiciaire de LYON
Référé
du 02 janvier 2024
RG : 23/01403
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 10 Juin 2025
APPELANTE :
Association ORSAC
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Laurent LELIEVRE de la SELARL SAINT-EXUPERY AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 716
INTIMEE :
La société ALBINGIA
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-christophe BESSY, avocat au barreau de LYON, toque : 1575
ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle BOCK de la SCP NABA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
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Date de clôture de l'instruction : 16 Octobre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Mars 2025
Date de mise à disposition : 27 mai 2025 prorogée au 10 Juin 2025, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
L'association Orsac (l'association) est une association reconnue d'utilité publique, elle assume des missions de service public dans les domaines de la santé et gère 84 établissements de services, notamment le Centre de soin Virieux (le CSV).
En 2008, celui-ci a engagé une importante opération de restructuration en trois phases sur trois ans. Il a souscrit une assurance dommages ouvrage auprès de la société Albingia le 22 octobre 2008. Les travaux ont été réceptionnés entre les 29 janvier 2009 et 22 décembre 2010 suivant les trois phases.
Le CSV a constaté, dès la mise en service des installations et particulièrement de la nouvelle chaufferie, de nombreuses fuites sur le réseau d'eau, notamment le réseau d'eau chaude sanitaire, et la société Gillet Génie Climatique, qui avait réalisé ce lot, a dû intervenir une dizaine de fois.
La société Otis Endetec est intervenue en septembre 2014 pour expertiser les installations et a mis en évidence les sous-dimensionnements de la production d'eau chaude sanitaire et un déséquilibre hydraulique sur les bouclages d'eau chaude sanitaire.
Une déclaration de sinistre a été effectuée auprès de l'assureur Albingia le 21 septembre 2016, laquelle a mandaté la société Cerec expertises, qui a requis l'intervention d'un sapiteur, la société Sapitherme; cette dernière a conclu le 23 mars 2018 à une omission de la société Gillet de poser des vannes d'équilibrage sur certaines parties du réseau de bouclage, en contradiction avec le DTU 60.1 chapitre 8.5. La société Cerec a confirmé cette analyse, comme l'avait conclu la société O's Endetec en 2014.
Fin septembre 2018 le CSV a déploré une nouvelle fois une fuite importante d'eau sur ce réseau, sur une section qui avait été déjà remplacée en octobre 2016.
Par ordonnance du 14 février 2019, le juge des référés de [Localité 5] a désigné M. [B] [V] en qualité d'expert, puis a étendu les opérations d'expertise à d'autres sociétés.
L'expert a déposé son rapport définitif le 3 avril 2022, soulignant que les désordres constatés relevaient de la garantie de l'assureur dommage ouvrage. Il a évalué le montant des travaux de rénovation des réseaux de bouclage de l'eau chaude sanitaire à la somme de 143.394 euros.
La société Albingia a opposé un refus de garantie.
Par acte introductif d'instance du 31 juillet 2023, l'association a fait assigner en référé la société Albingia pour voir dire qu'elle doit procéder au préfinancement des travaux de réparation concernant le chantier situé [Adresse 3] à [Localité 7], en application du contrat d'assurance dommages ouvrage conclu le 22 octobre 2008 et des dispositions de l'article L242-1 du code des assurances, la voir condamner à lui payer la somme provisionnelle de 143.394 euros au titre des travaux de bouclage ECS, avec intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'assignation, la somme provisionnelle de 31.711,41 euros au titre des travaux supplémentaires retenus par l'expert judiciaire, la somme provisionnelle de 12.070,77 euros au titre des frais de plomberie engagés pour la réparation des fuites pour les années 2022 et 2023, la somme provisionnelle de 6.696 euros au titre des frais engagés au titre de l'expertise amiable de la société Otis Endetec, la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par ordonnance de référé contradictoire du 2 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- rejeté les demandes de l'association,
- condamné l'association aux dépens,
- condamné l'association à payer à la société la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 24 janvier 2024, l'association a interjeté appel.
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Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2024, l'association Orsac demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon du 2 janvier 2024, en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- juger que la déclaration de sinistre du 21 septembre 2016 n'était pas tardive, conformément aux stipulations contractuelles et les articles L114-1 et L242-1 du code des assurances,
- à titre subsidiaire, juger que le point départ de la prescription biennale a commencé à courir à partir du moment où elle a eu connaissance de l'ampleur réelle des désordres, soit au plus tôt à la date du dépôt du rapport amiable de la société Cerec le 18 mai 2018, et au plus tard à la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 3 avril 2022,
- en tout état de cause, juger inopposable le délai de prescription biennal prévu par l'article L.114-1 du code des assurances, en raison du caractère insuffisant de la police d'assurance concernant les points de départ de la garantie et des causes d'interruption de la prescription,
En conséquence,
- déclarer recevable l'action de référé-provision engagée par elle,
- juger que la société Albingia doit procéder au préfinancement des travaux de réparation concernant le chantier sis [Adresse 3], en application du contrat assurance dommages ouvrage conclue le 22 octobre 2008 et des dispositions de l'article L 242-1 du code des assurances,
En conséquence,
- condamner la société Albingia à lui payer une provision de 143.394 euros au titre des travaux de rénovation du bouclage ECS, outre les intérêts de plein droit calculés au double du taux de l'intérêt légal, à compter de la signification de l'assignation,
- condamner la société Albingia à lui payer une provision d'un montant de 31.711,41 euros au titre des travaux supplémentaires retenus par l'expert judiciaire,
- condamner la société Albingia à lui payer une provision d'un montant de 12.070,77 euros TTC, à parfaire au jour de l'ordonnance, au titre des frais de plomberie engagés pour la réparation des fuites correspondant aux années 2022 et 2023,
- condamner la société Albingia à lui rembourser la somme provisionnelle de 6.696 euros TTC au titre des frais engagés au titre de l'expertise amiable de la société Ofis Endetec,
- condamner la société Albingia à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Albingia à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de la procédure d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Albingia aux dépens de l'instance de référé et d'appel y compris la somme de 9.932,91 euros au titre des frais d'expertise judiciaire.
***
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 avril 2024, la société Albingia demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance rendue le 2 janvier 2024 en ce qu'elle a débouté l'association de ses demandes provisionnelles dirigées contre elle, comme se heurtant à une contestation sérieuse eu égard au caractère manifestement prescrit de son action,
- débouter en tout état de cause l'association de l'intégralité de ses demandes, faute pour elle de satisfaire aux conditions de mobilisation des garanties de la police dommages ouvrage,
A titre subsidiaire, sur le quantum
- débouter l'association de sa demande de doublement du taux d'intérêt,
- débouter l'association de sa demande de provision portant sur les prétendus frais engagés en 2022 et 2023,
En tout état de cause,
- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a condamné l'association à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, - condamner l'association à lui régler la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel outre les entiers dépens de la présente instance dont distraction à Me Bessy.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 octobre 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription
L'association fait valoir que :
- le juge des référés a fixé le point de départ de la prescription dans la période entre la réception et le rapport amiable Endetec mais ces éléments n'étaient pas de nature à l'informer du manquement de la société Gillet à ses obligations contractuelles et aux normes techniques ni sur le préjudice en résultant; la prescription ne court qu'à compter du moment où elle a pris connaissance du sinistre entraînant la garantie dommage ouvrage et l'origine et l'ampleur du sinistre et le préjudice subi,
- les fuites étaient ponctuelles et la société Gillet a été appelée pour y remédier, des actions correctives ont té mises en oeuvre, mais les problèmes se sont intensifiés entre décembre 2015 et août 2016 et c'est dans ce contexte qu'elle a pris connaissance du sinistre entraînant la garantie dommage ouvrage,
- l'assureur n'a pas dans un premier temps opposé le caractère tardif de la déclaration mais seulement après l'assignation en référé, la déclaration de sinistre n'était donc pas tardive, la prescription court entre le 18 mai 2018 et le 3 avril 2022,
- l'assureur a mandaté un expert et les rapports confirment la réalité des désordres, leur nature décennale et leur origine,
- le délai biennal n'est en tout état de cause pas opposable, l'assureur n'a pas respecté le formaliste requis des causes d'interruption, les stipulations des conditions générales sont insuffisantes et les conditions particulières silencieuses,
- il n'y a pas de contestation sérieuse, peu importe la preuve de la mise en demeure alors que l'entreprise avait été attraite en référé et participé aux opérations d'expertise, elle est en droit d'obtenir le préfinancement des travaux,
- l'assureur a un délai maximal de 60 jours pour notifier sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties,
- l'expert a retenu un devis de 143.394 euroset elle a droit aux intérêts au double de l'intérêt légal et elle a dû engager des travaux en raison de fuites persistantes, et supporter des frais de rapport amiable.
L'assureur rétorque que :
- les désordres sont apparus très rapidement après la réception intervenue pour la tranche 3 le 22 décembre 2010 et la déclaration de sinistre n'a été faite que le 21 septembre 2016, soit après l'expiration du délai de prescription de deux ans de l'article L 114-1 du code des assurances,
- l'association a reconnu que les fuites n'avaient jamais cessé de se manifester malgré la mise en oeuvre de mesures correctives,
- le point de départ du délai est la date de connaissance du sinistre et non de la découverte de ses causes du sinistre ou des imputabilités technique et le constat de la survenance de fuites remonte à l'année 2010/2011, peu important que le dommage se soit postérieurement révélé dans son ampleur,
- à la date de fin de parfait achèvement du 22 décembre 2011, l'association avait une connaissance suffisante du sinistre pour régulariser une déclaration de sinistre, le fait d'avoir chercher à réparer les désordres par ses propres moyens ne change pas la date de point de départ du délai biennal,
- le cabinet Cerec est l'expert qu'elle a mandaté, après déclaration de sinistre, et l'association a pu procéder à cette déclaration sans être en possession du rapport, et il n'est pas besoin de connaître l'ampleur exacte d'un sinistre pour régulariser la déclaration qui doit seulement préciser la date d'apparition des dommages et leur description et localisation,
- l'avenant 002 aux conditions particulières a modifié l'article 14 des conditions générales, et elle a satisfait à son obligation d'information,
- sa garantie n'est en tout état de cause pas mobilisable, les désordres sont intervenus pendant l'année de parfait achèvement et l'association n'a pas justifié de sa mise en demeure, et n'en justifie toujours pas en appel,
- sur le quantum des demandes, l'association ne peut se prévaloir de l'article L 241-1 du code des assurances puisqu'elle a notifié sa position dans le délai de 2 mois,
- sur les frais engagés en 2022/2023 (d'intervention d'une entreprise) , cette demande se heurte également à contestation sérieuse, les fuites en cause n'ont pas été constatées par l'expert et il n'est produit ni constat, ni rapport d'intervention d'un professionnel, et il n'existe aucune preuve d'un lien avec les phénomènes mis en exergue par le rapport.
Réponse de la cour
En droit 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.
Aux termes de l'article L 114-1 du code des assurances, dans sa version applicable au litige : 'Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
Toutefois, ce délai ne court :
1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;
2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.
Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
La prescription est portée à dix ans dans les contrats d'assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d'assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l'assuré décédé.
Pour les contrats d'assurance sur la vie, nonobstant les dispositions du 2°, les actions du bénéficiaire sont prescrites au plus tard trente ans à compter du décès de l'assuré'.
L'article L 114-2 précise que (2006) : 'La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité'.
Par ailleurs, selon l'article L 242-1 alinéa 6 du code des assurances, l'assurance dommage ouvrage 'prend effet après l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement visé à l'article 1792-6 du code civil'. Par exception les garanties sont mobilisables après réception et avant expiration du délai de parfait achèvement lorsqu'après mise en demeure restée infructueuse, l'entrepreneur n'a pas exécuté ses obligations outre la démonstration d'un dommage de nature décennale. L'assuré doit justifier de la mise en demeure.
Le président du tribunal judiciaire statuant en référé a retenu que :
- les mentions prévues par l'article L 114-1 du code des assurances permettent une information suffisantes des assurés sur leurs obligations de déclaration,
- en l'espèce, les problèmes relatifs aux désordres sont apparus très rapidement après la réception des travaux, (expertise de M. [V] page 85, assignation en référé expertise du 7 janvier 2019 (page 5) qui précise qu'en trois mois, la société Gillet a dû intervenir une dizaine de fois,
- il résulte également de l'intervention de l'agence Endetec du 17 juillet 2014 l'importance et le nombre de fuites constatées sur les réseaux d'eau chaude sanitaire et la déclaration de sinistre du 21 septembre 2016 apparaît en conséquence tardive.
Il résulte des éléments du dossier que :
- l'association a expressément indiqué qu'après réception et dans l'année de parfait achèvement,
le CSV a fait le constat dès la mise en service des installations et particulièrement de la nouvelle chaufferie de nombreuses fuites sur le réseau d'eau chaude sanitaire (assignation en référé) ; le rapport d'expertise le confirme (p50 et 51),
- l'avenant aux conditions particulières à effet du 18 février 2010 signé par le preneur d'assurance a rappelé qu'aux termes de l'article L 114-2 du code des assurances, la prescription était interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre, que cette interruption pouvait en outre résulter de l'envoi d'une courrier recommandé avec accusé de réception adressée à l'assureur par l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.
En appel, l'assuré prétend que le délai biennal n'a pas pu courir en tout état de cause s'agissant du formalisme non respecté du contrat qui rendrait la prescription inopposable.
L'assureur justifie que son avenant 002 à effet du 18 février 2010 a modifié l'article 14 des conditions générales et reprend les termes de l'article L 114-2 du code des assurances mais il ne donne pas connaissance des causes ordinaires de la prescription qui sont visées. En conséquence, selon une jurisprudence constante, cet avenant n'est pas suffisamment précis et en conséquence, la prescription ne peut en tout état de cause être sérieusement opposée. L'ordonnance querellée est donc infirmée en ce qu'elle a retenu la prescription sans qu'il ne soit nécessaire de se prononcer sur le point de départ du délai.
Sur le droit à garantie
Selon l'article L 242-1 du code des assurances, 'Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de bâtiment, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Cette assurance prend effet après l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement visé à l'article 1792-6 du code civil. Toutefois, elle garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque : (...) Après la réception, après mise en demeure restée infructueuse, l'entrepreneur n'a pas exécuté ses obligations.
Il n'est pas justifié en l'espèce de la mise en demeure prévue par cet article alors qu'il résulte clairement du rapport de l'expert que si les désordres n'étaient pas apparents au moment de la réception, ils se sont manifesté pendant l'année de parfait achèvement de sorte qu'il existe une contestation sérieuse manifeste sur le droit à garantie au vu des dispositions susvisées.
En effet, si l'assurée fait état d'une jurisprudence selon laquelle une assignation en référé pourrait pallier l'absence de mise en demeure, il est constant que l'assignation en référé de l'entreprise est intervenue en l'espèce en 2019 alors l'assureur s'était antérieurement prévalu, son courrier du 14 juin 2018 rappelant la position prise le 16 novembre 2016, de l'absence de mise en demeure adressée par le maître de l'ouvrage à l'entreprise pendant l'année de parfait achèvement.
La demande de provision est dès lors sérieusement contestable et la cour, statuant avec les pouvoirs du juge des référés n'a donc pas le pouvoir se statuer sur le présent litige.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'association qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens d'appel et conserve la charge des dépens de première instance et la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme l'ordonnance querellée en ce qu'elle a rejeté les demandes de la société Orsac aux motifs d'une demande tardive,
Confirme l'ordonnance querellée pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la demande de l'association Orsac n'est pas tardive,
Dit que la cour n'a pas le pouvoir de statuer sur la demande de provision en raison d'une contestation sérieuse sur l'application de l'article 242-1 du code de procédure civile,
Condamne l'association Orsac aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La greffière, La Présidente,