CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 11 juin 2025, n° 23/12383
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Csf (SAS), Societe D'exploitation Amidis Et Compagnie (SAS)
Défendeur :
Cooperative U (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Douillet
Conseillers :
Mme Bohee, M. Buffet
Avocats :
Me Boccon Gibod, Me Wilhelm, Me Moisan, Me Renaudier, Me Buquet
EXPOSÉ DU LITIGE
La société [Adresse 9] (ci-après, CPF), anciennement dénommée PRODIM, filiale du groupe [Adresse 5], se présente comme animant des réseaux de franchise dans le domaine de la distribution alimentaire sous différentes enseignes, dont notamment « Carrefour City », « [Adresse 7] » et « Carrefour Express ».
La société CSF, également filiale du groupe [Adresse 5], se présente comme ayant pour activité la fourniture de marchandises à prédominance alimentaire à destination des commerces de détail avec ou sans enseigne affiliée au groupe Carrefour.
La société [U], également filiale du groupe [Adresse 5], se présente comme étant détentrice d'une participation au capital social de certains magasins franchisés du groupe Carrefour.
La SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE (ci-après, AMIDIS), autre filiale du groupe [Adresse 5], indique qu'elle détient directement ou indirectement des fonds de commerce de vente au détail exploités sous l'enseigne de supermarchés du groupe.
Le groupement SYSTÈME U est un groupement coopératif de commerçants indépendants, qui exploitent des magasins aux enseignes « Hyper U », « Super U », « Marché U », « U express » et « Utile » (ci-après, les magasins U). Les magasins U sont associés de quatre coopératives régionales, qui sont regroupées au sein de la société COOPÉRATIVE U (anciennement dénommée COOPERATIVE U ENSEIGNE).
La société COOPÉRATIVE U indique qu'elle est l'outil opérationnel pivot du groupement SYSTÈME U au service des magasins U et qu'elle a notamment une activité de centrale d'achats et une activité de services support au développement commercial des magasins U (marketing, communication, formation, développement du réseau, financement de projets').
En février 2018, la société COOPÉRATIVE U a recruté, en qualité de « directeur national adjoint ralliement », M. [J] [E], ancien directeur juridique du département contentieux du groupe [Adresse 5] pendant 26 ans, fonctions à l'occasion desquelles il était notamment en charge de la gestion des aspects juridiques liés à l'activité franchise du groupe CARREFOUR.
M. [E] a été salarié de la société COOPÉRATIVE U entre le 2 février 2018 et le 31 janvier 2020, date à laquelle il a été mis un terme à son contrat de travail au moyen d'une rupture conventionnelle.
Un contrat d'apporteur d'affaires, d'une durée de 6 ans, a été conclu le 10 décembre 2019, avec effet au 1er février 2020, entre la société COOPÉRATIVE U et la société JSMC CONSEILS dont le président est M. [E], en exécution duquel la société JSMC CONSEILS devait présenter à la société COOPÉRATIVE U des « contacts intéressés ou susceptibles d'être intéressés par un changement d'enseigne au profit d'une enseigne 'U' ».
Le 12 février 2020, a été créée l'Association des Franchisés du groupe [Adresse 5] (l'AFC).
Par courrier du 17 juillet 2020, la société COOPERATIVE U a notifié à la société JSMC CONSEILS la résiliation du contrat d'apporteur d'affaires, invoquant divers manquements contractuels de la société JSMC et faisant en outre état du risque d'une action en concurrence déloyale qui pourrait être engagée à son encontre par le groupe [Adresse 5] en raison de l'action menée par M. [E], son ancien salarié, au sein de l'association, dont un article du magazine Capital s'était fait l'écho.
Les sociétés du groupe [Adresse 5] soutiennent que la société COOPERATIVE U a mis en place une vaste opération destinée à désorganiser le fonctionnement interne du réseau de franchise de la société CPF et à porter atteinte à l'image de ce réseau.
Elles indiquent que le groupe a été confronté, à compter du printemps 2019, à des actes de concurrence déloyale perpétrés par la société COOPERATIVE U consistant à recruter de manière déloyale des franchisés du réseau [Adresse 5], ce qui s'est traduit par l'envoi massif de courriers prérédigés de la part de ses franchisés dénonçant, dans des termes dénigrants et de façon concomitante, les conditions de leurs relations commerciales avec la société CPF et les choix opérés par celle-ci, et à détourner des informations confidentielles propres au réseau [Adresse 5].
Elles exposent qu'elles ont obtenu l'autorisation d'organiser des mesures d'instruction in futurum chez quatre franchisés CARREFOUR ' les sociétés SOVALVIP, MAGIDIS, JMCS et SANDISA
1: Les ordonnances ayant autorisé les mesures d'instruction diligentées chez SOVALVIP et MAGIDIS ont été définitivement rétractées lors de procédures suivies devant les cours d'appel de [Localité 16] et [Localité 4] ; les sociétés [Adresse 5] ont en conséquence retiré du dossier les procès-verbaux de constat d'huissier afférents. La cour d'appel d'Angers a en revanche confirmé les ordonnances concernant les mesures d'instruction diligentées chez JMCS et SANDISA mais ses arrêts ont été cassés par la Cour de cassation qui a renvoyé les affaires devant la cour d'appel de Versailles (appels en cours).
' sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, qui ont révélé que le mouvement de fronde au sein du réseau était orchestré par plusieurs préposés de la société COOPERATIVE U, notamment M. [E], et M. [X], animateur de réseau Proximité chez Système U Centrale Régionale Nord-Ouest.
Elles exposent qu'a été découverte, par ailleurs, l'existence d'un accord conclu entre la société COOPÉRATIVE U et le cabinet FINEXSI portant sur un usage généralisé et massif d'études comparatives biaisées destinées à critiquer la rentabilité du réseau [Adresse 5] en la comparant de manière subjective et déloyale à la rentabilité de COOPERATIVE U, ces études étant largement diffusées auprès des franchisés [Adresse 5].
Elles indiquent également que l'orchestration de ce mouvement de fronde a permis à la société COOPERATIVE U d'avoir accès à des informations confidentielles concernant le groupe [Adresse 5] et le fonctionnement de sa franchise et de les utiliser à son profit.
Après un courrier de mise en demeure du 2 septembre 2020 adressé à la société COOPÉRATIVE U, les sociétés du groupe [Adresse 5] l'ont assignée devant le tribunal de commerce de Créteil, par acte du 4 novembre 2020.
Par jugement contradictoire rendu le 16 mai 2023, le tribunal de commerce de Créteil a :
dit les demanderesses mal fondées en leur demande de rappel à la loi et les en a déboutées,
dit les demanderesses mal fondées en leurs demandes de dommages-intérêts et les en a déboutées,
débouté les demanderesses de leur demande de publication du dispositif du jugement,
dit la COOPÉRATIVE U ENSEIGNE mal fondée en sa demande de dommages-intérêts [pour procédure abusive] et l'en a déboutée,
condamné solidairement les parties demanderesses à payer à la COOPÉRATIVE U ENSEIGNE une somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la COOPÉRATIVE U ENSEIGNE du surplus de sa demande et débouté les parties demanderesses de leur demande formée de ce chef,
condamné solidairement les parties demanderesses aux dépens.
liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 126,72 euros TTC (dont TVA 20,00 %).
Le 10 juillet 2023, les sociétés [Adresse 9], CSF, [U] et SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE (ci-après, les sociétés [Adresse 5]) ont interjeté appel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions, numérotées 2 et transmises le 20 janvier 2025, les sociétés CARREFOUR, appelantes, demandent à la cour de :
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,
Vu l'article 1242 alinéa 5 du code civil,
Vu l'article L.151-1 du code de commerce,
infirmer le jugement en ce qu'il a :
dit les parties demanderesses mal fondées en leur demande de rappel à la loi et les en a déboutées ;
dit les parties demanderesses mal fondées en leur demande de dommages et intérêts et les en a déboutées ;
débouté les parties demanderesses de leur demande de publication judiciaire du dispositif du jugement ;
condamné solidairement les parties demanderesses à payer à la COOPERATIVE U ENSEIGNE une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté les parties demanderesses de leur demande formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné solidairement les parties demanderesses aux dépens.
confirmer, pour le surplus, le jugement et notamment en ce qu'il a débouté COOPERATIVE U de sa demande de condamnation pour procédure abusive ;
statuant à nouveau,
juger que la COOPERATIVE U engage sa responsabilité de plein droit en qualité de commettant pour les fautes commises par ses préposés ;
juger que la COOPERATIVE U a commis une faute ;
en conséquence,
condamner COOPERATIVE U à payer à [Adresse 9] la somme de 10 000 000 euros, la somme de 4 800 000 euros à AMIDIS, la somme de 1 410 000 euros à [Adresse 9], la somme de 1 000 000 euros à CSF, la somme de 1 000 000 euros à [U], en réparation de leurs préjudices découlant des actes de concurrence déloyale qui sont imputables à COOPERATIVE U, sauf à parfaire ;
ordonner la publication judiciaire du dispositif du jugement à intervenir, nonobstant appel, dans cinq journaux au choix de [Adresse 9] et aux frais de COOPERATIVE U, dans la limite de 20 000 euros par publication ;
rejeter l'intégralité des demandes de la société COOPERATIVE U ;
condamner COOPERATIVE U à payer à [Adresse 9], AMIDIS, CSF et [U] la somme de 100 000 euros, sauf à parfaire, au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner COOPERATIVE U aux dépens, qui seront recouvrés par la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, numérotées 3 et transmises le 21 février 2025, la société COOPERATIVE U, intimée, demande à la cour de :
à titre principal :
confirmer le jugement en ce qu'il a jugé les société [Adresse 9], CSF, [U], SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION AMIDIS COMPAGNIE mal fondées en leur demande de rappel à la loi et les en a déboutées,
confirmer le jugement en ce qu'il a jugé mal fondées les demandes de dommages et intérêts de [Adresse 9], CSF, [U], SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION AMIDIS COMPAGNIE à l'égard de Coopérative U et les en a intégralement déboutées,
à titre reconventionnel :
infirmer le jugement en ce qu'il a débouté COOPÉRATIVE U de sa demande au titre de la procédure abusive,
et statuant à nouveau, condamner solidairement les sociétés [Adresse 9], CSF, [U], SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE à payer à COOPÉRATIVE U la somme de 100.000 € pour procédure abusive,
en tout état de cause :
débouter les sociétés [Adresse 9], CSF, [U], SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE de l'intégralité de leurs demandes,
condamner solidairement les sociétés [Adresse 9], CSF, [U], SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE à payer à COOPÉRATIVE U la somme de 100.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner solidairement les sociétés [Adresse 9], CSF, [U], SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur le chef non contesté du jugement
Le jugement n'est pas contesté, et est donc définitif, en ce qu'il a dit les sociétés [Adresse 5] mal fondées en leur demande de rappel à la loi et les en a déboutées.
Sur la demande en concurrence déloyale des sociétés CARREFOUR
Sur la matérialité des actes de concurrence déloyale
Les sociétés [Adresse 5] soutiennent que la stratégie déloyale de COOPERATIVE U, corroborée par les mesures d'instruction in futurum réalisées, relèvent de trois catégories: le dénigrement du groupe [Adresse 5], la désorganisation de son réseau et le détournement d'informations confidentielles.
Sur le dénigrement du groupe CARREFOUR et la responsabilité de la société COOPERATIVE U
Les sociétés [Adresse 5] font valoir que les procès-verbaux de constats d'huissier ont révélé que COOPERATIVE U a rédigé des courriers comportant des propos dénigrants, voire insultants et menaçants, qu'elle a diffusés massivement auprès des franchisés [Adresse 5], en les invitant à les adresser à leur tour à leur franchiseur pour provoquer la fin de leur relation ; que ces courriers étaient jugés dévastateurs par COOPERATIVE U (« On va les faire sortir du bois et les asphyxier ») ; que les courriels adressés aux franchisés, qui ont été saisis par les huissiers, ont révélé l'implication de plusieurs membres de l'équipe « ralliement » de COOPERATIVE U qui utilisaient des adresses électroniques de « couverture » ' i.e. des adresses prétendument personnelles mais en réalité professionnelles puisque tous les membres de l'équipe ralliement de COOPERATIVE U en avaient une ' pour organiser et suivre les envois de ces courriers ; que cette entreprise de déstabilisation institutionnalisée au sein de COOPERATIVE U ne peut s'analyser seulement comme une initiative personnelle de M. [E] ; que ce dénigrement s'est manifesté également par des publications de M. [E] sur le réseau social LinkedIn alors qu'il était salarié de COOPERATIVE U ; que la diffusion de propos malveillants et hostiles à l'encontre d'un concurrent constitue un acte de concurrence déloyale, y compris lorsque ces propos sont prétendument fondés sur des faits publics ; que le mouvement ainsi créé parmi ses franchisés a eu un caractère artificiel, les franchisés se contentant de recopier les modèles de lettres pré-rédigés par COOPERATIVE U.
Les sociétés appelantes font reproche au tribunal d'avoir ignoré la responsabilité de plein droit de la société COOPERATIVE U en sa qualité de commettant et d'avoir à tort exonéré l'intimée de sa responsabilité, alors même qu'il a relevé l'existence d'un lien de préposition, sans examiner les conditions de l'abus de fonction du salarié et en faisant indûment peser sur [Adresse 5] la charge de la preuve de la faute commis par l'employeur de M. [E]. Elles font valoir notamment que plusieurs salariés du département « ralliement » de COOPERATIVE U ont participé aux faits litigieux, notamment M. [X] subalterne de M. [E], mis en copie de mails dénigrants, ainsi que M. [C], directeur national du ralliement de SYSTEME U et supérieur hiérarchique direct de M. [E], et M. [F], membre de la direction de ralliement chez U, tous deux impliqués dans la réalisation des études FINEXSI ; que les conditions de la responsabilité de COOPERATIVE U en tant que commettant, du fait de ses préposés, et notamment de M. [E], sont réunies, en l'absence d'abus de fonction commis par les salariés, seule condition d'exonération du commettant ; que les conditions de l'abus de fonction ne sont pas réunies compte tenu de l'utilisation d'adresses électroniques de couverture par les préposés de COOPERATIVE U, de l'absence de preuve d'agissements systématiquement perpétrés en dehors du temps de travail, de la commission des actes fautifs par MM. [E] et [X] dans le cadre de leurs fonctions, de la défaillance de COOPERATIVE U à rapporter la preuve de l'absence d'autorisation donnée à ses préposés, de l'absence de reconnaissance par M. [E] du caractère personnel de ses actes lorsqu'il était salarié de COOPERATIVE U, de l'absence de faute étrangère aux fonctions ; que COOPERATIVE U avait indéniablement connaissance des actes de concurrence déloyale, ce qui exclut tout abus de fonction de la part des préposés, compte tenu du contrat d'apporteur d'affaires signé avec la société JSMC CONSEILS, créée par M. [E], lors du départ du salarié et de son aveu, dans sa lettre de résiliation du contrat d'apporteur d'affaires, de ce qu'elle connaissait les agissements fautifs de M. [E] dès mars 2020.
La société COOPERATIVE U répond qu'elle n'a commis aucune faute de concurrence déloyale à l'égard de [Adresse 5] et que sa responsabilité ne peut être engagée. Elle fait valoir notamment que l'action en concurrence déloyale ne peut se fonder sur une présomption de responsabilité, ce que le tribunal a relevé ; qu'outre le jugement dont appel, CARREFOUR a été débouté à deux reprises d'actions similaires intentées contre des concurrents (CASINO, DIAPAR) ; que [Adresse 5] n'apporte pas le moindre élément qui révèlerait des instructions données par COOPERATIVE U pour déstabiliser son réseau, et encore moins la fourniture de conseils économiques et juridiques à ses franchisés ; que COOPERATIVE U n'a rien à voir avec le mécontentement des franchisés [Adresse 5] qui est très ancien, persistant et dépasse le territoire français, ce qui n'est pas compatible avec la théorie de CARREFOUR d'une fronde soudaine et artificielle initiée par COOPERATIVE U en 2019 ; que la reconnaissance par [Adresse 5] de la représentativité de l'AFC et des revendications portées par cette dernière révèle qu'elle a parfaitement conscience que COOPERATIVE U n'est pas l'instigatrice du mouvement organisé par ses franchisés ; que COOPERATIVE U est étrangère à l'activité déployée à titre personnel par M. [E] à son insu, le recrutement de ce dernier, puis la conclusion d'un contrat d'apporteur d'affaires avec la société constituée par lui n'étant pas fautifs ; que COOPERATIVE U n'est pas intervenue dans la rédaction des lettres que [Adresse 5] a reçues de ses franchisés et n'a pas sollicité les études économiques qui ont été réalisées à la demande des franchisés ; que contrairement à ce qu'affirment les appelantes, la responsabilité du commettant du fait des actes de son préposé n'est pas automatique, l'employeur n'ayant pas à répondre des actes de son préposé commis dans le cadre de sa vie privée.
Ceci étant exposé, la concurrence déloyale, qui est sanctionnée au titre de la responsabilité de droit commun prévue à l'article 1240 du code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, peut revêtir la forme d'actes de dénigrement consistant, au-delà d'une forme de critique admissible, parce qu'objective et mesurée, à divulguer une information de nature à jeter le discrédit sur l'activité, les produits ou services d'une entreprise et à en tirer profit.
Les sociétés CARREFOUR dénoncent des faits de dénigrement par la pré-rédaction par la société COOPERATIVE U de courriers destinés à ses franchisés et par des publications sur le compte LinkedIn de M. [E], ayant pour objectif de jeter le discrédit sur son réseau de franchise auprès de ses propres franchisés.
Elles justifient qu'il a été retrouvé chez deux de ses franchisés, les sociétés JMCS et SANDISA, des courriels qui leur avaient été envoyés par M. [E] afin qu'ils les diffusent auprès de franchisés et concernant divers sujets (la loi « EGA » [la loi dite « EGALIM » du 30 octobre 2018 visant à améliorer l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire], les bacs fruit et légumes, la carte de fidélité, les bons d'achat'), les messages de M. [E], qui comportaient aussi des consignes précises de transmission (« concernant le magasin de Carnot, je vous propose que vous adressiez les deux courriels ci joints. [D] en signe un, [O] l'autre. Les deux courriers sont à envoyer par LRAR. En premier le courrier de la SCI ZLAM et 3 jours plus tard celui de SANDISA » ; « Merci de m'en faire suivre une copie lorsque vous l'enverrez toujours par LRAR à vos directeurs d'enseigne et de région. Merci de m'en faire suivre une copie lorsque vous l'enverrez toujours par LRAR à vos directeurs d'enseigne et de région » ; « un nouveau projet de courrier cette fois sur le thème de la carte de fidélité et des bons d'achat MARKET et [Adresse 12] à adresser par LRAR à CPF et CSF à vos directeurs régionaux et d'enseigne »') ainsi qu'une offre de conseil (« Je reste à votre disposition pour tout rdv que vous jugerez utile sachant qu'aujourd'hui nous parvenons à démontrer de manière irréfutable que la politique tarifaire de CSF n'est absolument pas compétitive »), traduisant clairement l'intention de déclencher une large réaction des franchisés auprès de la tête de réseau (« Bonjour [O], [D] et [T], comme convenu le second courrier concernant la loi EGA. Cette fois ci on sort l'artillerie lourde très lourde'Faites-moi confiance ça va bouger !!! » ; « On va les faire sortir du bois et les asphyxier » ; « Bonsoir à tous je prends la « liberté » de vous adresser un mail unique à tous car cela devient trop lourd pour moi de vous adresser à chacun un mail, le nombre de vos collègues rejoignant le mouvement de fond étant de plus en plus important (voir exponentiel). Je souhaite être le plus efficace pour vous tous et me faciliter la tâche par des gains de temps. Ces envois groupés ne concerneront que les éléments qui peuvent vous concerner tous. Tous vos collègues ne sont pas dans la liste volontairement, vous êtes le socle du départ des actions qui se déploient pour votre réussite à tous' »). Ces messages sont des 22 février, 23 août, 24 août et 20 octobre 2019, M. [E] étant à ces dates salarié de la société COOPERATIVE U.
Les sociétés [Adresse 5] produisent par ailleurs de nombreux exemples de courriers adressés par les franchisés de son réseau aux sociétés CPF et CSF, pour exprimer leur mécontentement sur divers sujets, en des termes parfois vifs : « Pour qui vous prenez-vous, des (petits) rois ' Où vous croyez-vous ''' Manifestement chez vous ! » ; « Nous sommes vraiment vos « vaches à lait » ! Prenez bien conscience que ce type de comportement de mépris appartient au passé » ; « sur DIA et l'assignation du Ministre de l'économie, aucune digression, juste la réalité des faits qui sont en effet pour vous difficile à entendre, à reconnaître surtout lorsque l'on se targue d'être le leader, le caïd. Savoir reconnaître ses erreurs n'est pas une tare, c'est un signe d'intelligence, d'humilité mais sans doute tout cela vous échappe-t-il. » ; « Un ras le bol total et général de votre système totalement arbitraire, injuste et déséquilibré à votre seul profit » ; « Arrêtez si cela est encore possible de multiplier "bourdes sur bourdes ». La dernière en date, votre décision unilatérale (quand allez-vous comprendre que nous ne sommes pas vos salariés, vos "larbins" ' (') Vous êtes vraiment "à la rue"' » ; « plutôt que de payer pléthores des personnes à nous inventer des "usines à gaz" ('), corrigez vos défaillances beaucoup plus terre à terre mais o combien déterminantes pour vos "partenaires" en plein désarroi » ; « Sans nous, vous ne seriez pas à la place que vous occupez actuellement. Ne vous en déplaise, vous n'êtes pas chef d'entreprise, vous n'avez rien créé, vous êtes juste un cadre « dirigeant » qui n'a pris aucun risque » (visant le dirigeant de la société CPF), certains de ces courriers exprimant la volonté des franchisés de résilier leur contrat les liant au franchiseur de manière anticipée (pièces 4 à 13). Les sociétés [Adresse 5] indiquent, sans être démenties, que les termes de ces courriers ne sont que la reprise des termes des courriers prérédigés par la société COOPERATIVE U et qu'elle a, par l'intermédiaire de ses préposés, notamment, M. [E], adressés aux franchisés [Adresse 5] afin qu'ils les communiquent eux-mêmes à la tête de réseau CPF.
Cependant, aucune pièce ne démontre l'implication directe de la société COOPERATIVE U dans ces envois, sous forme notamment de consignes ou d'incitations adressées à ses salariés, notamment M. [E] principalement mis en cause par les sociétés [Adresse 5], révélant une stratégie institutionnellement mise en place aux fins de déstabilisation de l'enseigne concurrente.
Par ailleurs, il résulte de l'article 1242 du code civil
1: « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
(')
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés (') »
que la responsabilité du commettant du fait de son préposé ne peut être engagée qu'à la condition que les agissements litigieux ne soient pas étrangers aux fonctions exercées par le préposé et que ce dernier n'ait pas excédé les limites de sa mission en commettant un abus de fonctions. La responsabilité issue de l'article 1242 alinéa 5 repose en effet sur l'idée que le commettant exerce un pouvoir de direction et de contrôle sur son préposé et qu'un tel pouvoir ne s'exerce que pendant des périodes déterminées et pour l'accomplissement des tâches qui sont assignées au préposé au titre de son contrat de travail.
Or en l'espèce, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, M. [E] a toujours utilisé une adresse électronique personnelle et non son adresse professionnelle utilisée au sein du groupement U ENSEIGNE lorsqu'il était salarié. Les sociétés [Adresse 5] arguent que cette adresse personnelle était en réalité une adresse professionnelle « de couverture » dès lors que tous les membres de l'équipe ralliement de la société COOPERATIVE U en avaient une et l'utilisaient dans le cadre de leurs fonctions. Mais la société intimée observe pertinemment qu'il ressort des propres pièces des appelants que M. [E] a continué à utiliser cette adresse après la rupture de son contrat de travail, notamment en septembre 2021, dans le cadre de son activité commerciale, au travers de sa société JSMC, lors d'échanges avec l'Autorité de la concurrence dans le cadre de l'instruction de la dénonciation par l'association JSMC CONSEIL d'une entente anticoncurrentielle entre les enseignes [Adresse 5] et U (pièce 136 [Adresse 5]), ou en 2023 pour envoyer des éléments à son conseil dans le cadre du contentieux l'opposant à COOPERATIVE U (pièce 123 U). Dès lors, la circonstance que M. [X], animateur de réseau Proximité chez Système U Centrale Régionale Nord-Ouest, apparaisse en copie de deux courriels adressés par M. [E] aux franchisés [Adresse 5] en 2019, ne peut suffire à établir l'implication de l'employeur, étant en outre observé que les supérieurs hiérarchiques de M. [E] ne sont pas en copie des courriels litigieux, M. [C], directeur national du ralliement et supérieur hiérarchique direct de M. [E], et M. [G], responsable national du ralliement pour U, étant mis en cause par les appelantes à raison d'autres faits qui sont examinés infra.
Par ailleurs, comme l'a également relevé le tribunal de commerce, M. [E] n'a jamais utilisé sa signature professionnelle, signant ses courriels « [J] » et les envoyant quasi systématiquement en dehors de son temps de travail, c'est-à-dire soit les week-ends, soit tard le soir ou à l'heure du déjeuner. En outre, aucun des documents envoyés par M. [E] n'a été établi avec l'en-tête de COOPERATIVE U et aucun ne fait mention de cette enseigne.
En outre, par courrier du 17 juillet 2020, la société COOPERATIVE U a notifié à la société JMSC, « à l'attention de M. [E] », la cessation à effet immédiat du contrat d'apporteur d'affaires conclu le 10 décembre 2019 en dénonçant dans les termes suivants l'activité menée par son ancien salarié contre [Adresse 5] et les risques que cette activité faisaient peser sur elle : « (') nous avons découvert, au détour d'un article publié dans le magazine Capital du mois d'avril 2020, intitulé « L'étonnante conspiration des franchisés [Adresse 5] », que vous avez de manière polémique, associé U Enseigne à un conflit personnel que vous menez contre votre ancien employeur [Adresse 5] (...) lorsque nous avons découvert fortuitement sur les réseaux sociaux votre idée de créer une association destinée à inciter des magasins franchisés Carrefour à se liguer contre [Adresse 5], nous vous en avons parlé lors d'une réunion du 11 mars 2020 à [Localité 17]. Nous vous avons alors indiqué que nous étions totalement opposés à être associés à ce projet, ou présentés comme tels notamment par la présence dans la direction de cette association d'un associé U ex-franchisé Carrefour, compte tenu des missions que vous vous êtes engagé à mener pour U Enseigne. Outre le fait que vous n'avez consciemment pas tenu compte de notre position, nous constatons que vous avez volontairement exposé U Enseigne dans un article polémique et critiquable. Nous vous l'avons pourtant dit. Nous n'entendons pas être mêlés ni de près ni de loin à un combat que vous semblez avoir engagé pour des raisons purement personnelles afin de solder des comptes avec votre ancien employeur. Or, les attaques que vous portez contre [Adresse 5] dans cet article, dans lequel vous indiquez avoir essayé d'inciter des magasins franchisés Carrefour à rejoindre Système U au cours des deux dernières années et duquel il ressort que vous êtes à l'initiative du mouvement de rébellion des franchisés à l'égard de [Adresse 5] et de la création de l'Association des franchisés du groupe Carrefour, nous placent dans une situation extrêmement délicate à l'égard de [Adresse 5] qui pourrait engager une action en concurrence déloyale à notre encontre (') La situation décrite par le magazine Capital fait apparaître que vous avez déployé une grande activité autour de ce projet d'association, difficilement compatible avec l'obligation que vous avez souscrite à notre égard de consacrer l'essentiel de votre activité aux missions définies par le contrat d'apporteur d'affaires'sauf à imaginer que U Enseigne vous ait mandaté à cette afin dans le cadre de ce contrat, ce que nous réfutons catégoriquement mais qu'un tiers pourrait nous opposer (') ». Dans sa réponse du 25 juillet 2020, M. [E], tout en rappelant qu'il a été recruté par U ENSEIGNE pour aider la Coopérative à rallier un maximum de franchisés [Adresse 5] « en faisant sauter un certain nombre de verrous », comme les participations minoritaires que Carrefour détient au sein de la quasi intégralité des sociétés d'exploitation franchisés, et en mettant en avant les ralliements qu'il a obtenus de magasins [Adresse 5], évoque, quant aux faits dénoncés par son ancien employeur, une initiative personnelle, sans prétendre qu'il aurait agi sur instructions de ce dernier : « Le fait qu'à titre personnel, une fois parti de U Enseigne en tant que salarié, j'ai décidé de m'investir dans une association ne regarde que moi (tout comme l'article dans le magazine Capital). Vos reproches à cet égard portent atteinte à ma liberté d'expression et à ma liberté d'agir ». Il sera précisé que la société JSMC CONSEILS (présidée par M. [E]) ayant par la suite assigné la société COOPERATIVE U pour résiliation abusive du contrat d'apporteur d'affaires, a été déboutée de ses demandes par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 6 septembre 2022, qui a notamment retenu que la société de M. [E] avait failli dans son obligation d'information à l'égard de sa cocontractante s'agissant de la création de l'AFC, de son objet et du rôle qu'y tient M. [E], les actions conduites par l'AFC pouvant interférer avec l'exécution du contrat d'apporteur d'affaires conclu entre la société JSMC et la COOPERATIVE U, et que cette dernière avait été fondée à ne pas poursuivre l'exécution du contrat, « au risque de laisser penser qu'elle serait l'instigatrice des actions que mène ou mènera cette association ».
Enfin, dans son ouvrage « [Adresse 5], la grande arnaque » publié en 2023, ainsi que sur le réseau LinkedIn en 2024, M. [E] a fait état d'une démarche personnelle auprès des franchisés [Adresse 5] dès son départ de ce groupe en février 2018 (« Le système de franchise Carrefour broyait des vies entières. Je n'ai jamais eu l'ambition de devenir un grain de sable dans un rouage bien huilé. C'est lorsque les choses me sont apparues de façon fortuite par la découverte d'un document illégal que j'ai décidé de jeter l'éponge et de m'investir dans un nouveau combat, et ce, avec l'envie de faire appliquer les valeurs qui ont toujours été les miennes (') J'allais bientôt ouvrir la boîte de Pandore ! Après mon départ du groupe en février 2018
1: Soulignement ajouté par la cour.
, je commençais à être contacté par plusieurs franchisés qui me connaissaient dans le réseau et me considéraient comme une sorte de « gardien du temple », du moins comme le « [Localité 10] » sympathique (') Des franchisés m'ont sollicité pour les aider à créer et à animer une association afin de structurer les doléances de chacun ; un port d'attache où tous ces bateaux à la dérive pourraient s'amarrer » ; « Tant que cet objectif normal ne sera pas atteint, je serai avec les franchisés qui me font confiance, le petit cailloux dans la chaussure du géant aux pieds d'argile [Adresse 5] »). Dans un magazine de FR3 Normandie, M. [E] est présenté comme un lanceur d'alerte et un article de Ouest France de novembre 2022 rapporte ses propos devant le tribunal correctionnel de Caen devant lequel il était poursuivi sur une plainte de [Adresse 5], dans lesquels il indique « J'ai estimé que les pratiques illicites de Carrefour devaient être dénoncées, elles n'étaient pas en adéquation avec mon éthique professionnelle ».
Les publications de M. [E] sur son compte LinkedIn en 2019 (pièce 23 bis [Adresse 5]) ne sont pas davantage de nature à établir la responsabilité de la société COOPERATIVE U qui l'employait alors, un tel compte s'il est à vocation professionnel comme le soulignent les appelantes, étant pour autant personnel et librement alimenté par son titulaire, les contenus dénoncés en l'espèce ne permettant pas de retenir qu'ils ont été dictés ou inspirés par l'employeur.
Il sera ajouté que les actions menées par M. [E] à l'égard des franchisés du groupe [Adresse 5] s'inscrivent manifestement dans le cadre d'un lourd conflit avec son ancien employeur, M. [E], à la suite d'un changement dans le management de la société du groupe CARREFOUR qui l'employait, ayant subi un burn-out sévère, reconnu au titre des maladies professionnelles par jugement du tribunal judiciaire de Caen du 17 août 2022, et étant depuis opposé à [Adresse 5] dans le cadre de plusieurs procédures tant pénales que civiles, outre une plainte adressée à l'Autorité de la concurrence via l'association JSMC CONSEILS dénonçant une entente anticoncurrentielle visant tout à la fois [Adresse 5] et SYSTEME U.
La société COOPERATIVE U affirme, sans être démentie, que sur les 390 courriers litigieux que les sociétés [Adresse 5] lui imputent, près de la moitié (44,10 %) ont été adressés aux franchisés CARREFOUR postérieurement à la rupture du contrat de travail de M. [E] avec la société COOPERATIVE U.
La signature par la société COOPERATIVE U d'un contrat d'apporteur d'affaire avec la société JSMC de M. [E] à la fin de l'année 2019, à effet au 1er février 2020, n'est pas de nature à démontrer l'implication de la société dans les actes de dénigrement reprochés, ni même son approbation ou sa connaissance desdits actes, dès lors que, comme il a été dit, ce contrat ne visait pas à rallier seulement des franchisés [Adresse 5] ' l'apporteur d'affaires s'engageant « à présenter au Bénéficiaire [COOPÉRATIVE U] des contacts intéressés ou susceptibles d'être intéressés par un changement d'enseigne au profit d'une enseigne 'U' (') » (article 2 du contrat) ', que dès le mois de juillet 2020, la société COOPERATIVE U a notifié à la société JSMC la résiliation à effet immédiat du contrat, invoquant des manquements à ses obligations, s'agissant notamment d'actions menées contre [Adresse 5] évoquées dans un article de presse, susceptibles, selon elle, de lui faire encourir le risque d'une action en concurrence déloyale et que cette résiliation a été jugée fondée par le tribunal de commerce saisi par la société JSMC.
Si la société COOPERATIVE U admet dans sa lettre de résiliation avoir eu connaissance de l'intention de M. [E] de créer une association destinée à inciter les franchisés [Adresse 5] à « se liguer contre CARREFOUR », elle précise avoir exprimé son opposition à ce projet lors d'une réunion à [Localité 17] le 11 mars 2020.
Au vu des éléments qui viennent d'être exposés, la société COOPERATIVE U démontre l'absence de sa responsabilité dans les actes de dénigrement dénoncés, ceux-ci, sans préjuger de leur éventuelle qualification délictuelle ' M. [E] n'étant pas dans la cause ', procédant manifestement de la seule initiative de ce dernier qui les a entrepris à titre personnel, en dehors de la mission de « ralliement » qui était la sienne lorsqu'il était salarié de la société COOPERATIVE U, et qui les a poursuivis activement après la cessation de la relation de travail avec cette enseigne.
Sur la désorganisation du réseau
Les sociétés [Adresse 5] se plaignent d'une désorganisation du groupe mise en 'uvre par COOPERATIVE U par (i) l'orchestration de l'envoi massif et séquencé par des franchisés [Adresse 5] à CPF de courriers parfaitement identiques, comportant des reproches généraux, sans fondements en eux-mêmes rattachables au contrat de franchise, (ii) l'élaboration d'une stratégie commune aux franchisés [Adresse 5] consistant à convoquer de assemblées générales extraordinaires aux fins de changement d'enseigne, avec une même intention de rompre les relations avec CARREFOUR, ou à demander l'ouverture de procédures de sauvegarde pour faciliter un changement d'enseigne et la résiliation des contrats de franchise et (iii) l'incitation des franchisés à des contentieux à l'encontre du groupe [Adresse 5] et la prise en charge financière de ces contentieux.
La société COOPERATIVE U soutient qu'elle n'est jamais intervenue, de quelque manière que ce soit, dans les lettres de revendications reçues par [Adresse 5], les agissements déloyaux reprochés ayant été initiés par le seul M. [E] en dehors de la mission qui lui était confiée, et qu'aucune pièce du dossier de CARREFOUR ne révèle un stratagème qu'elle aurait mis en place pour instrumentaliser des contentieux et des procédures collectives engagés par des franchisés [Adresse 5].
Ceci étant exposé, pour les raisons qui ont été développées supra, la société COOPERATIVE U, qui a démontré son absence de responsabilité dans l'envoi par M. [E], pendant la durée de son contrat de travail, des courriers dénigrants, ne peut se voir reprocher l'orchestration d'une campagne d'envois de courriers de reproches et de « désorganisation » par les franchisés à la tête de réseau [Adresse 5] reprenant les termes et les thèmes desdits courriers dénigrants et comportant des formulations identiques.
Les sociétés CARREFOUR se prévalent pourtant (i) d'un courriel adressé le 5 mars 2018 par M. [E], alors chargé du ralliement au sein de la société COOPERATIVE U, à un franchisé [Adresse 5] ' deux autres salariés de l'équipe ralliement étant en copie, ce qui révèle, selon les appelantes, l'implication d'autres salariés du service ralliement et, partant, de la société COOPERATIVE U ' pour lui exposer une stratégie afin de sortir du réseau, en lui indiquant notamment : « Je vous confirme la possibilité de sortir du réseau [Adresse 8] selon la stratégie suivante (') CSF ne respectant pas ses engagements, vous pourriez, sur la base du rapport Finexsi, engager, après la fin de vos contrats Market, une procédure afin de demander réparation du préjudice subi en termes de perte de marge sur une période de 5 ans, et des dommages et intérêts pour atteinte à l'image et au caractère non concurrentiel de votre point de vente. Cette procédure serait sans risque, si ce n'est que celui de perdre, ce qui me paraît un "risque" extrêmement faible » (pièce 136 appelantes) et (ii) d'un document interne au réseau SYSTEME U « Outils de développement » comportant une partie « Procès » dans laquelle il est indiqué : « Proposition - Pour aider un magasin à supporter les frais d'avocat des différents contentieux, nous pourrions proposer de régler aux avocats 80 % des honoraires au fur et à mesure de l'avancement des dossiers, les 20% restant à la charge des sociétés de M. X a valoir sur l'aide spécifique (') ; les frais d'arbitres ne pouvant pas être pris en charge par Système U. Cette avance sur "aide spécifique" serait assortie d'une clause engageant M. X à reverser les sommes avancées par la coopérative en cas de non adhésion de son point de vente à Système U (garantie) » (pièce 141 appelantes).
Mais le tribunal de commerce a relevé à juste raison dans le jugement déféré que la pratique de ralliement en cours dans la grande distribution, consistant pour un distributeur à convaincre le franchisé d'un autre distributeur de quitter ce distributeur pour rejoindre son propre réseau répond aux principes de la libre concurrence et de la liberté de contracter et n'est pas en soi déloyale.
Or, rien ne permet de considérer que le message de M. [E] au franchisé [Adresse 5] se rattache aux courriels litigieux et à l'entreprise de déstabilisation examinés supra et qu'il ne s'inscrit pas dans le cadre de sa mission salariée, licite, de tentative de ralliement d'un franchisé d'un réseau concurrent, quand bien même évoquerait-il avec ce franchisé la possibilité d'une action contentieuse future contre son franchiseur. Il en est de même de la fiche « Procès » qui évoque une proposition relative à la prise en charge de frais de procès d'éventuels magasins ralliés, sans qu'il soit au demeurant précisé si le franchisé rallié serait à l'initiative du procès ou non. Ces documents ne sont pas suffisants pour démontrer la mise en 'uvre par la société COOPERATIVE U de stratégies déloyales visant à déstabiliser le réseau [Adresse 5].
Il sera souligné que pas plus qu'en première instance, la société COOPERATIVE U n'est contredite quand elle indique, d'une part, qu'entre 2015 et 2019, le groupe [Adresse 5] a rallié 14 magasins sous enseigne U pour un total de 35.018 m² et 417.437.000 € de chiffre d'affaires, alors que sur cette même période, le groupement U a rallié de son côté 12 magasins [Adresse 5] pour un total de 17.438 m² et 83.400.000 € de chiffre d'affaires et, d'autre part, que, durant les deux années d'exécution du contrat de travail de M. [E], en 2018 et en 2019, l'ensemble de l'équipe ralliement de COOPERATIVE U a permis le ralliement de 18 magasins concurrents, parmi lesquels 13 magasins ne sont pas issus du réseau [Adresse 5].
En définitive, il ne résulte pas du dossier d'éléments permettant de conclure à une immixtion fautive de la société COOPERATIVE U dans la relation contractuelle entre les franchisés [Adresse 5] et leur franchiseur ou à une stratégie déloyale, excédant ce qui doit être admis dans l'exercice des activités économiques, notamment dans la cadre de la pratique du ralliement propre à la grande distribution, visant à pousser les franchisés CARREFOUR à convoquer des assemblées générales extraordinaires aux fins de changement d'enseigne ou à rompre la relation contractuelle de franchise, notamment pour rejoindre le réseau U.
S'agissant de l'incitation des franchisés à solliciter l'ouverture de procédures collectives, grief étayé par un message de M. [E] sur son compte LinkedIn intitulé « La procédure de sauvegarde, procédure on ne peut plus légale, nouvelle bête noir du groupe [Adresse 5] » et qui évoque de « rares franchisés » s'étant résolus à cette solution, le tribunal de commerce a rappelé à juste raison que l'ouverture d'une procédure de sauvegarde nécessite un jugement du tribunal de commerce et répond à des critères objectifs et précis tenant à des difficultés financières que la société concernée n'est pas en mesure de surmonter et qu'il appartient au tribunal de commerce saisi d'apprécier.
Il sera ajouté que la société COOPERATIVE U affirme que sur les 30 franchisés visés dans l'assignation des sociétés [Adresse 5], seuls 5, soit 0,12 % des magasins du réseau proximité de CARREFOUR, ont effectivement décidé de changer d'enseigne pour rejoindre le réseau U, les sociétés [Adresse 5] affirmant de leur côté que ce sont 8 franchisés qui sont partis vers le réseau U, ce qui montre, quel que soit le chiffre retenu, que l'entreprise de déstabilisation dénoncée a été peu profitable à la société COOPERATIVE U, ainsi que l'ont relevé les premiers juges.
Sur le détournement d'informations confidentielles
Les sociétés appelantes soutiennent qu'elles ont appris grâce aux mesures d'investigation menées que COOPERATIVE U s'est également rendue coupable d'un détournement d'informations confidentielles appartenant au groupe [Adresse 5], s'agissant tant d'informations détenues par M. [E] que d'informations obtenues au moyen d'un mandat donné au cabinet FINEXSI. Elles font valoir sur le premier point, que COOPERATIVE U a nécessairement utilisé à son profit les données confidentielles du réseau de franchise [Adresse 5] obtenues auprès de ses franchisés pour lesquels elle organisait, avec ses salariés et notamment M. [E], les agissements déloyaux dénoncés. Sur le second point, elles indiquent avoir découvert l'existence d'un mandat donné par COOPERATIVE U au cabinet FINEXSI afin d'établir des études comparatives biaisées destinées à montrer un prétendu déficit de compétitivité de la franchise [Adresse 5] au profit de COOPERATIVE U et à alimenter la fronde de ses franchisés ; que COOPERATIVE U a même négocié auprès de FINEXSI des tarifs spéciaux avantageux pour les franchisés [Adresse 5] qui décideraient de recourir aux services de FINEXSI ; que plusieurs franchisés avec lesquels elles se trouvaient en litige ont produit, à l'appui de leurs écritures ou dans le cadre d'assemblées générales, ces études économiques ; que M. [E] a indiqué, dans le cadre d'une procédure l'ayant opposé à COOPERATIVE U devant le tribunal de commerce de Créteil, que ces études ont eu un rôle central dans la stratégie de COOPERATIVE U ; que ces études n'ont pu être établies que grâce à la coopération de COOPERATIVE U qui, seule, a pu fournir les éléments chiffrés particulièrement confidentiels (marges commerciales etc.) que leur réalisation nécessite ; que les résultats des études comparatives menées par FINEXSI ayant été communiqués à COOPERATIVE U, comme reconnu par le cabinet FINEXSI lui-même, cette dernière a nécessairement eu accès à des informations confidentielles du groupe [Adresse 5] ; que MM. [E], [F], [V], [G] et [C], ce dernier directeur national du ralliement de SYSTEME U, sont impliqués dans ces pratiques ; que dans un courriel à l'Autorité de la concurrence, M. [E] a confirmé que c'était bien l'enseigne U qui pilotait toutes les études tarifaires comparatives FINEXSI qui avaient « mis le feu aux poudres » dans le réseaux [Adresse 5].
La société COOPERATIVE U répond en substance que les trois études économiques FINEXSI invoquées par [Adresse 5] ont été réalisées à la demande de franchisés CARREFOUR et non à sa demande ; que [Adresse 5] recourt à un travestissement des éléments du dossier ; que le mandat allégué ne ressort d'aucune pièce du dossier ; que la réalisation d'une étude économique comparative n'est pas fautive en tant que telle et que CARREFOUR recourt à des telles études ; que la communication par COOPERATIVE U de ses propres données à FINEXSI, en vue de la réalisation de ces études, n'est pas fautive, seule COOPERATIVE U étant en droit de décider de communiquer ou non ses propres données commerciales ; qu'aucun accès à des pièces confidentielles ne ressort des pièces versées au débat par [Adresse 5].
Ceci étant exposé, pour étayer le grief de détournement par la société COOPERATIVE U d'informations confidentielles détenues par M. [E], les appelantes invoquent des extraits des procès-verbaux de constat d'huissier réalisés au sein des sociétés SANDISA et JMCS révélant des courriels adressés par M. [E] à des franchisés [Adresse 5] alors qu'il était salarié de la société COOPERATIVE U pour les inciter à adresser des messages à la tête de leur réseau, leur demander des informations (« Y a-t-il un contrat spécifique pour les caisses ' Si oui merci de m'en adresser un exemplaire »), leur transmettre des informations sur le réseau [Adresse 5] (« Je vous joins pour votre information le document remis à certains de vos collègues par CPF. Sans autre commentaire »), évoquant des contacts entre lui et les franchisés CAREEFOUR (« D'autres courriers vont suivre au fil de l'eau'mais je garde le meilleur pour notre rdv »). Toutefois, ces messages relèvent de l'entreprise menée à titre personnel par M. [E] et il ne peut en être déduit l'utilisation, ou même seulement la détention, par la société qui l'employait d'informations confidentielles appartenant au groupe [Adresse 5], sur la nature desquelles aucune précision n'est d'ailleurs apportée.
En ce qui concerne les études comparatives du cabinet FIXEXSI, les sociétés [Adresse 5] versent au débat trois études réalisées par ce cabinet : une étude économique comparative entre les enseignes CARREFOUR PROXIMITE / SYSTEME U /DIAPAR réalisée en janvier 2017 (soit avant l'arrivée de M. [E] au service « ralliement » de COOPERATIVE U) à la demande de la société LACADIS exploitant un point de vente [Adresse 6] à [Localité 13] ; une étude économique comparative entre les enseignes CARREFOUR Contact / SYSTEME U réalisée en septembre 2019 à la demande de la société [Z] exploitant un point de vente à [Localité 19] ; une analyse tarifaire comparative entre les enseignes [Adresse 7] / U ENSEIGNE réalisée en novembre 2020 à la demande de la société SERVALIS exploitante d'un magasin [Adresse 7] à [Localité 18]. Elles produisent également une proposition adressée par le cabinet FIDEXSI à la société [Z] le 13 mai 2019 (pièce 32.9) et une lettre adressée par M. [X] (de l'équipe ralliement de COOPERATIVE U) à FIXEXSI datée du 3 septembre 2019 qui, faisant référence à l'étude économique comparative menée « pour le compte de la SARL [Z] », confirme avoir transmis au cabinet des informations concernant notamment des prix de vente conseillés, des prix de cessions et des frais accessoires qui étaient appliquées aux affiliés de SYSTEME U et qui auraient été appliqués à la société [Z] si elle avait été elle-même affiliée au réseau SYSTEME U (pièce 32.2 appelantes).
Les pièces produites par les appelantes conduisent à considérer que les études économiques invoquées n'ont pas fait l'objet d'un recours « généralisé et massif » comme il est prétendu, qu'elles n'ont pas visé seulement le groupe [Adresse 5] (mais également la société DIAPAR [G20]), qu'elles ont été commandées par des franchisés [Adresse 5], dont les noms figurent sur la première page des études et sont précisés dans le corps même des études (ex. « la Direction de la société [Z] nous a con'é le soin de réaliser une étude comparative permettant de positionner les prix de vente conseillés et les prix de cession proposes par C.S.F à ses clients et franchisés de [Adresse 7] par rapport à ceux de l'enseigne SYSTEME U »), que la société COOPERATIVE U, sollicitée par FIXEXSI pour communiquer ses propres données (prix, frais') ' la finalité de ces études étant de comparer les conditions offertes par les deux enseignes ', a répondu à cette demande en exigeant le respect de la confidentialité. A cet égard, le fait que la société COOPERATIVE U fasse référence à la fin de son courrier à FIXEXSI du 3 septembre 2019 à « notre accord de confidentialité du 19 août 2019 » ne permet pas d'en déduire que l'étude a été commandée par elle mais seulement qu'elle a exigé la confidentialité des données par elle transmises au cabinet. De même, le fait que dans sa proposition adressée à la société [Z], le cabinet FIXEXSI indique « De notre côté, nous travaillerons avec SYSTEME U afin d'obtenir des bases de données miroirs sur la période d'étude permettant la comparaison des données en coût complet » (pièce 32.9 page 4, appelantes) ne permet pas de conclure à l'existence d'un mandat donné par la société COOPERATIVE U, mais fait manifestement référence au fait que des éléments d'informations seront demandés à cette dernière afin de pouvoir élaborer l'étude de comparaison entre les enseignes. Pareillement, l'indication par le cabinet dans sa proposition, au titre de ses honoraires, qu'il peut consentir un tarif préférentiel (12.000 € HT) « en raison de la réalisation en parallèle de deux autres études comparables. La réalisation de ces trois études en simultané nous permet de vous proposer un tarif préférentiel (à titre d'information, une étude isolée est facturée 18.000€), en raison de la mutualisation de certains de nos coûts » ne signifie pas nécessairement que le coût de ces trois études a été négocié et réglé par la société COOPERATIVE U, la proposition indiquant au demeurant que la facture « est payable à réception », ce qui concerne manifestement la société [Z] à laquelle la proposition est adressée. Les déclarations de M. [E] dans le cadre de l'instruction de la plainte déposée devant l'Autorité de la concurrence par l'association dont il est le président pour entente entre les enseignes [Adresse 5] et SYSTEME U sont à considérer avec circonspection, d'autant qu'il est constant que cette plainte n'a pas prospéré.
Il s'infère des développements qui précèdent que les griefs des sociétés [Adresse 5] ne sont pas fondés.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes indemnitaires et de leur demande de publication.
Sur la demande de la société COOPÉRATIVE U pour procédure abusive
La société COOPÉRATIVE U soutient que la procédure engagée par [Adresse 5] à son encontre est dénuée de tout caractère sérieux. Elle argue que CARREFOUR a présenté une version inexacte et trompeuse des faits dans le but de se positionner comme une victime, alors qu'elle est en réalité seule responsable du mécontentement exprimé par ses franchisés, dû à une stratégie agressive à leur égard, mise en 'uvre afin de renforcer son contrôle sur son réseau, au détriment de l'indépendance et de la liberté contractuelle des franchisés ; que [Adresse 5] a en réalité pleinement identifié la dynamique de regroupement des franchisés mécontents au sein de l'AFC, ainsi que le rôle actif joué par M. [E] ; que la présente action vise à faire croire que la contestation interne au réseau CARREFOUR provient de l'intervention d'un concurrent, et non des pratiques propres au réseau ; que [Adresse 5] cherche ainsi à transférer sa propre responsabilité à COOPERATIVE U, son action s'inscrivant dans une stratégie globale visant à accroître la pression sur ses propres franchisés ; que [Adresse 5] a cru devoir interjeter appel d'un jugement parfaitement motivé, sans présenter d'élément nouveau au soutien de son appel ; que depuis le jugement, l'AFC a engagé une action contre CARREFOUR devant le tribunal de commerce de Rennes au titre du déséquilibre significatif, le Ministre de l'Économie étant intervenu volontairement dans cette procédure en pointant des pratiques restrictives de concurrence graves et que M. [E] a personnellement revendiqué les initiatives entreprises par les franchisés dans son ouvrage publié le 13 septembre 2023 ; que la poursuite par [Adresse 5] de la procédure en appel s'inscrit donc dans une démarche abusive.
Les sociétés CARREFOUR contestent tout abus de leur droit d'agir en justice.
La cour rappelle que l'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, seule une faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
En l'espèce, même si les société [Adresse 5] succombent en leur appel du jugement qui les a déboutées de leurs demandes en concurrence déloyale, il n'est pas démontré de faute à leur encontre qui aurait fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice, en première instance comme en appel, les intéressées ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits. En outre, la société COOPERATIVE U ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande pour procédure abusive formée en première instance et la société intimée sera déboutée également de sa demande formée en appel.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les sociétés [Adresse 5], parties perdantes, seront condamnées aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
La somme qui doit être mise à la charge des sociétés CARREFOUR in solidum au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société COOPERATIVE U peut être équitablement fixée à 80 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la société COOPERATIVE U de sa demande pour procédure abusive au titre de l'appel,
Condamne in solidum les sociétés [Adresse 9], CSF, [U] et SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE (les sociétés [Adresse 5]) aux dépens d'appel et au paiement à la société COOPERATIVE U de la somme de 80 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.