CA Douai, ch. 8 sect. 1, 5 juin 2025, n° 23/00998
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 05/06/2025
N° de MINUTE : 25/443
N° RG 23/00998 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UY7P
Jugement (N° 22-001420) rendu le 19 Décembre 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Lille
APPELANTS
Monsieur [K] [U]
né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 7] - de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Madame [F] [X] [I]
née le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 6] - de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentés par Me Guy Foutry, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assistés de Me Samuel Habib, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE
Société Cofidis
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 19 mars 2025 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Anne-Sophie Joly
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 juin 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 27 février 2025
EXPOSE DU LITIGE
Le 24 juillet 2019, M. [K] [U] et Mme [F] [X] [I] ont contracté auprès de la SAS Ecorenove une prestation relative à la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque et d'une pompe à chaleur pour un montant de 30 000 euros TTC, dans le cadre d'un démarchage à domicile, suivant bon de commande n° 30809.
Cette installation a été financée au moyen d'une crédit affecté dont l'offre préalable a été signée le même jour par M. [U] et Mme [X] [I] auprès de la SA Cofidis exerçant sous la marque 'Projexio by Cofidis' d'un montant de 30 000 euros, remboursable en 186 mensualités avec un différé de six mois, au taux nominal annuel de 2,73 %.
Par jugement du 3 mars 2020, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS Ecorenove et a désigné Me [R] [J] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par actes d'huissier de justice du 25 mai 2022, M. [U] et Mme [X] [I] ont fait assigner Me [R] [J] en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Ecorenove et la société Cofidis en justice aux fins notamment de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.
Par jugement réputé contradictoire en date du 19 décembre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :
- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 24 juillet 2019 entre M. [U] et Mme [X] [I] d'une part, et la SAS Ecorenove d'autre part, suivant bon de commande n° 30809,
- constaté la nullité du contrat de crédit affecté souscrit par M. [U] et Mme [X] [I] auprès de la société Cofidis le 24 juillet 2019,
- condamné en conséquence solidairement M. [U] et Mme [X] [I] à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros selon décompte arrêté à la date du 22 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- dit que M. [U] et Mme [X] [I] disposent d'une créance à l'encontre de la liquidation de la SAS Ecorenove de 30 000 euros,
- dit qu'il appartiendra à la SELARL [R] [J] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Ecorenove de procéder à la dépose du matériel, objet du bon de commande n° 30809 du 24 juillet 2019,
- dit qu'à compter de la clôture de la procédure collective de la SAS Ecorenove et si la SELARL [R] [J] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Ecorenove n'a pas procédé à la dépose du matériel, objet du bon de commande, M. [U] et Mme [X] [I] pourront alors disposer du matériel,
- mis les dépens de l'instance à la charge de la SAS Ecorenove représentée par la SELARL [R] [J] ès qualité de liquidateur judiciaire,
- mis à la charge de la SAS Ecorenove représentée par la SELARL [R] [J] ès qualité de liquidateur judiciaire, au profit de M. [U] et Mme [X] [I], la somme de 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé à M. [U] et Mme [X] [I] les dispositions de l'article L.622-24 alinéa 6 du code de commerce s'ils entendent voir admettre au passif de la procédure collective de la SAS Ecorenove les créances postérieures allouées par le présent jugement,
- rejeté le surplus des demandes,
- rappelé que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 28 février 2023, M. [U] et Mme [X] [I] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il les a condamnés solidairement à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros selon décompte arrêté à la date du 22 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, et en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 21 janvier 2025, les appelants demandent à la cour de :
Vu les articles du code de la consommation, du code de l'urbanisme, du code monétaire et financier, du code des assurances, du code civil, du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à l'espèce,
- infirmer le jugement rendu le 19 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille en ce qu'il a :
- condamné solidairement M. [U] et Mme [X] [I] à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros selon décompte arrêté à la date du 22 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- dit que M. [U] et Mme [X] [I] disposent d'une créance à l'encontre de la liquidation de la SAS Ecorenove de 30 000 euros,
- mis les dépens de l'instance à la charge de la SAS Ecorenove représentée par SELARL [R] [J] ès qualité de liquidateur judiciaire,
- rejeté le surplus des demandes,
Statuant à nouveau :
- condamner la société Cofidis à restituer à M. [U] et Mme [X] [I] l'intégralité des sommes qui ont été versées par M. [U] et Mme [X] [I] au titre du prêt et ce jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, outre les mensualités postérieures acquittées, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,
à titre subsidiaire,
- condamner la société Cofidis à payer à M. [U] et Mme [X] [I] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,
en tout état de cause,
condamner la société Cofidis à verser à M. [U] et Mme [X] [I] les sommes de :
- 4 554 au titre de leur préjudice financier et de frais de dépose,
- 3 000 euros au titre de leur préjudice économique,
- 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
- condamner la société Cofidis à payer à M. [U] et Mme [X] [I] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Cofidis en tous les dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2025, la société Cofidis demande la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. [U] et Mme [X] [I] à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros selon décompte arrêté à la date du 22 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, en l'absence de préjudice et de lien de causalité,
à titre subsidiaire,
- condamner la société Cofidis à payer à M. [U] et Mme [X] [I] la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts liés à la prétendue insolvabilité du vendeur,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. [U] et Mme [X] [I] à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros selon décompte arrêté à la date du 22 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, déduction à faire de l'euro symbolique lié à l'insolvabilité du vendeur,
en tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [U] et Mme [X] [I] de leur demande de condamnation de la concluante à leur payer des dommages et intérêts au titre des préjudice financier, économique et moral,
- condamner solidairement M. [U] et Mme [X] [I] à payer à la société Cofidis une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [U] et Mme [X] [I] aux dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'affaire a été rendue le 27 février 2025.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour constate que ni M. [U] et Mme [X] [I], ni la société Cofidis n'ont relevé appel des dispositions du jugement qui prononcent la nullité du contrat de vente à raison des irrégularités formelles l'affectant au regard des dispositions d'ordre public du code de la consommation en matière de vente à domicile, et constatent la nullité subséquente du contrat de crédit affecté, ces dispositions étant dès lors définitives.
Sur la saisine de la cour
La société Cofidis fait valoir que dans le dispositif de leur conclusions, M. [U] et Mme [X] [I] ne demandent que l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnés à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros et la restitution de l'intégralité des sommes versées par eux en vertu du contrat de crédit, mais ne demandent pas la condamnation de la société Cofidis à leur reverser l'intégralité du capital emprunté, ni le débouté de la demande formé par la société Cofidis à ce titre, de telle manière que le jugement ne qu'être confirmé en ce qu'il a condamnés M. [U] et Mme [X] [I] à lui payer la somme de 20 446,08 euros.
Il est rappelé que le premier juge a condamné les emprunteurs au paiement de la somme de 20 446,08 euros en relevant qu'il n'y avait pas lieu de priver la banque de sa créance de restitution, suite aux annulations des conventions prononcées. Pour condamner M. [U] et Mme [X] [I] au paiement de la somme de 20 446,92 euros, le premier juge a procédé à un calcul par compensation des créances de restitution réciproques des parties, soit le capital à restituer par M. [U] et Mme [X] [I] (30 000 euros) dont à déduire les sommes versées par eux au titre du contrat de crédit (9 553,93 euros arrêtée au 22 juin 2022).
En relevant appel du jugement en ce qu'il les a condamnés à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros et en demandant l'infirmation, M. [U] et Mme [X] [I] entendent nécessairement remettre en cause devant la cour le fait que le premier juge n'ait pas privé la banque de sa créance de restitution ce qu'il concluent par ailleurs dans leurs écritures. La cour relève en outre que la société Cofidis, qui demande la confirmation du jugement, ne demande pas que M. [U] et Mme [X] [I] soient condamnés à leur restituer le capital emprunté, et elle ne peut donc leur faire grief à M. [U] et Mme [X] [I] de ne pas avoir demandé dans le dispositif quelle soit déboutée de cette demande.
Sur les conséquences des annulations
Les annulations des contrat entraînent en principe la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats. Ainsi, l'annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de vente qu'il finançait emporte, pour l'emprunteur, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au vendeur par le prêteur, sauf si l'emprunteur établi l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute. Elle emporte également pour le prêteur l'obligation de restituer les sommes déjà versées par l'emprunteur.
Il est constant que commet une faute la banque qui verse les fonds prêtés au vendeur de panneaux photovoltaïques sans avoir dûment et préalablement vérifié la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation. La banque commet également une faute en ne s'assurant pas au moyen de toutes démarches utiles, de la bonne exécution des travaux par le vendeur des panneaux photovoltaïques conformément à ses engagements contractuels avant de débloquer les fonds prêtés.
En l'espèce, la cour constate que la banque ne conteste nullement sa faute dans le déblocage des fonds, mais conteste seulement l'existence d'un préjudice subi par les emprunteurs en ce que notamment le matériel fonctionne et qu'ils ne justifient pas de l'impossibilité de récupérer le prix de vente auprès du liquidateur.
Or, force est de constater que la faillite du vendeur doit être considérée comme générant un préjudice suffisant pour priver le prêteur de sa créance de restitution. En effet du fait de la déconfiture de la société Ecorenove, M. [U] et Mme [X] [I] se verront incontestablement dans l'impossibilité de récupérer le prix de vente auprès de cette société placée en liquidation judiciaire - alors même que cette restitution du prix aurait été la conséquence juridique normale et automatique résultant de l'annulation du contrat de vente, peu important que le matériel ait fonctionné ou non.
Dans un arrêt de principe en date du 10 juillet 2024 la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (Cass. Civ, 1ère 10 juillet 2024, n° du pourvoi 23-15.802).
La Cour suprême estime ainsi qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque a manqué à ses obligations, et que d'autre part, l'emprunteur avait subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente du matériel. Elle en déduit que la banque dans ce cas doit être condamnée à restituer à l'emprunteur à titre de dommages et intérêts une somme correspondant au capital emprunté.
La faute avérée de la Cofidis en l'espèce a causé à M. [U] et Mme [X] [I] un préjudice incontestable qui doit être justement et exactement arbitré à hauteur du montant intégral de la créance de restitution. Il doit en effet être fait application dans le cas présent du principe fondamental dans la sphère de la responsabilité civile de la réparation intégrale du préjudice qui commande de réparer tout le préjudice mais rien que le préjudice.
Il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [U] et Mme [X] [I] au paiement de la somme de 20 446,08 euros, et en statuant à nouveau, de condamner la société Cofidis à payer à M. [U] et Mme [X] [I] au titre du préjudice qu'ils ont subi la somme de 30.000 euros soit très exactement une somme équivalente au montant du capital emprunté.
Il y a lieu par ailleurs au regard du principe susévoqué de réparation intégral du préjudice subi de débouter M. [U] et Mme [X] [I] de leurs autres demandes de dommages et intérêts.
Il convient dès lors de confirmer par substitution de motifs le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [U] et Mme [X] [I] de leurs demandes de dommages et intérêts complémentaires financier, économique et moral.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [U] et Mme [X] [I] les frais irrépétibles exposés par eux devant la cour et non compris dans les dépens.
Il convient dès lors de condamner la société Cofidis à payer à M. [U] et Mme [X] [I] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
En revanche, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Cofidis les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.
Il y a lieu en conséquence de débouter la société Cofidis de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
Il convient de condamner la société Cofidis qui succombe, aux entiers dépens d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel ;
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par M. [K] [U] et Mme [F] [X] [I] au titre des préjudices complémentaires financier, économique et moral ;
Statuant nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Cofidis à payer à M. [U] et Mme [X] [I] au titre du préjudice qu'ils ont subi la somme de 30.000 euros soit très exactement une somme équivalente au montant du capital emprunté,
Déboute M. [U] et Mme [X] [I] de leurs autres demandes de dommages et intérêts,
Condamne la SA Cofidis à payer à M. [K] [U] et Mme [F] [X] [I] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la SA Cofidis aux dépens d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Yves BENHAMOU
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 05/06/2025
N° de MINUTE : 25/443
N° RG 23/00998 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UY7P
Jugement (N° 22-001420) rendu le 19 Décembre 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Lille
APPELANTS
Monsieur [K] [U]
né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 7] - de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Madame [F] [X] [I]
née le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 6] - de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentés par Me Guy Foutry, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assistés de Me Samuel Habib, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE
Société Cofidis
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 19 mars 2025 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Anne-Sophie Joly
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 juin 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 27 février 2025
EXPOSE DU LITIGE
Le 24 juillet 2019, M. [K] [U] et Mme [F] [X] [I] ont contracté auprès de la SAS Ecorenove une prestation relative à la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque et d'une pompe à chaleur pour un montant de 30 000 euros TTC, dans le cadre d'un démarchage à domicile, suivant bon de commande n° 30809.
Cette installation a été financée au moyen d'une crédit affecté dont l'offre préalable a été signée le même jour par M. [U] et Mme [X] [I] auprès de la SA Cofidis exerçant sous la marque 'Projexio by Cofidis' d'un montant de 30 000 euros, remboursable en 186 mensualités avec un différé de six mois, au taux nominal annuel de 2,73 %.
Par jugement du 3 mars 2020, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS Ecorenove et a désigné Me [R] [J] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par actes d'huissier de justice du 25 mai 2022, M. [U] et Mme [X] [I] ont fait assigner Me [R] [J] en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Ecorenove et la société Cofidis en justice aux fins notamment de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.
Par jugement réputé contradictoire en date du 19 décembre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :
- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 24 juillet 2019 entre M. [U] et Mme [X] [I] d'une part, et la SAS Ecorenove d'autre part, suivant bon de commande n° 30809,
- constaté la nullité du contrat de crédit affecté souscrit par M. [U] et Mme [X] [I] auprès de la société Cofidis le 24 juillet 2019,
- condamné en conséquence solidairement M. [U] et Mme [X] [I] à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros selon décompte arrêté à la date du 22 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- dit que M. [U] et Mme [X] [I] disposent d'une créance à l'encontre de la liquidation de la SAS Ecorenove de 30 000 euros,
- dit qu'il appartiendra à la SELARL [R] [J] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Ecorenove de procéder à la dépose du matériel, objet du bon de commande n° 30809 du 24 juillet 2019,
- dit qu'à compter de la clôture de la procédure collective de la SAS Ecorenove et si la SELARL [R] [J] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Ecorenove n'a pas procédé à la dépose du matériel, objet du bon de commande, M. [U] et Mme [X] [I] pourront alors disposer du matériel,
- mis les dépens de l'instance à la charge de la SAS Ecorenove représentée par la SELARL [R] [J] ès qualité de liquidateur judiciaire,
- mis à la charge de la SAS Ecorenove représentée par la SELARL [R] [J] ès qualité de liquidateur judiciaire, au profit de M. [U] et Mme [X] [I], la somme de 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé à M. [U] et Mme [X] [I] les dispositions de l'article L.622-24 alinéa 6 du code de commerce s'ils entendent voir admettre au passif de la procédure collective de la SAS Ecorenove les créances postérieures allouées par le présent jugement,
- rejeté le surplus des demandes,
- rappelé que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 28 février 2023, M. [U] et Mme [X] [I] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il les a condamnés solidairement à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros selon décompte arrêté à la date du 22 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, et en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 21 janvier 2025, les appelants demandent à la cour de :
Vu les articles du code de la consommation, du code de l'urbanisme, du code monétaire et financier, du code des assurances, du code civil, du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à l'espèce,
- infirmer le jugement rendu le 19 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille en ce qu'il a :
- condamné solidairement M. [U] et Mme [X] [I] à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros selon décompte arrêté à la date du 22 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- dit que M. [U] et Mme [X] [I] disposent d'une créance à l'encontre de la liquidation de la SAS Ecorenove de 30 000 euros,
- mis les dépens de l'instance à la charge de la SAS Ecorenove représentée par SELARL [R] [J] ès qualité de liquidateur judiciaire,
- rejeté le surplus des demandes,
Statuant à nouveau :
- condamner la société Cofidis à restituer à M. [U] et Mme [X] [I] l'intégralité des sommes qui ont été versées par M. [U] et Mme [X] [I] au titre du prêt et ce jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, outre les mensualités postérieures acquittées, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,
à titre subsidiaire,
- condamner la société Cofidis à payer à M. [U] et Mme [X] [I] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,
en tout état de cause,
condamner la société Cofidis à verser à M. [U] et Mme [X] [I] les sommes de :
- 4 554 au titre de leur préjudice financier et de frais de dépose,
- 3 000 euros au titre de leur préjudice économique,
- 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
- condamner la société Cofidis à payer à M. [U] et Mme [X] [I] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Cofidis en tous les dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2025, la société Cofidis demande la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. [U] et Mme [X] [I] à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros selon décompte arrêté à la date du 22 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, en l'absence de préjudice et de lien de causalité,
à titre subsidiaire,
- condamner la société Cofidis à payer à M. [U] et Mme [X] [I] la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts liés à la prétendue insolvabilité du vendeur,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. [U] et Mme [X] [I] à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros selon décompte arrêté à la date du 22 juin 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, déduction à faire de l'euro symbolique lié à l'insolvabilité du vendeur,
en tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [U] et Mme [X] [I] de leur demande de condamnation de la concluante à leur payer des dommages et intérêts au titre des préjudice financier, économique et moral,
- condamner solidairement M. [U] et Mme [X] [I] à payer à la société Cofidis une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [U] et Mme [X] [I] aux dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'affaire a été rendue le 27 février 2025.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour constate que ni M. [U] et Mme [X] [I], ni la société Cofidis n'ont relevé appel des dispositions du jugement qui prononcent la nullité du contrat de vente à raison des irrégularités formelles l'affectant au regard des dispositions d'ordre public du code de la consommation en matière de vente à domicile, et constatent la nullité subséquente du contrat de crédit affecté, ces dispositions étant dès lors définitives.
Sur la saisine de la cour
La société Cofidis fait valoir que dans le dispositif de leur conclusions, M. [U] et Mme [X] [I] ne demandent que l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnés à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros et la restitution de l'intégralité des sommes versées par eux en vertu du contrat de crédit, mais ne demandent pas la condamnation de la société Cofidis à leur reverser l'intégralité du capital emprunté, ni le débouté de la demande formé par la société Cofidis à ce titre, de telle manière que le jugement ne qu'être confirmé en ce qu'il a condamnés M. [U] et Mme [X] [I] à lui payer la somme de 20 446,08 euros.
Il est rappelé que le premier juge a condamné les emprunteurs au paiement de la somme de 20 446,08 euros en relevant qu'il n'y avait pas lieu de priver la banque de sa créance de restitution, suite aux annulations des conventions prononcées. Pour condamner M. [U] et Mme [X] [I] au paiement de la somme de 20 446,92 euros, le premier juge a procédé à un calcul par compensation des créances de restitution réciproques des parties, soit le capital à restituer par M. [U] et Mme [X] [I] (30 000 euros) dont à déduire les sommes versées par eux au titre du contrat de crédit (9 553,93 euros arrêtée au 22 juin 2022).
En relevant appel du jugement en ce qu'il les a condamnés à payer à la société Cofidis la somme de 20 446,08 euros et en demandant l'infirmation, M. [U] et Mme [X] [I] entendent nécessairement remettre en cause devant la cour le fait que le premier juge n'ait pas privé la banque de sa créance de restitution ce qu'il concluent par ailleurs dans leurs écritures. La cour relève en outre que la société Cofidis, qui demande la confirmation du jugement, ne demande pas que M. [U] et Mme [X] [I] soient condamnés à leur restituer le capital emprunté, et elle ne peut donc leur faire grief à M. [U] et Mme [X] [I] de ne pas avoir demandé dans le dispositif quelle soit déboutée de cette demande.
Sur les conséquences des annulations
Les annulations des contrat entraînent en principe la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats. Ainsi, l'annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de vente qu'il finançait emporte, pour l'emprunteur, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au vendeur par le prêteur, sauf si l'emprunteur établi l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute. Elle emporte également pour le prêteur l'obligation de restituer les sommes déjà versées par l'emprunteur.
Il est constant que commet une faute la banque qui verse les fonds prêtés au vendeur de panneaux photovoltaïques sans avoir dûment et préalablement vérifié la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation. La banque commet également une faute en ne s'assurant pas au moyen de toutes démarches utiles, de la bonne exécution des travaux par le vendeur des panneaux photovoltaïques conformément à ses engagements contractuels avant de débloquer les fonds prêtés.
En l'espèce, la cour constate que la banque ne conteste nullement sa faute dans le déblocage des fonds, mais conteste seulement l'existence d'un préjudice subi par les emprunteurs en ce que notamment le matériel fonctionne et qu'ils ne justifient pas de l'impossibilité de récupérer le prix de vente auprès du liquidateur.
Or, force est de constater que la faillite du vendeur doit être considérée comme générant un préjudice suffisant pour priver le prêteur de sa créance de restitution. En effet du fait de la déconfiture de la société Ecorenove, M. [U] et Mme [X] [I] se verront incontestablement dans l'impossibilité de récupérer le prix de vente auprès de cette société placée en liquidation judiciaire - alors même que cette restitution du prix aurait été la conséquence juridique normale et automatique résultant de l'annulation du contrat de vente, peu important que le matériel ait fonctionné ou non.
Dans un arrêt de principe en date du 10 juillet 2024 la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (Cass. Civ, 1ère 10 juillet 2024, n° du pourvoi 23-15.802).
La Cour suprême estime ainsi qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque a manqué à ses obligations, et que d'autre part, l'emprunteur avait subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente du matériel. Elle en déduit que la banque dans ce cas doit être condamnée à restituer à l'emprunteur à titre de dommages et intérêts une somme correspondant au capital emprunté.
La faute avérée de la Cofidis en l'espèce a causé à M. [U] et Mme [X] [I] un préjudice incontestable qui doit être justement et exactement arbitré à hauteur du montant intégral de la créance de restitution. Il doit en effet être fait application dans le cas présent du principe fondamental dans la sphère de la responsabilité civile de la réparation intégrale du préjudice qui commande de réparer tout le préjudice mais rien que le préjudice.
Il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [U] et Mme [X] [I] au paiement de la somme de 20 446,08 euros, et en statuant à nouveau, de condamner la société Cofidis à payer à M. [U] et Mme [X] [I] au titre du préjudice qu'ils ont subi la somme de 30.000 euros soit très exactement une somme équivalente au montant du capital emprunté.
Il y a lieu par ailleurs au regard du principe susévoqué de réparation intégral du préjudice subi de débouter M. [U] et Mme [X] [I] de leurs autres demandes de dommages et intérêts.
Il convient dès lors de confirmer par substitution de motifs le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [U] et Mme [X] [I] de leurs demandes de dommages et intérêts complémentaires financier, économique et moral.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [U] et Mme [X] [I] les frais irrépétibles exposés par eux devant la cour et non compris dans les dépens.
Il convient dès lors de condamner la société Cofidis à payer à M. [U] et Mme [X] [I] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
En revanche, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Cofidis les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.
Il y a lieu en conséquence de débouter la société Cofidis de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
Il convient de condamner la société Cofidis qui succombe, aux entiers dépens d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel ;
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par M. [K] [U] et Mme [F] [X] [I] au titre des préjudices complémentaires financier, économique et moral ;
Statuant nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Cofidis à payer à M. [U] et Mme [X] [I] au titre du préjudice qu'ils ont subi la somme de 30.000 euros soit très exactement une somme équivalente au montant du capital emprunté,
Déboute M. [U] et Mme [X] [I] de leurs autres demandes de dommages et intérêts,
Condamne la SA Cofidis à payer à M. [K] [U] et Mme [F] [X] [I] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la SA Cofidis aux dépens d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Yves BENHAMOU