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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 11 juin 2025, n° 23/06981

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/06981

11 juin 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 11 JUIN 2025

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06981 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHOTY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Février 2023 - tribunaljudiciaire de [Localité 13] 9ème chambre 2ème section - RG n° 20/03657

APPELANTE

S.A. CREDIT LOGEMENT

[Adresse 5]

[Localité 7]

N°SIREN : B 302 493 275

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Arnaud LEROY de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, avocat au barreau de Paris, toque : C1683

INTIMÉS

Monsieur [R] [S]

né le [Date naissance 2] 1974 à Madagascar

[Adresse 8]

[Localité 9]

Madame [I] [D]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 14] (Madagascar)

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentés par Me Marie-Jeanne Cujas, avocat au barreau de Paris, toque : C1598

S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 3]

[Localité 6]

N° SIREN : 552 120 222

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Julie COUTIE, avocat au barreau de Paris, toque : E0640

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Avril 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Vincent BRAUD, président de chambre

M. Marc BAILLY, président de chambre chargé du rapport

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Vincent BRAUD, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La Société Générale a consenti à M. [R] [S] et à Mme [I] [D] les prêts suivants, les deux premiers destinés au rachat d'un crédit précédent qui a financé un bien sis à [Localité 11] et le troisième à financer l'acquisition d'une résidence principale sise à [Localité 12], le tout sous le cautionnement de la société Crédit Logement :

- par offre acceptée le 27 octobre 2010 d'un montant de 32 634 euros remboursable en 120 mois au taux d'intérêt de 2,94 %,

- par offre émise le 15 octobre 2010 d'un montant de 46 316 euros remboursable en 240 mois au taux d'intérêt de 3,50 %,

- par offre acceptée le 22 février 2011 d'un montant de 255 000 euros remboursable en 300 mois au taux d'intérêt de 4,15 %.

A la suite d'une ordonnance de non conciliation du 11 mai 2015, le divorce de M. [R] [S] et Mme [I] [D] a été prononcé par jugement du 1er décembre 2017 avec attribution à titre onéreux de la résidence principale à Mme [V].

Par jugement en date du 17 juillet 2018, Mme [V] a fait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, publié au Bodacc le 5 septembre 2018.

Par lettres recommandées avec accusés de réception des 25 septembre 2019, la Société Générale a prononcé l'exigibilité anticipée du troisième prêt et par lettres recommandées avec accusés de réception des 25 septembre 2019, adressée à Mme [V] et du 9 décembre 2019, adressée à M. [S], la Société Générale a prononcé l'exigibilité anticipée des deux premiers prêts.

La société Crédit Logement a reçu les quittances de règlements suivantes :

- au titre du premier et du second prêt le 25 juin 2018 pour des sommes de, respectivement, 2 562,53 euros et 1 111,93 euros et le 6 mai 2020 pour les soldes respectifs de 6 858,84 euros et de 47 166,13 euros,

- au titre du troisième prêt le 25 juin 2019 pour la somme de 8 321,44 euros et le 6 mai 2020 pour la somme de 221 322,36 euros.

La Société Générale a déclaré ses créances représentant le capital à échoir de chaque prêt le 19 août 2019 et la société Crédit Logement a déclaré ses créances représentant les sommes alors quittancées d'un total de 12 011,31 euros le 22 août 2019.

La société Crédit Logement a vainement mis en demeure les emprunteurs de payer.

Un plan de continuation a été adopté par jugement du 19 novembre 2019 à l'endroit de Mme [D] pour une durée de six années.

M. [R] [S] a assigné la société Crédit Logement et la Société Générale devant le tribunal judiciaire de Paris par acte en date du 28 avril 2020 en soutenant qu'il devait être déchargé de ses obligations à paiement à raison du défaut de déclaration de créance au passif de Mme [D] par la société Crédit Logement et cette dernière a appelé Mme [D] en intervention forcée par acte en date du 4 mars 2021.

Par ordonnance en date du 8 juillet 2022, le juge de la mise en état, saisi par Mme [D] a déclaré les demandes des sociétés Crédit Logement et Société Générale à son égard irrecevables.

Par jugement contradictoire en date du 10 février 2023, le tribunal judiciaire de Paris a :

'' Déclaré inopposables les créances de la société Crédit Logement à [R] [S] ;

' Déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles de la société Crédit Logement ;

' Rejeté la demande de mainlevée formée par [R] [S] à l'encontre de la Société générale et de la société Crédit Logement ;

' Déclaré n'y avoir lieu de statuer sur la demande de mainlevée formée par [I] [D], divorcée [S] ;

' Laissé à [R] [S], à la Société générale et à la société Crédit Logement, la charge de leurs dépens quant à leurs demandes réciproques et les a déboutés de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamné dans ses demandes dirigées contre la société Crédit Logement et la Société générale, [I] [D], divorcée [S], aux dépens au profit de ces deux dernières sociétés, dont distraction au profit de maître Arnaud Leroy et à verser à la société Crédit Logement la somme de1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Débouté les parties du surplus de leurs demandes.'

Par déclaration remise au greffe de la cour le 12 avril 2023, la société Crédit Logement a interjeté appel de ce jugement contre M. [R] [S], Mme [I] [D] et la Société générale en ce qu'il a déclaré inopposables ses créances à l'égard de M. [R] [S] et ses demandes reconventionnelles.

Saisi par Mme [I] [D] et par ordonnance en date du 16 janvier 2023, le conseiller de la mise en état l'a débouté de sa demande tendant à voir déclaré irrecevable l'appel à son encontre compte tenu de l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 8 juillet 2022.

Par ses dernières conclusions en date du 10 janvier 2024, la société Crédit Logement fait valoir :

- que s'agissant de ses demandes à l'encontre de M. [R] [S], contrairement à ce qu'il tente de faire admettre, il n'est pas caution de Mme [D] mais co-emprunteur et co-débiteur solidaire, personnellement et solidairement tenu au paiement des causes du prêt de sorte qu'elle peut le poursuivre seul en vertu des articles 1313 et 2307 du code civil en fondant son action sur l'article 2305 du code civil nonobstant la procédure collective contre Mme [I] [D],

- que le jugement a fait une lecture tronquée de l'article L622-26 du code de commerce en faisant application de l'inopposabilité de la créance aux coobligés pendant la durée du plan prévue en matière de sauvegarde au cas d'espèce qui concerne pourtant un redressement judiciaire, qu'en ce cas il est prévu par l'article L 631-14 du code de commerce dans sa rédaction applicable que les coobligés ne bénéficient pas de cette inopposabilité prévue à l'article L622-26,

- que s'agissant de ses demandes à l'encontre de Mme [I] [D] relatives au prêt finançant la résidence principale, s'il n'est pas contestable que les déclarations de créances de la banque et de la caution ont été tardives, elle n'était toutefois pas tenue de déclarer cette créance, qu'en effet, le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée de Mme [D] limite les effets du redressement judiciaire au seul patrimoine affecté à l'activité professionnelle, et ce, peu important l'inexactitude du jugement d'ouverture, de sorte que le bien financé étant affecté au seul patrimoine personnel, elle est recevable à poursuivre sa condamnation du chef de ce prêt,

- subsidiairement, que par application a contrario de l'article L526-1 alinéa 2 du code de commerce, la résidence principale échappe de plein droit à la procédure collective et à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, puisque la résidence principale est insaisissable par les créanciers professionnels par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil et doit être traitée hors toute procédure collective,

- qu'elle a obtenu l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien et dispose donc de la faculté d'obtenir un titre exécutoire à l'encontre des propriétaires grevés,

- qu'elle est donc recevable et justifie du bien fondé et du quantum de ses créances, qu'elle est recevable à agir contre M. [R] [S] seul, que les dispositions de l'article 56 du code de procédure civile ont été respectées puisqu'elle a mis en demeure les débiteurs sans aucune réponse de leur part,

- que Mme [I] [D] a bien succombé en ses demandes en première instance, sa condamnation au titre des frais irrépétibles étant justifiée,

- que c'est vainement que M. [R] [S] lui reproche à faute de n'avoir pas déclaré sa créance au redressement judiciaire de Mme [D] puisqu'elle n'y était pas tenue et qu'elle exerce son recours personnel de l'article 2305 du code civil, que les dispositions de l'article 2314 du code civil ne s'appliquent pas à lui dès lors qu'il n'est pas caution mais codébiteur solidaire, de sorte qu'elle demande à la cour de :

'INFIRMER le jugement rendu le 10 février 2023 par le Tribunal judiciaire de PARIS en ce qu'il a :

' DÉCLARÉ inopposables les créances de la société CREDIT LOGEMENT à Monsieur [R] [S] ;

' DÉCLARÉ irrecevables les demandes reconventionnelles de la société CREDIT LOGEMENT;

- DEBOUTER Madame [I] [D] divorcée [S] de son appel incident;

Statuant à nouveau :

Vu les dispositions de l'article 2305 du Code civil,

- DEBOUTER Madame [I] [D] divorcée [S] et Monsieur [R] [S] de l'ensemble de leurs demandes, moyens et prétention,

- CONDAMNER SOLIDAIREMENT Monsieur [R] [S] et Madame [I] [D] divorcée [S] à lui payer la somme de 230.292,72 euros outre les intérêts au taux légal sur 229.643,20 euros sur 14 octobre 2020,

- CONDAMNER Monsieur [R] [S] à payer au CREDIT LOGEMENT:

- Au titre du prêt de 32.634 euros : la somme de 9.455,38 euros outre les intérêts au taux légal sur 9.421,37 euros à compter du 29 mai 2020

- Au titre du prêt de 46.316 euros : la somme de 48.370,75 euros outre les intérêts au taux légal sur 48.278,06 euros à compter du 29 mai 2020

- CONDAMNER Monsieur [R] [S] et Madame [I] [D]

divorcée [S] à payer au CREDIT LOGEMENT la somme de 3.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.'

Par ses seules conclusions en date du 12 octobre 2023, la Société Générale constate qu'aucune demande n'est formée à son égard et sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer une somme au titre des frais irrépétibles et la condamnation de M. [R] [S] à lui payer les sommes de 3 000 euros au titre de la première instance et de 1 500 euros en cause d'appel de ce chef.

Par ses dernières conclusions en date du 25 octobre 2023, M. [R] [S] expose :

- que c'est fautivement que la Société Générale et la société Crédit Logement n'ont pas déclaré leurs créances au passif du redressement judiciaire de Mme [I] [D] alors même que la banque, qui était alors titulaire de la créance, avait été dûment alertée par le mandataire judiciaire,

- que le tribunal a rappelé à juste titre qu'il résulte de l'article L 622-24 du code de commerce que le défaut de déclaration au passif de toute créance dans les délais rend l'action irrecevable et que l'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur exerçant une activité indépendante ne permet pas de faire exception à cette règle, étant observé que deux des prêts ne finançaient pas la résidence principale,

- qu'en effet l'article L 526-1 du code de commerce ne déroge pas aux articles L 622-24 et L622-26 du code de commerce, l'obligation de déclaration de la créance étant d'ordre public, que la protection de l'insaisissabilité de la résidence principale est sans effet pour les dettes non professionnelles telles que celles liées à son acquisition, que le défaut de déclaration rend inopposables les créances,

- que les développements de la société Crédit Logement son inapplicables à l'espèce puisque Mme [I] [D] n'a jamais opté pour l'exercice en entreprise individuelle à responsabilité limitée qui suppose une déclaration d'affectation du patrimoine inexistante en l'espèce, qu'elle exerce une profession libérale,

- que si la déclaration de créance avait été faite, les créances auraient pu être apurées dans le cadre de son exécution, que depuis l'ordonnance du 15 septembre 2021, les coobligés sont traités de la même manière en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire,

- que le défaut fautif de déclaration de créance par la société Crédit Logement a des conséquences sur sa situation puisqu'il est privé de toute chance d'apurement de la dette par son ex épouse dans le cadre du plan alors que le jugement de divorce lui en donnait la charge et qu'en cas de respect du plan, la créance non déclarée reste inopposable au débiteur même après son exécution, le droit de poursuite individuelle ne pouvant être recouvré qu'en cas de résolution sous réserve de la prescription,

- qu'il est également privé de tout droit à subrogation dans les droits des créanciers, la Société Générale et la société Crédit Logement, et lui ôte la faculté d'être admis dans la répartition des dividendes, que le défaut de déclaration rend la sûreté réelle inopposable à la procédure et constitue une perte de droit préférentiel dans lequel le conjoint in bonis aurait pu être subrogé alors qu'il bénéficie d'un droit préférentiel sur les biens immobiliers après partage, qu'il résulte de la situation qu'il doit assumer seul la dette sans pouvoir réaliser l'actif figé dans la procédure de redressement judiciaire alors qu'il n'en a pas les moyens,

- que cette faute doit entraîner la décharge de ses obligations en vertu de l'article 1315 du code civil, qu'en sa qualité d'époux il a des droits similaires à ceux de la caution et que, par analogie, il doit être déchargé de ses obligations comme le prévoit l'article 2314 du code civil,

- que subsidiairement, il est en droit de former une demande de dommages-intérêts à hauteur des sommes réclamées avec compensation des sommes réciproquement dues, de sorte qu'il demande à la cour de :

'- CONFIRMER le jugement du 10 février 2023,

- DEBOUTER le CREDIT LOGEMENT et la SOCIETE GENERALE de l'ensemble de leurs demandes,

- CONDAMNER le CREDIT LOGEMENT à payer à Monsieur [R] [S] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER le CREDIT LOGEMENT aux entiers dépens ;

ET DIRE QUE, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Marie-Jeanne CUJAS, Avocat, pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

A titre subsidiaire

Vu les articles 561 et suivants du Code de procédure civile,

Et les articles 1347 et suivants du Code civil,

CONDAMNER le CREDIT LOGEMENT à verser à Monsieur [R] [S] la somme de 288 118,85 € à titre de dommages et intérêts ;

ORDONNER la compensation des créances réciproques'.

Par ses dernières conclusions en date du 10 octobre 2023, Mme [I] [D] expose :

- 'qu'elle soulève devant la cour' une 'exception d'irrecevabilité' des demandes à son encontre, que 'l'irrecevabilité sera soumise au conseiller de la mise en état par voies de conclusions d'incident',

- que le juge de la mise en état qui a déclaré irrecevables les demandes de la société Crédit Logement et l'a condamnée à payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles a bien statué sur l'entièreté des prétentions, qu'elle n'avait donc pas succombé en ses demandes, qu'elle n'était pas partie perdante et ne pouvait être condamnée au titre des frais irrépétibles dans le jugement qui a suivi de sorte qu'elle demande à la cour de :

'- d'infirmer le jugement du 10 février 2023 en ce qu'il a condamné Mme [V] à verser la somme de 1 000 au Crédit Logement en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Crédit Logement à lui payer la somme de 2 000 en application de l'article 700 du code de procédure civile'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2025.

A la demande de la cour, l'ordonnance du juge de la mise en état du 8 juillet 2022 a été produite aux débats par le conseil de Mme [I] [D] et M. [S].

MOTIFS

Sur les demandes à l'égard de Mme [I] [D]

Il résulte des pièces et des explications des parties que par ordonnance en date du 8 juillet 2022, la société Crédit Logement a été déclarée irrecevable en ses demandes formées contre Mme [I] [D] et cette dernière, en dehors des prétentions qu'elle a formées devant le conseiller de la mise en état et dont elle a été déboutée, fait toujours valoir l'irrecevabilité des demandes à son égard, considérant ne plus être en la cause.

En vertu des articles 789 et 794 du code de procédure civile dans leur rédaction applicable issue du décret du 11 décembre 2019 qui disposent notamment que le juge de la mise en état est exclusivement compétent pour '6° Statuer sur les fins de non-recevoir' et que 'les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l'instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l'article 789", ladite ordonnance, qui a statué sur une fin de non recevoir soulevée par Mme [I] [D] en déclarant les demandes de la société Crédit Logement irrecevables à son encontre est revêtue de l'autorité de la chose jugée de ce chef puisqu'elle met fin à l'instance relativement à cette demande.

Les prétentions formées devant la cour d'appel à l'encontre de Mme [I] [D] constituent la même demande, fondée sur la même cause entre les mêmes parties en la même qualité de sorte que, dès lors que ladite ordonnance n'a pas fait l'objet d'un appel immédiat, l'autorité de la chose jugée résultant de l'application des articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil rend ces prétentions irrecevables.

Il y a donc lieu, pour ces motifs, de déclarer irrecevables les demandes de la société Crédit Logement tendant à la condamnation de Mme [D] et, partant, de confirmer le jugement étant observé que l'intimée n'a pas formé d'appel incident du chef de sa demande de mainlevée de son inscription au FICP.

Sur les demandes à l'égard de M. [R] [S]

Il y a lieu de rappeler que, sans que ne soit contestée la recevabilité de son action, M. [S] a initialement saisi le tribunal judiciaire de Paris d'une demande tendant à le voir décharger de ses obligations à paiement en raison du défaut de déclaration des créances au passif de Mme [D] par la société Crédit Logement.

La société Crédit Logement, qui indique avoir obtenu une hypothèque judiciaire provisoire publiée le 6 octobre 2021 sur le bien d'[Localité 12], financé par le troisième prêt, a alors formé des demandes reconventionnelles en condamnation à paiement des causes impayées au titre des trois prêts.

Il est de principe que c'est la date à laquelle la procédure collective est ouverte, en l'espèce celle du jugement du 17 juillet 2018, qui commande le régime juridique qui lui est applicable.

Contrairement à ce que soutient M. [S], dans l'hypothèse de l'adoption d'un plan de redressement judiciaire comme c'est le cas en l'espèce pour Mme [D] selon le jugement du 19 novembre 2019, l'article L 631-20 du code de commerce dans sa rédaction applicable tel que définie ci-dessus issue de la loi du 25 juillet 2005 modifiée par l'ordonnance du 18 décembre 2008, dispose expressément que 'par dérogation aux dispositions de l'article L. 626-11, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan', de sorte qu'en sa qualité de codébiteur solidaire, il ne peut se prévaloir des effets du plan de continuation.

Ensuite, l'article L526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi dite 'Macron' du 6 août 2015 dispose notamment que 'par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d'une personne physique immatriculée au registre national des entreprises sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne' et son article L526-3 alinéa 3 que 'les effets de l'insaisissabilité et ceux de la déclaration subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque la personne mentionnée au premier alinéa de l'article L. 526-1 ou le déclarant mentionné au deuxième alinéa du même article L. 526-1 est attributaire du bien'.

Or en l'espèce, il n'est pas contestable que la créance de la société Crédit Logement, née de sa qualité de caution de la Société Générale, banque ayant consenti des prêts personnels aux emprunteurs que sont M. [S] et Mme [D] et ayant payé, après leur défaillance, ne revêt pas de caractère professionnel et que la règle s'applique à Mme [D] puisqu'il n'est pas contesté, d'une part, qu'elle exerce une profession libérale sous forme d'une activité indépendante et, d'autre part, que le bien financé d'[Localité 12] constitue toujours sa résidence principale, étant observé qu'après la séparation du couple, l'ordonnance de non conciliation puis le jugement de divorce lui en ont attribué la jouissance.

Il en résulte que la société Crédit Logement dispose, en dépit du redressement judiciaire de Mme [D] et peu important à cet égard l'absence de déclaration de créance dès lors qu'elle n'est pas soumise en cela à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles (Com., 28 juin 2011, pourvoi n° 10-15.482), d'un droit de poursuite sur l'immeuble dont la vente peut être recherchée par elle (Com., 13 septembre 2017, pourvoi n° 16-10.206) et que, ne disposant pas de titre exécutoire, elle doit être en mesure d'en obtenir un par une action contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance. (Com., 7 octobre 2020, pourvoi n° 19-13.56).

En conséquence, M. [S] ne peut qu'être débouté de ses demandes qui sont motivées, de manière erronée, sur une prétendue impossibilité de poursuivre la vente du bien et diverses autres conséquences dont la prétendue inopposabilité de la créance au débiteur faisant l'objet du redressement judiciaire à défaut de déclaration de créance à l'issue de l'exécution du plan, le laissant, selon lui, seul à faire face aux dettes.

En effet, y compris postérieurement à la clôture de la procédure collective ensuite de l'exécution du plan, s'il ne sera pas possible à la société de poursuivre la condamnation de Mme [D] sur l'ensemble de ses biens par application de l'article L 643-11 du code de commerce, la faculté de poursuivre la vente du bien immobilier dont l'insaisissabilité lui est inopposable demeurera quant à elle (Com., 17 janvier 2024, pourvoi n° 22-20.185).

N'étant pas caution et ne pouvant se prévaloir de la subrogation légale comme ne s'étant pas acquitté d'une dette à laquelle il était tenu avec d'autres, il ne peut être déchargé de son obligation de co-emprunteur tenu solidairement à paiement.

De même ne démontre-t-il pas le lien, compte tenu de ce qui précède, entre le défaut de la déclaration de créance et une prétendue perte de son droit préférentiel sur le bien dont, alors qu'il expose ne disposer que de modestes revenus, on ne voit pas comment il l'exercerait en versant la soulte nécessaire, et ce, sans même compter l'apurement des dettes des emprunteurs à l'égard de la société Crédit Logement.

Contrairement à ce qu'il affirme encore, les décisions dans le cadre de la procédure de divorce, en tout état de cause inopposables à la société Crédit Logement, n'ont pas mis le paiement des prêts du couple à la charge de la seule Mme [D] puisqu'au contraire il est précisé que le remboursement en sera partagé entre les époux, Mme [D] n'étant tenue qu'au paiement d'une indemnité à déterminer lors de la liquidation du régime matrimonial à raison de ce qu'elle s'est vu attribuer la jouissance des lieux à titre onéreux.

Enfin, pour les mêmes motifs et étant ajouté que la société Crédit Logement ne pourrait se voir imputer le défaut de déclaration au redressement judiciaire qu'au titre des créances dont elle était titulaire lors du jugement d'ouverture, même si cette abstention n'est pas fautive, soit des seules sommes de 2 562,53 euros et 1 111,93 euros alors que c'est la Société Générale qui était alors encore titulaire de l'essentiel de la créance, M. [S] doit être débouté de ses demandes indemnitaires puisqu'il ne démontre pas de faute, de préjudice ni de lien de causalité.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Crédit Logement

Les demandes de condamnation de M. [S] de la société Crédit Logement en qualité de caution ayant payé ne sont pas contestées en elles-mêmes et sont justifiées par les pièces produites aux débats (les contrats de prêt, courriers de mise en demeure, de résiliation anticipée des prêts et quittances), de sorte que M. [N] doit être condamné à payer à la société Crédit Logement les sommes de 230.292,72 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 229.643,20 euros à compter du 14 octobre 2020, de 9.455,38 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 9.421,37 euros à compter du 29 mai 2020 et de 48.370,75 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 48.278,06 euros à compter du 29 mai 2020.

Il y a lieu de condamner M. [R] [S] aux entiers dépens ainsi qu'à payer à la Société Générale et à la société Crédit Logement la somme de 1 500 euros chacune, l'équité commandant de ne pas prononcer d'autre condamnation de ce chef, le jugement étant réformé en conséquence.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société Crédit Logement à l'égard de Mme [I] [D] mais en vertu de l'autorité de la chose jugée par l'ordonnance du juge de la mise en état du 8 juillet 2022;

L'INFIRME en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau,

DÉBOUTE M. [R] [S] de toutes ses demandes ;

CONDAMNE M. [R] [S] à payer à la société Crédit Logement les sommes suivantes :

- 230.292,72 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 229.643,20 euros à compter du 14 octobre 2020,

- 9.455,38 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 9.421,37 euros à compter du 29 mai 2020,

- 48.370,75 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 48.278,06 euros à compter du 29 mai 2020 ;

DÉBOUTE la société Crédit Logement du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE M. [R] [S] à payer à la société Crédit Logement et à la Société Générale, à chacune, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une autre condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [R] [S] aux dépens du présent litige qui seront recouvrés par Maître Arnaud Leroy et par Maître Marie-Jeanne Cujas cette dernière en sa qualité d'avocate de Mme [I] [D], comme il est disposé à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

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