Livv
Décisions

CA Agen, ch. civ., 11 juin 2025, n° 24/00977

AGEN

Arrêt

Autre

CA Agen n° 24/00977

11 juin 2025

ARRÊT DU

11 Juin 2025

--------------------

N° RG 24/00977 -

N° Portalis DBVO-V-B7I-DI4D

--------------------

[C] [H]

C/

[14],

Société [20],

S.A. [19] SA

-------------------

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n°

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur [C] [H]

né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 11] (32)

de nationalité française,

domicilié : [Adresse 18],

[Adresse 16]

[Localité 5]

représenté par Me Guy NARRAN, avocat postulant au barreau d'AGEN

et par Me Eric MARTY ETCHEVERRY, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

DEMANDEUR sur question prioritaire de constitutionnalité en date du 11 octobre [Immatriculation 3]/977

APPELANT d'une ordonnance du tribunal judiciaire d'AUCH en date du 02 Mai 2024, RG 22/729 ;

D'une part,

ET :

LA [12]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Société [20]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

RCS [Localité 17] [N° SIREN/SIRET 10]

[Adresse 2]

[Localité 8]

S.A. [19] SA

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

RCS [Localité 17] [N° SIREN/SIRET 6]

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentées par Me Erwan VIMONT, SELARL LEX ALLIANCE, avocat postulant au barreau

et par Me Yves-marie LE CORFF, FABRE GUEUGNOT ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

DEFENDERESSES ET INTIMÉES

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 14 Avril 2025, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience

Assesseur : Dominique BENON, Conseiller

qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :

Pascale FOUQUET, Conseiller

en application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffière : Catherine HUC

ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

EXPOSÉ DU LITIGE

Vu l'appel interjeté le 22 juin 2024 par M [C] [H] à l'encontre d'une ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'AUCH en date du 2 mai 2024.

Vu l'ordonnance prise en application de l'article 905 du code de procédure civile fixant l'audience de plaidoiries au 14 octobre 2024.

Vu les conclusions de M [H] en date du 10 octobre 2024 portant question prioritaire de constitutionnalité et ses conclusions du 11 avril 2025

Vu les conclusions de la [13], de [20] et de [19] en date du 14 avril 2025

Vu l'avis du Ministère Public en date du 7 mars 2025.

------------------------------------------

Suivant jugement en date du 16 décembre 1999, le tribunal de grande instance d'AUCH a :

- prononcé la liquidation judiciaire de la SCI [L]

- prononcé l'extension de la procédure de liquidation de la SCI [L] à son gérant M [H]

- désigné en qualité de liquidateur judiciaire Me [D], lequel est décédé le [Date décès 4] 2001 et a été remplacé par Me [N].

Par jugement en date du 22 juin 2017, le tribunal de grande instance d'AUCH a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de la SCI et de M [H] pour insuffisance d'actif.

Considérant que Me [D], mort en 2001, avait commis une faute dans l'exercice de sa mission de liquidateur judiciaire, par acte du 21 juin 2022, M [H] a assigné la [15] en indemnisation de ses préjudices. Par acte du 12 avril 2023, il a en outre assigné la SA [19] et la [20].

Les compagnies d'assurance ont saisi le juge de la mise en état d'une fin de non recevoir tirée de la prescription.

M [H] a saisi le juge de la mise en état d'une question prioritaire de constitutionnalité notamment dans les termes suivants : La portée que confère la jurisprudence constante de la Cour de cassation aux articles L. 641-9 du code de commerce et 2234 du code civil n'est-elle pas contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit en ce qu'elle affirme alors même que les juridictions du fond retenaient de par le dessaisissement résultant de la liquidation judiciaire l'impassibilité d'agir suspensive du délai de prescription que "le délai de prescription qui court contre un débiteur n'est pas suspendu par la mise en liquidation judiciaire de celui-ci et que le liquidateur le représente... "

Par ordonnance en date du 2 mai 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'AUCH a notamment :

- rejeté la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M [H] à la Cour de cassation

- déclaré irrecevable les demandes présentées par M [H] à l'encontre de la [15], à l'encontre de la SA [19] et de la [20]

- condamné M [H] à payer à la [15] la somme de 1.500,00 euros et aux assureurs pris dans leur ensemble la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M [H] aux dépens.

Pour statuer en ce sens le premier juge a retenu que :

- le défaut d'incidence de l'inconstitutionnalité alléguée sur la résolution du litige est de nature à faire échec à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.

- la [15] n'est pas l'assureur responsabilité civile de Me [D] mais seulement un intermédiaire, les demandes présentées contre elle sont irrecevables.

- les demandes présentées à l'encontre des assureurs sont irrecevables ; les actions en responsabilité à l'encontre des mandataires de justice se prescrivent par 5 ans et la clôture de la liquidation date du 22 juin 2017.

- M [H] n'était pas dans l'impossibilité d'agir.

- les actions étant prescrites, l'inconstitutionnalité alléguée est sans incidence sur la résolution du litige ce qui entrave la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.

Tous les chefs de l'ordonnance sont expressément critiqués dans la déclaration d'appel à l'exception de celui ayant rejeté la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M [H] à la Cour de cassation

Par conclusions en date du 10 octobre 2024, M [H] pose la question de constitutionnalité suivante : l'article L 814-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause qui prévoit expressément qu'il doit être justifié par chaque administrateur judiciaire ainsi que par chaque mandataire judiciaire inscrit sur les listes d'une assurance souscrite par l'intermédiaire de la caisse de garantie.

Cette assurance couvre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, du fait de leurs négligences ou de leurs fautes ou de celles de leurs préposés, commises dans l'exercice de leurs mandats, n'est-il pas contraire aux droits et libertés que la constitution garantit en ce que le législateur a pêché par incompétence négative en violation de l'article 34 de la constitution du 4 octobre 1958, en ne prévoyant pas dans la loi, une disposition légale permettant de garantir la connaissance qu'ont les tiers de l'identité de ladite compagnie d'assurance, notamment par une publicité légale par mention au kbis comme il en est de la nomination du mandataire judiciaire considéré, de sorte que le législateur, méconnaissant l'étendue de sa compétence porte par voie de conséquence une atteinte disproportionnée au droit au recours juridictionnel effectif résultant de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Il demande à la cour de constater que l'ensemble des conditions légales est réuni et notamment que la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux de renvoyer la présente question prioritaire de constitutionnalité par-devant la Cour de cassation.

Si le renvoi était ordonné, qu'il plaise à la Cour de cassation de constater que l'ensemble des conditions légales est réuni et notamment que la question présente caractère sérieux et de renvoyer la présente question prioritaire de constitutionnalité par-devant le Conseil Constitutionnel

Par conclusions en date du 14 avril 2025, la [15], la [20] et la [19] concluent au débouter de la demande de transmission et à la condamnation de M [H] à leur payer la somme de 6.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par avis en date du 7 mars 2025, le Ministère Public conclut au rejet pour défaut de caractère sérieux de la question, de la demande de transmission.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

1- Sur la recevabilité :

La demande et les conclusions en réponse sont présentées dans des écrits distincts, et motivée conformément aux dispositions de l'article 126-2 du code de procédure civile.

La question concerne une disposition législative qui n'a pas d'ores et déjà été transmise à la cour de cassation et n'a donc pas été déclaré conforme à la constitution.

La question invoque la violation de la déclaration des droits de l'homme ; elle reçoit application au procès en cours en ce qu'elle a rapport avec l'assurance d'un organe de la procédure collective et que la responsabilité civile dudit organe est recherchée.

La demande est recevable.

2- Au fond :

Il est reproché une incompétence négative du législateur pour ne pas avoir imposé la publicité des assureurs des organes des procédures collectives.

La question de la constitutionnalité de l'article L 814-4 du code de commerce est nouvelle

Le texte incriminé, dont la première version est entrée en vigueur en 2000, alors que Me [D] est mort en 2001, qui s'applique donc au litige sur une très courte période, est clair, sans ambiguïté ou imprécision.

L'absence de publicité légale de l'assureur de l'organe de la procédure collective ne fait pas obstacle au droit à un recours juridictionnel effectif dès lors qu'il suffit de demander audit organe ou à la caisse de garantie d'indiquer quelle est la compagnie d'assurance garantissant l'organe concerné, voir de lui en faire délivrer injonction en justice.

La question est dépourvue de caractère sérieux et il n'y a pas lieu de la transmettre à la cour de cassation.

3- Sur les mesures accessoires :

M [H] succombe, il est condamné aux dépens de l'instance augmentés d'une somme de 6.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,

Dans la limite de sa saisine

Rejette la demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité formée par M [C] [H] dans les termes suivants :

L'article L 814-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause qui prévoit expressément qu'il doit être justifié par chaque administrateur judiciaire ainsi que par chaque mandataire judiciaire inscrit sur les listes d'une assurance souscrite par l'intermédiaire de la caisse de garantie. Cette assurance couvre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, du fait de leurs négligences ou de leurs fautes ou de celles de leurs préposés, commises dans l'exercice de leurs mandats, n'est-il pas contraire aux droits et libertés que la constitution garantit en ce que le législateur a pêché par incompétence négative en violation de l'article 34 de la constitution du 4 octobre 1958, en ne prévoyant pas dans la loi, une disposition légale permettant de garantir la connaissance qu'ont les tiers de l'identité de ladite compagnie d'assurance, notamment par une publicité légale par mention au Kbis comme il en est de la nomination du mandataire judiciaire considéré, de sorte que le législateur, méconnaissant l'étendue de sa compétence porte par voie de conséquence une atteinte disproportionnée au droit au recours juridictionnel effectif résultant de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Condamne M [C] [H] à payer à la [13], de [20] et de [19] prises dans leur ensemble la somme de 6.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M [C] [H] aux entiers dépens de l'instance.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Catherine HUC, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site