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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 5 juin 2025, n° 21/10153

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/10153

5 juin 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 05 JUIN 2025

Rôle N° RG 21/10153 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHYCO

S.C.I. FRANCE ESPACES PUBLICITAIRES

C/

S.A. BNP PARIBAS

Copie exécutoire délivrée

le : 5 Juin 2025

à :

Me Joseph MAGNAN

Me Agnès ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 03 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00775.

APPELANTE

S.C.I. FRANCE ESPACES PUBLICITAIRES

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Renaud GIULIERI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SA BNP PARIBAS

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Valérie PANEPINTO de la SCP SCP GUILLEMAIN PANEPINTO PAULHAC, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Avril 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2025,

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Selon bail commercial en date du 30 septembre 2005, la société France Espaces Publicitaires a donné en location à la société BNP Paribas divers locaux situés [Adresse 6] pour une durée de neuf années à compter du 1er octobre 2005 pour se terminer le 30 septembre 2014 et moyennant le paiement d'un loyer annuel de 85.000 euros H.T. et hors charges.

Les locaux donnés à bail, qui se répartissent sur deux niveaux, d'une surface de 360 mètres carrés, étaient livrés brut de décoffrage à la preneuse, non clos , fluides secs et humides en attente.

Les clauses contractuelles utiles du bail commercial sont les suivantes :

- destination contractuelle des lieux : les lieux loués sont destinés à : usage de commerce de banque et toute activité financière, de crédit, d'assurance et immobilière, telle que celle-ci est décrite par son objet social et dans le cadre de son immatriculation au registre du commerce

et des sociétés, étant précisé qu 'il devra exercer de manière permanente dans l'ensemble des lieux loués la totalité desdites activités.

- le preneur déclarera faire son affaire personnelle de tous les aménagements internes.

A son expiration contractuelle le 30 septembre 2014, le bail commercial s'est poursuivi par tacite prolongation jusqu'à la signification de la demande de la preneuse de renouvellement.

Par acte d'huissier en date du 10 juin 2016, la locataire a sollicité le renouvellement de son bail pour une nouvelle durée de neuf années à compter du 1er juillet 2016 aux même clauses et conditions que le bail en cours 'à l'exception du loyer qui fera l'objet d'une négociation entre les parties'.

La bailleresse et la preneuse ne sont pas parvenues à un accord sur le montant du loyer renouvelé, étant précisé que cette dernière souhaitait un loyer d'un montant inférieur au loyer en vigueur.

A cette date et, par l'effet de la clause d'indexation annuelle prévue au bail, le montant du loyer annuel en vigueur s'établissait à hauteur de la somme de 112.060 euros H.T. et hors charges.

Par acte d'huissier en date du 23/02/2018, la société BNP Paribas a fait assigner la société France Espaces Publicitaires devant le tribunal judiciaire de Toulon en fixation du montant du loyer renouvelé.

Par jugement en date du 20 juin 2019, la juridiction des loyers commerciaux de Toulon s'est prononcé en ces termes :

- dit que le bail renouvelé entre les parties a pris effet au 1er juillet 2016,

- désigné M. [N] en qualité d'expert à l'effet de déterminer si les conditions légales d'un déplafonnement de loyer étaient réunies et de fixer le montant de la valeur locative des lieux loués à la date du 1er juillet 2016,

- fixé le loyer provisionnel dû pendant la procédure au montant du dernier terme.

M. [N] a déposé son rapport d'expertise le 27 février 2020 et a conclu déplafonnement du loyer et à la fixation d'une valeur locative annuelle des locaux loués à 65.000 euros H.T. et hors charges à la date du 1er juillet 2016.

Par jugement en date du 3 juin 2021, le juge des loyers commerciaux près le tribunal judiciaire de Toulon a:

- fixé le loyer à la somme annuelle de 58.526 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2016,

- dit que la restitution des loyers trop perçus portera intérêt au taux légal à compter du 8 janvier 2019 pour les échéances échues à cette date et à compter de chacune des échéances contractuelles ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1 154 ancien du code

civil ;

- rejeté les demandes au titre de l'artic1e 700 du code de procédure civile ;

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens ;

- condamné la société France Espaces Publicitaires à supporter les frais d'expertise judiciaire ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 6 juillet 2021, la société [Adresse 5] a interjeté appel de ce jugement en ces termes :Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués:

- fixe le loyer à la somme annuelle de 58 526 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2016;

- dit que la restitution des loyers trop perçus portera intérêt au taux légal à compter du 8 janvier 2019 pour les échéances échues à cette date et à compter de chacune des échéances contractuelles;

- ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154ancien du code civil;

- rejette des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens;

- condamne la SCI France Espaces Publicitaires à supporter les frais d'expertise judiciaire

- ordonne l'exécution provisoire.'

La procédure a été clôturée par ordonnance prononcée le 18 mars 2025.

CONCLUSIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 mars 2025, la société France Espaces publicitaires demande à la cour de:

- déclarer la société France Espaces Publicitaires recevable en son appel.

y faisant droit, réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- fixé le nouveau loyer annuel à hauteur de la somme de 58.526,00 Euros H.T. et hors charges à compter du 1er juillet 2016,

- dit que la restitution des loyers trop perçus portera intérêt au taux légal à compter du 8 janvier 2019 pour les échéances échues à cette date et à compter de chacune des échéances contractuelles,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil,

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,

- condamné la Société France Espaces Publicitaires à supporter les frais d'expertise

judiciaire,

- ordonné l'exécution provisoire dudit jugement.

statuant à nouveau de l'ensemble des chefs réformés,

- débouter la société BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes,

- fixer le nouveau loyer annuel de renouvellement des locaux loués à hauteur de la somme de 91.068 euros H.T. et hors charge à compter du 1er juillet 2016,

- condamner la société BNP Paribas au paiement à la société France Espaces Publicitaires de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Société BNP Paribas au paiement des entiers dépens de première instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire de M. [N] et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de Me Joseph Magnan, avocat à la cour, sous sa due affirmation de droit.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 mars 2025, la société BNP Paribas demande à la cour de:

- juger recevable et bien fondé l'appel incident de la société Bnp Paribas

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- fixé le loyer à la somme annuelle de 58.526 euros HT et HC à compter du 1er juillet 2016

- rejeté la demande de la Société Bnp Paribas au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que la société Bnp Paribas conservera la charge de ses propres dépens

le confirmer en ce qu'il a :

- dit que la restitution des loyers trop perçus portera intérêts au taux légal à compter du

8 janvier 2019 pour les échéances échues à cette date et à compter de chacune des échéances contractuelles

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil

- condamné la SCI France Espaces Publicitaires à supporter les frais d'expertise judiciaire

statuant à nouveau :

- fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2016 a la somme annuelle en principal de 39.200 euros hors taxes et hors charges.

- condamner la société France Espaces Publicitaires au paiement de la somme de 5 .000 euros au titre des frais irrépétibles exposes en première instance par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance,

en toute hypothèse,

- juger irrecevable la nouvelle prétention de la Société France Espaces Publicitaires tendant à obtenir une majoration de la valeur locative de 5 % en raison de la sous-location autorisée au profit d'une filiale de la Bnp Paribas,

- débouter la Société France Espaces Publicitaires de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la Société France Espaces Publicitaires au paiement de la somme de 8000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux frais de commissaire de justice que la BNP Paribas a dû exposer dans le cadre des saisies-attributions réalisées,

- la condamner également aux entiers dépens d'appel, en ce compris le timbre fiscal,lesquels seront recouvres par Maître Agnes Ermeneux conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance prononcée le 18 mars 2025.

MOTIFS

Selon l'article L145-33 du code de commerce :Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;

2 La destination des lieux ;

3 Les obligations respectives des parties ;

4 Les facteurs locaux de commercialité ;

5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Aux termes de l'article R145-23 du code de commerce :Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent.La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble.

Selon l'article R145-3 du code de commerce :Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public,

2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux,

3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée,

4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail,

5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

Il est de principe que la compétence du juge des loyers commerciaux est une compétence limitée et exclusive autorisant le juge des loyers commerciaux se prononcer exclusivement que sur les seules fixation du prix du bail révisé et non sur des demandes accessoires qui relèvent de la compétence du tribunal de grande instance.

L'expert judiciaire estime que les locaux loués litigieux rentrent dans le cadre de la catégorie des « bureaux-boutiques », ce qui n'est pas contesté,l'agence recevant de la clientèle contrairement à des locaux à usage de bureaux. Ces locaux sont exploités sous forme de bureaux dans une boutique.

L'expert judiciaire a ensuite indiqué que le loyer renouvelé devait être fixé à la valeur locative sans plafonnement. En outre,au regard de l'article R 145-11 du code de commerce, le loyer est de plein droit déplafonné lors du renouvellement et doit correspondre à la valeur locative.

Les valeurs suivantes doivent être retenues :

- le montant du loyer en fin de bail était de 112 061 euros HT par an,

- l'expert judiciaire propose un loyer renouvelé de 65 000 euros HT par an au 1er juillet 2016,

- le jugement déféré fixe le loyer à 58 526 euros par an hors taxe et hors charge au 1er juillet 2016,

- la bailleresse appelante principale et la preneuse, appelante incidente,sollicitent respectivement la fixation dudit loyer à 91.068,00 Euros H.T. et hors charges et 39.200 euros hors taxes et hors charges.

- 1-sur la surface pondérée

Concernant la surface pondérée des bureaux-boutiques et donc de l'agence bancaire, il est d'usage d'appliquer la même pondération que celle des boutiques

L'expert judiciaire retient une surface pondérée totale de 211, 45 mètres carrés, après avoir constaté une surface utile de 318,15 mètres carrés, en s'appuyant sur les préconisations édictées par la charte de l'expertise en évaluation immobilière, dont il a à juste titre fait application.

1-2 sur le coefficient de pondération de la deuxième zone de vente des locaux

Concernant plus précisément la deuxième zone de vente des locaux, l'expert judiciaire a retenu une surface utile de 65 m 2, avant d'appliquer un coefficient de pondération de 0,80 pour obtenir une surface pondérée de 52 mètres carrés.

La bailleresse appelante critique le coefficient de pondération de 0,80 retenu par l'expert, estimant que, compte tenu de la fourchette applicable allant de 0,8 à 1, il conviendrait d'apliquer le coefficient maximal de 1.

Au soutien de sa demande, la bailleresse énonce :

- le propre expert amiable de la locataire, a retenu un coefficient de pondération de 0,9 pour cette partie des locaux loués,

- les locaux loués bénéficient d'un important linéaire de façade de 13 mètres et la configuration de l'assiette des locaux loués (largeur de plus de 30 m du terrain loué donnant sur l'[Adresse 3] sans obstacle visuel) confère auxdits locaux une visibilité incomparable depuis l'[Adresse 3],

- les locaux loués ont été livrés bruts de décoffrage et, cette dernière a donc pu les aménager de façon optimale en déterminant elle-même les modalités de configuration des lieux les plus favorables à son exploitation commerciale

Pour s'opposer à l'application d'un coefficient de pondération de 1pour la deuxième zone de vente des locaux, revendiqué par la bailleresse, la preneuse fait valoir que, le linéaire de façade a uniquement une importance concernant la première zone mais aucune concernant la deuxième.

En l'espèce, la cour retient le coefficient de pondération retenu par l'expert judiciaire (0,80), même si dernier correspond au coefficient minimal de la fourchette applicable, dès lors que le rapport d'expertise amiable diligenté par la preneuse (et dont la bailleresse entend se prévaloir ), qui retient un coefficient de 0,90, n'est pas corroboré sur ce point par d'autres pièces.

En outre, la bailleresse ne se prévaut pas d'autres pièces objectives techniques, hormis ses explications, pour remettre en cause ce coefficient de 0,80.

La surface pondérée de la deuxième zone de vente sera donc fixée à 52 mètres carrés conformément à l'avis de l'expert judiciaire sur ce point.

1-2 sur la pondération de la surface du l er étage des locaux loués

Concernant la surface du premier étage de l'agence bancaire, l'expert judiciaire retient une surface utile de 107,45 m 2 réels, applique un coefficient de pondération de 0,50 et obtient une surface pondérée de 53,73 m 2.

La bailleresse appelante critique l'avis de l'expert judiciaire sur ce point, estimant que

que cette pondération réduit notablement la surface réelle du premier étage et n'est nullement adaptée à la spécificité du cas d'espèce (bureaux-boutiques se répartissant sur 2 étages).

Elle précise :

- le différentiel entre surfaces réelles et surfaces pondérées des 7 éléments de comparaison retenus par M. [N] ne dépasse pas les 20 %,

- l'explication de cette incongruité réside dans le fait que la pondération des surfaces des « bureaux-boutiques » n'est cohérente que pour les locaux sis en rez-de-chaussée (ce qui est le cas de tous les éléments de comparaison retenus) et que, s'agissant des locaux situés en étage, elle ne l'est plus du tout,

- dans un tel cas, il est procédé à l'évaluation de la valeur locative du 1er étage de la même façon que pour des locaux de « bureaux » (pas de pondération des surfaces).

Pour s'opposer à la demande de la bailleresse appelante, de ne pas appliquer du tout de coefficient de pondération pour la surface du 1er étage, la preneuse, appelante incidente, affirme que la jurisprudence citée par la bailleresse s'applique effectivement aux bureaux situés en étage mais lorsque le bail porte uniquement sur des locaux situes en étage, pour lesquels est appliqué un prix bureau.La preneuse ajoute qu'en l'espèce, il s'agit d'un bail portant sur des locaux situés au rez-de-chaussée, permettant un accès à des locaux situes en étage.

En l'espèce, c'est à juste titre que la preneuse intimée fait valoir que le premier étage fait partie de l'agence bancaire, qu'il n'est pas autonome, qu'il n'est pas comparable à de simples bureaux en étage et qu'il est soumis lui aussi au régime de pondération de la charte de l'expertise en évaluation immobilière.

Ainsi, concernant la surface du premier étage, la cour, qui adopte l'avis de l'expert judiciaire sur ce point, retient une surface utile de 107,45 m 2, un coefficient de pondération à 0,5 et une surface pondérée de 53,73 m 2.

1-3 -sur la surface de la cour

Concernant la cour, l'expert judiciaire a relevé une surface utile de 15,40 mètres carrés, un coefficient de pondération de 0,10 et un surface pondérée de 1,54 mètres carrés.

Pour la preneuse, appelante incidente, la cour ne peut être intégrée dans les surfaces utiles, en ce qu'elle ne constitue pas une surface bâtie.Pour sa part, la bailleresse appelante demande à la cour'de confirmer la prise en compte de la surface de la cour correspondant à 1,54 m 2 pondérés'.

En l'espèce, la preneuse ne démontre pas en quoi il conviendrait de ne pas tenir compte de la surface de la cour (retenue par l'expert judiciaire à hauteur de 15,40 m 2 au titre de la surface utile et 1,54 m 2 après pondération par un coefficient de 0,1 ), alors même que cette cour entre bien dans l'assiette du bail commercial, même si elle ne constitue pas« surface bâtie ».

L'article R145-3 du code de commerce prévoit que les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux,étant précisé que l'expert judiciaire a apprécié l'utilité de cette surface en ces termes ' : « La cour fait partie des biens loués, même si la pondération est faible (coefficient 0,10), vu son utilité inférieure à celle du bâti, nous devons en tenir compte. »

La cour entérine donc l'avis de l'expert judiciaire sur la surface pondérée de la cour.

Finalement, la surface pondérée des lieux loués sera fixée à 211,45 mètres carrés telle que calculée par l'expert judiciaire.

2-sur la valeur du parking

L'expert judiciaire a retenu une valeur locative annuelle de 5.400 euros au titre de la jouissance de 10 places de stationnement automobile (sur un total de 14 places) situées devant les locaux loués.

La preneuse, appelante incidente, s'oppose à cette valeur locative, estimant que la plus-value locative liée aux emplacements de stationnement ne saurait excéder les valeurs suivantes:

- 6 places x 45 € HT/mois/12 mois = 3.240 € HT/an.

- la valeur locative de base s'établit donc à : 210 m2 x 270 € HT/an = 56.700 € + 3.240 6 = 59.940 € HT/an.

En l'espèce, l'expert judiciaire a sérieusement et clairement argumenté son avis sur la valeur de l'aire de parking mis à disposition de l'agence bancaire, soulignant notamment ,: « Le stationnement est difficile sur le [Adresse 4], en revanche les locaux litigieux disposent d'un parking goudronné comprenant 14 places de stationnement situés face aux locaux. ».

Dans un second temps, il précise:

- Bien que pratiquement inexistantes sur le marché de la location, les places de stationnement extérieures, dans la région toulonnaise, se louent généralement entre 40 et 50 euros /mois, nous retiendrons une valeur moyenne de 45 euros/place. Avec 14 places de stationnement, les locaux litigieux sont mieux lotis que la plupart des éléments de comparaison. Nous considérons que les locaux à évaluer comprennent une dizaine de places de stationnement en plus par rapport aux locaux de comparaison,

- Il faut également tenir compte du fait que certains parkings sont communs à plusieurs boutiques. En conséquence, nous maintenons le nombre de 10 places,

- Nous avons déterminé cette valeur en fonction de la valeur locative des parkings, hors bail commercial. Ce qui donne la valeur locative de marché des places de stationnement. Et si nous avons réduit le nombre de places de 14 à 10, c'est que les locaux commerciaux de comparaison possèdent, pour la plupart d'entre eux, des places de stationnement pour la clientèle, mais en nombre inférieur. La partie adverse souhaite que nous limitions ce nombre à 6, ce qui nous parait insuffisant par rapport aux éléments de comparaison.

Comme le premier juge avant elle, la cour adopte l'avis de l'expert judiciaire sur la valeur locative des parkings, à hauteur de 5400 euros par an.

3-sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage

L'article R.145-11 prévoit :le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence'.

Il convient de rappeler que les activités de banque étant assimilées à celles de bureaux, elles échappent au régime du plafonnement découlant de l'article L.145-34 du code de commerce.

En outre, pour déterminer le prix unitaire des locaux de même nature que l'agence bancaire, la cour se référera au prix unitaire des locaux de même nature, c'est-à-dire les prix des bureaux-boutiques localisées dans le même endroit ou dans un secteur équivalent.

Sur la base de 7 éléments de comparaison, l'expert judiciaire détermine un prix au m 2 moyen de 282 euros.

Pour la bailleresse appelante, ce n'est pas ce prix de 282 euros par mètre carré qu'il faudrait retenir, mais celui de 350 euros, précisant à cet égard :

- les experts amiables des deux parties se sont accordés sur la détermination d'un prix au m 2 moyen de 350 euros applicable aux locaux loués,

- dans le cadre de son mémoire en date du 12 décembre 2017, la locataire confirme expressément que le prix au m 2 moyen applicable aux locaux loués s'établit à hauteur de ladite somme,

-à l'exception de son 7ème élément de référence qui n'est retenu qu'au motif qu'il est allégué par les deux parties, M. [N] retient deux éléments de comparaison (éléments n° 2 et 3) dont il confirme lui-même que la destination contractuelle est celle de « tous commerces »,

- une destination tous commerces est, par définition, incompatible avec un usage exclusif de bureaux.

De son côté, la preneuse intimée, appelante incidente, estime que le prix unitaire ne saurait excéder 270 €/m2 et la valeur locative de base : 210 m2 x 270 € = 56.700 € HT/an.

Il est de principe que la valeur locative ne peut être estimée en se référant à la moyenne arithmétique des loyers sélectionnés. Seule l'analyse comparative de chacun des éléments de référence, en considération de l'ensemble des facteurs de valorisation, permet d'apprécier la valeur locative.

En l'espèce, pour déterminer le prix unitaire du bail, la cour se basera notamment sur les références particulièrement pertinentes 1, 4,5, 6 retenues par l'expert judiciaire dans son rapport (oscillant entre 382, 37 euros et 230, 44 euros HT par mètre carré pondéré), ainsi d'une note complémentaire du 4 août 2020, de l'experte amiable de la bailleresse (soumise à la libre discussion des parties et corroborée par les autres rapports d'expertise), se basant sur le rapport d'expertise judiciaire, qui retient finalement une moyenne de 316 euros par mètre carré.

Compte tenu de tout ce qui précède le prix unitaire du bail commercial doit être fixé à 287 euros par mètres carrés (au lieu de 282 euros par mètres carrés comme proposé par l'expert judiciaire).

4-sur l'incidence des travaux réalisés par la preneuse

Selon l'article R145-8 du code de commerce : Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

S'agissant des aménagements des lieux loués, le bail commercial litigieux du 16 avril 2004, renouvelé le 1er juillet 2016, stipule en particulier :

- le local est brut de décoffrage livré clos et couvert sans rideaux roulants,

- le preneur déclare faire son affaire personnelle de tous les aménagements internes,

- le preneur exécutera à ses frais, risques et périls, tous travaux d'aménagement des locaux loués,

- tous les aménagements, installations, équipements, agencements et embellissements réalisés par le preneur deviendront, par accession et sans indemnité, la propriété du bailleur à l'expiration normale ou anticipée du bail ou de tout renouvellement ultérieur, sauf si le bailleur préfère exiger le rétablissement des locaux dans leur état d'origine aux frais du preneur.

Le juge des loyers commerciaux a retenu un abattement de 5 % au titre de l'amélioration des locaux et ce en ces termes : ' Concernant les travaux d'amélioration qui n'ont pas encore fait l'objet d'une accession par le bailleur, l'expert note que la plupart des éléments de comparaison ont été livrés brut de décoffrage, mais il a manqué d'informations sur la charge des travaux d'amélioration. Les travaux ont coûté 560.000 euros.L'importance de ce coût justifie un abattement de 5%.'

Pour dire que l'abattement de 5 % retenu par le premier juge est justifié et allant au-delà, qu'il faut en réalité l'augmenter à 10 %, la preneuse soutient que les locaux étaient à l'origine bruts de béton, qu'elle a réalisé des travaux d'aménagement pour créer une agence bancaire, ce qui correspond à une améliorations de ceux-ci.

La preneuse ajoute que par application de l'article R. 145-8 du code de commerce, les améliorations apportées aux locaux ne peuvent être prises en compte pour le calcul de la valeur locative qu'à l'occasion du second renouvellement et uniquement si la bailleresse n'en a assumé le coût ni directement, ni indirectement.

La preneuse conclut qu'il convient donc de faire abstraction des améliorations apportées aux locaux, ce qui en l'état du montant des travaux, soit 560.000 € TTC, justifie de pratiquer compte tenu de leur importance, un abattement d'au moins 10 % sur la valeur locative de base.

Pour s'opposer à l'application d'un abattement de 5 % au titre des travaux réalisés et financés par la locataire, la bailleresse fait notamment valoir qu'il n'est nullement contesté que les locaux loués ont été livrés « bruts de décoffrage » et que les 560.000 euros de travaux réalisés par cette dernière correspondent donc à des travaux d'adaptation des locaux à leur destination d'agence bancaire, d'agencement des lieux et de mise en conformité des locaux avec les normes d'hygiène et de sécurité. Elle ajoute que dans un tel cas, ce type de travaux ne relève nullement de la catégorie des améliorations visées à l'article R. 145-8 du code de commerce.

Il découle de l'article R 145-8 du code de commerce que les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge

Toutefois, l'article R 145-8 du code de commerce évoque la notion d'améliorations au regard du déplafonnement et non de la valeur locative.

Pour apprécier s'il y a lieu de tenir compte ou non de la plus-value apportée aux locaux loués par les travaux de mise en conformité (avec la destination contractuelle) réalisés par l'agence bancaire, avant le renouvellement, la cour devra donc avoir principalement égard aux termes du bail commercial.

En l'espèce, il convient de rappeler le bail commercial litigieux comporte une clause d'accession rédigée en ces termes : 'tous les aménagements, installations, équipements, agencements et embellissements réalisés par le preneur deviendront par accession et sans indemnités, la propriété du bailleur' à 'l'expiration normale ou anticipée du bail ou de tout renouvellement ultérieur'.

Cette clause, telle qu'elle est rédigée, prévoit donc une accession de la bailleresse, à tous travaux réalisés par la preneuse soit :

- soit à l'expiration du bail au cours duquel les travaux ont été réalisés, le bail renouvelé étant un nouveau bail,

- soit en cas de renouvellement du bail expiré, dès le premier renouvellement postérieur à l'expiration du bail.

Les clauses litigieuses précédemment reproduites ne s'opposent donc nullement à l'accession de la bailleresse dès le premier renouvellement du bail commercial,c 'est-à-dire au 1e r juillet 2016, date à laquelle la cour doit apprécier la valeur locative.

Les travaux de mise en conformité (avec la destination contractuelle) appartiennent en effet à la bailleresse depuis la date du premier renouvellement du bail le 1er juillet 2016.

L'expert judiciaire a pu, à juste titre, tenir compte, au 1er juillet 2016, de la plus-value apportée aux locaux par les travaux de mise en conformité (avec la destination contractuelle) réalisés par la preneuse.

Il n'y a pas lieu d'appliquer un quelconque coefficient de réduction à la valeur locative au titre desdits travaux.

La cour infirme le jugement en ce qu'il retient un coefficient de réduction de 5 % au titre des travaux réalisés par la preneuse.

5-sur l'incidence de la clause autorisant la sous-location

L'article 564 du code de procédure civile dispose :A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 ajoute :Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Enfin, aux termes de l'article 566 du même code :Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Le bail commercial liant les parties prévoit expressément : « le Preneur est autorisé à consentir toute domiciliation, toute sous-location à une des filiales du groupe BNP PARIBAS».

La bailleresse appelante sollicite l'application d'un coefficient de majoration de valeur locative de 5 % au regard de l'autorisation contractuelle accordée à la locataire de sous-louer les locaux aux filiales du groupe BNP Paribas.

- sur la recevabilité de la demande

La preneuse intimée estime que la demande de la bailleresse, de majoration de la valeur locative au titre de l'autorisation contractuelle de sous-location, est une demande nouvelle irrecevable, pour n'avoir pas été présentée devant le premier juge.

En défense, la bailleresse appelante estime qu'elle est recevable à solliciter un coefficient de majoration de 5 % de la valeur locative, précisant qu'il s'agit seulement, non d'une demande, mais d'un « moyen nouveau » au soutien de sa demande de fixation de loyer.

En l'espèce, c'est à juste titre que la société France Espaces Publicitaires estime être recevable à présenter une demande d'application d'un coefficient de majoration de 5 %, cette prétention tendant aux mêmes fins que ses prétentions formulées en première instance, à savoir

obtenir la fixation d'un montant de loyer renouvelé supérieur à celui proposé par l'expert judiciaire.

La fin de non-recevoir soulevée à ce titre par la preneuse sera rejetée.

- sur le bien -fondé de la demande de majoration de la valeur locative

Le bail commercial liant les parties prévoit expressément que « le Preneur est autorisé à consentir toute domiciliation, toute sous-location à une des filiales du groupe BNP Paribas».

Effectivement, comme le soutient la preneuse, la clause autorisant la sous-location ne lui confère pas d'avantage, celle-ci étant très restrictive, limitant la sous-location aux seules filiales du groupe BNP Paribas.

La cour ne fera donc pas application d'une quelconque majoration au titre de cette clause de sous-location, contrairement à la demande sur ce point de la bailleresse appelante.

6-sur le transfert de charge au titre des travaux de mise en conformité

Selon l'article R145-8 du code de commerce :Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

L'article R145-35 2°du même code ajoute, dans sa version en vigueur depuis le 6 novembre 2014 :Ne peuvent être imputés au locataire :

1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent .

L'article L145-15 du même code dispose enfin :Sont réputés non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l'article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54.

En l'espèce, le bail commercial litigieux, qui a été renouvelé à effet du 1er juillet 2016, est donc soumis aux dispositions de l'article R 145-35 issu du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014.

Or, concernant la charge des travaux, le bail commercial litigieux comprend les clause particulières suivantes :

- la preneuse devra faire exécuter à ses frais, tous travaux d'entretien, réparation, remise en état, consolidation, réfection et remplacement qui sont ou deviendraient nécessaires sur les lieux et installations faisant l'objet des présentes, et ce, quel qu'en soit la cause, la nature et l'importance, sauf celles visées par l'article 606 du code civil restant à la charge du bailleur,

- le preneur s'engage à faire son affaire personnelle, à s es frais, de tous travaux modificatifs, ou complémentaires, qui devront être effectués pour mettre les locaux loués en conformité avec les normes législatives ou réglementaires en vigueur ou à venir et touchant notamment à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, dés lors que les exigences de ces normes législatives ou réglementaires sont liées à son activité.

La société BNP Paribas demande une minoration de la valeur locative de 5 %, affirmant que la charge des travaux de mise en conformité incombe en principe, au bailleur, dans le cadre de son obligation de délivrance.Elle ajoute que dès lors que le bailleur en a transféré la charge sur le preneur, la valeur locative doit être minorée par application de l'article R. 145-8 du code de commerce.

En l'espèce, la bailleresse s'est déchargée, sur la preneuse, de son obligation de prendre en charge les travaux suivants, sans distinguer selon qu'il s'agit de grosses réparations de l'article 606 du code civil ou non, alors même que l'article R 145-35 précédemment reproduit le lui interdisait : 'tous travaux modificatifs, ou complémentaires, qui devront être effectués pour mettre les locaux loués en conformité avec les normes législatives ou réglementaires en vigueur ou à venir et touchant notamment à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, dés lors que les exigences de ces normes législatives ou réglementaires sont liées à son activité

Il est de principe que les grosses réparations sont à la charge du bailleur et que les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire, constituent un facteur de diminution de la valeur locative

Toutefois, la clause mettant à la charge du preneur travaux de mise en conformité ne peut constituer une clause exorbitante justifiant une diminution de la valeur locative, puisque les dispositions d'ordre public de la loi Pinel du 18 juin 2014 interdisent une telle clause, qui ne saurait avoir aucune conséquence pour la preneuse.

Il convient de rappeler que la cour est tenue de déterminer la valeur locative au 1er juillet 2016 et qu'à cette date, les dispositions d'ordre public de la loi Pinel, interdisant les clauses transférant les grosses réparations au preneur étaient déjà en vigueur.

En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a retenu un abattement de 5 % au titre d'un transfert de charge lié aux travaux de mise en conformité.

7-sur le transfert de charge au titre des assurances de l'immeuble

Le bail commercial stipule la clause suivante, intitulée ' V- charges » en ces termes : Le preneur s'oblige à régler au bailleur ou au gestionnaire qu'il aura désigné sa quote-part des charges communes et des charges privatives sur simple demande à titre provisionnel ou par remboursement sur justificatif toutes charges d'entretien et de fonctionnement, taxes,impôts, impot foncier, assurance ou autres relatifs aux locaux loués, habituellement à la charge du propriétaire, de sorte que le loyer ci-dessus mentionne' soit net. »

Pour la preneuse intimée, une minoration complémentaire de la valeur locative de 5 % s'impose, le bail prévoyant le transfert sur le preneur de la charge des assurances de l'immeuble incombant normalement au bailleur.

Pour la bailleresse appelante, l'argumentation de la preneuse, à ce titre est fondée mais le montant de l'abattement de valeur locative sollicité par la locataire (5 %) est excessif, puisque le montant réel de la prime d'assurance 2016 des locaux loués s'est élevé à la somme de 744,86

euros. La bailleresse estime que conviendra, en conséquence, de limiter le montant de l'abattement de valeur locative à la somme de 745,00 euros.

Il est de principe qu'en présence de clauses transférant au preneur des obligations incombant normalement au bailleur, tels que, par exemple,l'assurance souscrite par le bailleur il y a lieu de pratiquer un abattement pour calculer la valeur locative.

En l'espèce, le bail commercial stipule bien un transfert de charge, sur la preneuse, concernant l'assurance, puisqu'il impute à cette dernière les cotisations d'assurance relatives à l'assurance de l'immeuble.

De plus, il importe peu de savoir que le bailleur aurait finalement lui-même financé l'assurance, sans demander un quelconque remboursement au preneur, dès lors que la seule condition de diminution de la valeur locative est que le bail stipule ce transfert de charge exorbitante.

Compte tenu des explications réciproques des parties sur ce point, la cour retient, sur le principe, un facteur de diminution locative liée au transfert du coût de l'assurance sur la preneuse, tout en estimant son montant à 2 %.

8-sur le transfert de charge au titre de la taxe foncière

Concernant les impôts fonciers, le bail commercial stipule: 'le loyer ainsi que les charges considérées fiscalement comme des suppléments de loyer (assurance, impôt foncier, etc..) Sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Le preneur devra en verser le montant au bailleur (...)'

Pour la preneuse, 1e bailleur ayant transféré sur elle la charge de l'impôt foncier, une déduction au réel de 8.733 euros HT est applicable.

La bailleresse répond, sur ce point, qu'il convient de retenir l'application d'un abattement de valeur locative de 8.733 euros pour les locaux loués et, dans le même temps, de majorer de 10 % le montant du prix au m carré moyen déterminé, pour tenir compte de l'application de cette même clause aux éléments de comparaison retenus.

En l'espèce, le bail commercial met expressément à la charge de la preneuse le paiement de la taxe foncière.

Pourtant, le débiteur de la taxe foncière est légalement le propriétaire bailleur en application de l'article 1400 du code général des impôts.

Or, il est de principe que la clause du bail mettant à la charge de la preneuse le paiement des impôts fonciers constitue une clause exorbitante de droit commun opérant transfert d'obligations et de charges sur la preneuse. De plus, les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative.

Le montant de la taxe foncière sera en conséquence déduit de la valeur locative, le fait que les références citées par l'expert concernent des baux prévoyant également transfert de charge étant sans incidence sur l'application de cette minoration.

Par ailleurs, la valeur locative est déterminée en fonction des éléments visés à l'article L145-33 du code de commerce sans qu'il soit nécessaire d'opérer une quelconque majoration des références retenues par l'expert judiciaire puis par la cour, en ce que les baux concernés prévoiraient aussi un transfert de la taxe foncière sur le preneur.

En conséquence, la cour fait droit à la demande de la preneuse d'appliquer une déduction d'un montant de 8.733 euros HT et rejette la demande de la bailleresse de majorer de 10 % le montant du prix au m 2 moyen.

9-sur le calcul du montant du loyer renouvelé

Le montant du loyer renouvelé doit prendre en considération les éléments suivants :

- une surface pondérée globale des locaux loués de 211,45 mètres carrés

- un prix au mètre carré moyen de 287 euros,

- une valeur locative de 5.400 euros par an pour l'aire de parking,

- un abattement de valeur locative de 2 % au titre du transfert des assurances de l'immeuble,

- une minoration de 8733 euros HT au titre du transfert des taxes foncières.

Par conséquent, la valeur locative se calcule de la façon suivante :

((211,45 m2 x 287 euros par m 2)+ 5400 euros - 8733 euros HT )- (2 % x ((211,45 m2 x 287 euros par m 2)+ 5400 euros -8733 euros HT)), total :57 353,15 euros - 1147,06 euros soit 56 206,09 euros HT/HC par an

Infirmant le jugement, la cour fixe le loyer à la somme annuelle de 56 206,09 euros HT/HC par an à compter du 1er juillet 2016.

10-les restitutions et les intérêts

L'article 1155 ancien du code civil dispose :Néanmoins, les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention.La même règle s'applique aux restitutions de fruits, et aux intérêts payés par un tiers aux créanciers en acquit du débiteur.

Il est de principe que les intérêts dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courent à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance en fixation du prix, lorsque le bailleur est à l'origine de la procédure, et à compter de la notification du premier mémoire en défense lorsque c'est le preneur qui a saisi le juge, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Le jugement est confirmé en ce qu'il :

- dit que la restitution des loyers trop perçus portera intérêt au taux légal à compter du 8 janvier 2019 pour les échéances échues à cette date et à compter de chacune des échéances contractuelles,

- ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil.

11-sur les frais des saisies-attributions

En l'absence de tout moyen et argument de la bailleresse appelante permettant de s'y opposer et compte tenu de la réduction par la cour du loyer renouvelé qui était pratiqué par cette dernière, la cour fait droit à la demande de la preneuse intimée de voir condamner la société France Espaces Publicitaires aux frais de commissaires de justice exposés par la société BNP Paribas dans le cadre des saisies-attributions réalisées.

12-sur les frais du procès

Au regard de la solution apportée au litige (le montant du loyer renouvelé est largement diminué par rapport au montant demandé par la bailleresse dans son offre de renouvellement et par rapport au jugement critiqué ), le jugement est infirmé du chef de l'article 700 et des dépens.

Statuant à nouveau, la cour condamne la société France Espaces Publicitaires à payer à la société BNP Paribas la somme de 7000 euros pour ses frais exposés tant en première instance qu'à hauteur d'appel ainsi qu'aux entiers dépens des parties pour la première instance comme en appel.

En revanche, la cour dit que les frais d'expertise judiciaire seront supportés à hauteur de la moitié par chaque partie, la mesure ayant été ordonnée dans l'intérêt des deux parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement :

- rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société BNP Paribas,

- infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il :

- dit que la restitution des loyers trop perçus portera intérêt au taux légal à compter du 8 janvier 2019 pour les échéances échues à cette date et à compter de chacune des échéances contractuelles,

- ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil,

- fixe le loyer à la somme annuelle de 56 206,09 euros HT/HC par an à compter du 1er juillet 2016,

- condamne la société France Espaces Publicitaires à payer à la société BNP Paribas la somme de 7000 euros pour ses frais exposés tant en première instance qu'à hauteur d'appel,

- condamne la société France Espaces Publicitaires aux entiers dépens des parties pour la première instance comme en appel à l'exception des frais d'expertise judiciaire qui seront supportés à hauteur de la moitié par chacune des parties.

Le Greffier, La Présidente,

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