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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 11 juin 2025, n° 24/03772

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 24/03772

11 juin 2025

N° RG 24/03772 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PUUC

Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 7] en référé du 14 mars 2024

RG : 24-00096

ch n°

S.A.S. OUTSIDER

S.A.S.U. KAYAK INTERNATIONAL

C/

S.C.I. [Adresse 6]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 11 Juin 2025

APPELANTES :

La société OUTSIDER, société par actions simplifiée unipersonnelle au capital social de 1.000 euros, inscrite au RCS de [Localité 8] sous le n° 883 542 854, ayant son siège social, [Adresse 12]), prise en la personne de son Président, Monsieur [C] [U]

La société KAYAK INTERNATIONAL, société par actions simplifiée au capital social de 5.000 euros, inscrite au RCS de [Localité 9] sous le n° 790 164 727, ayant son siège social, [Adresse 2], prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Représentés par Me Pierre MARTIN-DUCRUET de la SELARL PIERRE MARTIN-DUCRUET, avocat au barreau de LYON, toque : 424

INTIMÉE :

La société [Adresse 6], société civile immobilière au capital de 1.000 € dont le siège social est à [Adresse 5], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 813 900 818, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

Ayant pour avocat plaidant Me Jérôme NORMAND du cabinet BRUN, CESSAC & Associés, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 06 Mai 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Mai 2025

Date de mise à disposition : 11 Juin 2025

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Véronique DRAHI, conseiller

- Nathalie LAURENT, conseiller

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Véronique DRAHI, conseiller, en application de l'article 456 du code de procédure civile, le président étant empêché, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 8 janvier 2020 à effet à compter de la livraison des lieux, la SCI Pont de L'âne a consenti à la SAS Kayak International un bail commercial portant sur un local d'une surface d'environ 200 m², dépendant du Parc d'Activités Commerciales «'Steel'» situé sur la [Adresse 13] à Saint-Étienne (42000) en cours de construction, pour y exploiter sous l'enseigne «'Kayak'» une activité de «'vente de chaussures, prêt-à-porter et accessoires s'y rapportant'» moyennant le paiement d'un loyer annuel de 60'000 euros hors-taxes. Ce contrat comportait une clause prévoyant sa résiliation de plein droit en cas d'impayé de loyer non-régularisé dans le mois de la délivrance d'un commandement de payer.

Un procès-verbal de livraison est intervenu le 24 février 2020.

Par acte sous-seing-privé du 15 avril 2023, la SAS Kayak International a cédé son droit au bail à la SAS Outsider et la SCI [Adresse 6] a donné son agrément par acte sous seing privé du 25 octobre 2023. Cet agrément précisait notamment que «'le cédant restera, conformément aux clauses du bail, garant et solidaire avec le cessionnaire de l'entière exécution du bail et du paiement des loyers aux propriétaires' cette garantie sera limitée à trois années à compter de la prise d'effet de la cession'» et que «'le cédant est, à la date de signature des présentes, redevable de la somme de 45'270,86 euros correspondant au loyer et charges des troisièmes et quatrièmes trimestres 2023, ainsi que de la taxe foncière 2022 au titre du bail ... le cessionnaire s'engage à régler au bailleur l'intégralité de la somme de 45'270,86 euros'».

Entre temps, soit le 20 octobre 2023, le bailleur a fait signifier à la SAS Outsider un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme en principal de 45'270,86 euros.

Prétendant que les causes du commandement de payer n'avaient pas été régularisées dans le délai d'un mois, la SCI [Adresse 6] a fait assigner les SAS Outsider Kayak International devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Étienne lequel a, par ordonnance de référé réputée contradictoire du 14 mars 2024, statué ainsi':

Constate la résiliation du bail liant la SCI [Adresse 6] à la SAS Outsider pour défaut de paiement des loyers et ceux à compter du 21 novembre 2023,

Dit que la SAS Outsider devra quitter les lieux dès la signification de la présente ordonnance,

A défaut de départ volontaire, ordonne son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique,

Condamne solidairement la SAS Outsider et la SAS Kayak International à payer à la SCI [Adresse 6] les sommes provisionnelles suivantes :

67'636,97 euros, arrêtée au 4 janvier 2024, termes de janvier 2024 inclus,

une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant actuel du loyer et des charges à compter du 1er février 2024 jusqu'à la libération complète des lieux par la remise des clés,

Déboute la SCI Pont de L'âne du surplus de ses demandes,

Condamne solidairement la SAS Outsider et la SAS Kayak International à payer à la SCI [Adresse 4] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement la SAS Outsider et la SAS Kayak International aux entiers dépens.

Le juge a retenu en substance que le preneur n'ayant pas réglé, dans le délai d'un mois imparti, l'intégralité de la somme réclamée dans le commandement de payer, les conditions d'acquisition de la clause résolutoire de plein droit sont réunies depuis le 21 novembre 2023 et qu'en l'état des clauses de l'avenant d'agrément, la dette locative était solidairement due par le cédant et le cessionnaire.

Par déclaration en date du 2 mai 2024, les SAS Outsider et Kayak International ont relevé appel de cette décision en tous ses chefs et, par avis de fixation du 16 mai 2024 pris en vertu de l'article 905 et suivants du code de procédure civile, l'affaire a été fixée à bref délai.

***

Aux termes de leurs écritures remises au greffe par voie électronique le 11 juin 2024 (conclusions d'appel), les SAS Outsider et Kayak International demandent à la cour':

Déclarer l'appel recevable,

A titre principal :

Infirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance en référé rendue le 14 mars 2024 par le Tribunal judiciaire de Saint-Étienne,

Déclarer recevable l'exception d'incompétence territoriale soulevée par les sociétés Kayak International et Outsider,

Déclarer le Tribunal judiciaire de Saint-Étienne incompétent,

Renvoyer l'affaire devant le Tribunal judiciaire de Paris statuant en référé,

A titre subsidiaire,

Dire et juger que la signification de l'assignation en référé délivrée en date des 18 et 19 janvier 2024 est nulle pour vice de forme, celle-ci ayant été source d'un préjudice incontestable, faute pour les sociétés Kayak International et Outsider d'avoir pu assurer chacune leur défense,

Dire et juger que les demandes formulées dans l'assignation en référé par la SCI [Adresse 6] sont irrecevables, faute du respect du contradictoire,

Infirmer en conséquence l'ordonnance en référé rendue le 14 mars 2024 par le Tribunal judiciaire de Saint-Étienne statuant en référé, en toutes ses dispositions,

Enfin à titre infiniment subsidiaire, si la Cour d'Appel considère que l'assignation en référé délivrée n'est pas entachée d'irrégularités, il est demandé à la Cour d'Appel de Lyon de :

Suspendre les effets de la clause résolutoire et autoriser la société Outsider à payer le reliquat de la dette en 24 mensualités, à compter de la décision à venir, outre les loyers et charges courantes,

Ordonner le maintien de la société Outsider dans les lieux,

Confirmer le débouté de la SCI de l'Âne du surplus de des demandes,

Infirmer la condamnation des sociétés Kayak International et Outsider à payer à la SCI [Adresse 6] la somme de 1'000 euros,

Infirmer la condamnation des sociétés Kayak International et Outsider aux entiers dépens,

Dans tous les cas, il est demandé à la Cour d'Appel de Lyon de :

Condamner la SCI [Adresse 6] à payer à chacune des sociétés Kayak International et Outsider la somme de 2'000 euros,

Condamner la SCI [Adresse 6] aux entiers dépens de l'appel.

***

Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 18 avril 2025 (conclusions d'intimée n°2), la SCI Pont de L'âne demande à la cour':

Débouter la société Kayak International et la société Outsider de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Confirmer l'ordonnance entreprise en tous ses termes, sauf à réactualiser la créance locative,

Et, sur ce point, statuant de nouveau :

Condamner solidairement les sociétés Outsider et Kayak International à régler par provision à la société [Adresse 6] la somme de 172'164,75 euros TTC au titre de ses appels de loyers, charges et accessoires dus en vertu de son bail et arrêtée au 14 avril 2025,

A titre infiniment subsidiaire, et pour le cas où la Cour devait faire droit à la demande de délais de paiement :

Limiter lesdits délais de paiement à six échéances mensuelles d'égal montant,

Dire qu'à défaut de paiement d'une seule desdites échéances et/ou d'un seul des appels de loyers, charges et accessoires courants, à son échéance, la totalité de la dette locative redeviendrait immédiatement exigible et que la clause résolutoire reprendrait ses effets automatiquement,

En tout état de cause,

Condamner la société Outsider et la société Kayak International dépens d'appel, afférents à la présente instance, en ce compris les frais de signification de l'arrêt à intervenir,

Condamner la société Outsider et la société Kayak International à régler, chacune, à la société [Adresse 6] la somme de 5'000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile.

***

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.

MOTIFS,

A titre liminaire, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à voir la cour «'dire et juger'» ou «'ordonner'» lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.

Sur l'exception d'incompétence':

Les SAS Outsider et Kayak International soulèvent l'incompétence du Tribunal Judiciaire de Saint-Étienne en application de la clause attributive de compétence figurant à l'article 28.4 du bail commercial du 8 janvier 2020 et désignant le tribunal de grande instance de Paris. Elles soulignent que l'avenant d'agrément précise qu'en dehors de la substitution de preneur, il n'est apporté aucune modification aux conditions du bail de sorte que la clause attributive de compétence doit s'appliquer.

La SCI [Adresse 6] demande à la cour de rejeter cette exception d'incompétence en faisant valoir qu'en vertu de l'article 48 du code de procédure civile, la clause attributive de compétence est réputée non-écrite à défaut d'avoir été convenue entre commerçant. Or, elle souligne qu'elle n'a pas cette qualité de sorte qu'elle était bien fondée à saisir le président du Tribunal Judiciaire de Saint-Étienne.

Elle ajoute que le Tribunal Judiciaire de Paris a, dans une décision récente, considéré qu'une clause attributive de compétence doit être regardée comme réputée non-écrite lorsque le litige concerne le constat de la résiliation de plein droit du bail en raison du caractère d'ordre public de l'article R.145-23 du code de commerce qui doit prévaloir sur les dispositions plus libérales de l'article 48 du code de procédure civile.

Sur ce,

Selon l'article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.

En l'espèce, il est constant que la SCI Pont de l'Âne n'a pas la qualité de commerçant s'agissant d'une société civile de sorte que cette société est fondée à se prévaloir, en application du texte précité, du caractère non-écrit de l'article 28.4 du bail commercial du 8 janvier 2020 attribuant compétence au tribunal de grande instance de Paris.

L'exception d'incompétence soulevée par les sociétés appelantes est en conséquence rejetée et il y a lieu de déclarer le juge des référés de [Localité 8] compétent.

Sur l'exception de nullité de la signification des assignations':

Les SAS Outsider et Kayak International opposent ensuite la nullité des assignations qui leur ont été délivrées.

Concernant la société Kayak, elles relèvent d'abord que Mme [N] [L], assistante chez Scrive, qui a accepté de recevoir copie de l'acte, est sans lien avec elles et n'est en conséquence pas une personne habilitée. Elles en concluent que l'acte ne vaut pas signification à personne. Elles font ensuite valoir que son fonds de commerce est exploité à [Localité 10], ce qui apparaît sur son Kbis, lieu où le commissaire de justice aurait dû l'assigner.

Concernant la société Outsider, elles affirment qu'alors que la signification a été faite un samedi, journée particulièrement chargée nécessitant la présence du responsable du magasin, et que la boutique Outsider est très facilement visible, ses heures d'ouverture étant connues, le commissaire de justice n'a manifestement pas fait de diligences pour remettre l'assignation à personne puisqu'il ne lui a pas signifié l'acte à personne.

La SCI [Adresse 6] conteste la nullité de l'assignation délivrée à la société Kayak International puisque effectuée, non pas à personne habilitée, mais à domicile de sorte que c'est l'article 655 du code de procédure civile qui trouve à s'appliquer. Elle estime qu'en délivrant l'acte au siège social de la société Kayak International, la signification est régulière, sans que l'huissier n'ait à rechercher une autre adresse, même un établissement principal.

Elle conteste la nullité de l'assignation délivrée à la société Outsider dès lors que le commissaire de justice a indiqué n'avoir rencontré personne ayant accepté de recevoir l'acte conformément à l'article 656 du code de procédure civile.

Sur ce,

Selon l'article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne. La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier, ou à toute autre personne habilitée à cet effet.

L'article 655 énonce': «'Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.

Le commissaire de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.

La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.»

Le commissaire de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.'».

L'article 690 énonce': «'La notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial, est faite au lieu de son établissement.'» et il est jugé que le lieu de l'établissement de la personne morale s'entend, au sens de ce texte, de son siège social.

En l'espèce, le procès-verbal de signification de l'assignation à la SAS Kayak International mentionne «'remise à domicile'» et c'est, non pas en qualité de personne habilitée à recevoir l'acte, mais uniquement en qualité de personne présente au domicile, que «'Mme [N] [L], assistante chez Scribes, centre d'affaire'» a déclaré accepter de recevoir l'acte. Il n'existe ainsi aucune ambiguïté sur le fait que l'assignation n'a pas été délivrée à personne. D'ailleurs, le commissaire de justice a accompli l'ensemble des diligences requises en cas de remise à domicile puisqu'il a caractérisé l'impossibilité d'une signification à personne en mentionnant l'absence du destinataire de l'acte, entendue comme l'absence de représentant légal, de fondé de pouvoir de ce dernier, ou de toute autre personne habilitée à cet effet, et il a ensuite laissé copie sous enveloppe fermée de l'acte, un avis de passage et il a adressé la lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile.

Ce même acte a été signifié au siège social de la société Kayak International situé [Adresse 3] à [Localité 11] qui est celui qui est mentionné au Kbis et dont la réalité n'est pas discutée. Dans ces conditions, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à prétendre que le commissaire de justice aurait dû signifier l'acte à l'adresse de l'établissement de la société Kayak International situé [Adresse 1]), la signification à son siège social étant conforme à l'article 690 précité, tel qu'interprété par la jurisprudence.

La cour rejette en conséquence l'exception de nullité de l'acte de signification de l'assignation délivrée le 18 janvier 2024 à la société Kayak International.

Le procès-verbal de signification de l'assignation à la société Outsider mentionne':

«'Au siège du destinataire dont la certitude est caractérisée par les éléments suivants':

Le nom du destinataire sur la boîte aux lettres,

vérification effectuée sur le site infogreffe,

La signification à la personne même du destinataire de l'acte s'avérant impossible pour les raisons':

personne ne répondant à nos appels,

N'ayant trouvé au siège du signifié aucune personne susceptible de recevoir la copie de l'acte ou de me renseigner, cet acte a été déposé en notre étude sous enveloppe fermée ...'».

Contrairement à ce que prétendent les sociétés appelantes, le jour de la signification du 19 janvier 2024 n'était pas un samedi mais un vendredi. Par ailleurs, l'impression écran du site internet du centre Commercial «'Steel'» mentionnant les horaires d'ouverture du magasin Outsider est insuffisante à démentir les assertions du commissaire de justice selon lesquelles personne n'a répondu à ses appels le jour de la signification de l'assignation. En effet, les sociétés appelantes ne versent aux débats aucune preuve de l'ouverture du magasin ce jour-là, ni attestation de l'ensemble des personnes qui auraient été présentes dans le magasin qui auraient pu accepter l'acte, soit comme personne habilitée, soit comme personne présente au domicile. Les sociétés appelantes échouent en conséquence à établir le défaut de diligences qu'elles imputent au commissaire de justice qui, constatant l'impossibilité de délivrer l'assignation à personne et à domicile, a valablement délivré l'acte à l'étude.

La cour rejette en conséquence l'exception de nullité de l'acte de signification de l'assignation délivrée le 19 janvier 2024 à la société Outsider.

Sur la demande en paiement d'une provision':

La SCI [Adresse 6] demande la confirmation de l'ordonnance attaquée en toute ses dispositions, sauf à actualiser la dette au regard d'un décompte arrêté au 14 avril 2025.

Les SAS Outsider et Kayak International ne répondent pas sur ce point.

Sur ce,

Aux termes du second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

En l'espèce, le décompte versé aux débats retrace l'historique des quittancements et paiements et la dette s'élevait à la somme non-contestée de 67'636,94 euros à la date du 4 janvier 2024 comme retenu par le premier juge. Par ailleurs, l'avenant d'agrément comportant une clause selon laquelle le cédant, la société Kayak International, restait garant et solidaire avec le cessionnaire, la société Outsider, de l'entière exécution du bail et du paiement des loyers dans la limite de trois années à compter de la prise d'effet de la cession intervenue le 15 avril 2023. Il s'ensuit qu'il n'est pas sérieusement contestable que les sociétés appelantes étaient alors tenue d'un arriéré locatif de 67'636,94 euros à la date du 4 janvier 2024. Enfin, la SCI [Adresse 6] produit un décompte retraçant de manière actualisée les quittancements et paiements dont il résulte que le montant de la dette locative est désormais de 172'164,75 euros arrêtée au 14 avril 2025, échéance trimestrielle d'avril 2025 incluse. La dette n'étant pas sérieusement contestable à hauteur de ce montant, la demande d'actualisation de la condamnation présentée par la société bailleresse est accueillie.

Dès lors, l'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a condamné solidairement les sociétés Kayak International et Outsider au paiement de l'arriéré locatif est confirmée dans son principe et, actualisant la créance de la SCI [Adresse 6], la cour porte le montant de cette condamnation à la somme provisionnelle de 172'164,75 euros.

Cette condamnation sera toutefois prononcée en deniers ou quittances valables dans la mesure où la société Outsider justifie de virements qui n'apparaissent pas dans le décompte de la société bailleresse.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail':

La SCI [Adresse 6] demande la confirmation de l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a constaté la résiliation de plein droit du bail.

Les SAS Outsider et Kayak International ne répondent pas sur ce point, sauf à demander la suspension des effets de la clause résolutoire comme il sera vu ci-après.

Sur ce,

Sur la recevabilité':

Aux termes de l'article L.143-2 du code de commerce, le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile déclaré par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu'après un mois écoulé depuis la notification.

En l'espèce, la SCI [Adresse 6] justifie que l'état d'endettement de la société Outsider ne comportait, au jour de la délivrance du commandement de payer, aucun créancier inscrit auquel dénoncer ce commandement.

Sa demande en constat de la résiliation du bail est donc recevable.

Sur le bien fondé':

Le premier alinéa de l'article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire peut, dans les limites de sa compétence, prescrire en référé, même en présence d'une contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Aux termes de l'article L.145-41 alinéa 1 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire, sans qu'il soit besoin de caractériser une quelconque urgence ou un trouble manifestement illicite, s'agissant du simple constat de l'application d'une clause claire et précise qui, sauf preuve du contraire, ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

En effet, si le prononcé de la résiliation d'un contrat suppose une appréciation relevant des juges du fond, le constat de l'acquisition d'une clause résolutoire entre dans les pouvoirs du juge des référés qui s'assure uniquement de l'existence de ladite clause et de la régularité de sa mise en 'uvre.

En l'espèce, le contrat de bail du 8 janvier 2020 liant la SCI [Adresse 6] et la société Kayak International, aux droits de laquelle vient la société Outsider en qualité de preneur, contient une clause résolutoire et un commandement de payer visant cette clause a été signifié le 20 octobre 2023 pour la somme en principal de 45'562,53 euros.

En l'état du décompte produit par la société bailleresse, le preneur n'est pas parvenu à solder sa dette locative dans le délai d'un mois imparti, ayant uniquement effectué 3 paiements de 1'000 euros, 1'500 euros et 3'500 euros, soit un paiement global de 6'000 euros. Ainsi, il est acquis aux débats que les conditions de la résiliation de plein droit du bail sont réunies depuis le 21 novembre 2023.

L'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a constaté la résiliation de plein droit du bail à cette date, est confirmée.

Sur l'octroi de délais de grâce suspensifs des effets de la clause résolutoire :

Les SAS Outsider et Kayak International demandent à titre plus subsidiaire des délais de paiement suspensifs de la résiliation du bail dans la mesure où la société Outsider souhaite poursuivre son activité commerciale, ce que son expulsion mettrait définitivement en péril. Elles justifient de règlements effectués et de virements mis en place.

La SCI [Adresse 6] s'oppose à la demande de délai de paiement puisque les appelantes, qui produisent la preuve de quelques virements, ne justifient pas de difficultés financières, de perspectives d'amélioration et de leur capacité à respecter des délais de paiement en plus des loyers courants. Au contraire, elle relève que les paiements sont irréguliers et que la dette locative continue d'augmenter.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de limiter les délais de paiement à 6 échéances et de les assortir d'une clause de déchéance.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.145-41 alinéa 2 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation des effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant l'autorité de chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, la société Outsider justifie uniquement, au soutien de sa demande de délai de paiement, avoir réalisé divers virements entre avril 2024 et juillet 2024. Ces seuls éléments sont insuffisants à établir qu'elle serait en mesure de respecter, à plus long terme, l'échéancier qu'elle sollicite.

En effet, la société Outsider ne verse aux débats aucun élément permettant d'établir la stabilité de sa situation financière, ni même, si cette situation était obérée, d'éléments en faveur de perspectives de redressement de cette situation. Au contraire, il apparaît que même en tenant compte des virements dont elle justifie et qui ne sont pas pris en compte par la société bailleresse, la dette locative a augmenté depuis la décision attaquée. Dans ces conditions, sa demande de délais de paiement, suspensifs des effets de la clause résolutoire, doit être rejetée pour être insuffisamment étayée.

Dès lors, la décision attaquée, en ce qu'elle a ordonné l'expulsion de la société Outsider à défaut de libération volontaire des lieux, et en ce qu'elle l'a condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation, est confirmée.

Sur les demandes accessoires':

La cour confirme la décision attaquée qui a condamné solidairement les sociétés Kayak International et Outsider, parties perdantes, aux dépens de première instance et à payer à la SCI [Adresse 6] la somme de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, montant justifié en équité.

Les sociétés Kayak International et Outsider, parties perdantes, sont condamnées in solidum aux dépens à hauteur d'appel.

La cour condamne en outre in solidum les sociétés Kayak International et Outsider, dont la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée, à payer à la SCI [Adresse 6] la somme de 1'500 euros à valoir sur l'indemnisation de ses frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette l'exception d'incompétence soulevée par la SAS Kayak International et la SAS Outsider et déclare le juge des référés du Tribunal Judiciaire Saint-Étienne compétent,

Rejette l'exception de nullité de l'acte de signification de l'assignation délivrée le 18 janvier 2024 à la SAS Kayak International,

Rejette l'exception de nullité de l'acte de signification de l'assignation délivrée le 19 janvier 2024 à la SAS Outsider,

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 14 mars 2024 par le Président du Tribunal Judiciaire de Saint-Étienne en toutes ses dispositions, sauf à porter le quantum de la condamnation solidaire de la SAS Kayak International et la SAS Outsider à la somme provisionnelle de 172'164,75 euros arrêtée au 14 avril 2025, échéance trimestrielle d'avril 2025 incluse, cette condamnation étant prononcée en deniers ou quittances valables.

Y ajoutant,

Rejette la demande de délais de paiement suspensifs des effets de la clause résolutoire présentée par la SAS Outsider,

Condamne in solidum la SAS Kayak International et la SAS Outsider aux dépens de l'instance d'appel,

Rejette la demande présentée par la SAS Kayak International et la SAS Outsider au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SAS Kayak International et la SAS Outsider à payer à la SCI [Adresse 6] la somme de 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,

Véronique DRAHI, CONSEILLER

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