CA Lyon, 3e ch. a, 5 juin 2025, n° 24/06090
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 24/06090 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P2CC
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT ETIENNE
Au fond
du 27 juin 2024
RG : 23/00029
ch n°
[E]
C/
[P]
LA PROCUREURE GENERALE
SELARL [J] & [13]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 05 Juin 2025
APPELANT :
Monsieur [E] [Y],'
né'le'[Date naissance 7]'1967'à'[Localité 22]'(42),'
de nationalité'française
domicilié'chez'[Adresse 20]'
[Localité 1]
Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, avocat postulant et Me Cécile ABRIAL, avocate au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat plaidant.
INTIMES :
Madame [C] [P],
née le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 25] (TUNISIE),
de nationalité française
demeurant [Adresse 9]
[Localité 2]
Représenté par Me Florent DELPOUX, avocat au barreau de LYON, toque : 1900
Et
La société [J] ET [13],
MANDATAIRES JUDICIAIRES
SELARL immatriculée au RCS de [Localité 22] sous le numéro [N° SIREN/SIRET 11], dont le siège social est sis [Adresse 5] à [Localité 23], représentée par Maître [R] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SCI [16], SCI immatriculée au RCS de [Localité 22] sous le numéro [N° SIREN/SIRET 8], dont le siège social est sis [Adresse 4] à [Localité 22], nommée à cette fonction par Jugement du Tribunal judiciaire de Saint-Etienne du 17 mars 2022
Représentée par Me Brice LACOSTE de la SELARL LACOSTE CHEBROUX BUREAU D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1207
Et
Mme LA PROCUREURE GENERALE
[Adresse 3]
[Localité 10]
Prise en la personne de Monsieur Olvier NAGABBO, avocat général près la Cour d'Appel de LYON.
******
Date de clôture de l'instruction : 18 Mars 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Avril 2025
Date de mise à disposition : 05 Juin 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Sophie DUMURGIER, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société civile immobilière [16], constituée le 24 mars 2005, a un capital social composé de 450 parts réparties comme suit :
- M. [Y] [E] : 180 parts (40%),
- Mme [C] [P] épouse [E] : 180 parts (40%),
- Mme [S] [E] : 45 parts (10%),
- M. [H] [E] : 45 parts (10%).
Les époux [E] ont été désignés co-gérants de la SCI, dont le siège social a été fixé à leur domicile, situé [Adresse 4] à [Localité 22].
A la suite de leur séparation intervenue le 5 septembre 2011, le divorce des époux [E]-[P] a été prononcé le 2 juillet 2018.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 février 2017, Mme [P] a démissionné de ses fonctions de gérante de la SCI, mais cette modification n'a pas fait l'objet d'une publication au RCS.
Sur saisine de la [15], le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a ouvert une procédure de redressement judicaire à l'égard de la SCI [16], par jugement rendu le 2 décembre 2021, en désignant en qualité de mandataire judiciaire la SELARL [J] & [13], prise en la personne de Me [R] [J], et a fixé la date de cessation des paiements au jour du jugement d'ouverture.
Par jugement du 17 mars 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire et a nommé la SELARL [J] et [13] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte de commissaire de justice du 4 avril 2023, la SELARL [J] et [13], ès qualités, a fait assigner Mme [C] [P] et M. [Y] [E], en qualité de cogérants de la société [16], devant le tribunal judiciaire de Saint-Étienne aux fins de les voir condamner à supporter l'insuffisance d'actif de la société [16] et à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans.
Par jugement contradictoire du 27 juin 2024, le tribunal judiciaire de Saint-Étienne a :
- condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13]- Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
- débouté M. [Y] [E] de sa demande tendant à être relevé et garanti de toute condamnation par Mme [C] [P],
- prononcé la faillite personnelle de Mme [C] [P] pour une durée de dix ans,
- prononcé la faillite personnelle de M. [Y] [E] pour une durée de dix ans,
- rappelé que l'article L. 653-2 du code de commerce dispose que la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale,
- rappelé qu'en application de l'article L. 654-15 du code de commerce, toute personne violant l'interdiction ci-dessus encourt une peine d'emprisonnement de deux ans et une amende de 375 000 euros,
- rappelé que la présente décision sera transmise au casier judiciaire conformément aux dispositions des articles R. 653-3 du code de commerce, 768 et R. 69 9° du code de procédure pénale et au fichier national des interdits de gérer conformément aux dispositions de l'article R. 128-2 du code de commerce,
- rappelé que la présente décision fera l'objet des mesures de publicité et de communication prévues par les articles R. 653-3, R. 621-7 et R. 621-8 du code de commerce,
- condamné Mme [C] [P] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société [16], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] aux dépens,
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
'
Par déclaration reçue au greffe le 23 juillet 2024, M. [Y] [E] a interjeté appel de ce jugement, limité aux chefs de la décision l'ayant condamné in solidum avec Mme [C] [P] à payer à la société [J] & [13], ès qualités, la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce, l'ayant débouté de sa demande tendant à être relevé et garanti de toute condamnation par Mme [C] [P], ayant prononcé sa faillite personnelle pour une durée de dix ans, en rappelant que l'article L. 653-2 du code de commerce dispose que la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale et que la décision fera l'objet des mesures de publicité et de communication prévues par les articles R. 653-3, R. 621-7 et R. 621-8 du code de commerce, l'ayant condamné à payer à la société [J] & [13], ès qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, in solidum avec Mme [C] [P], et ayant rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
L'affaire a été enrôlée sur le numéro RG 24/06090.
Par déclaration reçue au greffe le 24 juillet 2024, Mme [C] [P] a interjeté appel de ce jugement limité aux chefs de la décision l'ayant condamnée in solidum avec M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13], ès qualités, la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce, ayant prononcé sa faillite personnelle pour une durée de dix ans, l'ayant condamnée à payer à la société [J] & [13], ès qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens in solidum avec M. [Y] [E].
L'affaire a été enrôlée sur le numéro RG 24/06145.
Par ordonnance du 10 septembre 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures n° RG 24/06145 et n° RG 24/06090 sous le numéro 24/06090.
Au terme de conclusions n°2 notifiées par voie dématérialisée le 14 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, Mme [C] [P] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 27 juin 2024, en ce qu'il a :
' condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
' prononcé la faillite personnelle de Mme [C] [P] pour une durée de dix ans,
' condamné Mme [C] [P] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] aux dépens,
' ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
Statuant à nouveau :
- juger qu'elle ne saurait être tenue pour responsable des fautes de gestion qui lui sont indument imputées,
En conséquence,
- débouter la SELARL [J] & [13], ès qualités, de toutes ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 27 juin 2024, en ce qu'il a :
' condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
' prononcé la faillite personnelle de Mme [C] [P] pour une durée de dix ans,
Statuant à nouveau,
- juger, le cas échéant, que la sanction d'interdiction de gérer sera limitée à une période strictement nécessaire à la protection de l'ordre public économique,
- juger qu'elle ne saurait être tenue au paiement d'une somme supérieure à 24 500 euros,
En toute hypothèse,
- confirmer le jugement rendu le 27 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande tendant à être relevé et garanti de toute condamnation par la concluante,
- condamner in solidum la SELARL [J] & [13], ès qualités, et M. [E] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SELARL [J] & [13], en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [16], aux entiers dépens.
Au terme de conclusions récapitulatives notifiées par voie dématérialisée le 21 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, M. [Y] [E] demande à la cour, au visa de l'article L. 651-2 du code de commerce, de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 27 juin 2024, en ce qu'il a :
' condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
' débouté M. [Y] [E] de sa demande tendant à être relevé et garanti de toute condamnation par Mme [C] [P],
' prononcé la faillite personnelle de M. [Y] [E] pour une durée de dix ans,
' rappelé que l'article L. 653-2 du code de commerce dispose que la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale,
' rappelé que la présente décision fera l'objet des mesures de publicité et de communication prévues par les articles R. 653-3, R. 621-7 et R. 621-8 du code de commerce,
' condamné M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] aux dépens,
' rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,
' ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
En conséquence, statuant à nouveau :
- débouter la SELARL [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, agissant par Me [R] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [16], de l'intégralité de ses demandes et prétentions à son égard, faute de démontrer l'existence de fautes de gestion qui lui sont imputables,
A titre subsidiaire,
- condamner Mme [P] à le relever et garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre au bénéfice de la SELARL [J] & [13]'Mandataires Judiciaires, agissant par Me [R] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [16] et ce tant en principal, intérêts, que frais et dépens et accessoires,
En toute hypothèse,
- condamner la SELARL [J] & [13]'Mandataires Judiciaires, agissant par Me [R] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [16], ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SELARL [J] & [13]- Mandataires Judiciaires, agissant par Me [R] [J] en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [16], ou qui mieux le devra, aux entiers dépens de l'instance.
Le ministère public, par avis du 19 novembre 2024 communiqué contradictoirement aux parties le 20 novembre 2024, a requis la confirmation du jugement contre M. [Y] [E] seulement, à raison de la poursuite d'exploitation déficitaire et des détournements d'actifs répétés.
Bien qu'ayant constitué avocat, la SELARL [J] & [13], représentée par Me [R] [J], ès qualités, n'a pas conclu.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 18 mars 2025, les débats étant fixés au 3 avril 2025.
'
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, la SELARL [J] & [13], ès qualités, est réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris.
Sur l'insuffisance d'actif
L'article L 651-2 alinéa premier du code de commerce énonce que « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les gérants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de gérants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du gérant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. ».
Pour retenir l'existence d'une insuffisance d'actif, le tribunal a relevé que tous les immeubles de la SCI ont été vendus antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et que les opérations de liquidation judiciaire n'ont permis de recouvrer aucune somme, alors que ces opérations ont fait ressortir un passif admis de 95 322,90 euros correspondant à des créances bancaires.
Il a estimé que l'existence de cette insuffisance d'actif était certaine au 18 février 2017, date à laquelle Mme [P] prétend avoir démissionné, puisqu'aucun actif immobilier ne subsistait alors dans le patrimoine de la société et que le solde créditeur de ses comptes bancaires s'élevait à environ 870 euros, alors que ses dettes au titre de deux prêts bancaires s'élevaient à plusieurs dizaines de milliers d'euros.
Les appelants ne forment aucune contestation sur l'existence et le quantum de l'insuffisance d'actif retenus par les premiers juges.
Sur les fautes de gestion des dirigeants
Dans sa version issue de la loi du 9 décembre 2016, l'article L.651-2 du code de commerce écarte la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif en cas de simple négligence dans la gestion de la société.
Pour condamner in solidum les co-gérants de la SCI [16] à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif, le tribunal a retenu que M. [E] a détourné les actifs de la société en procédant à de nombreux virements non justifiés de sommes créditées sur le compte de la SCI à la suite de ventes immobilières, ce qui est constitutif de fautes de gestion qui ne relèvent pas de la simple négligence.
Il a également estimé que Mme [P] avait elle aussi commis une faute de gestion à ce titre, des virements ayant été réalisés à son bénéfice direct ou indirect entre le mois de février 2014 et le mois de mars 2016, alors qu'elle était encore cogérante de la société, en relevant que l'intéressée justifiait sa démission par la découverte de malversations et, qu'ayant eu connaissance du caractère illicite des versement réalisés, il lui appartenait en qualité de cogérante, de s'y opposer, la circonstance que les virements réalisés à son bénéfice aient été bien moins importants, tant en nombre qu'en volume, ne pouvant exclure sa faute qui se déduit également des virements nombreux et importants réalisés au profit de M. [E].
Les premiers juges ont considéré que Mme [P] ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en soutenant qu'elle n'a pas exercé la gestion effective de la société, une telle abstention, qui s'analyse en un manquement aux obligations nées de la fonction de gérant, étant elle-même constitutive d'une faute, son désengagement de la gestion de la société, sur une période de plus de deux ans, ne s'analysant pas comme une simple négligence.
Le tribunal a enfin retenu que les cogérants, en ne prenant aucune mesure de nature à faire cesser une exploitation déficitaire de la société, ont poursuivi une exploitation déficitaire, ce qui est constitutif d'une faute de gestion dont la gravité excède la simple négligence.
Au soutien de son appel, Mme [P] soutient, d'une part, que la simple négligence du dirigeant ne peut pas engager sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif, en faisant valoir qu'elle n'était plus dirigeant de la SCI [16] depuis le 17 février 2017, et, d'autre part, qu'elle n'a commis aucune faute de gestion contribuant à l'insuffisance d'actif avant sa démission, en rappelant qu'il incombe au liquidateur de rapporter la preuve de fautes de gestion et d'un lien de causalité entre ces fautes et l'insuffisance d'actif.
Elle fait valoir en premier lieu qu'un dirigeant ne peut pas être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif d'un débiteur dès lors qu'il a démissionné de ses fonctions, peu important l'absence de mesures de publicité, et que sa démission de ses fonctions de co gérante est bien opposable au liquidateur judiciaire.
Elle prétend n'avoir découvert les agissements de M. [E] qu'une fois ceux-ci commis, ce qui a motivé sa démission, dont le mandataire judiciaire a été dument informé dès l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, considérant qu'il appartenait à M. [E] de procéder à la publication de sa démission au RCS et que l'absence de publicité n'étant pas de son fait, elle ne peut être tenue responsable de son incurie.
En second lieu, elle considère que les fautes de gestion alléguées, qui sont postérieures à sa démission, ne peuvent pas lui être imputées alors qu'elle n'a commis aucun détournement d'actif, les ventes d'actifs intervenues entre 2014 et 2016 ayant été conclues par M. [E] seul, sans qu'elle en soit informée, pas plus qu'elle n'a eu connaissance des virements opérés par ce dernier une fois les prix de vente encaissés.
Elle affirme que le liquidateur ne peut pas lui reprocher les virements intervenus sans démontrer qu'elle en est à l'origine, un nombre important de ceux-ci correspondant à des ordres de virement téléphoniques donnés par M. [E], ce qui prouve qu'elle n'est pas l'auteur des opérations litigieuses.
Elle ajoute que les virements invoqués en première instance dont elle aurait bénéficié à hauteur de 24 500 euros ne sont pas constitutifs de fautes de gestion dès lors que les sommes ont été perçues au titre du remboursement de son compte courant d'associée, intervenu de nombreuses années avant l'ouverture de la procédure collective.
Elle souligne que, lors de chaque vente immobilière, la [14] a reçu une quote part substantielle du prix de vente, suffisante pour qu'elle accepte des mainlevées partielles d'hypothèques.
Elle rappelle enfin que la condamnation d'un dirigeant de droit ou de fait au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif est toujours facultative selon l'article L.651-2 du code de commerce et estime que les actions judiciaires en comblement de passif et en faillite personnelle ne doivent concerner que les dirigeants gravement fautifs.
Elle relève que le liquidateur ne s'est pas enquis de sa situation patrimoniale et financière en violation des principes prétoriens de modération et de proportionnalité, préalable indispensable pour déterminer l'opportunité d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif.
M. [E] conteste les fautes de gestion qui ont été retenues par le tribunal en faisant valoir que s'il a conservé la qualité de gérant de droit de la SCI [16], il n'a en pratique pas exercé ces fonctions, remplies par Mme [P] seule, dans un contexte personnel et familial très conflictuel, tout comme elle le faisait dans les autres sociétés dont ils étaient [13].
Il indique verser aux débats une attestation de l'expert comptable habituel de leurs sociétés qui confirme que Mme [P] assurait la gestion quotidienne financière de la société [16] et qu'elle était l'interlocutrice du cabinet comptable durant la période de mars 2014 jusqu'à la fin de l'année 2016, ayant eu pour seul contact cette dernière, ce qu'a confirmé Me [X] l'avocat de la société.
Il ajoute que les écritures comptables qui lui sont imputées ne sont pas justifiées, alors qu'il avait été écarté de toute implication dans la gérance et dans la gestion quotidienne, Mme [P] l'ayant révoqué des différents mandats de gérance dont il était titulaire au sein de leurs sociétés communes.
Il souligne que Mme [P] a déjà fait l'objet d'une mesure d'interdiction de gérer et d'administrer prononcée par le tribunal de commerce de Saint-Etienne le 20 septembre 2022, et confirmée par la cour de céans le 5 septembre 2024, et d'une condamnation pour fraude fiscale par le tribunal correctionnel de Saint-Etienne, pour des sociétés qui lui étaient propres, confirmée par la présente cour par arrêt du 18 janvier 2023, et il en déduit qu'il s'agit de comportements réitérés et habituels de Mme [P].
Il fait valoir que les virements dont il est fait état, s'ils sont effectifs, ne permettent pas de déterminer avec certitude leurs bénéficiaires, ni l'identité de celui qui les a émis, notamment en ce qui concerne le virement de 52 000 euros en date du 17 février 2014 dont il aurait bénéficié, soulignant qu'il appartient au liquidateur de fournir l'identité du donneur d'ordre de chacun des virements et le compte bénéficiaire de ces virements, à défaut de quoi la preuve d'une faute de gestion qui lui serait imputable n'est pas rapportée.
Il estime qu'il ne saurait se voir reprocher des fautes relevant de la simple négligence, ayant perdu la main sur la quasi totalité des sociétés, en précisant que, contrairement à ce qu'affirme Mme [P], la cession des actifs de la société a été autorisée par l'assemblée générale de l'ensemble des [13], incluant cette dernière, laquelle reste muette sur le fait que le siège social de la SCI était à son domicile et qu'elle a été seule destinataire des actes et des correspondances.
Les statuts de la SCI [16] établissent que, jusqu'au 15 février 2017, date de la démission de ses fonctions de gérante, Mme [P] et M. [E] étaient gérants de droit de la société et ils doivent, en cette qualité, répondre des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif.
Il est à cet égard souligné que la démission de Mme [P] est intervenue dans les conditions prévues par les statuts, de sorte qu'elle est opposable à M. [E] qui ne conteste d'ailleurs pas l'avoir reçue, et qu'elle n'a pris effet qu'à l'issue de la clôture de l'exercice comptable de l'année 2017, soit au 31 décembre 2017.
Le fait que Mme [P] ait poursuivi la gérance d'autres sociétés dans lesquelles le couple était associé, postérieurement au 31 décembre 2017, est sans emport sur l'effectivité de sa démission, tout comme la contestation par celle-ci des créances déclarées au passif de la procédure collective de la SCI, cette contestation précisant qu'elle a démissionné de ses fonctions.
Aucune des pièces produites ne démontre que Mme [P] a agi postérieurement à sa démission comme gérant de fait de la SCI, en accomplissant des actes positifs de gestion et de direction de la société en toute indépendance, l'attestation établie par l'expert comptable de la société, le 16 octobre 2024, qui certifie que Mme [E] assurait la gestion quotidienne et financière de la société [16] et des autres sociétés et était l'interlocutrice du cabinet depuis le 14 mars 2014 jusqu'au terme de notre collaboration fin 2016 pour certaines sociétés et 2018 pour la société [24], n'apportant pas la preuve que la collaboration a été poursuivie au delà du 31 décembre 2017 pour la SCI [16].
L'attestation du cabinet d'avocat [17], qui n'est pas datée et qui se contente de confirmer qu'en qualité de conseil de la SCI, et pendant toute la durée de sa mission, son interlocuteur était exclusivement Mme [P], en qualité de co gérante prenant toutes les décisions au nom et pour le compte de ladite SCI, n'est pas plus probante, la période de la mission de l'avocat n'étant pas précisée.
M. [E] et Mme [P] sont donc tenus de répondre des fautes de gestion commises, pour l'appelante jusqu'à ce que sa démission soit effective, soit jusqu'au 31 décembre 2017.
Le mandataire liquidateur reproche en premier lieu aux cogérants d'avoir détourné les fonds perçus par la SCI à la suite de ventes immobilières conclues les 12 février 2014, 4 juillet 2014 et 26 juin 2015.
Ainsi que l'a retenu le tribunal, et que les appelants ne contestent pas, les trois ventes immobilières susvisées ont permis à la société d'encaisser sur les prix de vente les sommes de 91 155 euros pour la première, 78 885 euros pour la seconde et 35 350 euros pour la troisième.
Le tribunal a également pu constater que des virements ont été réalisés, depuis le compte bancaire de la SCI [16] au bénéfice de M. [E], entre le 17 février 2014 et jusqu'au 18 mai 2016, mais également au bénéfice de la société [18] dont il était le président et unique associé, pour un montant total de 109 520 euros.
A hauteur d'appel, M. [E] ne justifie pas plus qu'en première instance que les fonds virés sur son compte ou sur le compte de sa société ont été utilisés dans l'intérêt de la société liquidée.
Il n'est pas inutile de relever que les trois ventes immobilières ont été signées par M. [E] en sa qualité de cogérant de la SCI, ce qui vient contredire ses affirmations selon lesquelles il n'avait plus accès à la gestion de la société.
En utilisant les fonds de la SCI directement à son profit ou au profit d'une société dans laquelle il avait des intérêts, pour un montant de plus de 100 000 euros en deux ans, M. [E] a commis une faute de gestion qui excède la simple négligence, ayant sciemment privilégié ses intérêts personnels au détriment de l'intérêt social et des créanciers de la société.
Durant cette période, antérieure à l'effectivité de sa démission, le tribunal a également constaté que des virements ont été réalisés entre le 17 février 2014 et le 24 septembre 2014, depuis le compte de la SCI [16] au bénéfice de Mme [P], d'un montant total de 24 500 euros, cette dernière ne contestant pas avoir encaissé ces sommes.
L'appelante justifie ces versements par un prétendu remboursement de son compte courant d'associée.
Or s'il résulte des pièces du dossier que Mme [P] disposait d'un compte courant d'associée valorisé au passif de la SCI à 27 231 euros au 31 décembre 2007, rien ne démontre que ce compte existait encore au mois de février 2014 lorsque le premier virement litigieux a été opéré.
En disposant sciemment des biens de la société directement à son profit, au détriment de l'intérêt social, l'appelante a commis une faute de gestion qui excède la simple négligence.
En second lieu, le liquidateur judiciaire reproche aux cogérants d'avoir poursuivi une activité déficitaire en s'abstenant de prendre des mesures après que la SCI [16] a cessé toute activité, une fois les produits des ventes immobilières dispersés, laissant ainsi s'accroître le passif.
Le tribunal a pu constater qu'aucun mouvement créditeur n'a été enregistré sur le compte de la société entre le 29 février 2016 et le 25 juin 2020 et que les échéances de remboursement de prêt ont cessé d'être prélevées, ce qui a eu pour effet d'accroître les dettes de la société envers la société [21] et la [14].
En poursuivant une exploitation qu'ils savaient déficitaire puisqu'aucun chiffre d'affaires n'était plus réalisé par la société qui continuait cependant à supporter des charges, et ce jusqu'à ce que l'un de ses créanciers sollicite l'ouverture d'une procédure collective, les cogérants ont commis une faute dont la gravité ne relève pas de la simple négligence.
Sur le lien de causalité entre les fautes de gestion et l'insuffisance d'actif
Ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges, les fautes de gestion commises par M. [E] et Mme [P] ont aggravé le passif de la SCI [16] et ont directement contribué à l'insuffisance d'actif en ce que :
- l'intégralité des actifs de la société a été cédée, sans que les fonds provenant des ventes immobilières, détournés au profit direct ou indirect des cogérants, n'aient pu permettre le désintéressement des créanciers et notamment du créancier hypothécaire,
- la poursuite d'une exploitation déficitaire depuis le mois de février 2016, et jusqu'à la saisine du tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure collective le 17 septembre 2021, soit pendant plus de cinq ans, a aggravé le passif de la société, le solde des prêts non remboursés produisant des intérêts de retard et générant des frais.
Les appelants ne remettent d'ailleurs pas en cause ce lien de causalité.
Les fautes retenues à l'encontre des dirigeants sont donc en lien direct avec l'insuffisance d'actif constatée et justifient que soit mise à leur charge une partie du passif généré par celles-ci, confirmant le jugement entrepris sur ce point.
Sur le quantum de la condamnation pour insuffisance d'actif
Le tribunal a mis à la charge des appelants la totalité de l'insuffisance d'actif et les a condamnés in solidum à payer au liquidateur judiciaire la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L.651-2 du code de commerce, considérant que les deux dirigeants avaient détourné à leur profit des sommes excédant le montant de l'insuffisance d'actif et qu'ils avaient ainsi contribué très largement à celle-ci par leur comportement.
M. [E] ne formule aucune contestation sur le quantum de la condamnation prononcée à son encontre.
Mme [P] demande à n'être tenue du paiement que de la somme dont elle a directement profité, soit 24 500 euros.
Au regard de la nature des fautes de gestion commises par les appelants et de l'importance du passif qu'elles ont aggravé et en l'absence de tout élément produit sur leur situation actuelle de revenus et patrimoine, il convient de condamner in solidum M. [E] et Mme [P] à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 95 322,90 euros pour monsieur et à hauteur de 24 500 euros pour madame, correspondant à la part directement causée par les fautes de gestion de cette dernière, infirmant le jugement déféré sur ce point.
Sur l'appel en garantie formé par M. [E]
M. [E] sollicite la condamnation de Mme [P] à le relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au motif qu'il a démontré que ce sont les agissements de cette dernière qui sont en cause et qui sont à l'origine des griefs invoqués par le liquidateur judiciaire.
Mme [P] objecte que M. [E] n'apporte pas la preuve qu'elle assurait la gestion effective de la société et fait valoir que 41 virements ont été imputés à celui-ci pour un montant total de 117 000 euros, ce qui exclut qu'elle ait pu l'évincer de la gestion de la société, laquelle était représentée par M. [E] seul lors de la signature des ventes immobilières.
Au regard des fautes de gestion commises par chacun des appelants, telles qu'elles viennent d'être caractérisées, c'est à bon droit que le tribunal a débouté M. [E] de sa demande aux fins d'être garanti de toute condamnation par Mme [P], le jugement critiqué méritant confirmation sur ce point.
Sur la faillite personnelle
Pour prononcer contre M. [E] et Mme [P] la sanction de faillite personnelle pour une durée de dix ans, le tribunal a retenu que les cogérants ont fait un usage des biens ou du crédit de la société contraire à l'intérêt de celle-ci et qu'ils se sont abstenus volontairement de coopérer avec les organes de la procédure.
M. [E] conteste les fautes que lui a imputées le tribunal pour prononcer la sanction de faillite personnelle pour les mêmes motifs que ceux développés dans le cadre de la responsabilité pour insuffisance d'actif.
Il considère que cette sanction est particulièrement inique à son égard au regard de son activité professionnelle actuelle, étant directeur général de la société [19], entreprise de transport routier, sans participation au capital social.
Mme [P] conteste également avoir commis les fautes retenues par le tribunal pour prononcer une mesure de faillite personnelle à son encontre en faisant valoir que le tribunal a retenu que des virements ont été réalisés à son bénéfice en 2014, soit neuf ans avant la procédure de sanction initiée par le liquidateur, pour un montant total de 24 500 euros, et qu'un versement a été réalisé au profit de la société [12] dont elle était associée à 30 %, ce qui n'est pas suffisant pour caractériser une faute de nature à justifier le prononcé d'une faillite personnelle, alors que les sommes qu'elle a perçues à la suite des ventes immobilières ont servi au remboursement de son compte courant d'associée.
Elle ajoute que les faits remontent à près de 10 ans et qu'elle n'avait plus accès aux archives de la société en raison de sa démission.
Elle relève que les premiers juges lui ont reproché de s'être abstenue volontairement de collaborer avec les organes de la procédure et d'avoir fait obstacle au bon déroulement de celle-ci, alors que, compte tenu de sa démission, elle n'était pas tenue de collaborer avec ceux-ci, et que, par ailleurs, elle est la seule à avoir pris attache avec le liquidateur juridiciaire puisque son ancien conseil a été reçu par Me [J] à l'ouverture de la procédure collective.
Elle reproche au tribunal de n'avoir pas fait application du principe d'individualisation de la sanction en considération des situations très différentes des gérants.
Aux termes de l'article L.653-4 du code de commerce, « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres,
2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale ».
L'article L.653-5 du même code énonce que « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;
2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;
4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;
7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.»
En disposant des fonds de la société directement à leur profit, ou au profit de société dans laquelle ils avaient des intérêts, les appelants ont fait un usage de ces fonds contraire à l'intérêt social, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle l'un deux était directement intéressé, et ce au préjudice des créanciers de la société, commettant ainsi des fautes relevant de l'article L.653-4 du code de commerce.
D'autre part, ainsi que l'a relevé le tribunal, il est constant que M. [E] n'a transmis aucune information ni aucun document comptable ou juridique au mandataire judiciaire, n'ayant pas donné suite au courrier recommandé adressé le 17 décembre 2021 à la SCI [16] par le commissaire priseur nommé par le tribunal judiciaire, tout comme il s'est abstenu de communiquer le moindre élément comptable ou les éléments justificatifs des virements bancaires qu'il avait opérés au liquidateur judiciaire, ce qui a fait obstacle au bon déroulement de la procédure.
S'agissant de Mme [P] qui n'était plus gérante de la société à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire le 2 décembre 2021, sa démission de ses fonctions de gérante ayant pris effet au 31 décembre 2017, ce manquement n'est pas caractérisé.
Il convient de tenir compte de la nature de la faute commise par les deux dirigeants tenant à l'usage qu'ils ont fait des biens de la société, contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, et qui a fait de cette société une coquille vide, mais également du fait que les appelants sont tous deux des gérants de société avertis, puisqu'ils dirigeaient à l'époque plusieurs sociétés et que M. [E] est d'ailleurs actuellement président d'une société de transport.
La nature des manquements reprochés aux dirigeants démontrent les carences de ceux-ci dans la gestion d'une société et justifient le prononcé d'une sanction personnelle pour les tenir éloignés de la vie des affaires.
Au regard de la gravité des fautes de gestion commises et de la situation respective des appelants, la sanction de faillite personnelle pour une durée de dix années prononcée par les premiers juges contre M. [E] est proportionnée et mérite d'être confirmée.
En revanche, le second manquement reproché à Mme [P] n'étant pas caractérisé, il convient de prononcer à son encontre la sanction de faillite personnelle pour une durée de huit années, celle-ci ayant déjà fait l'objet d'une condamnation à une interdiction de gérer d'une durée de trois ans, confirmée par la cour de céans par arrêt du 5 septembre 2024, et le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les appelants qui succombent principalement en leurs prétentions supporteront la charge des dépens d'appel et les conditions ne sont pas réunies pour qu'il soit fait application à leur profit des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 27 juin 2024, sauf en ce qu'il a :
- condamné Mme [C] [P], in solidum avec M. [Y] [E] à payer à la société [J]&[13]- Mandataires judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
- prononcé la faillite personnelle de Mme [C] [P] pour une durée de dix ans,
L'infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Mme [C] [P], in solidum avec M. [Y] [E] à payer à la société [J]&[13]- Mandataires judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 24 500 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
Prononce une sanction de faillite personnelle à l'encontre de Mme [C] [P] pour une durée de huit années,
Condamne in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] aux dépens de la procédure d'appel.
La greffière La présidente
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT ETIENNE
Au fond
du 27 juin 2024
RG : 23/00029
ch n°
[E]
C/
[P]
LA PROCUREURE GENERALE
SELARL [J] & [13]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 05 Juin 2025
APPELANT :
Monsieur [E] [Y],'
né'le'[Date naissance 7]'1967'à'[Localité 22]'(42),'
de nationalité'française
domicilié'chez'[Adresse 20]'
[Localité 1]
Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, avocat postulant et Me Cécile ABRIAL, avocate au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat plaidant.
INTIMES :
Madame [C] [P],
née le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 25] (TUNISIE),
de nationalité française
demeurant [Adresse 9]
[Localité 2]
Représenté par Me Florent DELPOUX, avocat au barreau de LYON, toque : 1900
Et
La société [J] ET [13],
MANDATAIRES JUDICIAIRES
SELARL immatriculée au RCS de [Localité 22] sous le numéro [N° SIREN/SIRET 11], dont le siège social est sis [Adresse 5] à [Localité 23], représentée par Maître [R] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SCI [16], SCI immatriculée au RCS de [Localité 22] sous le numéro [N° SIREN/SIRET 8], dont le siège social est sis [Adresse 4] à [Localité 22], nommée à cette fonction par Jugement du Tribunal judiciaire de Saint-Etienne du 17 mars 2022
Représentée par Me Brice LACOSTE de la SELARL LACOSTE CHEBROUX BUREAU D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1207
Et
Mme LA PROCUREURE GENERALE
[Adresse 3]
[Localité 10]
Prise en la personne de Monsieur Olvier NAGABBO, avocat général près la Cour d'Appel de LYON.
******
Date de clôture de l'instruction : 18 Mars 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Avril 2025
Date de mise à disposition : 05 Juin 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Sophie DUMURGIER, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société civile immobilière [16], constituée le 24 mars 2005, a un capital social composé de 450 parts réparties comme suit :
- M. [Y] [E] : 180 parts (40%),
- Mme [C] [P] épouse [E] : 180 parts (40%),
- Mme [S] [E] : 45 parts (10%),
- M. [H] [E] : 45 parts (10%).
Les époux [E] ont été désignés co-gérants de la SCI, dont le siège social a été fixé à leur domicile, situé [Adresse 4] à [Localité 22].
A la suite de leur séparation intervenue le 5 septembre 2011, le divorce des époux [E]-[P] a été prononcé le 2 juillet 2018.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 février 2017, Mme [P] a démissionné de ses fonctions de gérante de la SCI, mais cette modification n'a pas fait l'objet d'une publication au RCS.
Sur saisine de la [15], le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a ouvert une procédure de redressement judicaire à l'égard de la SCI [16], par jugement rendu le 2 décembre 2021, en désignant en qualité de mandataire judiciaire la SELARL [J] & [13], prise en la personne de Me [R] [J], et a fixé la date de cessation des paiements au jour du jugement d'ouverture.
Par jugement du 17 mars 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire et a nommé la SELARL [J] et [13] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte de commissaire de justice du 4 avril 2023, la SELARL [J] et [13], ès qualités, a fait assigner Mme [C] [P] et M. [Y] [E], en qualité de cogérants de la société [16], devant le tribunal judiciaire de Saint-Étienne aux fins de les voir condamner à supporter l'insuffisance d'actif de la société [16] et à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 10 ans.
Par jugement contradictoire du 27 juin 2024, le tribunal judiciaire de Saint-Étienne a :
- condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13]- Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
- débouté M. [Y] [E] de sa demande tendant à être relevé et garanti de toute condamnation par Mme [C] [P],
- prononcé la faillite personnelle de Mme [C] [P] pour une durée de dix ans,
- prononcé la faillite personnelle de M. [Y] [E] pour une durée de dix ans,
- rappelé que l'article L. 653-2 du code de commerce dispose que la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale,
- rappelé qu'en application de l'article L. 654-15 du code de commerce, toute personne violant l'interdiction ci-dessus encourt une peine d'emprisonnement de deux ans et une amende de 375 000 euros,
- rappelé que la présente décision sera transmise au casier judiciaire conformément aux dispositions des articles R. 653-3 du code de commerce, 768 et R. 69 9° du code de procédure pénale et au fichier national des interdits de gérer conformément aux dispositions de l'article R. 128-2 du code de commerce,
- rappelé que la présente décision fera l'objet des mesures de publicité et de communication prévues par les articles R. 653-3, R. 621-7 et R. 621-8 du code de commerce,
- condamné Mme [C] [P] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société [16], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] aux dépens,
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
'
Par déclaration reçue au greffe le 23 juillet 2024, M. [Y] [E] a interjeté appel de ce jugement, limité aux chefs de la décision l'ayant condamné in solidum avec Mme [C] [P] à payer à la société [J] & [13], ès qualités, la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce, l'ayant débouté de sa demande tendant à être relevé et garanti de toute condamnation par Mme [C] [P], ayant prononcé sa faillite personnelle pour une durée de dix ans, en rappelant que l'article L. 653-2 du code de commerce dispose que la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale et que la décision fera l'objet des mesures de publicité et de communication prévues par les articles R. 653-3, R. 621-7 et R. 621-8 du code de commerce, l'ayant condamné à payer à la société [J] & [13], ès qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, in solidum avec Mme [C] [P], et ayant rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
L'affaire a été enrôlée sur le numéro RG 24/06090.
Par déclaration reçue au greffe le 24 juillet 2024, Mme [C] [P] a interjeté appel de ce jugement limité aux chefs de la décision l'ayant condamnée in solidum avec M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13], ès qualités, la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce, ayant prononcé sa faillite personnelle pour une durée de dix ans, l'ayant condamnée à payer à la société [J] & [13], ès qualités, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens in solidum avec M. [Y] [E].
L'affaire a été enrôlée sur le numéro RG 24/06145.
Par ordonnance du 10 septembre 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures n° RG 24/06145 et n° RG 24/06090 sous le numéro 24/06090.
Au terme de conclusions n°2 notifiées par voie dématérialisée le 14 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, Mme [C] [P] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 27 juin 2024, en ce qu'il a :
' condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
' prononcé la faillite personnelle de Mme [C] [P] pour une durée de dix ans,
' condamné Mme [C] [P] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] aux dépens,
' ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
Statuant à nouveau :
- juger qu'elle ne saurait être tenue pour responsable des fautes de gestion qui lui sont indument imputées,
En conséquence,
- débouter la SELARL [J] & [13], ès qualités, de toutes ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 27 juin 2024, en ce qu'il a :
' condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
' prononcé la faillite personnelle de Mme [C] [P] pour une durée de dix ans,
Statuant à nouveau,
- juger, le cas échéant, que la sanction d'interdiction de gérer sera limitée à une période strictement nécessaire à la protection de l'ordre public économique,
- juger qu'elle ne saurait être tenue au paiement d'une somme supérieure à 24 500 euros,
En toute hypothèse,
- confirmer le jugement rendu le 27 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande tendant à être relevé et garanti de toute condamnation par la concluante,
- condamner in solidum la SELARL [J] & [13], ès qualités, et M. [E] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SELARL [J] & [13], en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [16], aux entiers dépens.
Au terme de conclusions récapitulatives notifiées par voie dématérialisée le 21 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, M. [Y] [E] demande à la cour, au visa de l'article L. 651-2 du code de commerce, de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 27 juin 2024, en ce qu'il a :
' condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
' débouté M. [Y] [E] de sa demande tendant à être relevé et garanti de toute condamnation par Mme [C] [P],
' prononcé la faillite personnelle de M. [Y] [E] pour une durée de dix ans,
' rappelé que l'article L. 653-2 du code de commerce dispose que la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale,
' rappelé que la présente décision fera l'objet des mesures de publicité et de communication prévues par les articles R. 653-3, R. 621-7 et R. 621-8 du code de commerce,
' condamné M. [Y] [E] à payer à la société [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] aux dépens,
' rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,
' ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
En conséquence, statuant à nouveau :
- débouter la SELARL [J] & [13]-Mandataires Judiciaires, agissant par Me [R] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [16], de l'intégralité de ses demandes et prétentions à son égard, faute de démontrer l'existence de fautes de gestion qui lui sont imputables,
A titre subsidiaire,
- condamner Mme [P] à le relever et garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre au bénéfice de la SELARL [J] & [13]'Mandataires Judiciaires, agissant par Me [R] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [16] et ce tant en principal, intérêts, que frais et dépens et accessoires,
En toute hypothèse,
- condamner la SELARL [J] & [13]'Mandataires Judiciaires, agissant par Me [R] [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [16], ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SELARL [J] & [13]- Mandataires Judiciaires, agissant par Me [R] [J] en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [16], ou qui mieux le devra, aux entiers dépens de l'instance.
Le ministère public, par avis du 19 novembre 2024 communiqué contradictoirement aux parties le 20 novembre 2024, a requis la confirmation du jugement contre M. [Y] [E] seulement, à raison de la poursuite d'exploitation déficitaire et des détournements d'actifs répétés.
Bien qu'ayant constitué avocat, la SELARL [J] & [13], représentée par Me [R] [J], ès qualités, n'a pas conclu.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 18 mars 2025, les débats étant fixés au 3 avril 2025.
'
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, la SELARL [J] & [13], ès qualités, est réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris.
Sur l'insuffisance d'actif
L'article L 651-2 alinéa premier du code de commerce énonce que « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les gérants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de gérants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du gérant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. ».
Pour retenir l'existence d'une insuffisance d'actif, le tribunal a relevé que tous les immeubles de la SCI ont été vendus antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et que les opérations de liquidation judiciaire n'ont permis de recouvrer aucune somme, alors que ces opérations ont fait ressortir un passif admis de 95 322,90 euros correspondant à des créances bancaires.
Il a estimé que l'existence de cette insuffisance d'actif était certaine au 18 février 2017, date à laquelle Mme [P] prétend avoir démissionné, puisqu'aucun actif immobilier ne subsistait alors dans le patrimoine de la société et que le solde créditeur de ses comptes bancaires s'élevait à environ 870 euros, alors que ses dettes au titre de deux prêts bancaires s'élevaient à plusieurs dizaines de milliers d'euros.
Les appelants ne forment aucune contestation sur l'existence et le quantum de l'insuffisance d'actif retenus par les premiers juges.
Sur les fautes de gestion des dirigeants
Dans sa version issue de la loi du 9 décembre 2016, l'article L.651-2 du code de commerce écarte la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif en cas de simple négligence dans la gestion de la société.
Pour condamner in solidum les co-gérants de la SCI [16] à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif, le tribunal a retenu que M. [E] a détourné les actifs de la société en procédant à de nombreux virements non justifiés de sommes créditées sur le compte de la SCI à la suite de ventes immobilières, ce qui est constitutif de fautes de gestion qui ne relèvent pas de la simple négligence.
Il a également estimé que Mme [P] avait elle aussi commis une faute de gestion à ce titre, des virements ayant été réalisés à son bénéfice direct ou indirect entre le mois de février 2014 et le mois de mars 2016, alors qu'elle était encore cogérante de la société, en relevant que l'intéressée justifiait sa démission par la découverte de malversations et, qu'ayant eu connaissance du caractère illicite des versement réalisés, il lui appartenait en qualité de cogérante, de s'y opposer, la circonstance que les virements réalisés à son bénéfice aient été bien moins importants, tant en nombre qu'en volume, ne pouvant exclure sa faute qui se déduit également des virements nombreux et importants réalisés au profit de M. [E].
Les premiers juges ont considéré que Mme [P] ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en soutenant qu'elle n'a pas exercé la gestion effective de la société, une telle abstention, qui s'analyse en un manquement aux obligations nées de la fonction de gérant, étant elle-même constitutive d'une faute, son désengagement de la gestion de la société, sur une période de plus de deux ans, ne s'analysant pas comme une simple négligence.
Le tribunal a enfin retenu que les cogérants, en ne prenant aucune mesure de nature à faire cesser une exploitation déficitaire de la société, ont poursuivi une exploitation déficitaire, ce qui est constitutif d'une faute de gestion dont la gravité excède la simple négligence.
Au soutien de son appel, Mme [P] soutient, d'une part, que la simple négligence du dirigeant ne peut pas engager sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif, en faisant valoir qu'elle n'était plus dirigeant de la SCI [16] depuis le 17 février 2017, et, d'autre part, qu'elle n'a commis aucune faute de gestion contribuant à l'insuffisance d'actif avant sa démission, en rappelant qu'il incombe au liquidateur de rapporter la preuve de fautes de gestion et d'un lien de causalité entre ces fautes et l'insuffisance d'actif.
Elle fait valoir en premier lieu qu'un dirigeant ne peut pas être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif d'un débiteur dès lors qu'il a démissionné de ses fonctions, peu important l'absence de mesures de publicité, et que sa démission de ses fonctions de co gérante est bien opposable au liquidateur judiciaire.
Elle prétend n'avoir découvert les agissements de M. [E] qu'une fois ceux-ci commis, ce qui a motivé sa démission, dont le mandataire judiciaire a été dument informé dès l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, considérant qu'il appartenait à M. [E] de procéder à la publication de sa démission au RCS et que l'absence de publicité n'étant pas de son fait, elle ne peut être tenue responsable de son incurie.
En second lieu, elle considère que les fautes de gestion alléguées, qui sont postérieures à sa démission, ne peuvent pas lui être imputées alors qu'elle n'a commis aucun détournement d'actif, les ventes d'actifs intervenues entre 2014 et 2016 ayant été conclues par M. [E] seul, sans qu'elle en soit informée, pas plus qu'elle n'a eu connaissance des virements opérés par ce dernier une fois les prix de vente encaissés.
Elle affirme que le liquidateur ne peut pas lui reprocher les virements intervenus sans démontrer qu'elle en est à l'origine, un nombre important de ceux-ci correspondant à des ordres de virement téléphoniques donnés par M. [E], ce qui prouve qu'elle n'est pas l'auteur des opérations litigieuses.
Elle ajoute que les virements invoqués en première instance dont elle aurait bénéficié à hauteur de 24 500 euros ne sont pas constitutifs de fautes de gestion dès lors que les sommes ont été perçues au titre du remboursement de son compte courant d'associée, intervenu de nombreuses années avant l'ouverture de la procédure collective.
Elle souligne que, lors de chaque vente immobilière, la [14] a reçu une quote part substantielle du prix de vente, suffisante pour qu'elle accepte des mainlevées partielles d'hypothèques.
Elle rappelle enfin que la condamnation d'un dirigeant de droit ou de fait au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif est toujours facultative selon l'article L.651-2 du code de commerce et estime que les actions judiciaires en comblement de passif et en faillite personnelle ne doivent concerner que les dirigeants gravement fautifs.
Elle relève que le liquidateur ne s'est pas enquis de sa situation patrimoniale et financière en violation des principes prétoriens de modération et de proportionnalité, préalable indispensable pour déterminer l'opportunité d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif.
M. [E] conteste les fautes de gestion qui ont été retenues par le tribunal en faisant valoir que s'il a conservé la qualité de gérant de droit de la SCI [16], il n'a en pratique pas exercé ces fonctions, remplies par Mme [P] seule, dans un contexte personnel et familial très conflictuel, tout comme elle le faisait dans les autres sociétés dont ils étaient [13].
Il indique verser aux débats une attestation de l'expert comptable habituel de leurs sociétés qui confirme que Mme [P] assurait la gestion quotidienne financière de la société [16] et qu'elle était l'interlocutrice du cabinet comptable durant la période de mars 2014 jusqu'à la fin de l'année 2016, ayant eu pour seul contact cette dernière, ce qu'a confirmé Me [X] l'avocat de la société.
Il ajoute que les écritures comptables qui lui sont imputées ne sont pas justifiées, alors qu'il avait été écarté de toute implication dans la gérance et dans la gestion quotidienne, Mme [P] l'ayant révoqué des différents mandats de gérance dont il était titulaire au sein de leurs sociétés communes.
Il souligne que Mme [P] a déjà fait l'objet d'une mesure d'interdiction de gérer et d'administrer prononcée par le tribunal de commerce de Saint-Etienne le 20 septembre 2022, et confirmée par la cour de céans le 5 septembre 2024, et d'une condamnation pour fraude fiscale par le tribunal correctionnel de Saint-Etienne, pour des sociétés qui lui étaient propres, confirmée par la présente cour par arrêt du 18 janvier 2023, et il en déduit qu'il s'agit de comportements réitérés et habituels de Mme [P].
Il fait valoir que les virements dont il est fait état, s'ils sont effectifs, ne permettent pas de déterminer avec certitude leurs bénéficiaires, ni l'identité de celui qui les a émis, notamment en ce qui concerne le virement de 52 000 euros en date du 17 février 2014 dont il aurait bénéficié, soulignant qu'il appartient au liquidateur de fournir l'identité du donneur d'ordre de chacun des virements et le compte bénéficiaire de ces virements, à défaut de quoi la preuve d'une faute de gestion qui lui serait imputable n'est pas rapportée.
Il estime qu'il ne saurait se voir reprocher des fautes relevant de la simple négligence, ayant perdu la main sur la quasi totalité des sociétés, en précisant que, contrairement à ce qu'affirme Mme [P], la cession des actifs de la société a été autorisée par l'assemblée générale de l'ensemble des [13], incluant cette dernière, laquelle reste muette sur le fait que le siège social de la SCI était à son domicile et qu'elle a été seule destinataire des actes et des correspondances.
Les statuts de la SCI [16] établissent que, jusqu'au 15 février 2017, date de la démission de ses fonctions de gérante, Mme [P] et M. [E] étaient gérants de droit de la société et ils doivent, en cette qualité, répondre des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif.
Il est à cet égard souligné que la démission de Mme [P] est intervenue dans les conditions prévues par les statuts, de sorte qu'elle est opposable à M. [E] qui ne conteste d'ailleurs pas l'avoir reçue, et qu'elle n'a pris effet qu'à l'issue de la clôture de l'exercice comptable de l'année 2017, soit au 31 décembre 2017.
Le fait que Mme [P] ait poursuivi la gérance d'autres sociétés dans lesquelles le couple était associé, postérieurement au 31 décembre 2017, est sans emport sur l'effectivité de sa démission, tout comme la contestation par celle-ci des créances déclarées au passif de la procédure collective de la SCI, cette contestation précisant qu'elle a démissionné de ses fonctions.
Aucune des pièces produites ne démontre que Mme [P] a agi postérieurement à sa démission comme gérant de fait de la SCI, en accomplissant des actes positifs de gestion et de direction de la société en toute indépendance, l'attestation établie par l'expert comptable de la société, le 16 octobre 2024, qui certifie que Mme [E] assurait la gestion quotidienne et financière de la société [16] et des autres sociétés et était l'interlocutrice du cabinet depuis le 14 mars 2014 jusqu'au terme de notre collaboration fin 2016 pour certaines sociétés et 2018 pour la société [24], n'apportant pas la preuve que la collaboration a été poursuivie au delà du 31 décembre 2017 pour la SCI [16].
L'attestation du cabinet d'avocat [17], qui n'est pas datée et qui se contente de confirmer qu'en qualité de conseil de la SCI, et pendant toute la durée de sa mission, son interlocuteur était exclusivement Mme [P], en qualité de co gérante prenant toutes les décisions au nom et pour le compte de ladite SCI, n'est pas plus probante, la période de la mission de l'avocat n'étant pas précisée.
M. [E] et Mme [P] sont donc tenus de répondre des fautes de gestion commises, pour l'appelante jusqu'à ce que sa démission soit effective, soit jusqu'au 31 décembre 2017.
Le mandataire liquidateur reproche en premier lieu aux cogérants d'avoir détourné les fonds perçus par la SCI à la suite de ventes immobilières conclues les 12 février 2014, 4 juillet 2014 et 26 juin 2015.
Ainsi que l'a retenu le tribunal, et que les appelants ne contestent pas, les trois ventes immobilières susvisées ont permis à la société d'encaisser sur les prix de vente les sommes de 91 155 euros pour la première, 78 885 euros pour la seconde et 35 350 euros pour la troisième.
Le tribunal a également pu constater que des virements ont été réalisés, depuis le compte bancaire de la SCI [16] au bénéfice de M. [E], entre le 17 février 2014 et jusqu'au 18 mai 2016, mais également au bénéfice de la société [18] dont il était le président et unique associé, pour un montant total de 109 520 euros.
A hauteur d'appel, M. [E] ne justifie pas plus qu'en première instance que les fonds virés sur son compte ou sur le compte de sa société ont été utilisés dans l'intérêt de la société liquidée.
Il n'est pas inutile de relever que les trois ventes immobilières ont été signées par M. [E] en sa qualité de cogérant de la SCI, ce qui vient contredire ses affirmations selon lesquelles il n'avait plus accès à la gestion de la société.
En utilisant les fonds de la SCI directement à son profit ou au profit d'une société dans laquelle il avait des intérêts, pour un montant de plus de 100 000 euros en deux ans, M. [E] a commis une faute de gestion qui excède la simple négligence, ayant sciemment privilégié ses intérêts personnels au détriment de l'intérêt social et des créanciers de la société.
Durant cette période, antérieure à l'effectivité de sa démission, le tribunal a également constaté que des virements ont été réalisés entre le 17 février 2014 et le 24 septembre 2014, depuis le compte de la SCI [16] au bénéfice de Mme [P], d'un montant total de 24 500 euros, cette dernière ne contestant pas avoir encaissé ces sommes.
L'appelante justifie ces versements par un prétendu remboursement de son compte courant d'associée.
Or s'il résulte des pièces du dossier que Mme [P] disposait d'un compte courant d'associée valorisé au passif de la SCI à 27 231 euros au 31 décembre 2007, rien ne démontre que ce compte existait encore au mois de février 2014 lorsque le premier virement litigieux a été opéré.
En disposant sciemment des biens de la société directement à son profit, au détriment de l'intérêt social, l'appelante a commis une faute de gestion qui excède la simple négligence.
En second lieu, le liquidateur judiciaire reproche aux cogérants d'avoir poursuivi une activité déficitaire en s'abstenant de prendre des mesures après que la SCI [16] a cessé toute activité, une fois les produits des ventes immobilières dispersés, laissant ainsi s'accroître le passif.
Le tribunal a pu constater qu'aucun mouvement créditeur n'a été enregistré sur le compte de la société entre le 29 février 2016 et le 25 juin 2020 et que les échéances de remboursement de prêt ont cessé d'être prélevées, ce qui a eu pour effet d'accroître les dettes de la société envers la société [21] et la [14].
En poursuivant une exploitation qu'ils savaient déficitaire puisqu'aucun chiffre d'affaires n'était plus réalisé par la société qui continuait cependant à supporter des charges, et ce jusqu'à ce que l'un de ses créanciers sollicite l'ouverture d'une procédure collective, les cogérants ont commis une faute dont la gravité ne relève pas de la simple négligence.
Sur le lien de causalité entre les fautes de gestion et l'insuffisance d'actif
Ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges, les fautes de gestion commises par M. [E] et Mme [P] ont aggravé le passif de la SCI [16] et ont directement contribué à l'insuffisance d'actif en ce que :
- l'intégralité des actifs de la société a été cédée, sans que les fonds provenant des ventes immobilières, détournés au profit direct ou indirect des cogérants, n'aient pu permettre le désintéressement des créanciers et notamment du créancier hypothécaire,
- la poursuite d'une exploitation déficitaire depuis le mois de février 2016, et jusqu'à la saisine du tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure collective le 17 septembre 2021, soit pendant plus de cinq ans, a aggravé le passif de la société, le solde des prêts non remboursés produisant des intérêts de retard et générant des frais.
Les appelants ne remettent d'ailleurs pas en cause ce lien de causalité.
Les fautes retenues à l'encontre des dirigeants sont donc en lien direct avec l'insuffisance d'actif constatée et justifient que soit mise à leur charge une partie du passif généré par celles-ci, confirmant le jugement entrepris sur ce point.
Sur le quantum de la condamnation pour insuffisance d'actif
Le tribunal a mis à la charge des appelants la totalité de l'insuffisance d'actif et les a condamnés in solidum à payer au liquidateur judiciaire la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L.651-2 du code de commerce, considérant que les deux dirigeants avaient détourné à leur profit des sommes excédant le montant de l'insuffisance d'actif et qu'ils avaient ainsi contribué très largement à celle-ci par leur comportement.
M. [E] ne formule aucune contestation sur le quantum de la condamnation prononcée à son encontre.
Mme [P] demande à n'être tenue du paiement que de la somme dont elle a directement profité, soit 24 500 euros.
Au regard de la nature des fautes de gestion commises par les appelants et de l'importance du passif qu'elles ont aggravé et en l'absence de tout élément produit sur leur situation actuelle de revenus et patrimoine, il convient de condamner in solidum M. [E] et Mme [P] à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 95 322,90 euros pour monsieur et à hauteur de 24 500 euros pour madame, correspondant à la part directement causée par les fautes de gestion de cette dernière, infirmant le jugement déféré sur ce point.
Sur l'appel en garantie formé par M. [E]
M. [E] sollicite la condamnation de Mme [P] à le relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au motif qu'il a démontré que ce sont les agissements de cette dernière qui sont en cause et qui sont à l'origine des griefs invoqués par le liquidateur judiciaire.
Mme [P] objecte que M. [E] n'apporte pas la preuve qu'elle assurait la gestion effective de la société et fait valoir que 41 virements ont été imputés à celui-ci pour un montant total de 117 000 euros, ce qui exclut qu'elle ait pu l'évincer de la gestion de la société, laquelle était représentée par M. [E] seul lors de la signature des ventes immobilières.
Au regard des fautes de gestion commises par chacun des appelants, telles qu'elles viennent d'être caractérisées, c'est à bon droit que le tribunal a débouté M. [E] de sa demande aux fins d'être garanti de toute condamnation par Mme [P], le jugement critiqué méritant confirmation sur ce point.
Sur la faillite personnelle
Pour prononcer contre M. [E] et Mme [P] la sanction de faillite personnelle pour une durée de dix ans, le tribunal a retenu que les cogérants ont fait un usage des biens ou du crédit de la société contraire à l'intérêt de celle-ci et qu'ils se sont abstenus volontairement de coopérer avec les organes de la procédure.
M. [E] conteste les fautes que lui a imputées le tribunal pour prononcer la sanction de faillite personnelle pour les mêmes motifs que ceux développés dans le cadre de la responsabilité pour insuffisance d'actif.
Il considère que cette sanction est particulièrement inique à son égard au regard de son activité professionnelle actuelle, étant directeur général de la société [19], entreprise de transport routier, sans participation au capital social.
Mme [P] conteste également avoir commis les fautes retenues par le tribunal pour prononcer une mesure de faillite personnelle à son encontre en faisant valoir que le tribunal a retenu que des virements ont été réalisés à son bénéfice en 2014, soit neuf ans avant la procédure de sanction initiée par le liquidateur, pour un montant total de 24 500 euros, et qu'un versement a été réalisé au profit de la société [12] dont elle était associée à 30 %, ce qui n'est pas suffisant pour caractériser une faute de nature à justifier le prononcé d'une faillite personnelle, alors que les sommes qu'elle a perçues à la suite des ventes immobilières ont servi au remboursement de son compte courant d'associée.
Elle ajoute que les faits remontent à près de 10 ans et qu'elle n'avait plus accès aux archives de la société en raison de sa démission.
Elle relève que les premiers juges lui ont reproché de s'être abstenue volontairement de collaborer avec les organes de la procédure et d'avoir fait obstacle au bon déroulement de celle-ci, alors que, compte tenu de sa démission, elle n'était pas tenue de collaborer avec ceux-ci, et que, par ailleurs, elle est la seule à avoir pris attache avec le liquidateur juridiciaire puisque son ancien conseil a été reçu par Me [J] à l'ouverture de la procédure collective.
Elle reproche au tribunal de n'avoir pas fait application du principe d'individualisation de la sanction en considération des situations très différentes des gérants.
Aux termes de l'article L.653-4 du code de commerce, « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres,
2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale ».
L'article L.653-5 du même code énonce que « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;
2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;
4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;
7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.»
En disposant des fonds de la société directement à leur profit, ou au profit de société dans laquelle ils avaient des intérêts, les appelants ont fait un usage de ces fonds contraire à l'intérêt social, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle l'un deux était directement intéressé, et ce au préjudice des créanciers de la société, commettant ainsi des fautes relevant de l'article L.653-4 du code de commerce.
D'autre part, ainsi que l'a relevé le tribunal, il est constant que M. [E] n'a transmis aucune information ni aucun document comptable ou juridique au mandataire judiciaire, n'ayant pas donné suite au courrier recommandé adressé le 17 décembre 2021 à la SCI [16] par le commissaire priseur nommé par le tribunal judiciaire, tout comme il s'est abstenu de communiquer le moindre élément comptable ou les éléments justificatifs des virements bancaires qu'il avait opérés au liquidateur judiciaire, ce qui a fait obstacle au bon déroulement de la procédure.
S'agissant de Mme [P] qui n'était plus gérante de la société à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire le 2 décembre 2021, sa démission de ses fonctions de gérante ayant pris effet au 31 décembre 2017, ce manquement n'est pas caractérisé.
Il convient de tenir compte de la nature de la faute commise par les deux dirigeants tenant à l'usage qu'ils ont fait des biens de la société, contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, et qui a fait de cette société une coquille vide, mais également du fait que les appelants sont tous deux des gérants de société avertis, puisqu'ils dirigeaient à l'époque plusieurs sociétés et que M. [E] est d'ailleurs actuellement président d'une société de transport.
La nature des manquements reprochés aux dirigeants démontrent les carences de ceux-ci dans la gestion d'une société et justifient le prononcé d'une sanction personnelle pour les tenir éloignés de la vie des affaires.
Au regard de la gravité des fautes de gestion commises et de la situation respective des appelants, la sanction de faillite personnelle pour une durée de dix années prononcée par les premiers juges contre M. [E] est proportionnée et mérite d'être confirmée.
En revanche, le second manquement reproché à Mme [P] n'étant pas caractérisé, il convient de prononcer à son encontre la sanction de faillite personnelle pour une durée de huit années, celle-ci ayant déjà fait l'objet d'une condamnation à une interdiction de gérer d'une durée de trois ans, confirmée par la cour de céans par arrêt du 5 septembre 2024, et le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les appelants qui succombent principalement en leurs prétentions supporteront la charge des dépens d'appel et les conditions ne sont pas réunies pour qu'il soit fait application à leur profit des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 27 juin 2024, sauf en ce qu'il a :
- condamné Mme [C] [P], in solidum avec M. [Y] [E] à payer à la société [J]&[13]- Mandataires judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 95 322,90 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
- prononcé la faillite personnelle de Mme [C] [P] pour une durée de dix ans,
L'infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Mme [C] [P], in solidum avec M. [Y] [E] à payer à la société [J]&[13]- Mandataires judiciaires, prise en la personne de Me [R] [J], en qualité de liquidateur de la société SCI [16], la somme de 24 500 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
Prononce une sanction de faillite personnelle à l'encontre de Mme [C] [P] pour une durée de huit années,
Condamne in solidum Mme [C] [P] et M. [Y] [E] aux dépens de la procédure d'appel.
La greffière La présidente