CA Douai, 8e ch. sect. 1, 5 juin 2025, n° 23/04716
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Franfinance (SA)
Défendeur :
Ecopro (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Benhamou
Conseillers :
Mme Ménegaire, Mme Convain
Avocats :
Me Massin, Me Dremière, Me Auffret de Peyrelongue
EXPOSE DU LITIGE
Le 8 juin 2018, M. [Z] [C] et Mme [L] [J] ont contracté auprès de la SAS Ecopro une prestation relative à la fourniture et la pose d'un ballon thermodynamique avec pompe à chaleur moyennant le prix de 18 800 euros TTC, dans le cadre d'un démarchage à domicile.
Cette installation a été financée au moyen d'un crédit affecté dont l'offre préalable a été signée le même jour par M. [C] et Mme [J] auprès de la SA Franfinance, d'un montant de 18 800 euros, remboursable en 144 mensualités, au taux nominal annuel de 4,79 %.
Par jugement du 25 février 2019, le tribunal de commerce de Valenciennes a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la société Ecopro, Me [I] [H] ayant été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Par actes de commissaire de justice délivrés le 26 août 2022, M. [C] et Mme [J] ont fait assigner Me [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro et la société Franfinance en justice aux fins notamment de voir annuler le contrat de vente et le contrat de crédit.
Par jugement réputé contradictoire en date du 30 août 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cambrai a :
- prononcé la nullité du contrat n° 0775 conclu le 8 juin 2018 entre M. [C], Mme [J] et la société Ecopro,
- constaté l'annulation subséquente et de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le 8 juin 2018 entre M. [C], Mme [J] et la 'SA Financo',
- ordonné que les parties soient replacées dans leur état originel,
- dit que le ballon thermodynamique avec pompe à chaleur et les équipements annexes devront être tenus à la disposition de Me [I] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro, à charge pour elle de les reprendre au domicile de M. [C] et Mme [J] et de remettre l'ouvrage dans son état initial,
- dit que si Me [I] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro n'a pas fait réaliser cette remise en état et l'enlèvement de cette installation dans un délai de cinq mois à compter de la signification du présent jugement à son égard, M. [C] et Mme [J] pourront disposer de cette installation,
- condamné la 'SA Financo' à payer à M. [C] et Mme [J] la somme de 10 431,54 euros correspondant aux échéances échues payées à la date du 10 février 2023, somme à parfaire en cas d'échéances payées ultérieurement, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- dit que la 'SA Financo' a manqué à ses obligations lors de la souscription du crédit ainsi que lors de la libération des fonds et que ces fautes la privent de son droit de demander le remboursement du capital emprunté,
- condamne in solidum la 'SA Financo' et Me [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro à payer à M. [C] et Mme [J] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne in solidum la 'SA Financo' et Me [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro aux entiers dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par jugement rectificatif en date du 28 septembre 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cambrai a rectifié l'erreur matérielle affectant son jugement du 30 août 2023 en ce que au lieu de 'société Financo', il y a lieu de lire 'société Franfinance'.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 23 octobre 2023, la société Franfinance a relevé appel de ces deux jugements en toutes leurs dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2025, l'appelante demande la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 30 août 2023, objet d'un jugement rectificatif en date du 28 septembre 2023, rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cambrai en ce qu'il a :
- prononcé la nullité du contrat n° 0775 conclu le 8 juin 2018 entre M. [C], Mme [J] et la société Ecopro,
- constaté l'annulation subséquente et de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le 8 juin 2018 entre M. [C], Mme [J] et la société Franfinance,
- ordonné que les parties soient replacées dans leur état originel,
- dit que le ballon thermodynamique avec pompe à chaleur et les équipements annexes devront être tenus à la disposition de Me [I] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro, à charge pour elle de les reprendre au domicile de M. [C] et Mme [J] et de remettre l'ouvrage dans son état initial,
- dit que si me [I] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro n'a pas fait réaliser cette remise en état et l'enlèvement de cette installation dans un délai de cinq mois à compter de la signification du présent jugement à son égard, M. [C] et Mme [J] pourront disposer de cette installation,
- condamné la société Franfinance à payer à M. [C] et Mme [J] la somme de 10 431,54 euros correspondant aux échéances échues payées à la date du 10 février 2023, somme à parfaire en cas d'échéances payées ultérieurement, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- dit que la société Franfinance a manqué à ses obligations lors de la souscription du crédit ainsi que lors de la libération des fonds et que ces fautes la privent de son droit de demander le remboursement du capital emprunté,
- condamne in solidum la société Franfinance et Me [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro à payer à M. [C] et Mme [J] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne in solidum la société Franfinance et Me [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
à titre principal,
- débouter M. [C] et Mme [J] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire,
- en cas de nullité éventuelle du contrat principal de vente entraînant dans son sillage la nullité du contrat de crédit,
- débouter M. [C] et Mme [J] de leurs demande en paiement telles que formées à l'encontre de la société Franfinance,
en toutes hypothèses,
- les condamner solidairement au règlement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2025, M. [C] et Mme [J] demandent à la cour de :
Vu les articles visés dans leur rédaction applicable au litige, vu les articles 514 et 700 du code de procédure civile,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 30 août 2023, objet d'un jugement rectificatif en date du 28 septembre 2023, rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cambrai,
à titre subsidiaire,
si par extraordinaire la cour infirmait le jugement et rejetait la demande en nullité du contrat de vente en application des dispositions du code de la consommation,
- prononcer l'annulation du contrat conclu entre les consort M. [C] et Mme [J] et la société Ecopro sur le fondement du dol,
en tout état de cause,
- déclarer M. [C] et Mme [J] recevables en leurs demandes,
- débouter la société Franfinance de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement Me [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro et la société Franfinance à payer à M. [C] et Mme [J] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Me [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro et la société Franfinance aux entiers frais et dépens de la présente procédure d'appel.
Régulièrement assigné par acte de commissaire de justice délivré le 14 novembre 2023 à personne habilitée, Me [I] [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Ecopro n'a pas constitué avocat.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'affaire a été rendue le 6 mars 2025.
MOTIFS
Sur la nullité du contrat principal de vente
En vertu des articles L.221-9 et L.221-29 du code de la consommation, les contrats hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat. Il comprend toutes les informations prévues par l'article L.221-5. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L.221-5.
Selon l'article L.221-5 du code de la consommation 'Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L.221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat. (...)'
Selon l'article L.111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,
2° le prix du bien ou du service en application de l'article L.112-1 à L.112-4,
3° en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5° s'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique, et le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et autres conditions contractuelles ;
6° la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre 1er du livre VI. (...)'
En vertu de l'article L.242-1du code de la consommation, les dispositions de l'article L.221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
En l'espèce, le contrat de vente litigieux, conclu hors établissement, porte sur la fourniture et la pose d'un ballon thermodynamique et d'une pompe à chaleur. Ce contrat difficilement lisible désigne 'groupe extérieur Itachi 5,90 Kw, ballon thermodynamique Yutempo'.
Les références, la contenance, la puissance du ballon thermodynamique ne figurent pas au bon de commande ; la désignation des biens offerts à la vente est particulièrement imprécise et ne permet pas au consommateur d'effectuer des comparaisons entre les différentes offres dont il pourrait disposer. En outre, aucun détail n'est donné sur la nature exacte des travaux de pose et d'installation.
De plus, les conditions générales de vente renvoient aux dispositions des articles L.121-23, L.121-24, L.121-25 et L.121-16 du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 alors qu'elles n'étaient plus applicables à la date de conclusion du contrat, les dispositions de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 étant applicables, et sont donc erronées s'agissant notamment du délai de rétractation.
Il s'observe également que le formulaire de rétractation, qui renvoie à l'article L.121-16 et suivants du code de la consommation qui n'étaient applicable à la date de conclusion du contrat, ne correspond pas au modèle prévu par l'article R.221-1 du code de la consommation applicable issu du décret 2016-884 du 26 juin 2016.
De plus, ce formulaire est situé directement au verso des conditions générales, en sorte qu'en cas d'utilisation de cette faculté, le consommateur amputerait l'instrumentum du contrat.
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs exposés par M. [C] et Mme [J] il résulte des observations qui précèdent que le bon de commande litigieux est parfaitement irrégulier au regard des dispositions protectrices du code de la consommation applicables, ce qui entraîne sa nullité, sans que le consommateur ait à démontrer le caractère déterminant pour son consentement des informations manquantes, s'agissant d'une nullité d'ordre public.
Sur la réitération du consentement
Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l'article de l'article 1182 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat que la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer.
La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit, dès lors que la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, être caractérisée par sa connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger.
En l'espèce, il ne résulte d'aucun élément objectif du dossier que M. [C] et Mme [J] même si ils avaient connaissance de l'irrégularité du bon de commande, aient manifesté leur volonté non équivoque de renoncer à la nullité qui en découle, étant entendu que leur acceptation de la livraison n'a pu avoir pour effet de couvrir ces irrégularités ainsi que la nullité qui a vocation à les sanctionner. Au regard de leur qualité de simples profanes, ils devaient de toute évidence ignorer que le défaut des mentions obligatoires entachant le bon de commande était sanctionné par la nullité de cet acte juridique s'agissant d'une nullité relative dans le cadre protecteur du droit de la consommation, étant au surplus observé que les seules dispositions du code de la consommation reprises aux verso du bon de commande sont erronées. Il ne ressort par ailleurs d'aucun élément objectif du dossier que les acquéreurs aient confirmé cet acte nul en renonçant à la nullité qui en découle notamment en adressant au vendeur un courrier recommandé faisant état de leur renonciation explicite à la nullité de cet acte juridique.
En conséquence, aucune confirmation de la nullité ne saurait être caractérisée, et il y a lieu en conséquence d'annuler la contrat de vente principal à raison de son irrégularité, le jugement déféré étant en conséquence confirmé de ce chef.
L'annulation du contrat principal de vente à raison de son irrégularité au regard des dispositions du code de la consommation étant prononcée, il n'y a pas lieu d'examiner la demande subsidiaire de nullité pour dol.
Sur la nullité du contrat de crédit accessoire
L'article L. 312-55 du code de la consommation dans sa version issue du décret n°2016-301 du 14 mars 2016 en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit dispose que le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Le contrat principal de vente ayant été annulé, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit conclu entre la société Franfinance d'une part, et M. [C] et Mme [J] d'autre part.
Sur les conséquences de la nullité du contrat principal de vente et du contrat de crédit
- Sur les conséquence de la nullité du contrat de vente
Au regard du prononcé de la nullité du contrat principal de vente, le jugement sera confirmé en ce qu'il a :
- dit que le ballon thermodynamique avec pompe à chaleur et les équipements annexes devront être tenus à la disposition de Me [I] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro, à charge pour elle de les reprendre au domicile de M. [C] et Mme [J] et de remettre l'ouvrage dans son état initial,
- dit que si me [I] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro n'a pas fait réaliser cette remise en état et l'enlèvement de cette installation dans un délai de cinq mois à compter de la signification du présent arrêt à son égard, M. [C] et Mme [J] pourront disposer de cette installation,
- Sur les conséquences de la nullité du contrat de crédit affecté:
La nullité du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de prestations de services qu'il finançait emporte, pour l'emprunteur, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au prestataire de services par le prêteur. Elle emporte pour le prêteur l'obligation de restituer les sommes déjà versées par l'emprunteur.
Toutefois, le prêteur qui a versé les fonds, sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
En l'espèce, le prêteur qui a versé les fonds au vendeur sans avoir vérifié au préalable la régularité du contrat principal, alors que les irrégularités étaient manifestes et que les vérifications qui lui incombent lui auraient permis de constater que le contrat principal était affecté de nullité, a commis une faute.
Pour obtenir la réparation de son préjudice, le consommateur doit établir l'existence de son préjudice et le fait qu'il est dûment corrélé à la faute de la banque.
Force est de constater que la faillite du vendeur doit être considérée en l'espèce comme générant un préjudice suffisant pour priver le prêteur de sa créance de restitution. En effet du fait de cette déconfiture M. [C] et Mme [J] se verront incontestablement dans l'impossibilité de récupérer le prix de vente auprès de la société Force Energie placée en liquidation judiciaire - alors même que cette restitution du prix aurait été la conséquence juridique normale et automatique résultant de l'annulation du contrat de vente.
Dans un arrêt de principe en date du 10 juillet 2024 la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (Cass. Civ, 1ère 10 juillet 2024, n° du pourvoi 23-15.802).
La Cour suprême estime ainsi qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque a manqué à ses obligations, et que d'autre part, l'emprunteur avait subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente du matériel. Elle en déduit que la banque dans ce cas doit être condamnée à restituer à l'emprunteur à titre de dommages et intérêts une somme correspondant au capital emprunté.
La faute avérée de la banque en l'espèce a causé un préjudice incontestable qui doit être justement et exactement arbitré à hauteur du montant intégral de la créance de restitution. Il doit être fait application dans le cas présent du principe fondamental dans la sphère de responsabilité civile de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit, qui commande de réparer tout le préjudice mais rien que le préjudice.
Il y a donc lieu, réformant le jugement et statuant à nouveau, de condamner la société Franfinance à payer à M. [Z] [C] et Mme [L] [J] la somme de 18 800 euros, soit très exactement une somme équivalente au montant du capital emprunté.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, sauf à préciser que la créance de M. [C] et Mme [J] au titre des dépens de première instance et celle au titre des frais irrépétibles de première instance doit être fixée au passif de la société Ecopro qui fait l'objet d'une liquidation judiciaire.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [C] et Mme [J] les frais irrépétibles exposés par eux devant la cour et non compris dans les dépens.
Il convient dès lors de condamner la société Franfinance à payer à M. [C] et Mme [J] M. [G] et Mme [K] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
En revanche, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Franfinance les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.
Il y a lieu en conséquence de la débouter de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
Il convient de condamner la société Franfinance, qui succombe, aux entiers dépens de l'instance d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de l'appel ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :
- condamné la société Franfinance à payer à M. [Z] [C] et Mme [L] [J] la somme de 10 431,54 euros,
- condamne in solidum la société Franfinance et Me [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro à payer à [Z] M. [C] et Mme [L] [J] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société Franfinance et Me [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecopro aux entiers dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmé ;
Condamne la société Franfinance à payer à M. [Z] [C] et Mme [L] [J] la somme de 18 800 euros au titre du préjudice qu'ils ont
subi ;
Fixe au passif de la société Ecopro la créance de M. [Z] [C] et Mme [L] [J] aux titre des dépens de première instance et au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Y ajoutant ;
Condamne la société Franfinance à payer à M. [Z] [C] et Mme [L] [J] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel ;
Déboute la société Franfinance de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Société Franfinance aux dépens de l'instance d'appel.