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Décisions

CA Douai, 8e ch. sect. 1, 5 juin 2025, n° 23/03501

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

X

Défendeur :

Force Energie (SARL), Franfinance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Benhamou

Conseillers :

Mme Convain, Mme Ménegaire

Avocats :

Me Foutry, Me Vanhamme

T. prox. Lens, du 11 janv. 2023, n° 21/0…

11 janvier 2023

EXPOSE DU LITIGE

Le 21 février 2017, M. [L] [Z] et Mme [K] [Y] épouse [Z] ont contracté auprès de la SARL Force Energie une prestation relative à la fourniture et la pose d'une installation photovoltaïque pour un montant de 24 500 euros TTC, dans le cadre d'un démarchage à domicile, suivant bon de commande n° 30809.

Cette installation a été financée au moyen d'un crédit affecté dont l'offre préalable a été signée le même jour par M. [Z] et Mme [Y] auprès de la SA Franfinance, d'un montant de 24 500 euros, remboursable en 137 mensualités, au taux nominal annuel de 5,75 %.

Par actes d'huissier de justice délivrés le 4 novembre 2021, M. [Z] et Mme [Y] ont fait assigner la société Force Energie et la société Franfinance en justice aux fins notamment de voir annuler le contrat de vente et le contrat de crédit.

La société Force Energie a été placée en liquidation judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 13 décembre 2018, la SELARL [S]-Pecou ayant été désignée liquidateur judiciaire. Par jugement du 3 mars 2022, le tribunal de commerce a prononcé la clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d'actifs.

Par ordonnance rendue le 25 mai 2022, la SELARL [S]-Pecou représentée par Me [E] [S] a été désignée mandataire ad hoc de la société Force Energie avec pour mission de représenter ladite société pendant toute la durée de la procédure devant les tribunaux judiciaires et les cours d'appel.

Par acte de commissaire de justice du 13 juillet 2022, M. [Z] et Mme [Y] ont fait assigner en intervention forcée la SELARL [S]-Pecou ès qualité de mandataire ad hoc de la société Force Energie devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du tribunal de proximité de Lens.

Par jugement réputé contradictoire du 11 janvier 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Lens a :

- déclaré admise l'intervention forcée de la SELARL [S]-Pecou représentée par Me [E] [S], es qualité de mandataire ad hoc de la société Force Energie,

- déclaré la demande recevable,

- ordonné la jonction entre les instances enregistrées sous les numéros 1121-1276 et 1122-828,

- dit qu'elles sont enregistrées sous le numéro 1121-1276,

- débouté M. [Z] et Mme [Y] de leurs demandes de résolution de la vente et en nullité du contrat conclu avec la société Force Energie suivant bon de commande du 21 février 2017,

- débouté en conséquence M. [Z] et Mme [Y] de leur demande de nullité du contrat de crédit conclu avec la société Franfinance,

- débouté M. [Z] et Mme [Y] de leurs demandes de dommages et intérêts présentées contre la société Franfinance,

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la société Franfinance au titre du prêt conclu le 21 février 2017,

- condamné M. [Z] et Mme [Y] solidairement aux dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 25 juillet 2023, M. [Z] et Mme [Y] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de résolution de la vente et en nullité du contrat conclu avec la société Force Energie, les a déboutés de leur demande de nullité du contrat de crédit conclu avec la société Franfinance, les a déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts présentées contre la société Franfinance, a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la société Franfinance au titre du prêt, les a condamnés solidairement aux dépens et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 13 septembre 2024, les appelants demandent à la cour de :

Vu les articles du code de la consommation, du code de l'urbanisme, du code monétaire et financier, du code des assurances, du code civil, du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à l'espèce,

- infirmer le jugement rendu le 11 janvier 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Lens en ce qu'il a :

- débouté M. [Z] et Mme [Y] de leurs demandes de résolution de la vente et en nullité du contrat conclu avec la société Force Energie suivant bon de commande du 21 février 2017,

- débouté en conséquence M. [Z] et Mme [Y] de leur demande de nullité du contrat de crédit conclu avec la société Franfinance,

- condamné M. [Z] et Mme [Y] solidairement aux dépens,

Statuant à nouveau :

- déclarer recevables les actions engagées par M. [Z] et Mme [Y],

- débouter la société Franfinance de l'ensemble de ses demandes,

à titre principal,

- prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 21 février 2017 entre les époux [Z] et la société Force Energie,

à titre subsidiaire,

- prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente conclu le 21 février 2017 entre les époux [Z] et la société Force Energie,

en tout état de cause,

- prononcer la nullité , ou à titre subsidiaire, la résolution du contrat de crédit affecté conclu entre les époux [Z] et la société Franfinance,

- condamner la société Franfinance à rembourser à M. [Z] et Mme [Y] le montant des échéances d'emprunt acquittées en exécution de l'offre du 21 février 2017, à savoir la somme de 30 082,62 euros, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

à titre subsidiaire,

- condamner la société Franfinance à verser à M. [Z] et Mme [Y] la somme de 26 500 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la négligence fautive de la banque,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque,

- condamner la société Franfinance à restituer à M. [Z] et Mme [Y] les intérêts indûment perçus, soit la somme de 3 582,62 euros,

en tout état de cause,

- condamner la société Franfinance à verser à M. [Z] et Mme [Y] les sommes de :

- 4 554 au titre de leur préjudice financier et de frais de dépose,

- 3 000 euros au titre de leur préjudice économique,

- 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- condamner la société Franfinance à payer à M. [Z] et Mme [Y] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Franfinance en tous les dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2021, la société Franfinance demande à la cour de :

Vu les articles L.312-55 et L.312-56 du code de la consommation,

vu les articles 1188 et suivants du code civil,

vu l'article 1182 du code civil,

vu l'article 1353 dudit code,

vu l'article 9 du code de procédure civile,

- réformer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Lens rendu le 11 janvier 2023 en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Franfinance au titre du contrat de prêt conclu avec M. [Z] et Mme [Y] le 21 février 2017,

pour le surplus,

- confirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Lens rendu le 11 janvier 2023,

à titre principal,

- débouter M. [Z] et Mme [Y] de leurs demandes, fins et conclusions,

à tire subsidiaire,

- si par extraordinaire la cour estimait devoir prononcer l'annulation ou la résolution du contrat de vente conclu entre M. [Z], Mme [Y] et la société Force Energie,

- constater, dire et juger que la société Franfinance n'a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni dans l'octroi du crédit,

- condamner solidairement M. [Z] et Mme [Y] à rembourser à la société Franfinance le montant du capital prêté, (déjà effectué compte tenu du remboursement du prêt),

à titre infiniment subsidiaire,

- si par impossible la cour considérait que la société Franfinance a commis une faute dans le déblocage des fonds,

- dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter ne peut être égal au montant de la créance,

- constater, dire et juger que M. [Z] et Mme [Y] ne rapportent absolument pas la preuve du préjudice qu'ils subiraient à raison de la faute qu'ils tentent de mettre à la charge de la société Franfinance,

- dire et juger que l'établissement financier ne saurait être privé de la totalité de sa créance de restitution, compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour M. [Z] et Mme [Y],

- par conséquent, condamner solidairement M. [Z] et Mme [Y] à rembourser à la société Franfinance le montant du capital prêté (déjà effectué compte tenu du remboursement du prêt),

- à défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi par M. [Z] et Mme [Y] et à restituer à tout le moins au prêteur une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté,

en tout état de cause,

- condamner M. [Z] et Mme [Y] à payer à la société Franfinance la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [Z] et Mme [Y] aux entiers frais et dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

La clôture de l'affaire a été rendue le 6 mars 2025.

MOTIFS

Sur la nullité du contrat principal de vente

En vertu des articles L.221-9 et L.221-29 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige, les contrats hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat. Il comprend toutes les informations prévues par l'article L.221-5. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L.221-5.

Selon l'article L.221-5 du code de la consommation 'Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L.221-25 ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L.221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat. (...)'

Selon l'article L.111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,

2° le prix du bien ou du service en application de l'article L.112-1 à L.112-4,

3° en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° s'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique, et le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et autres conditions contractuelles ;

6° la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre 1er du livre VI. (...)'

En vertu de l'article L.242-1du code de la consommation, les dispositions de l'article L.221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l'espèce, le contrat de vente litigieux porte sur la fourniture et la pose de 12 panneaux solaires photovoltaïques monochristallins à haut rendement certifiés CE et NF d'une puissance unitaire de 250 WC, de marque (illisible), et d'une puissance globale de 3 000 WC. Il prévoit l'accomplissement par la société Force Energie de toutes les démarches administratives jusqu'à l'obtention du contrat d'achat auprès de la société ERDF, dont le raccordement de l'installation.

Il ressort de l'examen du bon de commande produit par la banque qu'il n'est pas conforme aux dispositions de l'article L.311-1 3°) prescrites à peine de nullité en ce qu'il ne comporte pas la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, ni a fortiori ne précise les modalités concrètes et un calendrier d'exécution des différent travaux et prestations.

Il suit que le consommateur n'ayant pas été informé sur délai de livraison et de réalisation des différentes prestations qu'il entend obtenir dans le cadre du contrat litigieux, le bon de commande ne satisfait pas aux exigences protectrices du consommateur résultant des dispositions précitées du code de la consommation sans qu'il soit besoin d'apprécier si ces éléments ont été déterminants du consentement, s'agissant d'une nullité relative d'ordre publique.

Sur la réïtération du consentement

Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l'article de l'article 1182 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat que la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer.

La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit, dès lors que la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, être caractérisée par sa connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger.

En l'espèce, il ne résulte d'aucun élément objectif du dossier que M. [Z] et Mme [Y] même si ils avaient connaissance de l'irrégularité du bon de commande, aient manifesté leur volonté non équivoque de renoncer à la nullité qui en découle, étant entendu que leur acceptation de la livraison n'a pu avoir pour effet de couvrir ces irrégularités ainsi que la nullité qui a vocation à les sanctionner. Au regard de leur qualité de simples profanes, ils devaient de toute évidence ignorer que le défaut des mentions obligatoires entachant le bon de commande était sanctionné par la nullité de cet acte juridique s'agissant d'une nullité relative dans le cadre protecteur du droit de la consommation, ce d'autant plus que les seules dispositions du code de la consommation reprises au verso du bon de commande ne concernent que le droit de rétractation et les dispositions relatives aux mentions devant figurer au bon de commande à peine de nullité de l'acte. Il ne ressort par ailleurs d'aucun élément objectif du dossier que les acquéreurs aient confirmé cet acte nul en renonçant à la nullité qui en découle notamment en adressant au vendeur un courrier recommandé faisant état de leur renonciation explicite à la nullité de cet acte juridique.

En conséquence, aucune confirmation de la nullité ne saurait être caractérisée, et il y a lieu en conséquence d'annuler la contrat de vente principal, le jugement déféré étant en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] et Mme [Y] de leur demande de nullité.

L'annulation du contrat principal de vente à raison de son irrégularité formelle au regard des disposition du code de la consommation étant prononcée, il n'y a pas lieu d'examiner la demande de nullité pour dol, ni la demande de résolution judiciaire du contrat de vente.

Sur la nullité du contrat de crédit accessoire

L'article L. 312-55 du code de la consommation dispose que le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Le contrat principal de vente ayant été annulé, il convient de constater la nullité de plein droit du contrat de crédit conclu entre la société Franfinance M. [Z] et Mme [Y].

Sur les conséquences de la nullité du contrat principal de vente et du contrat de crédit

- Sur les conséquence de la nullité du contrat de vente

Au regard du prononcé de la nullité du contrat principal de vente, la SELARL [S]-Pecou représentée par Me [E] [S] ès qualité de mandataire ad hoc de la société Force Energie devra restituer le prix de vente à M. [Z] et Mme [Y] étant entendu que ceux-ci devront restituer le matériel installé.

- Sur les conséquences de la nullité du contrat de crédit affecté:

La nullité du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de prestations de services qu'il finançait emporte, pour l'emprunteur, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au prestataire de services par le prêteur. Elle emporte pour le prêteur l'obligation de restituer les sommes déjà versées par l'emprunteur.

Toutefois, le prêteur qui a versé les fonds, sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

En l'espèce, le prêteur qui a versé les fonds au vendeur sans avoir vérifié au préalable la régularité du contrat principal, alors que l'absence d'indication du délai de livraison et d'exécution des prestations précédemment constatée était manifestes et alors que les vérifications qui lui incombent lui auraient permis de constater que le contrat principal était affecté de nullité, a commis une faute.

Pour obtenir la réparation de son préjudice, le consommateur doit établir l'existence de son préjudice et le fait qu'il est dûment corrélé à la faute de la banque.

Force est de constater que la faillite du vendeur doit être considérée en l'espèce comme générant un préjudice suffisant pour priver le prêteur de sa créance de restitution. En effet du fait de cette déconfiture M. [Z] et Mme [Y] se verront incontestablement dans l'impossibilité de récupérer le prix de vente auprès de la société Force Energie placée en liquidation judiciaire - alors même que cette restitution du prix aurait été la conséquence juridique normale et automatique résultant de l'annulation du contrat de vente. Il convient de souligner qu'au cas particulier la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs de la société Force Energie rend absolument certaine et non pas seulement probable la non restitution du prix par cette société.

Dans un arrêt de principe en date du 10 juillet 2024 la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (Cass. Civ, 1ère 10 juillet 2024, n° du pourvoi 23-15.802).

La Cour suprême estime ainsi qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque a manqué à ses obligations, et que d'autre part, l'emprunteur avait subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente du matériel. Elle en déduit que la banque dans ce cas doit être condamnée à restituer à l'emprunteur à titre de dommages et intérêts une somme correspondant au capital emprunté.

La faute avérée de la banque en l'espèce a causé un préjudice incontestable qui doit être justement et exactement arbitré à hauteur du montant intégral de la créance de restitution. Il doit être fait application dans le cas présent du principe fondamental dans la sphère de responsabilité civile de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit, qui commande de réparer tout le préjudice mais rien que le préjudice.

Il y a donc lieu, réformant le jugement et statuant à nouveau, de condamner la société Franfinance à payer aux époux [Z] la somme de 24 500 euros, soit très exactement une somme équivalente au montant du capital emprunté.

Il y a lieu par ailleurs, au regard du principe sus évoqué, de débouter les époux [Z] de leurs demandes de dommages et intérêts complémentaires.

Sur les demandes accessoires

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [Z] et Mme [Y] les frais irrépétibles exposés par eux devant la cour et non compris dans les dépens.

Il convient dès lors de condamner la société Franfinance à payer à M. [Z] et Mme [Y] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

En revanche, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Franfinance les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.

Il y a lieu en conséquence de la débouter de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

Il convient de condamner la société Franfinance, qui succombe, aux entiers dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de l'appel ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant nouveau et y ajoutant ;

Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 21 février 2017 entre M. [Z] et Mme [Y] d'une part, et la société Force Energie d'autre part ;

Constate la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté n° 10124515064 conclu le 21 février 2017 entre M. [Z] et Mme [Y] d'une part, et la société Franfinance d'autre part ;

Condamne la société Franfinance à payer à M. [Z] et Mme [Y] la somme de 24 500 euros au titre du préjudice qu'ils ont subi ;

Rejette la demande de restitution du capital prêté au titre du contrat de crédit affecté du 21 février 2017 formée par la société Franfinance ;

Déboute M. [Z] et Mme [Y] de leur demande de dommages et intérêts complémentaires ;

Condamne la société Franfinance à payer à M. [Z] et Mme [Y] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la Société Franfinance aux dépens de première instance et d'appel.

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