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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 5 juin 2025, n° 24/09393

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/09393

5 juin 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 05 JUIN 2025

Rôle N° RG 24/09393 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNOO2

SAS ACCESS INVEST

C/

Société BIGBEN CONNECTED

Société GM

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le : 5 juin 2025

à :

Me Sébastien BADIE

Me Charles TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 09 Juillet 2024 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2024F02385.

APPELANTE

SAS ACCESS INVEST

SAS immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Antibes sous le numéro 911 808 665, dont le siège social est sis [Adresse 5] à 06410 Biot, représentée par son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Société BIGBEN CONNECTED

SASU, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Lille Métropole sous le numéro B 403 361 439, dont le siège social est situé [Adresse 1] à [Localité 2] agissant poursuites et diligences par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège.

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - KARINE BUJOLI-TOLLINCHI AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SELARL GM

Représenté par Maître [Y] [U], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS ACCES INVEST demeurant [Adresse 3]

défaillante

EN PRESENCE DE :

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL,

demeurant COUR D'APPEL - 20. [Adresse 4]

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Mars 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillère rapporteure

Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2025.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2025,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société ACCESS INVEST a pour activité la commercialisation de produits personnalisables destinés aux cadeaux d'entreprise et aux Retails et à la fabrication et la commercialisation de produits nettoyants.

Elle est dirigée par M. [H] [K], aidé par sa mère, Mme [C] [K] et n'emploie pas de salarié.

Elle a été citée aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 5 juin 2024 à la diligence d'un de ses distributeurs nationaux, la société BIGBEN CONNECTED.

Par jugement du 9 juillet 2024, le tribunal de commerce d'Antibes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société ACCESS INVEST. La date de cessation des paiements a été provisoirement fixée au 9 janvier 2023 et la SELARL GM, prise en la personne de M. [Y] [U], a été désignée mandataire judiciaire.

La société ACCESS INVEST n'ayant pas comparu devant eux, les premiers juges ont retenu que des renseignements fournis à l'audience, il ressort que :

- la créance est certaine, liquide et exigible,

- le débiteur est en état de cessation des paiements.

La société ACCESS INVEST a fait appel de ce jugement le 17 juillet 2024.

Dans ses dernières conclusions, déposées au RPVA le 19 février 2025, elle demande à la cour de déclarer l'appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement frappé d'appel et de :

- constater l'absence d'état de cessation des paiements,

- dire n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son encontre,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses dernières écritures, notifiées au RPVA le 14 novembre 2024, la société BIGBEN CONNECTED demande à la cour :

A titre principal, de :

- déclarer qu'elle n'est valablement saisie d'aucune prétention faute pour l'appelante d'avoir présenté des conclusions formulant des prétentions dans le délai qui lui était imparti,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

A titre subsidiaire, de :

- déclarer qu'elle détient une créance certaine, liquide et exigible pour un montant de 31 861, 58 euros TTC à l'encontre de la société ACCESS INVEST,

- déclarer la société ACCESS INVEST en état de cessation des paiements,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

En tout état de cause, de :

- débouter la société ACCESS INVEST de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- fixer au passif de la société ACCESS INVEST sa créance de dépens et de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans son avis, déposé au RPVA le 13 février 2025, le ministère public poursuit la confirmation de la décision frappée d'appel.

Le 24 septembre 2024, la société ACCESS INVEST a signifié la déclaration d'appel et ses conclusions à la SELARL GM.

L'intéressée, citée à personne habilité, n'a pas constitué avocat.

La présente décision sera réputée contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.

Le 16 septembre 2024, au visa de l'article 905-1 du code de procédure civile, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l'audience du 19 mars 2025.

La procédure a été clôturée le 20 février 2025 et, le même jour, la date de fixation a été rappelée aux parties.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DECISION

1) La cour n'étant saisie d'aucun moyen de contestation de la recevabilité de l'appel, la demande de la société ACCESS INVEST tendant à ce que son appel soit déclaré recevable est sans objet.

2) A titre principal, la société BIGBEN CONNECTED affirme que la cour n'est saisie d'aucune demande, puisque l'utilisation des termes «'constater'» et «'dire'» ne constituent pas des demandes au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile.

La société ACCESS INVEST demande à la cour de constater qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements et qu'elle dise qu'il n'y a pas lieu d'ouvrir une procédure collective à son égard.

Comme elle le souligne, malgré une maladresse rédactionnelle évidente, il s'agit bien là de prétentions d'autant qu'elle poursuit aussi l'infirmation de la décision frappée d'appel.

En conséquence, la société BIGBEN CONNECTED sera déboutée de sa demande principale tendant à ce que la cour se déclare non valablement saisie de prétentions de la part de l'appelante.

3) Il se déduit de l'article L.631-1 du code de commerce que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire n'est possible que si le débiteur se trouve en état de cessation des paiements.

L'état de cessation des paiements se définit par l'impossibilité pour un débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Il doit être prouvé par celui qui demande l'ouverture de la procédure collective, il se distingue du refus de paiement et ne résulte pas de la seule existence d'une dette, d'un résultat déficitaire ou d'une perte d'exploitation.

En cause d'appel, il appartient au créancier qui poursuit l'ouverture de la procédure collective du débiteur de démontrer l'état de cessation des paiements de ce dernier à la date où la cour statue, c'est-à-dire à la date de l'audience et de la mise en délibéré qui clôt les débats.

4) Dans le cas présent, la société ACCESS INVEST conteste s'être trouvée en état de cessation des paiements.

Il n'est pas remis en cause que la créance revendiquée par la société BIG BEN CONNECTED est issue d'un conflit commercial opposant les parties dans l'exécution d'un contrat les ayant liées.

En l'absence de titre définitif pour la consacrer, il n'appartient pas au tribunal des procédures collectives et à la cour dotée des mêmes pouvoirs que lui, de trancher les contestations opposant les parties qui relèvent de l'arbitrage du juge du contrat concernant des commandes prétendues non conformes, des avances déclarées injustifiées et de manquements allégués aux obligations respectives des contractants.

Il en résulte que :

- la société BIGBEN CONNECTED doit être déboutée de sa demande de fixation de créance,

- cette créance ne peut être comptabilisée dans le passif exigible de la société ACCESS INVEST.

En s'appuyant sur l'état du passif déclaré au mandataire judiciaire (pièce 6 de l'appelante) la cour est en mesure de fixer ainsi qu'il suit le passif exigible de la société ACCESS INVEST :

Facture ARTPLAST : 4 800, 00 euros

CREDIT AGRICOLE LEASING : 8 548, 99 euros

PRS au titre de la CFE 2023 et 2024 : 1 066, 00 euros

PRS au titre de l'IS 2023 : 2 000, 00 euros

SCHENKER FRANCE : 203, 00 euros

SFR : 876, 04 euros

Solde débiteur SOCIETE GENERALE : 3 689, 58 euros

TOTAL : 23 182, 99 euros

En effet,

- au vu du montant des sommes affectées à chaque mois (1 500 euros), il apparaît que la créance totale de 9 000 euros déclarée par le PRS au titre de la TVA de mars à juillet 2024 est provisionnelle de sorte que la cour estime qu'il est légitime de ne pas la comptabiliser dans le passif exigible,

- la société ACCESS INVEST ne discute pas les autres créances soutenant qu'elles n'étaient pas exigibles le jour où les premiers juges ont statué alors qu'elles le sont manifestement devenues le jour où la cour statue.

Au titre de son actif disponible, la société ACCESS INVEST reste taisante sur sa trésorerie et se contente d'alléguer des créances client (sa pièce 8).

Outre qu'à défaut de démontrer que ces créances sont recouvrables à très bref délai, la cour relève que pour la plus grande partie, soit la somme de 240 523, 30 euros, elles concernent des factures BIG BEN avec laquelle elle se trouve en litige au point que cette dernière l'a assignée en ouverture de procédure collective. Ces factures doivent donc être exclues de l'actif disponible de la société ACCESS INVEST.

Dès lors, même à supposer que la créance de 10 336, 37 euros qu'elle détient sur la société ASCENDEO (émise le 10 janvier 2024) soit recouvrable à bref délai, ce qui est loin d'être établi, la cour constate qu'au jour où elle statue, la société ACCESS INVEST se trouve dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, ce dont il résulte qu'elle est en état de cessation des paiements.

Par ces motifs que la cour substitue à ceux des premiers juges, le jugement frappé d'appel sera confirmé en toutes ses dispositions.

5) La société ACCESS INVEST qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel qui seront employés en frais privilégiés de sa procédure collective.

Au vu des circonstances de l'espèce aucune considération d'équité n'impose de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société BIG BEN CONNECTED.

Elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, après débats publics, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe ;

Déclare sans objet la demande de la société ACCESS INVEST tendant à déclarer son appel recevable ;

Déboute la société BIGBEN CONNECTED de sa demande tendant à ce que la cour se déclare non valablement saisie de prétentions de la part de l'appelante ;

Déboute la société BIGBEN CONNECTED de sa demande de fixation de créance ;

Confirme par motifs propres substitués, en toutes ses dispositions, en ce compris celle relative aux dépens, le jugement rendu le 9 juillet 2024 par le tribunal de commerce d'Antibes ;

Y ajoutant ;

Déboute la société BIGBEN CONNECTED de sa demande du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société ACCESS INVEST aux dépens d'appel et ordonne qu'ils soient employés en frais privilégiés de sa procédure collective.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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