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Décisions

CA Metz, ch. soc.-sect. 3, 12 juin 2025, n° 24/02035

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 24/02035

12 juin 2025

Arrêt n° 25/00181

12 Juin 2025

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N° RG 24/02035 - N° Portalis DBVS-V-B7I-GITE

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

16 Avril 2021

18/011076

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

douze Juin deux mille vingt cinq

APPELANTE :

[10]

[Adresse 3]

[Adresse 15]

[Localité 4]

représentée par M. [R], muni d'un pouvoir général

INTIMÉS :

Me [M] [N] - Mandataire de Société [7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

non présent, non représenté

Société [7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

non présente, non représentée

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 1]

[Adresse 19]

[Localité 6]

Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Janvier 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. François-Xavier KOEHL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Réputé contradictoire

Prononcé publiquement après prorogation du 03.04.2025

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Né le 18 juillet 1945, M. [T] [E] a travaillé pour le compte de la société [7] sur le site d'[Localité 18] de 1963 à 2005 en qualité de manager encadrant fabrication.

La société [7] a été placée en liquidation judiciaire par jugement d'ouverture du 24 juillet 2014 du tribunal de commerce de Nanterre désignant la S.[11], pris en la personne de Maître [M] en qualité de liquidateur judiciaire.

Selon formulaire du 3 juillet 2016, M. [T] [E] a déclaré être atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles pour «plusieurs plaques pleurales », en produisant un certificat médical initial du 21 juin 2016 établi par le docteur [S] [A], lequel fait état de «plaques pleurales ».

Par décision en date du 6 avril 2017, la [8] a admis le caractère professionnel de cette pathologie.

Le 18 mai 2017, la caisse a notifié à l'assuré l'attribution d'une indemnité en capital d'un montant de 1 952,33 euros correspondant à un taux d'incapacité permanente partielle de 5% en réparation de sa pathologie à compter du 22 juin 2016, soit au lendemain de la date de consolidation.

Selon quittance subrogative du 28 avril 2017, M. [E] a accepté l'offre du [17] (« [16] ») d'indemniser les préjudices liés à sa maladie professionnelle due à l'amiante à hauteur de 12 800 euros se décomposant comme suit:

11 700 euros au titre du préjudice moral,

200 euros au titre du préjudice physique,

900 euros au titre du préjudice d'agrément.

Selon quittance subrogative du 2 juin 2017, M. [E] a également accepté l'offre du [16] d'indemniser son préjudice d'incapacité fonctionnelle à hauteur de

4 619,78 euros.

Le [16] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Moselle devenu pôle social du tribunal de grande instance de Metz, puis du tribunal judiciaire de Metz à compter du 1" janvier 2020 selon courrier recommandé expédié le 9 juillet 2018 aux fins d'obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de a société [7] représentée par son mandataire, Maître [M], en sa qualité d'employeur de M. [E].

La caisse est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 20 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz a statué ainsi qu'il suit :

« Déclare le [16], subrogé dans les droits de M. [T] [D], recevable en ses demandes ;

Déclare le présent jugement commun à la [9] ;

Dit que la maladie professionnelle déclarée par M. [T] [D] et inscrite au tableau 30B des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de la société [7] ;

Condamne la [12] à majorer au montant maximum de 1 952,33 euros (mille neuf cent cinquante-deux euros et trente-trois centimes) le capital versé en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et à verser cette majoration directement au [16], subrogé dans les droits de M. [T] [E] ;

Dit que la majoration de l'indemnité en capital servie en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale suivra l'évolution éventuelle du taux d'incapacité attribué et qu'en cas de décès de M. [T] [E] résultant des conséquences de la maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant ;

Déboute le [16] de ses demandes d'indemnisation présentée au titre des souffrances physiques et morales, ainsi que du préjudice d'agrément ;

Déboute la [13] de son action récursoire formulée à l'encontre de la société [7], prise en la personne de son mandataire liquidateur ;

Condamne la société [7] aux entiers dépens ».

La [14] a interjeté appel de la décision par courrier expédié le 25 mai 2021.

Par courrier avisé le 10 décembre 2021, le [16] et la société [7] ont régulièrement été convoqués à l'audience du 17 octobre 2022 mais ne se sont pas présentés à l'audience et n'ont déposé aucune écriture et pièce.

Par ordonnance de radiation du 17 octobre 2022, la cour a radié l'affaire du rang des affaires en cours jusqu'à dépôt des conclusions de l'appelant.

Par conclusions avec demande de reprise d'instance du 9 octobre 2024 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie, la [14] sollicite « de condamner la société [7] à rembourser à la caisse les sommes qu'elle sera tenue de verser au [16] au titre de la majoration de l'indemnité en capital et au titre des préjudices extrapatrimoniaux ainsi que des intérêts légaux subséquents, en application de l'article L. 452-3-1 du Code de la Sécurité Sociale ».

Par courrier avisé le 15 novembre 2024, la société [7] a régulièrement été convoquée à l'audience du 17 octobre 2022 mais ne s'est pas présentée à l'audience et n'a déposé aucune écriture et pièce.

Lors de l'audience du 28 janvier 2025, le [16] a indiqué s'en remettre à la cour sur l'action récursoire.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties, en application de l'article 455 du code de procédure civile, et à la décision entreprise.

MOTIVATION

Sur l'action récursoire de la caisse

Il résulte des dispositions des articles L. 622-24, L. 622-26 du code de commerce, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale que l'origine de la créance d'une caisse de sécurité sociale contre l'employeur auteur d'une faute inexcusable réside dans cette faute même, et non pas dans la demande de fixation d'indemnités complémentaires présentée par le salarié, et il s'ensuit que l'ouverture d'une procédure d'apurement collectif du passif contre l'employeur, survenue après que la faute inexcusable ait été commise, oblige la caisse à soumettre sa créance à la procédure de déclaration et de vérification des créances ou à solliciter un relevé de forclusion (Cass. Com, 18 juin 2013 n°12-19.709, Cass. Civ 14 mars 2013 n° 12-13.611 ; 2e Civ., 31 mars 2016, pourvoi n° 15-14.265).

La faute inexcusable de l'employeur, en l'espèce la société [7], qui est à l'origine de la maladie professionnelle dont est atteint le salarié, a été commise pendant la carrière de M. [T] [E] lorsqu'il a travaillé pour le compte de la société [7] de 1963 à 2005 en qualité de manager encadrant fabrication, et il est constant que la société a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire par jugement d'ouverture du 24 juillet 2014 du tribunal de commerce de Nanterre.

Il en résulte que la créance éventuelle de la caisse au titre de son action récursoire est une créance antérieure soumise à déclaration.

Lorsque la procédure en paiement est engagée postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, il appartient au créancier en application des articles L. 622-21, L. 622-22, L. 624-2, L. 641-3 et L. 641-14 du code de commerce dans leurs versions applicables au litige de se soumettre à la procédure de vérification des créances tandis que le juge saisi de la demande en paiement doit en application du principe de l'interdiction des poursuites individuelles constater l'irrecevabilité de l'action en paiement introduite par le créancier ( en ce sens Civ, 2 ; 14 mars 2013 pourvoi n° 12-13 .611 et Com., 17 février 2015, pourvoi n° 13-27.117 ).

Il convient par ailleurs de rappeler qu'il résulte des dispositions de l'article 561 du code de procédure civile qu'investie de la plénitude de juridiction, tant en matière civile qu'en matière de sécurité sociale, et saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, la cour est tenue, dès lors que le premier juge a statué au fond sur la demande initiale de la victime, de statuer sur la demande présentée devant elle et y apporter une solution au fond, même si cette dernière suppose l'application des textes régissant les procédures collectives de paiement (Cass. Soc., 5 décembre 2002, pourvoi n° 00-21.491).

La créance de la caisse à l'encontre de l'employeur ayant pour origine la faute de celui-ci, et cette faute étant antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, la caisse est soumise à la procédure de déclaration et de vérification de sa créance. La caisse, qui n'établit pas avoir procédé à une déclaration de sa créance, ni bénéficié d'un relevé de forclusion, ne peut en conséquence exercer à l'encontre de l'employeur, en liquidation judiciaire, l'action récursoire dont elle dispose en vertu de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce ce n'est que le 3 juillet 2016 que M. [T] [E] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Il ne ressort aucunement des pièces que la caisse a procédé à une déclaration de créance ou ni avoir bénéficié d'un relevé de forclusion.

Comme l'a rappelé le jugement déféré, l'organisme de sécurité sociale, subrogé dans les droits de la victime d'un accident du travail causé par la faute inexcusable de l'employeur après versement de l'indemnité complémentaire, peut agir par voie d'action directe à l'encontre de l'assureur des conséquences financières de la faute inexcusable, sans être tenu de se soumettre à la procédure de vérification de sa créance conformément aux articles L. 124-3 du code des assurances et L. 452-3, alinéa 3, du code de la sécurité sociale. (Cass. com. 18 juin 2013, pourvoi n° 12-19.709).

La cour ne peut que constater qu'ayant été engagée postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, l'action récursoire de la caisse se heurte à la suspension des poursuites, ce qui justifie qu'elle soit déclarée irrecevable.

En conséquence le jugement déféré est confirmé.

Sur les dépens

Le jugement déféré est confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens.

La [14] qui succombe est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du 21 mai 2021 dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la [10] aux dépens d'appel.

La Greffière La Présidente

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