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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 12 juin 2025, n° 22/00907

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société d'exploitation des produits pour l'outillage et le bâtiment 'Probi' (SA)

Défendeur :

Total Petrochemicals France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Ranoux-Julien

Avocats :

Me Cycman, Me Savoldelli, Me Herman, Me Dimitrov, Me de Mortillet, Gide Loyrette Nouel

T. com. Paris, 10e ch., du 19 févr. 2021…

19 février 2021

EXPOSE DU LITIGE

La société Total Petrochemicals France (la société TPF) est une société française active dans le domaine des produits chimiques, pétrochimiques et plastiques. Elle dispose d'un établissement secondaire intervenant sur le territoire Qatari dénommé Qatar Branch Office.

La société d'Exploitation des Produits pour l'Outillage et le Bâtiment Probi (la société Probi) est une société de droit marocain ayant une activité de production, d'agent commercial, de représentation et de distribution de produits chimiques et pétroliers sur le territoire marocain.

Au début des années 2000, la société TPF a conclu avec la société Probi un accord pour la distribution au Maroc d'un produit polyéthylène à basse densité fabriqué par la société qatari Qapco, le « LDPE ».

Par courrier du 31 août 2010, la société TPF a mis fin au contrat en versant à la société Probi la somme de 250 000 euros à titre de compensation financière.

En 2009, la société TPF a conclu avec la société Qatari Qatofin CL le droit de commercialiser un nouveau produit polyéthylène à basse densité, nommé « LLDPE ».

En 2010, la société TPF a conclu avec la société Probi un accord pour la distribution du LLDPE au Maroc.

Par courrier du 11 septembre 2014, la société TPF a informé la société Probi de la « rupture de la relation d'agent commercial pour la commercialisation de LLDPE » avec effet au 31 décembre 2014, en offrant de lui payer une indemnité à hauteur de 130 000 euros.

La société Probi a manifesté son désaccord.

Par acte du 27 octobre 2016, la société Probi a assigné la société TPF devant le tribunal de commerce de Paris en indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 19 février 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

Dit qu'il était compétent pour statuer sur le litige opposant les parties ;

Dit que la société Probi était soumise au régime des agents commerciaux en ce qui concernait ses relations d'affaires avec la société TPF sur les produits LDPE et LLDPE ;

Débouté la société Probi de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

Condamné la société Probi à payer à la société TPF la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

Ordonné l'exécution provisoire ;

Condamné la société Probi aux dépens.

Par déclaration du 30 mars 2021, la société Probi a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

Dit que la société Probi était soumise au régime des agents commerciaux en ce qui concernait ses relations d'affaires avec la société TPF sur les produits LDPE et LLDPE ;

Débouté la société Probi de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

Condamné la société Probi à payer à la société TPF la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société Probi aux dépens.

Par une ordonnance du 22 mars 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation du rôle de l'affaire, faute pour la société Probi d'avoir exécuté le jugement.

L'affaire a été rétablie.

Par ses dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2022, la société Probi demande, au visa des articles 42 et suivants du code de procédure civile, de l'article L442-6 du code de commerce, de l'article 1147 du code civil, de l'article 526 du code de procédure civile, de :

Sur la radiation, prononcée le 22 mars 2022, en application de l'article 526 du code de procédure civile :

Donner acte à la société Probi de ce qu'elle a exécuté les causes du jugement prononcé par le tribunal de commerce de Paris le 19 février 2021, avec exécution provisoire ;

Prononcer, en conséquence, le rétablissement de l'affaire au rôle et fixer le calendrier de procédure, ainsi qu'une date de plaidoirie ;

Sur l'appel principal :

Confirmer le jugement prononcé le 19 février 2021 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige opposant les parties ;

Infirmer ledit jugement en ce qu'il a dit que la société Probi était soumise au régime des agents commerciaux en ce qui concernait ses relations d'affaires avec la société TPF sur les produits LDPE et LLDPE ;

Débouter la société Probi de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

Condamner la société Probi à payer à la société TPF la somme de 15 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

Dire et juger que la société Probi n'est pas soumise au régime des agents commerciaux ;

Constater que la société TPF a rompu de manière brutale les relations commerciales établies ;

En conséquence :

Condamner la société TPF à payer à la société Probi la somme de 5 110 000 euros, en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de préavis avant la rupture brutale des relations commerciales ;

Condamner la société TPF à payer à la société Probi la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société TPF aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 21 septembre 2021, la société TPF demande, au visa de l'article L442-6-1-5 (ancien du code de commerce), de :

A titre principal,

Confirmer le jugement prononcé le 19 février 2021 en ce qu'il a dit que la société Probi était soumise au régime des agents commerciaux s'agissant de ses relations d'affaires avec la société TPF sur les produits LDPE et LLDPE ;

Confirmer le jugement prononcé le 19 février 2021 en ce qu'il a débouté la société Probi de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

A défaut,

A titre subsidiaire ;

Juger que les relations entre les sociétés TPF et Probi ne présentent aucun lien de rattachement avec la France ;

Juger que l'article L442-6-I-5° (ancien) du code de commerce n'est pas applicable au présent litige tant d'un point de vue géographique que matériel ;

En conséquence,

Rejeter toutes les demandes indemnitaires de la société Probi ;

A titre très subsidiaire,

Juger que la société TPF n'a pas rompu brutalement des relations commerciales établies avec la société Probi au sens de l'article L.442-6-I-5° (ancien) du code de commerce ;

En conséquence,

Rejeter toutes les demandes de la société Probi sur le fondement de l'article L442-6-I-5° (ancien) du code de commerce ;

A titre infiniment subsidiaire,

Juger que le prétendu préjudice de la société Probi à hauteur de 5 110 000 euros est infondé et injustifié ;

En conséquence,

Rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires de la société Probi à l'encontre de la société TPF ;

En tout état de cause,

Condamner la société Probi à payer au profit de la société TPF la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Probi aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 février 2025.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Le chef de dispositif du jugement ayant retenu la compétence du tribunal n'est pas contesté en appel. Cette disposition est définitive.

Sur la relation contractuelle

La société Probi soutient que :

- Les relations entre les parties sont régies par un contrat écrit.

- Elle a conclu en 1977 un accord contractuel avec la société ATO Chimie, pour la distribution exclusive au Maroc des produits pétroliers du groupe Total, lequel s'est, en vertu de contrats successifs, constamment renouvelé jusqu'à la rupture brutale des relations commerciales établies par la société TPF.

- La dernière convention, en renouvellement du contrat initial, a été signée le 20 avril 2006 et concernait la commercialisation de produits provenant de « Total Petrochemicals » sous les marques ou noms commerciaux appartenant à « Petrofina ».

- La société TPF vient aux droits de la société Petrofina, comme en atteste le fait qu'elle ait signé la lettre de rupture du contrat avec la société Petrofina et offert à la société Probi une indemnité.

- Par lettre du 31 août 2010, avec effet au 1er décembre 2010, la société TPF lui a signifié sa volonté de ne pas poursuivre la distribution du LDPE. Le préavis de 3 mois pour 30 ans de relations contractuelles était insuffisant et constituait une rupture partielle des relations contractuelles, ce qu'a reconnu la société TPF. Les parties sont convenus, pour mettre un terme au litige, d'une part le versement par la société TPF d'une indemnité de 250 000 euros, et d'autre part l'engagement de la société TPF de compenser la perte du chiffre d'affaires de la société Probi en lui accordant la distribution de nouveaux produits, dont le « LLDPE ». Cet accord a pris la forme d'un avenant prenant effet le 1er juillet 2011.

- La société TPF n'a pas tenu son engagement en rompant leur relation commerciale en 2014.

- Les contrats successifs conclus entre les parties stipulent que la société Probi a le statut de distributeur et non pas celui d'un agent commercial. Ces contrats précisent qu'elle est « concessionnaire ». La dernière convention signée le 20 avril 2006 indique que, si la société Probi devait rechercher des clients, la société Petrofina, devenue ensuite la société TPF, devait entériner les commandes et établir les factures.

- Son activité ne répond pas aux conditions d'application du régime d'agent commercial. Elle n'est pas inscrite au registre des agents commerciaux, ne disposait pas d'un pouvoir de négociation, ni du pouvoir de conclure, elle-même, des accords avec les clients et elle n'assurait pas la publicité du produit nécessaire au développement des ventes.

- Sa situation était celle d'un mandataire commun, intermédiaire entre la société TPF et les clients, ou celle d'un distributeur, en cas d'achat des produits fabriqués par la société TPF pour les revendre, elle-même, à ses propres clients.

- Le fait qu'elle ait initié, en Belgique, une procédure fondée sur les dispositions applicables aux agents commerciaux contre la société TPR SA/NV, filiale du groupe Total, est inopérant. Il s'agit d'un litige engagé devant la justice belge, dont le droit ne fait pas la distinction entre l'agent commercial et le distributeur, et ne connait pas la notion de rupture abusive des relations commerciale établies.

- La société TPF a commis une faute en rompant brutalement, en 2014, des relations commerciales établies avec elle depuis l'année 1977, et ce, sans même appliquer le préavis minimum stipulé au contrat initial. Les relations instaurées entre la société Probi et l'ensemble des sociétés du « groupe Total » doivent être considérées comme une seule et même relation contractuelle, évoluant au gré des innovations techniques et industrielles, certains produits étant remplacés par d'autres. La vente du LLDPE s'inscrit dans la poursuite des relations commerciales qui ont débuté en 1977.

La société TPF réplique que :

- Elle ne vient pas aux droits de la société ATO Chimie, ni à ceux de la société Petrofina, devenue la société TPR SA/NV. La société TPR SA/NV est une personne morale distincte, immatriculée au registre des personnes morales du tribunal de commerce de Bruxelles. La société TPF est étrangère au contrat signé entre la société Probi et la société TPR SA/NV le 20 avril 2006 et à son avenant signé en 2011. Elle n'est pas intervenue dans la rupture de ce contrat, c'est la société TPR SA/NV (anciennement la société Petrofina) qui l'a dénoncé par courrier du 30 mai 2017. Ce contrat concernait d'autres produits que ceux exploités par la société TPF, qui proviennent exclusivement du Qatar.

- La relation de représentation entre les sociétés Probi et TPF a d'abord concerné le produit « LDPE », fabriqué au Qatar par la société Qapco sous le contrôle de l'Emirat du Qatar. Elle a pris fin en 2010, du fait d'une réorganisation à l'initiative de l'Emirat du Qatar. L'arrêt de la représentation du LDPE a été définitivement « soldé » entre les parties par le paiement d'une indemnité à hauteur de 250 000 euros, que la société Probi a expressément acceptée sans autre condition.

- La relation pour la représentation du LLDPE a été initiée en 2010 comme une nouvelle relation de représentation, sans que les parties ne soient liées par une convention écrite. La société Probi percevait des commissions calculées en pourcentage des affaires conclues par son intermédiaire sur le marché marocain. La relation de représentation entre les sociétés Probi et TPF pour le produit LLDPE, qui a pris fin en 2014, est la seule relation objet du litige.

- L'arrêt de la relation de représentation s'est imposé à la société TPF puisqu'elle résulte d'une décision de l'Emirat du Qatar imposant que tous les produits fabriqués sur son territoire soient exclusivement commercialisés par le biais d'une société d'état (étatique '), la société Muntajat.

- Elle a prévenu la société Probi de l'arrêt de commercialisation du LLDPE en respectant un préavis de 5 mois et en lui proposant, conformément au droit de l'agence commerciale, une indemnité de 130 000 euros nonobstant son absence de faute.

- L'application du régime des agents commerciaux n'est pas conditionné à (par) l'inscription au registre des agents commerciaux.

- L'activité de la société Probi relève de l'agence commerciale, elle prospectait la clientèle pour son compte, effectuait des prises de commandes, négociait les éléments des contrats avec les clients marocains, y compris les prix.

- Elle se présentait comme tel auprès des clients, et s'est elle-même qualifiée d' » agent commercial » dans le courrier de mise en demeure qu'elle a adressé à la société TPF le 29 décembre 2014.

- La société Probi soutient des positions contraires, puisqu'elle a qualifié le contrat conclu avec la société TPR SA/NV le 20 avril 2006, d'agence commerciale.

- le régime des agents commerciaux exclut automatiquement toute application de l'article L442-6-I-5° (ancien) du code de commerce.

L'article L.134-1 du code de commerce dispose que 'l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux' et qu'il 'peut être une personne physique ou une personne morale.'

L'agent commercial agit au nom et pour le compte de son mandant, il est un mandataire d'intérêt commun.

L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions de fait dans lesquelles l'activité est effectivement exercée, et elle n'est pas subordonnée à l'inscription sur le registre spécial qui est une mesure de police professionnelle.

Pour être qualifiée d'agent commercial, la personne concernée doit avoir la qualité d'intermédiaire indépendant, être liée contractuellement de façon permanente à son commettant, disposer du pouvoir de négocier, et éventuellement de conclure, des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de celui-ci.

Les tâches principales d'un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants, l'accomplissement de ces tâches peut être assuré par l'agent commercial au moyen d'actions d'information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l'opération commerciale pour le compte du commettant, même si l'agent commercial ne dispose pas de la faculté de modifier les prix des marchandises vendues ou des services rendus, ce dont il résulte qu'il n'est pas nécessaire de disposer de la faculté de modifier les conditions des contrats conclus par le commettant pour être agent commercial (Com., 12 mai 2021, pourvoi n° 19-17.042 ; Com., 23 juin 2021, pourvoi n° 18-24.039).

L'absence de pouvoir de signature et de négociation des conditions contractuelles exclut l'existence d'un pouvoir de négociation de celui qui le revendique.

La simple mise en relation sans pouvoir de négociation et de représentation s'oppose à la qualification du contrat d'agent commercial.

En l'espèce, le contrat écrit dont se prévaut la société Probi est un contrat de représentation conclu le 20 avril 2006 avec la société Petrofina (devenue la société TPR SA/NV). Force est de constater qu'il se rapporte à une personne morale distincte, immatriculée au registre des personnes morales du tribunal de commerce de Bruxelles, sans lien juridique avec la société TPF, laquelle établit ne pas avoir été partie prenante de l'avenant du 17 avril 2011, ni avoir été signataire de la lettre de résiliation du 30 mai 2017.

Aucune pièce ne vient établir que la société TPF viendrait aux droits des sociétés ATO Chimie, Petrofina et TPR SA/NV. Les contrats conclus avec ces sociétés sont donc étrangers au litige.

Il en résulte que les relations contractuelles entre les sociétés Probi et TPF via son établissement Qatar Branch Office, qui n'ont donné lieu à aucun contrat écrit, ont été relatives au produit LDPE fabriqué par la société Qapco jusqu'en 2010, puis ont concerné, entre 2010 et 2014, le produit LLDPE, fabriqué par la société Qatofin. Ces deux produits étaient connus sous le nom commercial « Lotrène ».

S'agissant du produit LDPE, la société TPF a informé la société Probi dans un courriel du 31 août 2010, que : « Qapco a mis fin, avec effet au 01/12/2010, au marketing agreement à travers lequel Total Petrochemicals France (Qatar Branch Office) était en charge de la commercialisation du Lotrène. Par conséquent, à notre grand regret, nous sommes dans l'obligation de vous annoncer qu'à partir de cette date, nous ne serons plus en mesure de vendre par votre intermédiaire sur le marché marocain. Nous ne voyons aucun inconvénient à ce que vous essayiez d'établir un contact direct avec Qapco afin de continuer votre contrat d'agent pour la vente Lotrène. Nous sommes tout disposés à vous aider à cet effet. »

Il est constant qu'un accord est ensuite intervenu entre les sociétés TPF et Probi sur le versement, à titre d'indemnité, d'une somme de 250 000 euros. Cet accord portait également sur la commercialisation du LLDPE, comme en atteste un courriel de la société TPF du 8 juin 2011 intitulé « proposition finale » dans lequel elle propose à la société Probi, outre le paiement de l'indemnité, un « nouveau contrat d'agent de Total Petrochemicals Qatar Branch Office pour 10KF/an, de LLDPE : commission exceptionnelle de 2,5% pendant 4 ans puis 1,5% les années suivantes ».

Contrairement à ce qu'affirme la société Probi, cet accord n'a pas pris la forme d'un avenant à effet au 1er juillet 2011, le document qu'elle verse aux débats n'étant revêtu que de sa seule signature et mentionnant non pas la société TPF mais la société Petrofina

La cour relève que l'accord ne mentionne pas de durée minimale de commercialisation du produit LLDPE, mais fixe simplement un taux de commissionnement. Celle-ci s'est poursuivie durant cinq années et il n'est pas allégué que le taux de commissionnement convenu n'ait pas été versé. Dès lors, la société Probi ne démontre pas que la société TPF n'ait pas respecté les termes de l'accord.

Par ailleurs, si la commercialisation du produit LLDPE s'inscrit dans la continuité des relations contractuelles engagées entre les parties avec la commercialisation du produit LDPE, celle-ci doit s'analyser comme relevant d'un contrat distinct, puisque la société TPF avait expressément indiqué mettre un terme au premier contrat.

S'agissant du produit LLDPE, sont produits plusieurs courriels qui établissent que ses ventes sont issues d'une activité propre de la société Probi de prospection et d'apport de clients :

- Dans un courriel du 9 mai 2012, la société Probi écrit à la société TPF : « Suite à notre offre de prix à la société Technologie Marocaine d'Irrigation, nous vous informons que le client est prêt à passer commande de 2FCL au prix de 1120 €/T CPT [Localité 5]. »

- Dans un courriel du 16 mai 2012, la société Probi écrit à la société TPF : « Suite à notre offre de prix à la société Plasticasa, nous vous informons que le client est prêt à passer commande de 2FCL au prix de 1100 €/T CFR [Localité 5]. »

- Dans un courriel du 10 septembre 2012, la société Probi écrit à la société TPF : « Faisant suite à la réunion avec notre client Union Plastique, ce dernier est prêt à passer commande pour 1FCL à 1180 €/T, CPT [Localité 5]. »

- Dans un courriel du 1er février 2013, la société Probi écrit à la société TPF : « Nous vous prions de bien vouloir nous confirmer votre accord pour enregistrer les quantités suivantes du LLDPE au prix de 1175 €/MT CFR [Localité 5] pour les clients suivants :

- Plasticasa / 102T

- TMI / 51 T

- Attaghlif / 102 T

- Union Plastique Maroc / 102 T ».

D'autres courriels démontrent que le prix du LLDPE était, dans une certaine mesure, flexible, les parties échangeant régulièrement sur le montant minimum du prix de ventes et la société Probi disposant d'une marge de négociation :

- Dans un courriel du 18 mai 2012, la société Probi écrit à la société TPF : « je vous prie de trouver ci-joint un tableau récapitulatif (') de nos démarches après réception du tarif pour le mois de mai et les résultats obtenus. Nous poursuivons nos visites pour informer nos clients des possibilités existantes. Nous espérons trouver l'équilibre face à une concurrence très vive, nous vous consulterons pour négociation au fur et à mesure de la commande ».

- Dans un courriel du 12 juin 2012, la société Probi écrit à la société TPF : « Dimatit n'ayant pas de visibilité sur les prix de la matière première, il diffère sa décision d'achat d'ici la fin du mois. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes permis d'ajouter 50 T à cette commande comme sollicité par la CCT. Nous poursuivons nos investigations chez les autres clients pour placer des commandes ».

- Dans un courriel du 9 juillet 2012, la société Probi écrit à la société TPF : « suite à notre offre de prix pour Dimatit, nous avons reçu une commande aujourd'hui de 300T, est-ce qu'on peut démarcher le client tout en sachant que le niveau de prix est le même sur le marché. »

- Dans un courriel du 3 août 2012, la société Probi écrit à la société TPF : « ayant débuté la négociation avec Plasticasa depuis 2 jours sur la base de 1350$ valeur en euros de 1110 € (1$ =1,22$). Avons l'intention d'accepter l'offre du client à 100 € soit 1360$ (cours du jour 1$= 123,70$ »

- Dans un courriel du 3 août 2012, la société TPF écrit à la société Probi : « Je peux vous donner une flexibilité max de 10 €/T, c'est-à-dire 1180 €/T CIF mini ' »

- Dans un courriel du 2 août 2013, la société Probi écrit à la société TPF : « faisant suite à notre offre de prix de LLDPE pour nos clients habituels et après consultation (sources fiables) nous vous informons que le prix du marché est de 1170 €/T chez nos concurrents (Sabic, Qapco) Merci de voir la possibilité de nous accorder un prix qui nous permette de faire face à la concurrence ».

- Dans un courriel du 3 avril 2014, la société Probi écrit à la société TPF : « faisant suite à mes offres de prix de nos fidèles clients, ils ont trouvé que le prix qu'on leur propose est plus cher que la concurrence ('). Merci de revoir le prix ('). »

Ces courriels ainsi que les « demandes de confirmation de commande » versées aux débats démontrent que la société Probi disposait, au-delà de la fixation des prix, d'une marge de négociation sur les conditions de paiement et de livraison, lesquels variaient selon les clients.

L'utilisation fréquente par la société Probi des expressions « nos clients », « nos offres de prix » démontre qu'elle disposait d'une clientèle qui lui était propre pour laquelle elle tentait de négocier des avantages économiques sans que le mandant n'intervienne, au-delà des validations des prix minimum de commande, pour organiser ses modalités de prospection.

Il résulte d'un procès-verbal de constat d'huissier du 12 mars 2015 que le site internet de la société Probi mentionne sous l'onglet « matières premières industrielles » les produits commercialisés par la société TPF, démontrant qu'elle en assurait ainsi la publicité.

Enfin, les revenus perçus par la société Probi au titre de la représentation du produit LLDPE au Maroc étaient des commissions proportionnelles, calculées sur la base d'un pourcentage de chiffre d'affaires des ventes réalisées par la société TPF.

Au vu de ces éléments, il est établi que la société Probi prospectait de façon autonome des clients en vue de conclure des ventes au nom et pour le compte de la société TPF, en disposant d'un pouvoir de négociation sur le contenu des commandes.

La preuve est donc rapportée qu'elle agissait pour le compte de la société TPF dans le cadre d'un contrat d'agence commerciale, nonobstant son absence d'inscription au registre des agents commerciaux.

Les agents commerciaux ont droit, en cas de rupture brutale de leur contrat, à une indemnité spécifique compensatrice de préavis, prévue à l'article L. 134-11 du code de commerce, qui s'ajoute le cas échéant à l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce de sorte que cette règle spéciale s'applique exclusivement et exclut l'application de l'article L. 442-1, II du code de commerce sur la brusque rupture d'une relation commerciale établie (Com., 3 avr. 2012, n° 11-13.527).

C'est ainsi à bon droit que le tribunal a jugé que la société Probi était soumise au régime des agents commerciaux en ce qui concernait ses relations d'affaires avec la société TPF sur les produits LDPE et LLDPE et qu'il a débouté la société Probi de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Le jugement sera en conséquence confirmé.

Sur les demandes accessoires

Il convient de confirmer le jugement en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Perdante en appel, la société Probi sera condamnée à supporter les dépens d'appel.

L'équité commande que la société Probi soit condamnée à verser à la société TPF la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande à ce titre sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement du 19 février 2021 du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la société d'Exploitation des Produits pour l'Outillage et le Bâtiment Probi à payer à la société Total Petrochemicals France la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société d'Exploitation des Produits pour l'Outillage et le Bâtiment Probi au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société d'Exploitation des Produits pour l'Outillage et le Bâtiment Probi aux dépens d'appel.

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