CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 5 juin 2025, n° 21/02451
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 05 JUIN 2025
Rôle N° RG 21/02451 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG67E
Société EDIM
C/
Société SELAS ETUDE [X][R]
Société BOURBON AZUR CONSEIL
Copie exécutoire délivrée
le : 5/06/25
à :
Me Isabelle FICI
Me Sébastien CEYTE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 11 Février 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2020F00062.
APPELANTE
SARL EDIM, prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SARL BOURBON AZUR CONSEIL, prise en la personne de Me [X] [R] de la SELAS ETUDE [X][R], es qualité de liquidateur judiciaire
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien CEYTE de l'ASSOCIATION TRAVERT - ROBERT - CEYTE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Cyrille JOHANET, avocat au barreau de PARIS, plaidant
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
SELAS ETUDE [X][R], représentée par Maître [X] [R], assigné en intervention, es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL BOURBON AZUR CONSEIL
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Sébastien CEYTE de l'ASSOCIATION TRAVERT - ROBERT - CEYTE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Cyrille JOHANET, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Avril 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme OUGIER, présidente de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre
Mme Magali VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2025,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
La SARL Etudes et développement immobilier -dite Edim- exerce une activité de promoteur immobilier.
Par jugement du tribunal de commerce de Cannes du 13 janvier 2009, elle a été placée en redressement judiciaire.
Un plan de redressement a été arrêté par le tribunal le 4 mai 2010.
Par jugement du 10 mars 2015, le tribunal a ordonné sa liquidation judiciaire tenant sa défaillance dans le règlement des échéances du plan, mais par arrêt du 30 juin 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur l'appel interjeté par la SARL Edim, a réformé ce jugement et autorisé la société à poursuivre le plan de redressement.
Par exploit du 12 mars 2020, la SARL Edim a été assignée devant le tribunal de commerce de Cannes par la SARL Bourbon azur conseil (ci-après SARL Bourbon) en paiement d'une somme de 600 000 euros TTC qui lui resterait due au titre d'un contrat conclu le 23 septembre 2015.
Par jugement du 11 février 2021, le tribunal a
- débouté la SARL Edim de sa demande de voir déclarer irrecevable l'assignation délivrée le 12 mars 2020 par la SARL Bourbon et dit cette assignation recevable,
- débouté la SARL Edim de sa demande à lui voir déclarer inopposable l'acte du 23 septembre signé par M. [O],
- condamné la SARL Edim à payer à la SARL Bourbon la somme de 210 000 euros,
- débouté la SARL Edim de sa demande de condamnation de la SARL Bourbon à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL Edim aux dépens.
La SARL Edim a relevé appel de cette décision aux fins de la voir réformer ou annuler en toutes ses dispositions.
La SARL Bourbon, intimée, et la SELAS Etude [X][R] ès qualités de liquidateur de la SARL Bourbon désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2020, ont conclu.
L'arrêt rendu est donc contradictoire en vertu de l'article 467 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 mars 2025. L'affaire a été appelée à l'audience du 1er avril 2025 et a été mise en délibéré au 5 juin 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 mai 2021, la SARL Edim, appelante, demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré,
statuant à nouveau,
avant tout débat au fond,
- constater que la SARL Bourbon est en liquidation judiciaire depuis le 18 février 2020,
- déclarer irrecevable les écritures d'intervention volontaire du liquidateur judiciaire ès-qualités, ainsi que les pièces, prises en l'absence de tout contradictoire,
- déclarer irrecevable l'assignation délivrée le 12 mars 2020,
en conséquence,
- déclarer prescrite la facture émise par la SARL Bourbon le 29 octobre 2015,
sur le fond,
- constater qu'au 23 septembre 2015, la SARL Edim était en liquidation judiciaire,
- constater l'absence d'engagement de la SARL Edim dans la convention litigieuse, l'absence de facture et l'absence de précision quant aux modalités des honoraires en cas de prise de participation,
en conséquence,
- déclarer inopposable à la SARL Edim l'acte du 23 septembre 2015 signé par le gérant dessaisi, M. [O],
dans tous les cas,
- débouter la SARL Bourbon de toutes ses demandes,
- la condamner au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civiles, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 avril 2023, la SARL Bourbon et la SELAS Etude [X][R] ès qualités de liquidateur de cette SARL, demandent à la cour de
- la recevoir en ses observations,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- condamner la SARL Edim à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les irrecevabilités soulevées :
irrecevabilité des conclusions et pièces adverses
L'appelante fait valoir qu'elle a appris à l'issue de l'audience du 3 décembre 2020 devant le tribunal de commerce de Cannes que des écritures et pièces avaient été produites par la SARL Bourbon après l'assignation, sans lui avoir été communiquées contradictoirement. Elle a donc demandé en cours de délibéré au tribunal de rouvrir les débats, ce que celui-ci a refusé. Or en l'état des prorogations de délais ordonnées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, elle disposait d'un délai de 15 jours à compter du 23 juin 2020 pour constituer avocat, ce qu'elle a fait le 4 juin 2020, et les écritures qui ne lui ont pas été communiquées emportaient intervention volontaire du liquidateur judiciaire de la SARL Bourbon, une facture étant également produite au soutien des demandes présentées, de sorte qu'elle devait pouvoir y répliquer. Ces conclusions et pièces transmises le 11 juin 2020 et qui ne lui ont pas été signifiées sont donc irrecevables.
L'intimée rappelle que la procédure devant le tribunal de commerce est orale, que les moyens retenus par le juge sont dès lors présumés avoir été débattus contradictoirement par les parties à l'audience, et qu'elle n'avait en tout état de cause émis aucune demande nouvelle après l'assignation.
Sur ce,
Il ressort du jugement déféré et des conclusions des parties que la SARL Bourbon, demanderesse, a remis au greffe du tribunal des conclusions comportant intervention volontaire de son liquidateur judiciaire et auxquelles était jointe une pièce consistant en une facture, pour l'audience du 11 juin 2020 à laquelle l'affaire avait été fixée. A la demande de la SARL Edim, constituée le 4 juin 2020, l'affaire était renvoyée à l'audience de mise en état du 17 septembre 2020 puis à l'audience au fond du 3 décembre 2020 où elle était retenue, les deux parties étant alors comparantes.
Pour être recevables, les conclusions écrites produites dans le cadre d'une procédure orale doivent satisfaire aux règles énoncées à l'article 446-2 du code de procédure civile.
Aucun texte ne pose l'exigence d'une signification de ces conclusions écrites à la partie adverse.
L'oralité des débats devant le tribunal de commerce permet aux parties de modifier ou compléter leurs conclusions écrites lors de l'audience de plaidoiries.
En l'espèce, il est mentionné au jugement déféré qu'après un premier appel à l'audience du 2 avril 2020, l'affaire a été renvoyée à plaider « hors comparution des parties » au 11 juin 2020, que la SARL demanderesse a adressé ses conclusions et pièces au tribunal « en l'absence de la connaissance de la constitution d'un avocat aux intérêts de la SARL Edim », que le liquidateur judiciaire de la SARL Bourbon a sollicité d'intervenir volontairement à l'instance en reprise de procédure, puis qu'à la demande de la SARL Edim -constituée entre temps, l'affaire a été renvoyée à l'audience du juge de la mise en état du 17 septembre 2020. Il précise encore qu'à cette date « les parties ont déclaré que le dossier était en état d'être plaidé », et ont été dès lors convoquées à l'audience du 3 décembre 2020 pour plaidoirie. Le jugement rappelle in fine qu'aux termes de ses conclusions « responsives et définitives » la SARL Bourbon « prise en la personne de son liquidateur judiciaire la SELAS Etude [X][R] en la personne de M. [X] [R] » a demandé au tribunal de recevoir le liquidateur en son intervention volontaire et de prononcer condamnation à paiement de la SARL Edim.
Les deux parties étant mentionnées comme comparantes et aucune dispense de présence à l'audience de plaidoirie n'étant évoquée par le tribunal -ni justifiée, les prétentions des parties et pièces au soutien de leurs prétentions sont présumées avoir été contradictoirement débattues à cette audience. Aucune preuve contraire n'est apportée par l'appelante qui n'avait d'ailleurs formulé aucune demande de renvoi. Ces conclusions et pièce sont donc parfaitement recevables.
irrecevabilité de l'assignation
L'appelante fait valoir qu'en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce, le jugement qui ouvre une procédure de liquidation ou la prononce emporte dessaisissement du débiteur pour agir en recouvrement de ses créances. Or, lorsque la SARL Bourbon azur conseil lui a fait délivrer assignation en justice le 12 mars 2020, en la personne de son gérant, elle était déjà en liquidation judiciaire depuis le 18 février 2020. A défaut de qualité à agir, l'assignation ainsi délivrée est irrecevable. En tout état de cause, l'intervention du liquidateur qui ne lui a pas été signifiée et qui n'a pas été reçue par le tribunal ne pouvait régulariser l'acte.
L'intimée précise que les conclusions qu'elle a déposées au greffe le 11 juin 2020 comprenaient l'intervention volontaire du liquidateur désigné par jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2020, et que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté ce moyen.
Sur ce,
Bien qu'elle ne précise pas exactement le fondement juridique de sa prétention mais vise seulement « les articles 14 et suivants du code de procédure civile », l'appelante ne soutient pas la nullité de l'assignation pour défaut de capacité ou de pouvoir pour représenter la personne morale sur le fondement de l'article 117 du code de procédure civile, mais l'irrecevabilité de cette assignation pour défaut de droit d'agir, irrecevabilité régie par l'article 122 du code de procédure civile.
L'article 122 précité dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
L'article 126 suivant ajoute que « dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance ».
En l'espèce, l'acte introductif d'instance a été délivré le 12 mars 2020 à la SARL Edim à la demande de la SARL Bourbon « prise en la personne de son représentant légal », alors qu'elle était en liquidation judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2020.
Le jugement déféré cite l'intervention volontaire du liquidateur judiciaire désigné pour représenter la SARL Bourbon en cours de procédure et mentionne que la SARL est « prise en la personne de son liquidateur judiciaire la SELAS Etude [X][R] » lorsqu'elle formule ses demandes au tribunal à l'audience à laquelle l'affaire est retenue.
En déboutant la SARL Edim de sa demande de voir déclarer irrecevable l'assignation délivrée le 12 mars 2020 par la SARL Bourbon et en disant cette assignation recevable, le tribunal de commerce de Cannes a nécessairement reçu l'intervention volontaire du liquidateur qui en était le préalable indispensable.
La procédure a ainsi été régularisée au cours de la première instance et c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les fins de non-recevoir soulevées.
L'appelante qui demandait, en conséquence de l'irrecevabilité de l'assignation et des conclusions adverses contenant intervention du liquidateur, que soit constatée la prescription de la créance contenue dans la facture du 29 octobre 2015, ne peut qu'être déboutée de cette prétention.
Sur le fond
opposabilité de l'acte conclu le 23 septembre 2015
Selon l'appelante, le gérant de la SARL Edim qui était dessaisi par l'effet du prononcé de la liquidation judiciaire au 10 mars 2015 et jusqu'à l'arrêt infirmatif du 30 juin 2016, ne pouvait valablement conclure de convention avec la SARL Bourbon le 23 septembre 2015 et aucune ratification postérieure n'a pu régulariser cette convention.
La SARL Bourbon et son liquidateur judiciaire soutiennent que par l'effet de l'arrêt infirmatif, le gérant avait bien pouvoir d'engager la société.
Sur ce,
Compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel prévu par l'article 561 du code de procédure civile, en cas d'infirmation de la décision entreprise, le dispositif de l'arrêt se substitue à celui de cette décision et prend rétroactivement la place de celle-ci qui est mise à néant des chefs infirmés (1è Civ., 2 avril 2008, pourvoi n°07-11.890).
Par jugement du 10 mars 2015, le tribunal de commerce de Cannes, statuant à l'égard de la SARL Edim, a
- prononcé la résolution du plan et ouvert une procédure de liquidation judiciaire en application de l'article L.626-27 du code de commerce,
- désigné le liquidateur judiciaire et mis fin à la mission du commissaire à l'exécution du plan.
Par arrêt du 30 juin 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, notamment,
- dit que l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 10 mars 2015 en ce qu'il statue sur l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et la résolution du plan de redressement emporte nécessairement arrêt de l'exécution provisoire du jugement en ce qu'il décide la résolution du plan,
sur la modification du plan de redressement par voie de continuation,
- réformé le jugement du 2 février 2016 en toutes ses dispositions,
- dit que le plan de redressement par continuation adopté le 4 mai 2010 par le tribunal de commerce de Cannes est modifié (comme suit'),
sur la résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une liquidation judiciaire,
- révoqué le sursis à statuer ordonné le 7 janvier 2016,
- réformé le jugement du 10 mars 2015 en toutes ses dispositions,
- et mis fin au mandat du liquidateur judiciaire.
Cet arrêt a ainsi rétroactivement effacé le prononcé de la liquidation judiciaire.
Au jour de la signature de la convention litigieuse, le 23 septembre 2015, il avait été mis fin par jugement du 4 mai 2010 arrêtant le plan de redressement, à la mission de l'administrateur judiciaire désigné dans le cadre du redressement judiciaire de la SARL Edim, et le gérant de cette société avait donc recouvré ses pouvoirs -dont celui de contracter pour le compte de la société.
Il pouvait donc valablement engager la SARL Edim en signant ladite convention avec la SARL Bourbon.
bien fondé de la demande en paiement
L'appelante fait valoir que la convention du 23 septembre 2015 ne mentionne pas comme contractant la SARL Edim, prise en la personne de son gérant, mais M. [O], gérant de la SARL Edim, de sorte que c'est le gérant lui-même qui s'est personnellement engagé et non la SARL Edim.
Cette convention n'est en outre pas signée par la SARL Bourbon et ne peut engager les parties.
Encore, la facture produite ne porte aucun numéro ni de TVA et la rémunération n'est fixée qu'en cas de prêt ou garantie, alors que la SARL Edim a seulement fait l'objet d'une cession de parts sociales.
Enfin, les diligences qui auraient été effectuées en contrepartie de cette rémunération, contestées, ne sont pas justifiées.
L'intimée et son mandataire judiciaire répliquent que la convention visait, outre l'octroi d'un concours financier, toute autre solution financière permettant à la société d'assainir sa situation, et que le montage mis en place par l'intermédiaire de la SARL Bourbon y a satisfait, de sorte que la rémunération convenue lui est due, sur la base d'une facture émise et communiquée. Enfin, si le repreneur de la société a contesté avoir eu connaissance préalablement de la convention, l'existence même de celle-ci n'a souffert d'aucune objection.
Sur ce,
La « convention d'intermédiation occasionnelle » a été conclue le 23 septembre 2015 entre « de première part, M. [O], gérant de la SARL Edim, (') société en redressement judiciaire, ci-après dénommée le mandant » et « de seconde part la société Bourbon azur conseil SARL représentée par M. [Z] [J], directeur, ci-après dénommée « le prestataire », laquelle société déclarant que l'opération objet de la présente convention a pour elle la nature d'une intermédiation accessoire, ci-après dénommée le mandataire ».
Si la rédaction de la désignation de la première partie est effectivement maladroite en ce qu'elle n'est pas formulée en symétrie de la seconde mais de manière inversée (identité du représentant / nom de la société), les stipulations contractuelles qui suivent ôtent toute ambiguïté quant à la personne contractante.
En effet, sont exposés en préambule les difficultés et la situation de la société Edim pour ensuite définir l'objet de la mission confiée à la SARL Bourbon : « poursuivre les opérations tant juridiques que commerciales destinées à faire émettre (au bénéfice de la SARL Edim) un contrat de prêt ou toute autre solution financière (achat total ou partiel, réméré) lui permettant d'obtenir une situation assainie et de repartir sur des bases nettes ».
C'est ainsi clairement la SARL Edim qui est contractante.
Par ailleurs, quand bien même la signature de la SARL Bourbon ne figure pas sur l'exemplaire de la convention qui est produite aux débats, le consentement donné à cette convention par cette société est établi par le fait qu'elle revendique l'avoir contractée, l'avoir exécutée et demande l'exécution de la contrepartie adverse.
La note d'honoraires établie le 29 octobre 2015 par la SARL Bourbon à l'adresse de la SARL Edim ne comporte, comme le relève justement l'appelante, aucune numérotation ni numéro individuel d'identification à la TVA de son émetteur.
Toutefois, le manquement à ces prescriptions de forme qui résultent du code général des impôts est sanctionnable d'amendes mais n'affecte pas la validité même de la note ou facture établie.
L'article 5 de la convention, relatif aux honoraires dus, stipule qu'ils sont fixés forfaitairement à « 5% hors TVA de la valeur du prêt/caution ou garantie obtenu globalement, payable à la réalisation et éventuellement versé directement par la banque ou le prêteur à qui le mandant donne par les présentes expressément pouvoir à cette fin lors de la mise à disposition des fonds au mandant ».
Cette rémunération est ainsi expressément fixée à un pourcentage des fonds mis à disposition du mandant qui ont été obtenus grâce à la prestation de la SARL Bourbon, sans que ce paiement puisse être limité à l'obtention stricte d'un prêt/caution ou garantie dès lors que sa mission définie dans l'article 1 de la convention était bien plus large pour porter sur l'émission au bénéfice de la SARL Edim de « toute autre solution financière ».
Pour autant, il appartient à la SARL Bourbon qui revendique avoir exécuté son obligation contractuelle et demande le paiement qui en était la contrepartie, de justifier de cette exécution, d'autant qu'elle est en l'espèce contestée par la SARL Edim.
Si le tribunal a pu considérer que l'assainissement de la situation de la société Edim a été effectué grâce à un montage financier mis en place par l'intermédiaire de la SARL Bourbon, avec un apport de fonds au profit de la SARL Edim à hauteur de 3 500 000 euros, la cour ne dispose pas des éléments qui lui permettraient de confirmer une telle affirmation. Or, contrairement à ce qui a été retenu, ce point a été contesté et l'est encore, la SARL Edim indiquant dans ses dernières écritures qu' « aucun élément autre que des courriels entre l'ancien gérant (M. [O]) et le nouveau gérant (M. [D]) ne viennent expliquer l'intervention de la SARL Bourbon. (') Il y a donc une contestation de l'intervention de la SARL Bourbon azur conseil dès sa manifestation qui sollicite un paiement sans expliquer les diligences effectuées ».
Il n'est en effet pas justifié par la SARL Bourbon ni du quantum des fonds qui auraient été apportés à la SARL Edim par la reprise évoquée, ni même et surtout, de ce que cette opération aurait été conclue sur son intervention et par son intermédiaire.
Il ne peut être tiré aucune conclusion du courriel d'une société In extenso -dont on devine seulement qu'elle était le comptable de la SARL Edim- indiquant, le 22 novembre 2016, avoir bien reçu la facture de la SARL Bourbon des mains de l'ancien gérant M. [O], ni des échanges par courriels produits en pièces 4 à 6 par l'intimée, en l'absence de tout justificatif de l'opération qui aurait finalement abouti et qui préciserait à quelle date et dans quels termes financiers définitifs.
La demande en paiement formulée par la SARL Bourbon qui ne justifie pas de l'exécution de sa propre prestation telle que convenue le 23 septembre 2015 ne peut donc qu'être rejetée. Le jugement est en conséquence infirmé de ce chef.
Sur les frais du procès
En l'état de l'infirmation du chef de la condamnation principale à paiement, l'équité impose également de réformer la disposition de condamnation aux frais irrépétibles prononcée à l'encontre de la SARL Edim, et de dire qu'il n'y a pas lieu à indemnisation de l'une quelconque des parties à ce titre.
Les dépens de première instance et d'appel incombent à la SARL Bourbon qui succombe sur le fond.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement en ce qu'il a
- débouté la SARL Edim de sa demande de voir déclarer irrecevable l'assignation délivrée le 12 mars 2020 par la SARL Bourbon azur conseil et dit cette assignation recevable,
- débouté la SARL Edim de sa demande à lui voir déclarer inopposable l'acte du 23 septembre signé par M. [O] ;
Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare recevables les écritures d'intervention volontaire du liquidateur judiciaire de la SARL Bourbon azur conseil ès qualités ainsi que les pièces transmises par cette SARL ;
Déboute sur le fond la SARL Bourbon azur conseil de ses demandes en paiement ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Bourbon azur conseil aux dépens de première instance et d'appel ;
Rejette toutes autres demandes.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 05 JUIN 2025
Rôle N° RG 21/02451 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG67E
Société EDIM
C/
Société SELAS ETUDE [X][R]
Société BOURBON AZUR CONSEIL
Copie exécutoire délivrée
le : 5/06/25
à :
Me Isabelle FICI
Me Sébastien CEYTE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 11 Février 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2020F00062.
APPELANTE
SARL EDIM, prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SARL BOURBON AZUR CONSEIL, prise en la personne de Me [X] [R] de la SELAS ETUDE [X][R], es qualité de liquidateur judiciaire
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien CEYTE de l'ASSOCIATION TRAVERT - ROBERT - CEYTE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Cyrille JOHANET, avocat au barreau de PARIS, plaidant
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
SELAS ETUDE [X][R], représentée par Maître [X] [R], assigné en intervention, es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL BOURBON AZUR CONSEIL
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Sébastien CEYTE de l'ASSOCIATION TRAVERT - ROBERT - CEYTE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Cyrille JOHANET, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Avril 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme OUGIER, présidente de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre
Mme Magali VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2025,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
La SARL Etudes et développement immobilier -dite Edim- exerce une activité de promoteur immobilier.
Par jugement du tribunal de commerce de Cannes du 13 janvier 2009, elle a été placée en redressement judiciaire.
Un plan de redressement a été arrêté par le tribunal le 4 mai 2010.
Par jugement du 10 mars 2015, le tribunal a ordonné sa liquidation judiciaire tenant sa défaillance dans le règlement des échéances du plan, mais par arrêt du 30 juin 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur l'appel interjeté par la SARL Edim, a réformé ce jugement et autorisé la société à poursuivre le plan de redressement.
Par exploit du 12 mars 2020, la SARL Edim a été assignée devant le tribunal de commerce de Cannes par la SARL Bourbon azur conseil (ci-après SARL Bourbon) en paiement d'une somme de 600 000 euros TTC qui lui resterait due au titre d'un contrat conclu le 23 septembre 2015.
Par jugement du 11 février 2021, le tribunal a
- débouté la SARL Edim de sa demande de voir déclarer irrecevable l'assignation délivrée le 12 mars 2020 par la SARL Bourbon et dit cette assignation recevable,
- débouté la SARL Edim de sa demande à lui voir déclarer inopposable l'acte du 23 septembre signé par M. [O],
- condamné la SARL Edim à payer à la SARL Bourbon la somme de 210 000 euros,
- débouté la SARL Edim de sa demande de condamnation de la SARL Bourbon à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL Edim aux dépens.
La SARL Edim a relevé appel de cette décision aux fins de la voir réformer ou annuler en toutes ses dispositions.
La SARL Bourbon, intimée, et la SELAS Etude [X][R] ès qualités de liquidateur de la SARL Bourbon désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2020, ont conclu.
L'arrêt rendu est donc contradictoire en vertu de l'article 467 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 mars 2025. L'affaire a été appelée à l'audience du 1er avril 2025 et a été mise en délibéré au 5 juin 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 mai 2021, la SARL Edim, appelante, demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré,
statuant à nouveau,
avant tout débat au fond,
- constater que la SARL Bourbon est en liquidation judiciaire depuis le 18 février 2020,
- déclarer irrecevable les écritures d'intervention volontaire du liquidateur judiciaire ès-qualités, ainsi que les pièces, prises en l'absence de tout contradictoire,
- déclarer irrecevable l'assignation délivrée le 12 mars 2020,
en conséquence,
- déclarer prescrite la facture émise par la SARL Bourbon le 29 octobre 2015,
sur le fond,
- constater qu'au 23 septembre 2015, la SARL Edim était en liquidation judiciaire,
- constater l'absence d'engagement de la SARL Edim dans la convention litigieuse, l'absence de facture et l'absence de précision quant aux modalités des honoraires en cas de prise de participation,
en conséquence,
- déclarer inopposable à la SARL Edim l'acte du 23 septembre 2015 signé par le gérant dessaisi, M. [O],
dans tous les cas,
- débouter la SARL Bourbon de toutes ses demandes,
- la condamner au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civiles, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 avril 2023, la SARL Bourbon et la SELAS Etude [X][R] ès qualités de liquidateur de cette SARL, demandent à la cour de
- la recevoir en ses observations,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- condamner la SARL Edim à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les irrecevabilités soulevées :
irrecevabilité des conclusions et pièces adverses
L'appelante fait valoir qu'elle a appris à l'issue de l'audience du 3 décembre 2020 devant le tribunal de commerce de Cannes que des écritures et pièces avaient été produites par la SARL Bourbon après l'assignation, sans lui avoir été communiquées contradictoirement. Elle a donc demandé en cours de délibéré au tribunal de rouvrir les débats, ce que celui-ci a refusé. Or en l'état des prorogations de délais ordonnées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, elle disposait d'un délai de 15 jours à compter du 23 juin 2020 pour constituer avocat, ce qu'elle a fait le 4 juin 2020, et les écritures qui ne lui ont pas été communiquées emportaient intervention volontaire du liquidateur judiciaire de la SARL Bourbon, une facture étant également produite au soutien des demandes présentées, de sorte qu'elle devait pouvoir y répliquer. Ces conclusions et pièces transmises le 11 juin 2020 et qui ne lui ont pas été signifiées sont donc irrecevables.
L'intimée rappelle que la procédure devant le tribunal de commerce est orale, que les moyens retenus par le juge sont dès lors présumés avoir été débattus contradictoirement par les parties à l'audience, et qu'elle n'avait en tout état de cause émis aucune demande nouvelle après l'assignation.
Sur ce,
Il ressort du jugement déféré et des conclusions des parties que la SARL Bourbon, demanderesse, a remis au greffe du tribunal des conclusions comportant intervention volontaire de son liquidateur judiciaire et auxquelles était jointe une pièce consistant en une facture, pour l'audience du 11 juin 2020 à laquelle l'affaire avait été fixée. A la demande de la SARL Edim, constituée le 4 juin 2020, l'affaire était renvoyée à l'audience de mise en état du 17 septembre 2020 puis à l'audience au fond du 3 décembre 2020 où elle était retenue, les deux parties étant alors comparantes.
Pour être recevables, les conclusions écrites produites dans le cadre d'une procédure orale doivent satisfaire aux règles énoncées à l'article 446-2 du code de procédure civile.
Aucun texte ne pose l'exigence d'une signification de ces conclusions écrites à la partie adverse.
L'oralité des débats devant le tribunal de commerce permet aux parties de modifier ou compléter leurs conclusions écrites lors de l'audience de plaidoiries.
En l'espèce, il est mentionné au jugement déféré qu'après un premier appel à l'audience du 2 avril 2020, l'affaire a été renvoyée à plaider « hors comparution des parties » au 11 juin 2020, que la SARL demanderesse a adressé ses conclusions et pièces au tribunal « en l'absence de la connaissance de la constitution d'un avocat aux intérêts de la SARL Edim », que le liquidateur judiciaire de la SARL Bourbon a sollicité d'intervenir volontairement à l'instance en reprise de procédure, puis qu'à la demande de la SARL Edim -constituée entre temps, l'affaire a été renvoyée à l'audience du juge de la mise en état du 17 septembre 2020. Il précise encore qu'à cette date « les parties ont déclaré que le dossier était en état d'être plaidé », et ont été dès lors convoquées à l'audience du 3 décembre 2020 pour plaidoirie. Le jugement rappelle in fine qu'aux termes de ses conclusions « responsives et définitives » la SARL Bourbon « prise en la personne de son liquidateur judiciaire la SELAS Etude [X][R] en la personne de M. [X] [R] » a demandé au tribunal de recevoir le liquidateur en son intervention volontaire et de prononcer condamnation à paiement de la SARL Edim.
Les deux parties étant mentionnées comme comparantes et aucune dispense de présence à l'audience de plaidoirie n'étant évoquée par le tribunal -ni justifiée, les prétentions des parties et pièces au soutien de leurs prétentions sont présumées avoir été contradictoirement débattues à cette audience. Aucune preuve contraire n'est apportée par l'appelante qui n'avait d'ailleurs formulé aucune demande de renvoi. Ces conclusions et pièce sont donc parfaitement recevables.
irrecevabilité de l'assignation
L'appelante fait valoir qu'en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce, le jugement qui ouvre une procédure de liquidation ou la prononce emporte dessaisissement du débiteur pour agir en recouvrement de ses créances. Or, lorsque la SARL Bourbon azur conseil lui a fait délivrer assignation en justice le 12 mars 2020, en la personne de son gérant, elle était déjà en liquidation judiciaire depuis le 18 février 2020. A défaut de qualité à agir, l'assignation ainsi délivrée est irrecevable. En tout état de cause, l'intervention du liquidateur qui ne lui a pas été signifiée et qui n'a pas été reçue par le tribunal ne pouvait régulariser l'acte.
L'intimée précise que les conclusions qu'elle a déposées au greffe le 11 juin 2020 comprenaient l'intervention volontaire du liquidateur désigné par jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2020, et que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté ce moyen.
Sur ce,
Bien qu'elle ne précise pas exactement le fondement juridique de sa prétention mais vise seulement « les articles 14 et suivants du code de procédure civile », l'appelante ne soutient pas la nullité de l'assignation pour défaut de capacité ou de pouvoir pour représenter la personne morale sur le fondement de l'article 117 du code de procédure civile, mais l'irrecevabilité de cette assignation pour défaut de droit d'agir, irrecevabilité régie par l'article 122 du code de procédure civile.
L'article 122 précité dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
L'article 126 suivant ajoute que « dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance ».
En l'espèce, l'acte introductif d'instance a été délivré le 12 mars 2020 à la SARL Edim à la demande de la SARL Bourbon « prise en la personne de son représentant légal », alors qu'elle était en liquidation judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2020.
Le jugement déféré cite l'intervention volontaire du liquidateur judiciaire désigné pour représenter la SARL Bourbon en cours de procédure et mentionne que la SARL est « prise en la personne de son liquidateur judiciaire la SELAS Etude [X][R] » lorsqu'elle formule ses demandes au tribunal à l'audience à laquelle l'affaire est retenue.
En déboutant la SARL Edim de sa demande de voir déclarer irrecevable l'assignation délivrée le 12 mars 2020 par la SARL Bourbon et en disant cette assignation recevable, le tribunal de commerce de Cannes a nécessairement reçu l'intervention volontaire du liquidateur qui en était le préalable indispensable.
La procédure a ainsi été régularisée au cours de la première instance et c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les fins de non-recevoir soulevées.
L'appelante qui demandait, en conséquence de l'irrecevabilité de l'assignation et des conclusions adverses contenant intervention du liquidateur, que soit constatée la prescription de la créance contenue dans la facture du 29 octobre 2015, ne peut qu'être déboutée de cette prétention.
Sur le fond
opposabilité de l'acte conclu le 23 septembre 2015
Selon l'appelante, le gérant de la SARL Edim qui était dessaisi par l'effet du prononcé de la liquidation judiciaire au 10 mars 2015 et jusqu'à l'arrêt infirmatif du 30 juin 2016, ne pouvait valablement conclure de convention avec la SARL Bourbon le 23 septembre 2015 et aucune ratification postérieure n'a pu régulariser cette convention.
La SARL Bourbon et son liquidateur judiciaire soutiennent que par l'effet de l'arrêt infirmatif, le gérant avait bien pouvoir d'engager la société.
Sur ce,
Compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel prévu par l'article 561 du code de procédure civile, en cas d'infirmation de la décision entreprise, le dispositif de l'arrêt se substitue à celui de cette décision et prend rétroactivement la place de celle-ci qui est mise à néant des chefs infirmés (1è Civ., 2 avril 2008, pourvoi n°07-11.890).
Par jugement du 10 mars 2015, le tribunal de commerce de Cannes, statuant à l'égard de la SARL Edim, a
- prononcé la résolution du plan et ouvert une procédure de liquidation judiciaire en application de l'article L.626-27 du code de commerce,
- désigné le liquidateur judiciaire et mis fin à la mission du commissaire à l'exécution du plan.
Par arrêt du 30 juin 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, notamment,
- dit que l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 10 mars 2015 en ce qu'il statue sur l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et la résolution du plan de redressement emporte nécessairement arrêt de l'exécution provisoire du jugement en ce qu'il décide la résolution du plan,
sur la modification du plan de redressement par voie de continuation,
- réformé le jugement du 2 février 2016 en toutes ses dispositions,
- dit que le plan de redressement par continuation adopté le 4 mai 2010 par le tribunal de commerce de Cannes est modifié (comme suit'),
sur la résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une liquidation judiciaire,
- révoqué le sursis à statuer ordonné le 7 janvier 2016,
- réformé le jugement du 10 mars 2015 en toutes ses dispositions,
- et mis fin au mandat du liquidateur judiciaire.
Cet arrêt a ainsi rétroactivement effacé le prononcé de la liquidation judiciaire.
Au jour de la signature de la convention litigieuse, le 23 septembre 2015, il avait été mis fin par jugement du 4 mai 2010 arrêtant le plan de redressement, à la mission de l'administrateur judiciaire désigné dans le cadre du redressement judiciaire de la SARL Edim, et le gérant de cette société avait donc recouvré ses pouvoirs -dont celui de contracter pour le compte de la société.
Il pouvait donc valablement engager la SARL Edim en signant ladite convention avec la SARL Bourbon.
bien fondé de la demande en paiement
L'appelante fait valoir que la convention du 23 septembre 2015 ne mentionne pas comme contractant la SARL Edim, prise en la personne de son gérant, mais M. [O], gérant de la SARL Edim, de sorte que c'est le gérant lui-même qui s'est personnellement engagé et non la SARL Edim.
Cette convention n'est en outre pas signée par la SARL Bourbon et ne peut engager les parties.
Encore, la facture produite ne porte aucun numéro ni de TVA et la rémunération n'est fixée qu'en cas de prêt ou garantie, alors que la SARL Edim a seulement fait l'objet d'une cession de parts sociales.
Enfin, les diligences qui auraient été effectuées en contrepartie de cette rémunération, contestées, ne sont pas justifiées.
L'intimée et son mandataire judiciaire répliquent que la convention visait, outre l'octroi d'un concours financier, toute autre solution financière permettant à la société d'assainir sa situation, et que le montage mis en place par l'intermédiaire de la SARL Bourbon y a satisfait, de sorte que la rémunération convenue lui est due, sur la base d'une facture émise et communiquée. Enfin, si le repreneur de la société a contesté avoir eu connaissance préalablement de la convention, l'existence même de celle-ci n'a souffert d'aucune objection.
Sur ce,
La « convention d'intermédiation occasionnelle » a été conclue le 23 septembre 2015 entre « de première part, M. [O], gérant de la SARL Edim, (') société en redressement judiciaire, ci-après dénommée le mandant » et « de seconde part la société Bourbon azur conseil SARL représentée par M. [Z] [J], directeur, ci-après dénommée « le prestataire », laquelle société déclarant que l'opération objet de la présente convention a pour elle la nature d'une intermédiation accessoire, ci-après dénommée le mandataire ».
Si la rédaction de la désignation de la première partie est effectivement maladroite en ce qu'elle n'est pas formulée en symétrie de la seconde mais de manière inversée (identité du représentant / nom de la société), les stipulations contractuelles qui suivent ôtent toute ambiguïté quant à la personne contractante.
En effet, sont exposés en préambule les difficultés et la situation de la société Edim pour ensuite définir l'objet de la mission confiée à la SARL Bourbon : « poursuivre les opérations tant juridiques que commerciales destinées à faire émettre (au bénéfice de la SARL Edim) un contrat de prêt ou toute autre solution financière (achat total ou partiel, réméré) lui permettant d'obtenir une situation assainie et de repartir sur des bases nettes ».
C'est ainsi clairement la SARL Edim qui est contractante.
Par ailleurs, quand bien même la signature de la SARL Bourbon ne figure pas sur l'exemplaire de la convention qui est produite aux débats, le consentement donné à cette convention par cette société est établi par le fait qu'elle revendique l'avoir contractée, l'avoir exécutée et demande l'exécution de la contrepartie adverse.
La note d'honoraires établie le 29 octobre 2015 par la SARL Bourbon à l'adresse de la SARL Edim ne comporte, comme le relève justement l'appelante, aucune numérotation ni numéro individuel d'identification à la TVA de son émetteur.
Toutefois, le manquement à ces prescriptions de forme qui résultent du code général des impôts est sanctionnable d'amendes mais n'affecte pas la validité même de la note ou facture établie.
L'article 5 de la convention, relatif aux honoraires dus, stipule qu'ils sont fixés forfaitairement à « 5% hors TVA de la valeur du prêt/caution ou garantie obtenu globalement, payable à la réalisation et éventuellement versé directement par la banque ou le prêteur à qui le mandant donne par les présentes expressément pouvoir à cette fin lors de la mise à disposition des fonds au mandant ».
Cette rémunération est ainsi expressément fixée à un pourcentage des fonds mis à disposition du mandant qui ont été obtenus grâce à la prestation de la SARL Bourbon, sans que ce paiement puisse être limité à l'obtention stricte d'un prêt/caution ou garantie dès lors que sa mission définie dans l'article 1 de la convention était bien plus large pour porter sur l'émission au bénéfice de la SARL Edim de « toute autre solution financière ».
Pour autant, il appartient à la SARL Bourbon qui revendique avoir exécuté son obligation contractuelle et demande le paiement qui en était la contrepartie, de justifier de cette exécution, d'autant qu'elle est en l'espèce contestée par la SARL Edim.
Si le tribunal a pu considérer que l'assainissement de la situation de la société Edim a été effectué grâce à un montage financier mis en place par l'intermédiaire de la SARL Bourbon, avec un apport de fonds au profit de la SARL Edim à hauteur de 3 500 000 euros, la cour ne dispose pas des éléments qui lui permettraient de confirmer une telle affirmation. Or, contrairement à ce qui a été retenu, ce point a été contesté et l'est encore, la SARL Edim indiquant dans ses dernières écritures qu' « aucun élément autre que des courriels entre l'ancien gérant (M. [O]) et le nouveau gérant (M. [D]) ne viennent expliquer l'intervention de la SARL Bourbon. (') Il y a donc une contestation de l'intervention de la SARL Bourbon azur conseil dès sa manifestation qui sollicite un paiement sans expliquer les diligences effectuées ».
Il n'est en effet pas justifié par la SARL Bourbon ni du quantum des fonds qui auraient été apportés à la SARL Edim par la reprise évoquée, ni même et surtout, de ce que cette opération aurait été conclue sur son intervention et par son intermédiaire.
Il ne peut être tiré aucune conclusion du courriel d'une société In extenso -dont on devine seulement qu'elle était le comptable de la SARL Edim- indiquant, le 22 novembre 2016, avoir bien reçu la facture de la SARL Bourbon des mains de l'ancien gérant M. [O], ni des échanges par courriels produits en pièces 4 à 6 par l'intimée, en l'absence de tout justificatif de l'opération qui aurait finalement abouti et qui préciserait à quelle date et dans quels termes financiers définitifs.
La demande en paiement formulée par la SARL Bourbon qui ne justifie pas de l'exécution de sa propre prestation telle que convenue le 23 septembre 2015 ne peut donc qu'être rejetée. Le jugement est en conséquence infirmé de ce chef.
Sur les frais du procès
En l'état de l'infirmation du chef de la condamnation principale à paiement, l'équité impose également de réformer la disposition de condamnation aux frais irrépétibles prononcée à l'encontre de la SARL Edim, et de dire qu'il n'y a pas lieu à indemnisation de l'une quelconque des parties à ce titre.
Les dépens de première instance et d'appel incombent à la SARL Bourbon qui succombe sur le fond.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement en ce qu'il a
- débouté la SARL Edim de sa demande de voir déclarer irrecevable l'assignation délivrée le 12 mars 2020 par la SARL Bourbon azur conseil et dit cette assignation recevable,
- débouté la SARL Edim de sa demande à lui voir déclarer inopposable l'acte du 23 septembre signé par M. [O] ;
Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare recevables les écritures d'intervention volontaire du liquidateur judiciaire de la SARL Bourbon azur conseil ès qualités ainsi que les pièces transmises par cette SARL ;
Déboute sur le fond la SARL Bourbon azur conseil de ses demandes en paiement ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Bourbon azur conseil aux dépens de première instance et d'appel ;
Rejette toutes autres demandes.
LE GREFFIER LE PRESIDENT