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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 3, 4 juin 2025, n° 21/05399

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/05399

4 juin 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 04 JUIN 2025

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05399 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3R4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 17/00684

APPELANTE :

S.A.R.L. EMBALLAGES DIFFUSION, pris en la personne de son représentant légal N° RCS du Havre : 408 234 300

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Claude AUNAY, avocat au barreau du HAVRE

INTIMÉ :

Monsieur [K] [Y]

Chez Monsieur [I] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Sylvie DOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1073

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/032588 du 01/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

PARTIES INTERVENANTES

S.A.R.L. FHB, prise en la personne de Me [V] [E] es qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'excution du plan de la SARL EMBALLAGE DIFFUSION

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non constitué, l'assignation en intervention forcée ayant été transmise par exploit d'huissier en date du 14 décembre 2021 à personne morale

S.E.L.A.R.L. [J] [L], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL EMBALLAGE DIFFUSION

[Adresse 2]

[Localité 6]

Non constitué, l'assignation en intervention forcée ayant été transmise par exploit d'huissier en date du 10 décembre 2021à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, président

Madame Fabienne ROUGE, Présidente

Madame Véronique MARMORAT, Présidente

Greffier, lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE

ARRET :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christophe BACONNIER, Président et par Madame Laetitia PRADIGNAC, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

La société Emballages Diffusion (SARL) a engagé M. [K] [Y] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2009 en qualité d'agent de production ; il y a été transféré par la société ACOPAL qui l'employait depuis le 1er novembre 2008.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du négoce du bois d''uvre et produits dérivés.

M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 3 mai 2016.

M. [Y] a ensuite été licencié pour motif économique par lettre notifiée le 17 mai 2016.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [Y] avait une ancienneté de 7 ans et 6 mois d'ancienneté.

Sa rémunération mensuelle brute s'élevait en dernier lieu à la somme de 1 718,55 euros.

La société Emballages Diffusion occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

M. [Y] a saisi le 12 septembre 2017 le conseil de prud'hommes de Meaux et a formé en dernier lieu les demandes suivantes :

« - Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 38 369,52 euros

- Indemnité légale de licenciement : 505,04 euros

- Article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : 3 000 euros

- Exécution provisoire (art. 515 du CPC)

- Intérêts au taux légal »

La société Emballages Diffusion a été placée sous sauvegarde par jugement du tribunal de commerce du 29 septembre 2017 et la société FHB a été désignée administrateur Judiciaire et la SELARL [J] [L], mandataire judiciaire.

La société Emballages Diffusion a bénéficié d'un plan de sauvegarde par jugement du 28 septembre 2018 qui a désigné la SELARL [J] [L] ès qualités de mandataire judiciaire et la SELARL FHB, prise en la personne de Me [V] [E], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement du 27 mai 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« DIT que l'instance de Monsieur [K] [Y] n'est pas périmée,

FIXE la moyenne des salaires de Monsieur [K] [Y] à 1 951,36€,

DIT que le licenciement économique de Monsieur [K] [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SARL EMBALLAGES DIFFUSION à verser à Monsieur [K] [Y] les sommes suivantes :

- 284,12 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement

Cette somme portant les intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2017, date de la convocation à l'audience du Bureau de conciliation et d'orientation,

- 19 513,60 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,

Ces sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification du présent jugement,

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement par l'application de l'article R. 1454-28 du code du travail,

DEBOUTE Monsieur [K] [Y] du surplus de ses demandes,

DEBOUTE la SARL EMBALLAGES DIFFUSION de sa demande au titre de l'article 700 du CPC,

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-1 du code civil,

DIT qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et dit qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret 8 mars 2001 devront être supportés par la SARL EMBALLAGES DIFFUSION,

MET les entiers dépens à la charge de la SARL EMBALLAGES DIFFUSION, y compris les frais éventuels d'exécution par voie d'huissier. »

La société Emballages Diffusion a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 16 juin 2021.

La constitution d'intimée de M. [Y] a été transmise par voie électronique le 24 septembre 2021.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 16 septembre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société Emballages Diffusion demande à la cour de :

« Recevant la société EMBALLAGES DIFFUSION en son appel et l'en déclarant bien fondé

Déclarer nul le jugement entrepris en ce qu'il condamne une société placée sous sauvegarde,

Constater la péremption d'instance,

Dire et Juger Monsieur [K] [Y] irrecevable car prescrit,

Débouter Monsieur [K] [Y] de toutes ses demandes,

Condamner Monsieur [K] [Y] au paiement de la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC et aux dépens. »

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 8 décembre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [Y] demande à la cour de :

« - Déclarer l'appel de la société EMBALLAGES DIFFUSION mal fondé ;

- En conséquence, débouter la société EMBALLAGES DIFFUSION de l'ensemble de ses demandes ;

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de MEAUX le 27 mai 2021 en ce qu'il a dit que l'instance de Monsieur [K] [Y] n'est pas périmée, que les demandes de Monsieur [K] [Y] ne sont pas prescrites, dit que le licenciement de Monsieur [K] [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société EMBALLAGES DIFFUSION à payer à Monsieur [K] [Y] la somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- L'infirmer dans ses quantums ;

- Statuant à nouveau et y ajoutant, fixer au passif de la sauvegarde de la société EMBALLAGES DIFFUSION les sommes suivantes :

' 38.369,52 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 505,04 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- Dire que la condamnation portera intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes en date du 12 septembre 2017 ;

- Condamner la société EMBALLAGES DIFFUSION, assistée de la SELARL FHB, prise en la personne de Maître [V] [E], ès qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan, au paiement de la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

- Condamner la société EMBALLAGES DIFFUSION assistée de la SELARL FHB, prise en la personne de Maître [V] [E], ès qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan, aux entiers dépens de première instance et d'appel. »

La procédure relative au plan de sauvegarde décidée le 28 septembre 2018 a été clôturée le 23 février 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 18 mars 2025.

L'affaire a été appelée à l'audience du 07 avril 2025.

MOTIFS

La cour constate que la société Emballages Diffusion est à présent in bonis et qu'elle est représentée par son dirigeant légal comme cela ressort de ses conclusions.

Sur la nullité du jugement

La société Emballages Diffusion demande à la cour de déclarer nul le jugement entrepris en ce qu'il a condamné une société placée sous sauvegarde.

M. [Y] s'oppose à cette demande et soutient que la jurisprudence citée dans les écritures de la société Emballages Diffusion ne concerne que des sociétés placées en redressement judiciaire et non sous sauvegarde et conclut que la cour fixera ses créances au passif de la sauvegarde de la société Emballages Diffusion.

La cour constate que la créance litigieuse, née d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse prononcé en 2016, est antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde (2017) et qu'elle relève donc du régime des créances antérieures soumises aux dispositions de l'article L. 622-7 du code de commerce aux termes duquel « Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes(...) ».

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Emballages Diffusion est bien fondée dans sa demande d'annulation du jugement au motif que le prononcé d'une condamnation au paiement plutôt qu'une fixation de créance constitue une iIIicéité substantielle du fait de l'interdiction des poursuites individuelles pour les créances antérieures (art. L. 622-7).

Compte tenu de ce qui précède, la cour annule le jugement déféré.

Sur l'exception de péremption

La société Emballages Diffusion demande à la cour de constater la péremption d'instance.

La société Emballages Diffusion soutient que M. [Y] n'a réalisé aucune des diligences susceptibles d'interrompre la péremption avant le 12 septembre 2019 ; en l'espèce, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes le 12 septembre 2017 ; il devait accomplir des diligences avant le 12 septembre 2019 dès lors que la saisine de la juridiction, quelles qu'en soient les modalités, est considérée comme le point de départ de l'instance susceptible de péremption ; ni le calendrier fixé par le bureau de conciliation, ni les audiences de renvoi des 13 mars 2018 ou 18 juin 2019 n'ont constitué des diligences susceptibles d'interrompre la péremption.

M. [Y] s'oppose à cette demande.

La cour constate que M. [Y] justifie :

- avoir communiqué ses conclusions et pièces par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 novembre 2017 à la société Emballages Diffusion qui n'était alors pas assistée par un avocat (pièce salarié n° 18),

- que par courrier officiel en date du 22 mars 2018 le conseil de la société Emballages Diffusion a informé son conseil de son intervention en lui réclamant ses conclusions et pièces (pièce salarié n°19),

- que le 23 mars 2018, son conseil a en réponse, communiqué ses conclusions et pièces au conseil de la société Emballages Diffusion (pièce salarié n° 20),

- que le 17 juin 2019, la société Emballages Diffusion a communiqué ses conclusions (pièce salarié n° 22),

- que le 15 octobre 2020, son conseil a communiqué au conseil de la société Emballages Diffusion ses conclusions en réplique (pièce salarié n° 24),

- que par acte d'huissier de justice en date du 31 mai 2019, il a fait citer la société FHB prise en la personne de Maître [V] [E], ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Emballages Diffusion, et lui a signifié dans le même temps ses conclusions et pièces (pièce salarié n° 17),

- qu'il a à nouveau mis dans la cause les organes de la procédure en assignant devant le conseil de prud'hommes pour l'audience du 15 décembre 2020 les organes de la procédure collective de la société Emballages Diffusion : la SELARL [J] [L] ès qualités de mandataire judiciaire et la SELARL FHB, prise en la personne de Me [V] [E], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan (pièces salarié n° 27 et 28).

Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Emballages Diffusion est mal fondée à invoquer la péremption d'instance au motif que M. [Y] justifie avoir accompli des diligences susceptibles d'interrompre la péremption en communiquant ses conclusions le 4 novembre 2017, le 23 mars 2018 et le 15 octobre 2020 et en faisant délivrer une assignation en intervention forcée le 31 mai 2019 aux organes de la procédure collective.

Sur la prescription

La société Emballages Diffusion demande à la cour de dire que M. [Y] irrecevable car prescrit,

La société Emballages Diffusion soutient que M. [Y] a introduit son action plus de 16 mois après la notification de son licenciement après expiration du délai de 12 mois de l'article L.1235-7 du code du travail dans lequel l'action en contestation d'un licenciement économique doit être engagée.

M. [Y] s'oppose à cette demande et soutient que la lettre de licenciement n'a pas fait mention de délais, que le délai spécial de 12 mois de l'article L.1235-7 du code du travail ne lui est pas opposable, qu'il a introduit son action dans le délai de prescription de droit commun alors applicable (2 ans) en sorte que son action n'est pas prescrite.

L'article L.1235-7 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose « Toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la lettre de licenciement. »

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Emballages Diffusion est mal fondée dans son moyen tiré de la prescription au motif que la lettre de licenciement (pièce salarié n° 2) ne mentionne pas ni l'article L.1235-7 du code du travail, ni que M. [Y] disposait d'un délai de 12 mois pour contester son licenciement économique en sorte que ce délai n'est pas opposable à M. [Y] étant ajouté que ce dernier a par ailleurs introduit son action devant le conseil de prud'hommes dans le délai de 2 ans de l'article L.1471-1 du code du travail applicable par défaut.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

La lettre de licenciement est rédigée comme suit :

« En application des dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail, nous vous avons reçu lors d'un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement le 03/05/2016 (...)

Nous vous avons remis lors de cet entretien les documents du dossier CSP comme le prévoit la réglementation.

Nous vous avons expliqué les raisons de la réduction des effectifs de notre agence de [Localité 8].

Pour des raisons économiques, suite à la rupture de contrat d'un gros client qui vient

empirer une situation déjà fortement dégradée nous sommes contraints de procéder à des réductions de personnels afin d'assurer la pérennité de l'entreprise, toutes les autres pistes ayant été envisagées et malheureusement sans succès.

Nous sommes donc au regret de vous licencier pour cause économique à réception de la présente, date de départ de votre préavis qui finira deux mois plus tard. A cet date vous recevrez votre solde de tout compte et les attestations réglementaires. (...) »

La société Emballages Diffusion soutient que :

- « la lecture du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 13 juin 2016 et de l'arrêt du 13 septembre 2018 de la cour d'appel de Paris donnent une image de l'abîme dans lequel s'est trouvée la société Emballages Diffusion, placée sous sauvegarde le 29 septembre 2017 » (sic),

- la nécessité de réduire les effectifs ensuite de la « rupture de contrat d'un gros client » est précisément le motif visé dans la lettre de licenciement économique,

- à supposer que la lettre de licenciement soit insuffisamment motivée, c'est l'article L1235-2 dans sa version en vigueur en mai 2016 qui devait trouver à s'appliquer, limitant les dommages et intérêts à 1 mois de salaire.

M. [Y] invoque les faits suivants :

- le jugement invoqué par la société pour se prévaloir de ses difficultés économiques a été rendu en septembre 2017 postérieurement à son licenciement notifié le 17 mai 2016,

- la lettre de licenciement n'est pas motivée conformément aux exigences de l'article L.1233-16 du code du travail,

- les difficultés économiques et la suppression d'emploi ne sont pas établies à la date du licenciement,

- son poste n'a pas été supprimé puisque la société Emballages Diffusion a embauché un salarié pour le remplacer : ainsi un salarié a été recruté le 15 juillet 2016 avant même l'expiration de son préavis (pièce employeur n° 4) et surtout, la société Emballages Diffusion a embauché 5 réparateurs/trieurs en novembre et décembre 2016, soit dans les 4-5 mois suivant la date d'effet de son licenciement alors que ces emplois disponibles étaient compatibles avec sa qualification et qu'il s'agissait de surcroît du même poste que celui qu'il occupait (réparation et triage des palettes),

- la société n'a pas satisfait à son obligation de reclassement.

Sur le motif économique

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.

Ce n'est que si la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise est établie ou que si la nécessité de prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi est établie que la réorganisation de l'entreprise peut constituer un motif économique de licenciement.

Le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d'éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité.

Selon l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens et il appartient donc à l'employeur de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu'un reclassement était impossible.

La cour doit non seulement apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement mais aussi vérifier que le motif invoqué par l'employeur remplit les conditions des articles L. 1233-3 et suivants du code du travail ; ainsi en cas de litige, le juge vérifie :

- la réalité de la cause économique, c'est-à-dire la réalité des difficultés économiques, de la mutation technologique ou de la réorganisation de l'entreprise ;

- la réalité de la suppression ou de la transformation de l'emploi, ou de la modification du contrat de travail ;

- l'existence d'un lien de causalité entre le contexte économique de l'entreprise (difficultés économiques, mutation technologique, réorganisation de l'entreprise) et la mesure décidée par l'employeur (c'est-à-dire les conséquences sur le contrat du travail, suppression, transformation de l'emploi, ou modification du contrat de travail).

- le respect par l'employeur de l'obligation de reclassement.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient qu'aucun des éléments produits par la société Emballages Diffusion ne permet de retenir que l'employeur a recherché les postes disponibles pour exécuter son obligation de reclassement à l'égard de M. [Y] avant son licenciement économique et son reclassement était impossible.

Compte tenu de ce qui précède, et sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner le surplus des moyens, la cour retient que la société Emballages Diffusion a commis un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement qui prive celui-ci de cause réelle et sérieuse.

La cour dit pas suite que le licenciement économique de M. [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [Y] demande la somme de 38 369,52 € (18 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société Emballages Diffusion s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

Il est constant qu'à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [Y] avait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise de 11 salariés et plus ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [Y], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [Y] doit être évaluée à la somme de 20 000 €.

Et c'est en vain que la société Emballages Diffusion soutient que c'est l'article L1235-2 dans sa version en vigueur en mai 2016 qui devait trouver à s'appliquer, limitant les dommages et intérêts à 1 mois de salaire ; en effet l'article L1235-2 dans sa version en vigueur en mai 2016 ne sanctionne ainsi que la violation de la procédure de licenciement et non l'insuffisance de motivation comme la société Emballages Diffusion le soutient en invoquant, comme étant celle de 2016, la nouvelle rédaction de l'article résultant de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ; en outre la cour a retenu plus haut que le licenciement de M. [Y] est sans cause réelle et sérieuse du fait du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement : il ne s'agit pas d'une insuffisance de motivation.

La cour condamne donc la société Emballages Diffusion à payer à M. [Y] la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail

L'article L.1235-4 du code du travail dispose « Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. ».

Le licenciement de M. [Y] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l'application de l'article L.1235-4 du code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par la société Emballages Diffusion aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [Y], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur l'indemnité de licenciement

M. [Y] demande la somme de 505,04 € au titre de l'indemnité de licenciement et fait valoir, à l'appui de cette demande que :

- il avait 7 ans et 9 mois d'ancienneté, et peut donc prétendre à une indemnité égale à 1/5 ème de mois de salaire par année d'ancienneté, soit :

2 131,64 € /5 = 426,33 €

426,33 € x 7 ans (2 984,30 €) et 9 mois (319,75 €) = 2 984,30 € + 319,75 € = 3 304,75 €

- la société Emballages Diffusion ne lui a versé que la somme de 2 799,01 € (pièces 3 à 6)

- il a droit à la différence, soit la somme de 505,04 € (3 304,75 ' 2 799,01).

La société Emballages Diffusion s'oppose à cette demande sans faire valoir de moyens sur le quantum.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats, que le salaire de référence calculé sur la moyenne des 3 derniers mois (option la plus favorable) s'élève à 1 711,29 € par mois (pièces salarié n° 3 : bulletins de salaire et 6 : attestation Pôle emploi).

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [Y] avait une ancienneté de 7 ans et 6 mois et donc au moins un an d'ancienneté ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1234-9 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige et une indemnité légale de licenciement doit lui être attribuée ; cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée, par année de service dans l'entreprise, sur la base d'1/5 de mois (Art. R. 1234-1 et suivants du code du travail) ; les années incomplètes doivent être retenues, la fraction de l'indemnité de licenciement afférente à une année incomplète étant proportionnelle au nombre de mois de présence ; pour le calcul du montant de l'indemnité, l'ancienneté prise en considération s'apprécie à la date de fin du préavis ; l'indemnité légale de licenciement doit donc être fixée à la somme de 2 623,92 € calculée selon la formule suivante : (7 + 8/12) x 1/5 x 1 711,29 €.

M. [Y] ayant perçu la somme de 2 699,01 € (pièce salarié n° 6 : attestation Pôle emploi), M. [Y] a été rempli de ses droits ; la cour déboute donc M. [Y] de sa demande relative à l'indemnité de licenciement.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La cour condamne la société Emballages Diffusion aux dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Emballages Diffusion à payer à M. [Y] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Annule le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que la société Emballages Diffusion est mal fondée dans ses moyens tirés de la péremption et de la prescription ;

Dit que le licenciement de M. [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Emballages Diffusion à payer à M. [Y] la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [Y] de sa demande relative à l'indemnité de licenciement ;

Ordonne le remboursement par la société Emballages Diffusion aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [Y], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

Dit que les dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamne la société Emballages Diffusion à verser à M. [Y] une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

Condamne la société Emballages Diffusion aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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