CA Metz, 6e ch., 12 juin 2025, n° 24/01117
METZ
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 24/01117 - N° Portalis DBVS-V-B7I-GFZQ
Minute n° 25/00083
S.A.R.L. A LA CROISEE DES PAINS
C/
[L] EPOUSE [B], [B], [T], [N], S.C.I. [S] ET [Z]
Ordonnance Référé, origine Président du TJ de [Localité 10], décision attaquée en date du 28 Mai 2024, enregistrée sous le n° 24/00040
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 12 JUIN 2025
APPELANTE :
SARL A LA CROISEE DES PAINS, représentée par son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Madame [M] [L] épouse [B]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Non représentée
Monsieur [E] [B]
[Adresse 9]
[Localité 1]
Non représenté
Monsieur [D] [T]
[Adresse 9]
[Localité 1]
Non représenté
Monsieur [K] [N]
[Adresse 7]
[Localité 1]
Non représenté
S.C.I. [S] ET [Z] , représentée par représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 1]
Non représenté
DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Février 2025 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 12 Juin 2025.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Hélène BAJEUX
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Rendu par défaut
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte authentique du 21 juillet 2008, la SCI [S] & [Z] a donné à bail à la SARL La Mie des Chênes, un local commercial sis [Adresse 3] à 57255 Sainte Marie Aux Chênes.
La SARL La Mie des Chênes a cédé à la SARL A la Croisée des Pains ce fonds de commerce comprenant notamment le bail commercial.
Se plaignant de nuisances sonores, M. [E] [B], la SCI [S] & [Z], Mme [M] [B] née [L], M. [D] [T], le syndic de copropriété du [Adresse 4] pris en la personne de son représentant légal, M. [E] [B], et M. [K] [N] ont, par acte de commissaire de justice signifié le 26 janvier 2024, fait assigner la SARL A la Croisée des Pains devant le président du tribunal judiciaire de Metz statuant en référé, sur le fondement des articles 834, 835 et 700 du code de procédure civile, 1103 du code civil, R1336-5 du code de la santé publique et 1 et 9 de l'arrêté municipal du 11 avril 2000 pour voir, selon leurs dernières conclusions récapitulatives:
juger qu'ils sont recevables et bien fondée en l'ensemble de leurs demandes
ordonner à la partie défenderesse et tout occupant des locaux commerciaux loués de cesser tout trouble susceptible de perturber la quiétude de la copropriété
reconnaître la nature illicite des bruits perpétrés par les occupants des locaux commerciaux loués
ordonner la cessation des bruits et tapages diurnes et nocturnes sous astreinte de 250 euros par jour
constater que la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail régularisé entre les parties est acquise
ordonner le « déguerpissement » de la SARL A la Croisée des Pains et de tout occupant de son chef des locaux loués
condamner la SARL A la Croisée des Pains à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions récapitulatives, la SARL A la Croisée des Pains a demandé au juge des référés de :
déclarer irrecevable la demande formée par le syndic de copropriété du [Adresse 6] à [Localité 2]
condamner M. [B] ès qualités de syndic de la copropriété du [Adresse 6] à [Localité 2] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
écarter des débats la pièce n°18 des demandeurs comme ayant été obtenue sans son consentement et donc de manière irrégulière
inviter M. et Mme [B] à préciser leur statut exact au sein de la copropriété du [Adresse 6] à [Localité 2]
constater que la preuve de la condition d'urgence prévue à l'article 834 du code de procédure civile n'est pas rapportée
constater que la preuve du trouble manifestement illicite invoqué et prévu à l'article 835 du code de procédure civile n'est pas rapportée
constater l'existence d'une contestation sérieuse
dire n'y avoir lieu à référé ;
se déclarer incompétent pour statuer sur la demande principale
Reconventionnellement à titre provisoire
condamner in solidum les demandeurs à lui verser la somme de 3.000 euros à titre provisionnel en réparation du préjudice subi du fait de la procédure abusive diligentée
condamner chacun des demandeurs à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
les condamner in solidum aux entiers frais et dépens.
Par ordonnance contradictoire du 28 mai 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Metz a :
renvoyé les parties à se pourvoir au principal ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent,
déclaré irrecevable l'action formée par le syndic de copropriété du [Adresse 4]
dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce 18 des demandeurs
débouté M. [E] [B], la SCI [S] & [Z], Mme [M] [B] née [L], M. [D] [T], M. [E] [B], et M. [K] [N] de leur demande visant à constater la résiliation du bail commercial passé par la SARL A la Croisée des Pains et prononcer le déguerpissement de la SARL A la Croisée des Pains
condamné à titre provisoire la SARL A la Croisée des Pains à cesser de générer dans les locaux privatifs et dans les communs des bruits nocturnes excédant ceux strictement nécessaires à son activité et ayant pour effet de troubler la tranquillité de la copropriété situé [Adresse 8] à [Localité 2] sous peine d'une astreinte de 300 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente ordonnance
débouté la SARL A la Croisée des Pains de sa demande de dommages-intérêts provisionnels
condamné la SARL A la Croisée des Pains à payer à M. [E] [B], la SCI [S] & [Z], Mme [M] [B] née [L], M. [D] [T], M. [E] [B], et M. [K] [N] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
condamné la SARL A la Croisée des Pains aux frais et dépens
débouté les parties de toute autre demande
rappelé que cette ordonnance de référé est immédiatement exécutoire à titre provisoire et sans constitution de garantie particulière, même en cas d'appel.
Le juge des référés a tout d'abord relevé que le syndic n'avait pas précisé dans son assignation qu'il intervenait pour le syndicat des copropriétaires et non en son nom propre. Il en a déduit que le syndic n'avait pas qualité à agir.
Il a considéré que la SARL A la Croisée des Pains ne démontrait pas l'irrégularité de la captation d'images par la caméra située dans la copropriété dont la pose a été autorisée par les copropriétaires selon assemblée générale du 7 octobre 2023 et n'a donc pas écarté des débats la pièce n°18 produite par les demandeurs.
Pour rejeter les demandes visant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et prononcer le déguerpissement de la SARL A la Croisée des Pains, le juge des référés a, faisant application des articles 834 et 835 du code de procédure civile ainsi que de l'article L145-41 du code de commerce, retenu que si les demandeurs se prévalaient de l'acquisition de la clause résolutoire, ils ne soutenaient, ni ne démontraient, avoir fait délivrer à la SARL A la Croisée des Pains un commandement ou une mise en demeure exprimant la volonté de la bailleresse de se prévaloir de la résolution du bail.
Pour retenir le trouble manifestement illicite et condamner sous astreinte la SARL A la Croisée des Pains à cesser les bruits générés, le juge des référés a fait application des articles 835 du code de procédure civile et R1336-5 du code de la santé publique ainsi que du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage. Le juge des référés a, pour ce faire, relevé qu'il était produit un courrier du 5 octobre 2023 par lequel M. [T] se plaignait de bruits de marteaux entendus à plusieurs reprises en pleine nuit en septembre et octobre 2023, ou de benne à ordure entendu le 5 octobre 2023 en pleine nuit également et des allers-retours de voitures, de piétons et de scooters tout au long de la nuit avec des bruits de conversations à haute voix, chacun attribués à la SARL A la Croisée des Pains. Le juge des référés a également mentionné que Mme [B] avait déclaré des nuisances sonores provoquées par l'exploitant de la boulangerie évoquant notamment des portes qui claquent et des allers-retours dans la nuit, que des plaintes avaient été déposées auprès de la gendarmerie par M. et Mme [B] et M. [T], lesquels se sont plaints de tapages nocturnes et diurnes ainsi que de différentes incivilités commises par la SARL A la Croisée des Pains.
Le juge des référés a en outre relevé que le visionnage des images captées dans les communs de la copropriété en novembre 2023, décembre 2023 et janvier 2024 révélaient 5 événements survenus en pleine nuit : des bruits de conversation, des objets tirés au sol, une livraison de marchandise, des coups de pied dans le portail et des sacs et bennes à ordures déplacés. Sur la base de ces éléments, le juge des référés a retenu que si l'exploitation d'une boulangerie impliquait une activité nocturne, il était démontré que la SARL A la Croisée des Pains perturbait la tranquillité de l'immeuble de façon récurrente et excessive alors que ces bruits pouvaient être évités et différés de jour sans pour autant entraver l'exploitation du commerce.
Enfin, pour rejeter la demande reconventionnelle de condamnation au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, le juge des référés a retenu qu'il était fait droit en parties aux demandes de sorte qu'aucun abus n'était caractérisé.
Par déclaration du 18 juin 2024, la SARL A la Croisée des Pains a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement d'infirmation, de cette ordonnance en ce qu'elle a :
renvoyé les parties à se pourvoir au principal ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce 18 des demandeurs,
l'a condamnée à titre provisoire à cesser de générer dans les locaux privatifs et dans les communs des bruits nocturnes excédant ceux strictement nécessaires à son activité ayant pour effet de troubler la tranquillité de la copropriété située [Adresse 3] à [Localité 2] sous peine d'une astreinte de 300 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente ordonnance,
l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts provisionnels,
l'a condamnée à payer à M. [E] [B], la SCI [S] & [Z], Mme [M] [B] née [L], M. [D] [T], M. [E] [B] et M. [K] [N] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
l'a condamnée aux frais et dépens,
l'a déboutée de toute autre demande,
rappelé le caractère exécutoire à titre provisoire de cette ordonnance de référé.
Par ses dernières conclusions récapitulatives du 18 novembre 2024, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL A la Croisée des Pains demande à la cour de :
recevoir son appel et le dire bien fondé.
infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle: a dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce 18 des demandeurs; l'a condamnée à titre provisoire à cesser de générer dans les locaux privatifs et dans les communs des bruits nocturnes excédant ceux strictement nécessaires à son activité ayant pour effet de troubler la tranquillité de la copropriété sous peine d'une astreinte de 300 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente ordonnance; l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts provisionnels; l'a condamnée à payer à M. [E] [B], la SCI [S] & [Z], Mme [M] [B] née [L], M. [D] [T], M. [E] [B] et M. [K] [N] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; l'a condamnée aux frais et dépens; l'a déboutée de toute autre demande; rappelé que cette ordonnance de référé était immédiatement exécutoire à titre provisoire et sans constitution de garantie particulière, même en cas d'appel.
Et statuant à nouveau,
déclarer irrecevables l'action et les demandes de M. [E] [B], de Mme [M] [L] épouse [B], de M. [D] [T], de la SCI [S] & [Z], de M. [K] [N], pour défaut de qualité et d'intérêt à agir;
déclarer en tout état de cause irrecevables l'action et les demandes de M. [E] [B], de Mme [M] [L] épouse [B], de M. [D] [T], de M. [K] [N], pour défaut de qualité et d'intérêt à agir
Vu l'article 9 du code de procédure civile,
écarter des débats la pièce n°18 produite en première instance par les demandeurs comme ayant été obtenue sans le consentement de la défenderesse, de manière irrégulière et non autorisée.
Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile, vu les contestations sérieuses soulevées, vu l'absence de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite,
se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes principales
dire n'y avoir lieu à référé
renvoyer les demandeurs et intimés à mieux se pourvoir
déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de M. [E] [B], de Mme [M] [L] épouse [B], de M. [D] [T], de la SCI [S] & [Z], de M. [K] [N]
Subsidiairement, rejeter l'ensemble de leurs demandes
En tout état de cause,
rejeter l'ensemble des demandes de M. [E] [B], de Mme [M] [L] épouse [B], de M. [D] [T], de la SCI [S] & [Z], de M. [K] [N], tant irrecevables que mal fondées
condamner in solidum M. [E] [B], Mme [M] [L] épouse [B], M. [D] [T], la SCI [S] & [Z], M. [K] [N] à lui payer une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice subi du fait de cette procédure abusive
condamner in solidum M. [E] [B], Mme [M] [L] épouse [B], M. [D] [T], la SCI [S] & [Z], M. [K] [N] aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel ainsi qu'à lui payer chacun une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et une somme de 1.500 euros chacun au même titre pour la procédure d'appel.
confirmer pour le surplus l'ordonnance entreprise.
Au soutien de ses prétentions, la SARL A la Croisée des Pains affirme que l'action et les demandes formées par Mme [B], M. [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] pour faire cesser de prétendus troubles dans la copropriété sont irrecevables et que seul le syndicat des copropriétaires a qualité et intérêt à agir en ce sens. La SARL A la Croisée des Pains ajoute que M. et Mme [B], M. [T] et M. [N] ne sont pas propriétaires et n'ont donc ni qualité ni intérêt à agir, rendant ainsi leur action et leurs demandes irrecevables.
Elle estime que ces fins de non-recevoir constituent des contestations sérieuses échappant aux pouvoirs du juge des référés.
L'appelante expose ensuite que la pièce numéro 18 produite par les intimés en première instance doit être écartée car elle a été obtenue en fraude de ses droits et en violation de l'article 9 du code de procédure civile. Elle souligne que les images ainsi produites proviennent d'un système de vidéosurveillance ne respectant pas la réglementation en l'absence d'autorisation de la préfecture, des personnes filmées, et de l'affichage obligatoire informant la présence de caméras. Elle estime que la preuve avancée par les intimés est illicite. L'appelante en déduit qu'il existe une contestation sérieuse et qu'il n'y a donc pas lieu à référé sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile.
S'agissant du trouble manifestement illicite, la SARL A la Croisée des Pains soutient qu'il existe une contestation sérieuse, notamment parce que le trouble de voisinage dont se plaignent M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] n'est pas constituée, que le code de la santé publique est respecté et que la condition d'urgence n'est pas remplie.
L'appelante ajoute que M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] ne produisent aucune pièce devant la cour et que cela justifie que leurs demandes soient rejetées conformément aux article 9 et 102 et suivants du code de procédure civile. Elle estime en outre que les pièces produites par eux en première instance n'avaient aucune force probante en ce qu'il s'agirait de preuves faites à soi-même et que les conditions d'urgence et de dommage imminent ne sont pas remplies.
La SARL A la Croisée des Pains affirme que les demandes formées à son encontre sont une manière détournée de mettre fin à son activité commerciale, ce qui lui est préjudiciable.
Elle conteste être à l'origine des différents bruits invoqués. Selon elle, les images de vidéosurveillance communiquées en première instance par M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z], si la cour les estime recevables, ne font que relater une activité normale inhérente à l'exploitation d'un commerce, rappelant à ce propos qu'elle exploite une boulangerie nécessitant une part de travail de nuit. La SARL A la Croisée des Pains ajoute que certains des individus présents sur les images sont sans lien avec elle.
L'appelante soutient qu'il résulte d'un constat d'huissier du 2 février 2024, que son activité commerciale ne génère aucun bruit excessif et rappelle qu'une telle activité étant préexistante à la venue des intimés, la théorie de la pré-occupation doit s'appliquer. Elle ajoute par ailleurs que son exploitation génère aujourd'hui moins de bruit que la précédente.
Elle expose que la procédure engagée contre elle est abusive et motivée par une intention de nuire, justifiant que lui soit octroyé une indemnité provisionnelle.
Malgré signification, pour chacun des intimés par dépôt à l'étude du commissaire de justice, de la déclaration d'appel le 26 juillet 2024 et des conclusions d'appel le 27 août 2024, M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] n'ont pas constitué avocat à hauteur de cour.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 19 novembre 2024.
Le 22 mai 2025, la cour a adressé à la SARL A la Croisée des Pains la note en délibéré suivante : « La cour constate en cours de délibéré que la pièce n° 7 de la SARL A la Croisée des Pains mentionnée sous l'intitulé « extraits vidéo » est en fait une clé USB. Aucune extraction de son contenu n'est produite. La SARL A la Croisée des Pains est donc invitée à s'expliquer sur la recevabilité de cette pièce en l'absence d'extraction de son contenu, tant au regard de la garantie du respect du principe du contradictoire qu'au regard de l'impossibilité de s'assurer des règles de sécurité informatique et de l'authenticité de son contenu. La SARL A la Croisée des Pains est invitée à formuler ses observations par note en délibéré avant le 3 juin 2025. »
Par note en délibéré du 2 juin 2025 la SARL A la Croisée des Pains a indiqué que le principe du contradictoire avait été respecté dans la mesure où les intimés n'ont pas constitué avocat. Elle ajoute que cette pièce avait déjà été produite en première instance et souligne que les intimés avaient produit devant le juge des référés des enregistrements d'une caméra située dans la copropriété qui n'ont pas été écartés des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la non-constitution des intimés
L'article 542 du code de procédure civile dispose que « l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction de premier degré à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel ».
Selon le dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, «la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. »
Par application des articles susvisés, il appartient à l'appelant, lorsque l'intimé ne comparaît pas, de démontrer que l'analyse des pièces et éléments de la cause effectuée par le tribunal dans le jugement dont il est fait appel est le cas échéant erronée et de produire toutes pièces utiles à cette fin, y compris au besoin celles que l'intimé avait produites en première instance.
En l'espèce, il faut ainsi considérer que Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z], qui n'ont pas constitué avocat en appel, sont réputés s'approprier les motifs de l'ordonnance 28 mai 2024.
Il appartient donc à la SARL A la Croisée des Pains de démontrer que l'analyse du juge des référés est erronée.
Au regard de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions formées par les intimés qui n'ont pas constitué avocat en appel ne doivent pas être rejetées faute de pièces, comme le soutient la SARL A la Croisée des Pains. Ce moyen est inopérant.
II- Sur la portée de l'appel
La cour observe qu'aucun appel n'est formé sur les dispositions de l'ordonnance du juge des référés ayant déclaré irrecevable l'action formée par le syndic de copropriété du [Adresse 5], et ayant débouté M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] de leurs demandes tendant à voir constater la résiliation du bail et prononcer l'expulsion de la SARL A la Croisée des Pains.
La cour n'en est donc pas saisie.
III- Sur la fin de non-recevoir invoquée par l'appelante
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Il appartient au juge des référés de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée d'un prétendu défaut de qualité du demandeur en référé, que la contestation de cette qualité par la partie adverse soit ou non sérieuse.
En l'espèce, si la SARL A la Croisée des Pains estime qu'il existe une contestation sérieuse sur la qualité et l'intérêt à agir de M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z], le juge des référés a cependant pleine compétence pour statuer sur ces fins de non-recevoir. Le moyen invoqué sur ce point sera donc rejeté.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la SARL A la Croisée des Pains, aucun texte légal ou réglementaire ne réserve au seul syndicat des copropriétaires l'exclusivité de la qualité à agir pour faire cesser un trouble du voisinage.
Les demandeurs à l'action ont donc qualité à agir en cessation du trouble à condition qu'ils y aient intérêt.
Sur ce point, le trouble du voisinage affectant par essence la jouissance paisible des locaux occupés dans un périmètre de proximité, tout voisin des locaux exploités par la SARL A la Croisée des Pains dispose d'un intérêt à agir en cessation des nuisances sonores supposées.
Il s'en suit que M. et Mme [B], M. [T], M. [N] qui selon les déclarations de l'appelante sont locataires dans l'immeuble, sont concernés et ont intérêt à agir, étant souligné qu'aucune pièce ne permet d'établir que l'un d'eux n'en est plus occupants.
La SCI [S] & [Z] étant bailleur de la SARL A la Croisée des Pains et copropriétaire de l'immeuble a également intérêt à agir.
Leurs actions et leurs demandes sont donc recevables.
IV- Sur la demande concernant la pièce n°18 produite en première instance
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Néanmoins, il est constant que le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une preuve obtenue ou produite de manière illicite ou déloyale, porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
En l'espèce, il ressort de l'ordonnance de référé dont il est interjeté appel que la pièce n°18 correspond à des enregistrements vidéo d'une caméra située dans la copropriété, laquelle a été posée aux frais de M. [B] et sur autorisation des copropriétaires donnée lors de l'assemblée générale du 7 octobre 2023. La pièce litigieuse n'est pas reproduite en appel mais le contenu de ces enregistrements est repris et utilisé par le juge des référés dans les motifs de l'ordonnance, étant rappelé que les intimés, non constitués à hauteur de cour, sont réputés s'approprier les motifs de cette ordonnance.
Par ailleurs, il résulte du procès-verbal de constat établi le 7 décembre 2023 par Me [X], commissaire de justice et versé aux débats par l'appelante, que 4 caméras ont été posées dans l'allée de circulation commune desservant à la fois le laboratoire et les logements 8bis et 8ter qui se trouvent dans le prolongement du laboratoire. Le commissaire de justice relève que la 4ème caméra est fixée sur un bras articulé, qu'elle est connectée et que l'objectif de la caméra donne sur la cour qui fait la liaison entre le laboratoire et l'arrière-boutique de la boulangerie.
Si selon les motifs de l'ordonnance, l'assemblée générale des copropriétaires a autorisé un copropriétaire à installer un dispositif de vidéosurveillance, (fait non contredit en appel par la SARL A la Croisée des Pains) il n'est pas établi, ni par les pièces produites, ni par les motifs de l'ordonnance, qu'un panneau d'affichage conforme à la réglementation applicable en matière de vidéo surveillance a été posé dans les communs informant les personnes filmées de la pose de caméras, des conditions d'accès à ces images et de leur conservation.
Dès lors, il faut considérer que la pièce 18 produite en première instance correspondant à des enregistrements vidéo extraits d'un système de vidéosurveillance irrégulièrement mis en place est une preuve illicite.
La cour n'a pas à apprécier si la production de cette pièce était indispensable à l'exercice du droit de la preuve des intimés et si l'atteinte portée à la SARL A la Croisée des Pains était strictement proportionnée au but poursuivi, faute de demande en ce sens formée par les intimés.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce 18 et de déclarer cette pièce produite en première instance irrecevable.
V- Sur la demande visant à faire cesser un trouble manifestement illicite
L'article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L'article R1336-5 du code de la santé publique dispose qu'aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité.
Il est constant que nul ne doit causer à autrui de trouble dépassant les inconvénients normaux du voisinage.
Il appartient à celui qui se prétend victime d'un tel trouble d'apporter la preuve qu'il subit un dommage et que ce dommage est en lien de causalité avec un trouble anormal.
La cour, statuant sur appel d'une ordonnance de référé, doit se placer à la date à laquelle le juge des référés a statué pour déterminer le bien fondé des mesures ordonnées.
Il y a également lieu de préciser que l'application de l'article 835 précité, et visé par les demandeurs dans leurs prétentions initiales, n'exige aucune condition d'urgence. Il importe donc peu que l'urgence soit caractérisée ou non et les moyens formulés par la SARL A la Croisée des Pains sur ce point sont donc inopérants.
Il convient tout d'abord de relever que la pièce n° 7 de la SARL A la Croisée des Pains mentionnée sous l'intitulé « extraits vidéos » est une clé USB. Aucune extraction de son contenu n'est produite.
En l'absence de tout élément permettant de s'assurer de l'authenticité, de l'origine et du contenu de cette clé, il faut considérer que son contenu n'a aucune valeur probante.
La pièce 18 produite en première instance étant déclarée irrecevable, les intimés ne sont donc plus réputés s'approprier les motifs invoqués sur le fondement de cette pièce.
L'ordonnance vise dans ses autres motifs la production :
d'un courrier du 5 octobre 2023 de M. [T] se plaignant de bruits de marteaux entendus à plusieurs reprises en pleine nuit en septembre et octobre 2023, du bruit d'une benne à ordures le 5 octobre 2023 à 00h30, des allers-retours de voitures, piétons et scooter tout au long de la nuit, des conversations à voix hautes et des cris l'obligeant à dormir avec des boules Quies.
d'un courrier de Mme [B] du 13 octobre 2023 qui déplore les nuisances sonores provoquées par les locataires exploitant la boulangerie et évoque des portes qui claquent et des allers-retours la nuit dans le laboratoire de la boulangerie
d'une plainte auprès de la gendarmerie le 14 octobre 2023 de M. [B] pour des incivilités commises par la famille [R] et des tapages nocturnes et diurnes
d'une plainte auprès de la gendarmerie le même jour, soit le 14 octobre 2023 pour des nuisances sonores de jour comme de nuit depuis l'installation des nouveaux gérants de la boulangerie en juillet et plus particulièrement entre 2h et 5h du matin.
Si ces événements, à les supposer avérés, mettent en évidence des nuisances sonores nocturnes ponctuelles sur la période allant principalement de septembre au 14 octobre 2023, aucun élément ne permet de déterminer le niveau sonore de ces bruits, leur durée, ni leur imputabilité certaine à la SARL A la Croisée des Pains. En outre, il n'est pas justifié de leur fréquence, ni que ces troubles étaient toujours persistants lorsque le juge des référés a statué en mai 2024.
Les relevés sonores effectués par le commissaire de justice à la demande de la SARL A la Croisée des Pains démontrent par ailleurs l'existence de bruits ambiants et constants, non excessifs, générés par l'activité commerciale de la boulangerie et permettent d'établir que les machines utilisées dans le cadre de son activité quotidienne ne sont pas à l'origine d'un trouble anormal du voisinage.
En définitive, il n'est démontré aucun trouble manifestement illicite tel que visé par l'article 835 du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner en référé une quelconque mesure destinée à le faire cesser.
L'ordonnance sera donc infirmée sur ce point et les intimés seront déboutés de leurs prétentions.
VI- Sur la demande de provision au titre de la procédure abusive
Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il est constant que le droit d'agir en justice est un droit qui ne peut dégénérer en abus ouvrant droit en dommages et intérêts qu'en cas de mauvaise foi, d'intention de nuire, ou d'erreur grossière du plaideur.
En l'espèce, il n'est pas établi que l'action engagée par M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] était motivée par une intention de nuire ou exercée de mauvaise foi.
L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a débouté la SARL A la Croisée des Pains de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.
VII- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] succombant, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Metz du 28 mai 2024 dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau, M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance.
Par application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de condamner in solidum M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] à payer à la SARL A la Croisée des Pains la somme totale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les débouter de leurs prétentions formées sur ce même fondement.
Les intimés succombant en appel seront condamnés aux dépens.
Au regard de l'équité, ils seront également condamnés in solidum à payer à la SARL A la Croisée des Pains la somme totale de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevables les actions et prétentions formées par Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z] ;
Confirme l'ordonnance du 28 mai 2024 du président du tribunal judiciaire de Metz statuant en référé en ce qu'elle a débouté la SARL A la Croisée des Pains de sa demande de dommages et intérêts provisionnels ;
L'infirme en ce qu'elle a :
dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce 18 des demandeurs
condamné à titre provisoire la SARL A la Croisée des Pains à cesser de générer dans les locaux privatifs et dans les communs des bruits nocturnes excédant ceux strictement nécessaires à son activité et ayant pour effet de troubler la tranquillité de la copropriété située [Adresse 8] à [Localité 2] sous peine d'une astreinte de 300 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente ordonnance
condamné la SARL A la Croisée des Pains aux frais et dépens
condamné la SARL A la Croisée des Pains à payer à M. [E] [B] La SCI [S] & [Z], Mme [M] [B] née [L], M. [D] [T], M. [E] [B], et M. [K] [N] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
débouté les parties de toute autre demande ;
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z] de leurs demandes tendant voir :
ordonner la SARL A la Croisée des Pains et tout occupant des locaux commerciaux loués de cesser tout trouble susceptible de perturber la quiétude de la copropriété
reconnaître la nature illicite des bruits perpétrés par les occupants des locaux commerciaux loués
ordonner la cessation des bruits et tapages diurnes et nocturnes sous astreinte de 250 euros par jour
Condamne in solidum Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z] aux dépens de première instance ;
Condamne in solidum Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z] à payer à la SARL A la Croisée des Pains la somme totale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les déboute de leur demande formée sur ce même fondement ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z] aux dépens de l'appel ;
Condamne in solidum Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z] à payer à la SARL A la Croisée des Pains la somme totale de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente de chambre
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 24/01117 - N° Portalis DBVS-V-B7I-GFZQ
Minute n° 25/00083
S.A.R.L. A LA CROISEE DES PAINS
C/
[L] EPOUSE [B], [B], [T], [N], S.C.I. [S] ET [Z]
Ordonnance Référé, origine Président du TJ de [Localité 10], décision attaquée en date du 28 Mai 2024, enregistrée sous le n° 24/00040
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 12 JUIN 2025
APPELANTE :
SARL A LA CROISEE DES PAINS, représentée par son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Madame [M] [L] épouse [B]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Non représentée
Monsieur [E] [B]
[Adresse 9]
[Localité 1]
Non représenté
Monsieur [D] [T]
[Adresse 9]
[Localité 1]
Non représenté
Monsieur [K] [N]
[Adresse 7]
[Localité 1]
Non représenté
S.C.I. [S] ET [Z] , représentée par représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 1]
Non représenté
DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Février 2025 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 12 Juin 2025.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Hélène BAJEUX
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Rendu par défaut
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte authentique du 21 juillet 2008, la SCI [S] & [Z] a donné à bail à la SARL La Mie des Chênes, un local commercial sis [Adresse 3] à 57255 Sainte Marie Aux Chênes.
La SARL La Mie des Chênes a cédé à la SARL A la Croisée des Pains ce fonds de commerce comprenant notamment le bail commercial.
Se plaignant de nuisances sonores, M. [E] [B], la SCI [S] & [Z], Mme [M] [B] née [L], M. [D] [T], le syndic de copropriété du [Adresse 4] pris en la personne de son représentant légal, M. [E] [B], et M. [K] [N] ont, par acte de commissaire de justice signifié le 26 janvier 2024, fait assigner la SARL A la Croisée des Pains devant le président du tribunal judiciaire de Metz statuant en référé, sur le fondement des articles 834, 835 et 700 du code de procédure civile, 1103 du code civil, R1336-5 du code de la santé publique et 1 et 9 de l'arrêté municipal du 11 avril 2000 pour voir, selon leurs dernières conclusions récapitulatives:
juger qu'ils sont recevables et bien fondée en l'ensemble de leurs demandes
ordonner à la partie défenderesse et tout occupant des locaux commerciaux loués de cesser tout trouble susceptible de perturber la quiétude de la copropriété
reconnaître la nature illicite des bruits perpétrés par les occupants des locaux commerciaux loués
ordonner la cessation des bruits et tapages diurnes et nocturnes sous astreinte de 250 euros par jour
constater que la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail régularisé entre les parties est acquise
ordonner le « déguerpissement » de la SARL A la Croisée des Pains et de tout occupant de son chef des locaux loués
condamner la SARL A la Croisée des Pains à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions récapitulatives, la SARL A la Croisée des Pains a demandé au juge des référés de :
déclarer irrecevable la demande formée par le syndic de copropriété du [Adresse 6] à [Localité 2]
condamner M. [B] ès qualités de syndic de la copropriété du [Adresse 6] à [Localité 2] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
écarter des débats la pièce n°18 des demandeurs comme ayant été obtenue sans son consentement et donc de manière irrégulière
inviter M. et Mme [B] à préciser leur statut exact au sein de la copropriété du [Adresse 6] à [Localité 2]
constater que la preuve de la condition d'urgence prévue à l'article 834 du code de procédure civile n'est pas rapportée
constater que la preuve du trouble manifestement illicite invoqué et prévu à l'article 835 du code de procédure civile n'est pas rapportée
constater l'existence d'une contestation sérieuse
dire n'y avoir lieu à référé ;
se déclarer incompétent pour statuer sur la demande principale
Reconventionnellement à titre provisoire
condamner in solidum les demandeurs à lui verser la somme de 3.000 euros à titre provisionnel en réparation du préjudice subi du fait de la procédure abusive diligentée
condamner chacun des demandeurs à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
les condamner in solidum aux entiers frais et dépens.
Par ordonnance contradictoire du 28 mai 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Metz a :
renvoyé les parties à se pourvoir au principal ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent,
déclaré irrecevable l'action formée par le syndic de copropriété du [Adresse 4]
dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce 18 des demandeurs
débouté M. [E] [B], la SCI [S] & [Z], Mme [M] [B] née [L], M. [D] [T], M. [E] [B], et M. [K] [N] de leur demande visant à constater la résiliation du bail commercial passé par la SARL A la Croisée des Pains et prononcer le déguerpissement de la SARL A la Croisée des Pains
condamné à titre provisoire la SARL A la Croisée des Pains à cesser de générer dans les locaux privatifs et dans les communs des bruits nocturnes excédant ceux strictement nécessaires à son activité et ayant pour effet de troubler la tranquillité de la copropriété situé [Adresse 8] à [Localité 2] sous peine d'une astreinte de 300 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente ordonnance
débouté la SARL A la Croisée des Pains de sa demande de dommages-intérêts provisionnels
condamné la SARL A la Croisée des Pains à payer à M. [E] [B], la SCI [S] & [Z], Mme [M] [B] née [L], M. [D] [T], M. [E] [B], et M. [K] [N] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
condamné la SARL A la Croisée des Pains aux frais et dépens
débouté les parties de toute autre demande
rappelé que cette ordonnance de référé est immédiatement exécutoire à titre provisoire et sans constitution de garantie particulière, même en cas d'appel.
Le juge des référés a tout d'abord relevé que le syndic n'avait pas précisé dans son assignation qu'il intervenait pour le syndicat des copropriétaires et non en son nom propre. Il en a déduit que le syndic n'avait pas qualité à agir.
Il a considéré que la SARL A la Croisée des Pains ne démontrait pas l'irrégularité de la captation d'images par la caméra située dans la copropriété dont la pose a été autorisée par les copropriétaires selon assemblée générale du 7 octobre 2023 et n'a donc pas écarté des débats la pièce n°18 produite par les demandeurs.
Pour rejeter les demandes visant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et prononcer le déguerpissement de la SARL A la Croisée des Pains, le juge des référés a, faisant application des articles 834 et 835 du code de procédure civile ainsi que de l'article L145-41 du code de commerce, retenu que si les demandeurs se prévalaient de l'acquisition de la clause résolutoire, ils ne soutenaient, ni ne démontraient, avoir fait délivrer à la SARL A la Croisée des Pains un commandement ou une mise en demeure exprimant la volonté de la bailleresse de se prévaloir de la résolution du bail.
Pour retenir le trouble manifestement illicite et condamner sous astreinte la SARL A la Croisée des Pains à cesser les bruits générés, le juge des référés a fait application des articles 835 du code de procédure civile et R1336-5 du code de la santé publique ainsi que du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage. Le juge des référés a, pour ce faire, relevé qu'il était produit un courrier du 5 octobre 2023 par lequel M. [T] se plaignait de bruits de marteaux entendus à plusieurs reprises en pleine nuit en septembre et octobre 2023, ou de benne à ordure entendu le 5 octobre 2023 en pleine nuit également et des allers-retours de voitures, de piétons et de scooters tout au long de la nuit avec des bruits de conversations à haute voix, chacun attribués à la SARL A la Croisée des Pains. Le juge des référés a également mentionné que Mme [B] avait déclaré des nuisances sonores provoquées par l'exploitant de la boulangerie évoquant notamment des portes qui claquent et des allers-retours dans la nuit, que des plaintes avaient été déposées auprès de la gendarmerie par M. et Mme [B] et M. [T], lesquels se sont plaints de tapages nocturnes et diurnes ainsi que de différentes incivilités commises par la SARL A la Croisée des Pains.
Le juge des référés a en outre relevé que le visionnage des images captées dans les communs de la copropriété en novembre 2023, décembre 2023 et janvier 2024 révélaient 5 événements survenus en pleine nuit : des bruits de conversation, des objets tirés au sol, une livraison de marchandise, des coups de pied dans le portail et des sacs et bennes à ordures déplacés. Sur la base de ces éléments, le juge des référés a retenu que si l'exploitation d'une boulangerie impliquait une activité nocturne, il était démontré que la SARL A la Croisée des Pains perturbait la tranquillité de l'immeuble de façon récurrente et excessive alors que ces bruits pouvaient être évités et différés de jour sans pour autant entraver l'exploitation du commerce.
Enfin, pour rejeter la demande reconventionnelle de condamnation au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, le juge des référés a retenu qu'il était fait droit en parties aux demandes de sorte qu'aucun abus n'était caractérisé.
Par déclaration du 18 juin 2024, la SARL A la Croisée des Pains a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement d'infirmation, de cette ordonnance en ce qu'elle a :
renvoyé les parties à se pourvoir au principal ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce 18 des demandeurs,
l'a condamnée à titre provisoire à cesser de générer dans les locaux privatifs et dans les communs des bruits nocturnes excédant ceux strictement nécessaires à son activité ayant pour effet de troubler la tranquillité de la copropriété située [Adresse 3] à [Localité 2] sous peine d'une astreinte de 300 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente ordonnance,
l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts provisionnels,
l'a condamnée à payer à M. [E] [B], la SCI [S] & [Z], Mme [M] [B] née [L], M. [D] [T], M. [E] [B] et M. [K] [N] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
l'a condamnée aux frais et dépens,
l'a déboutée de toute autre demande,
rappelé le caractère exécutoire à titre provisoire de cette ordonnance de référé.
Par ses dernières conclusions récapitulatives du 18 novembre 2024, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL A la Croisée des Pains demande à la cour de :
recevoir son appel et le dire bien fondé.
infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle: a dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce 18 des demandeurs; l'a condamnée à titre provisoire à cesser de générer dans les locaux privatifs et dans les communs des bruits nocturnes excédant ceux strictement nécessaires à son activité ayant pour effet de troubler la tranquillité de la copropriété sous peine d'une astreinte de 300 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente ordonnance; l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts provisionnels; l'a condamnée à payer à M. [E] [B], la SCI [S] & [Z], Mme [M] [B] née [L], M. [D] [T], M. [E] [B] et M. [K] [N] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; l'a condamnée aux frais et dépens; l'a déboutée de toute autre demande; rappelé que cette ordonnance de référé était immédiatement exécutoire à titre provisoire et sans constitution de garantie particulière, même en cas d'appel.
Et statuant à nouveau,
déclarer irrecevables l'action et les demandes de M. [E] [B], de Mme [M] [L] épouse [B], de M. [D] [T], de la SCI [S] & [Z], de M. [K] [N], pour défaut de qualité et d'intérêt à agir;
déclarer en tout état de cause irrecevables l'action et les demandes de M. [E] [B], de Mme [M] [L] épouse [B], de M. [D] [T], de M. [K] [N], pour défaut de qualité et d'intérêt à agir
Vu l'article 9 du code de procédure civile,
écarter des débats la pièce n°18 produite en première instance par les demandeurs comme ayant été obtenue sans le consentement de la défenderesse, de manière irrégulière et non autorisée.
Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile, vu les contestations sérieuses soulevées, vu l'absence de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite,
se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes principales
dire n'y avoir lieu à référé
renvoyer les demandeurs et intimés à mieux se pourvoir
déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de M. [E] [B], de Mme [M] [L] épouse [B], de M. [D] [T], de la SCI [S] & [Z], de M. [K] [N]
Subsidiairement, rejeter l'ensemble de leurs demandes
En tout état de cause,
rejeter l'ensemble des demandes de M. [E] [B], de Mme [M] [L] épouse [B], de M. [D] [T], de la SCI [S] & [Z], de M. [K] [N], tant irrecevables que mal fondées
condamner in solidum M. [E] [B], Mme [M] [L] épouse [B], M. [D] [T], la SCI [S] & [Z], M. [K] [N] à lui payer une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice subi du fait de cette procédure abusive
condamner in solidum M. [E] [B], Mme [M] [L] épouse [B], M. [D] [T], la SCI [S] & [Z], M. [K] [N] aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel ainsi qu'à lui payer chacun une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et une somme de 1.500 euros chacun au même titre pour la procédure d'appel.
confirmer pour le surplus l'ordonnance entreprise.
Au soutien de ses prétentions, la SARL A la Croisée des Pains affirme que l'action et les demandes formées par Mme [B], M. [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] pour faire cesser de prétendus troubles dans la copropriété sont irrecevables et que seul le syndicat des copropriétaires a qualité et intérêt à agir en ce sens. La SARL A la Croisée des Pains ajoute que M. et Mme [B], M. [T] et M. [N] ne sont pas propriétaires et n'ont donc ni qualité ni intérêt à agir, rendant ainsi leur action et leurs demandes irrecevables.
Elle estime que ces fins de non-recevoir constituent des contestations sérieuses échappant aux pouvoirs du juge des référés.
L'appelante expose ensuite que la pièce numéro 18 produite par les intimés en première instance doit être écartée car elle a été obtenue en fraude de ses droits et en violation de l'article 9 du code de procédure civile. Elle souligne que les images ainsi produites proviennent d'un système de vidéosurveillance ne respectant pas la réglementation en l'absence d'autorisation de la préfecture, des personnes filmées, et de l'affichage obligatoire informant la présence de caméras. Elle estime que la preuve avancée par les intimés est illicite. L'appelante en déduit qu'il existe une contestation sérieuse et qu'il n'y a donc pas lieu à référé sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile.
S'agissant du trouble manifestement illicite, la SARL A la Croisée des Pains soutient qu'il existe une contestation sérieuse, notamment parce que le trouble de voisinage dont se plaignent M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] n'est pas constituée, que le code de la santé publique est respecté et que la condition d'urgence n'est pas remplie.
L'appelante ajoute que M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] ne produisent aucune pièce devant la cour et que cela justifie que leurs demandes soient rejetées conformément aux article 9 et 102 et suivants du code de procédure civile. Elle estime en outre que les pièces produites par eux en première instance n'avaient aucune force probante en ce qu'il s'agirait de preuves faites à soi-même et que les conditions d'urgence et de dommage imminent ne sont pas remplies.
La SARL A la Croisée des Pains affirme que les demandes formées à son encontre sont une manière détournée de mettre fin à son activité commerciale, ce qui lui est préjudiciable.
Elle conteste être à l'origine des différents bruits invoqués. Selon elle, les images de vidéosurveillance communiquées en première instance par M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z], si la cour les estime recevables, ne font que relater une activité normale inhérente à l'exploitation d'un commerce, rappelant à ce propos qu'elle exploite une boulangerie nécessitant une part de travail de nuit. La SARL A la Croisée des Pains ajoute que certains des individus présents sur les images sont sans lien avec elle.
L'appelante soutient qu'il résulte d'un constat d'huissier du 2 février 2024, que son activité commerciale ne génère aucun bruit excessif et rappelle qu'une telle activité étant préexistante à la venue des intimés, la théorie de la pré-occupation doit s'appliquer. Elle ajoute par ailleurs que son exploitation génère aujourd'hui moins de bruit que la précédente.
Elle expose que la procédure engagée contre elle est abusive et motivée par une intention de nuire, justifiant que lui soit octroyé une indemnité provisionnelle.
Malgré signification, pour chacun des intimés par dépôt à l'étude du commissaire de justice, de la déclaration d'appel le 26 juillet 2024 et des conclusions d'appel le 27 août 2024, M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] n'ont pas constitué avocat à hauteur de cour.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 19 novembre 2024.
Le 22 mai 2025, la cour a adressé à la SARL A la Croisée des Pains la note en délibéré suivante : « La cour constate en cours de délibéré que la pièce n° 7 de la SARL A la Croisée des Pains mentionnée sous l'intitulé « extraits vidéo » est en fait une clé USB. Aucune extraction de son contenu n'est produite. La SARL A la Croisée des Pains est donc invitée à s'expliquer sur la recevabilité de cette pièce en l'absence d'extraction de son contenu, tant au regard de la garantie du respect du principe du contradictoire qu'au regard de l'impossibilité de s'assurer des règles de sécurité informatique et de l'authenticité de son contenu. La SARL A la Croisée des Pains est invitée à formuler ses observations par note en délibéré avant le 3 juin 2025. »
Par note en délibéré du 2 juin 2025 la SARL A la Croisée des Pains a indiqué que le principe du contradictoire avait été respecté dans la mesure où les intimés n'ont pas constitué avocat. Elle ajoute que cette pièce avait déjà été produite en première instance et souligne que les intimés avaient produit devant le juge des référés des enregistrements d'une caméra située dans la copropriété qui n'ont pas été écartés des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la non-constitution des intimés
L'article 542 du code de procédure civile dispose que « l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction de premier degré à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel ».
Selon le dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, «la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. »
Par application des articles susvisés, il appartient à l'appelant, lorsque l'intimé ne comparaît pas, de démontrer que l'analyse des pièces et éléments de la cause effectuée par le tribunal dans le jugement dont il est fait appel est le cas échéant erronée et de produire toutes pièces utiles à cette fin, y compris au besoin celles que l'intimé avait produites en première instance.
En l'espèce, il faut ainsi considérer que Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z], qui n'ont pas constitué avocat en appel, sont réputés s'approprier les motifs de l'ordonnance 28 mai 2024.
Il appartient donc à la SARL A la Croisée des Pains de démontrer que l'analyse du juge des référés est erronée.
Au regard de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions formées par les intimés qui n'ont pas constitué avocat en appel ne doivent pas être rejetées faute de pièces, comme le soutient la SARL A la Croisée des Pains. Ce moyen est inopérant.
II- Sur la portée de l'appel
La cour observe qu'aucun appel n'est formé sur les dispositions de l'ordonnance du juge des référés ayant déclaré irrecevable l'action formée par le syndic de copropriété du [Adresse 5], et ayant débouté M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] de leurs demandes tendant à voir constater la résiliation du bail et prononcer l'expulsion de la SARL A la Croisée des Pains.
La cour n'en est donc pas saisie.
III- Sur la fin de non-recevoir invoquée par l'appelante
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Il appartient au juge des référés de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée d'un prétendu défaut de qualité du demandeur en référé, que la contestation de cette qualité par la partie adverse soit ou non sérieuse.
En l'espèce, si la SARL A la Croisée des Pains estime qu'il existe une contestation sérieuse sur la qualité et l'intérêt à agir de M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z], le juge des référés a cependant pleine compétence pour statuer sur ces fins de non-recevoir. Le moyen invoqué sur ce point sera donc rejeté.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la SARL A la Croisée des Pains, aucun texte légal ou réglementaire ne réserve au seul syndicat des copropriétaires l'exclusivité de la qualité à agir pour faire cesser un trouble du voisinage.
Les demandeurs à l'action ont donc qualité à agir en cessation du trouble à condition qu'ils y aient intérêt.
Sur ce point, le trouble du voisinage affectant par essence la jouissance paisible des locaux occupés dans un périmètre de proximité, tout voisin des locaux exploités par la SARL A la Croisée des Pains dispose d'un intérêt à agir en cessation des nuisances sonores supposées.
Il s'en suit que M. et Mme [B], M. [T], M. [N] qui selon les déclarations de l'appelante sont locataires dans l'immeuble, sont concernés et ont intérêt à agir, étant souligné qu'aucune pièce ne permet d'établir que l'un d'eux n'en est plus occupants.
La SCI [S] & [Z] étant bailleur de la SARL A la Croisée des Pains et copropriétaire de l'immeuble a également intérêt à agir.
Leurs actions et leurs demandes sont donc recevables.
IV- Sur la demande concernant la pièce n°18 produite en première instance
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Néanmoins, il est constant que le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une preuve obtenue ou produite de manière illicite ou déloyale, porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
En l'espèce, il ressort de l'ordonnance de référé dont il est interjeté appel que la pièce n°18 correspond à des enregistrements vidéo d'une caméra située dans la copropriété, laquelle a été posée aux frais de M. [B] et sur autorisation des copropriétaires donnée lors de l'assemblée générale du 7 octobre 2023. La pièce litigieuse n'est pas reproduite en appel mais le contenu de ces enregistrements est repris et utilisé par le juge des référés dans les motifs de l'ordonnance, étant rappelé que les intimés, non constitués à hauteur de cour, sont réputés s'approprier les motifs de cette ordonnance.
Par ailleurs, il résulte du procès-verbal de constat établi le 7 décembre 2023 par Me [X], commissaire de justice et versé aux débats par l'appelante, que 4 caméras ont été posées dans l'allée de circulation commune desservant à la fois le laboratoire et les logements 8bis et 8ter qui se trouvent dans le prolongement du laboratoire. Le commissaire de justice relève que la 4ème caméra est fixée sur un bras articulé, qu'elle est connectée et que l'objectif de la caméra donne sur la cour qui fait la liaison entre le laboratoire et l'arrière-boutique de la boulangerie.
Si selon les motifs de l'ordonnance, l'assemblée générale des copropriétaires a autorisé un copropriétaire à installer un dispositif de vidéosurveillance, (fait non contredit en appel par la SARL A la Croisée des Pains) il n'est pas établi, ni par les pièces produites, ni par les motifs de l'ordonnance, qu'un panneau d'affichage conforme à la réglementation applicable en matière de vidéo surveillance a été posé dans les communs informant les personnes filmées de la pose de caméras, des conditions d'accès à ces images et de leur conservation.
Dès lors, il faut considérer que la pièce 18 produite en première instance correspondant à des enregistrements vidéo extraits d'un système de vidéosurveillance irrégulièrement mis en place est une preuve illicite.
La cour n'a pas à apprécier si la production de cette pièce était indispensable à l'exercice du droit de la preuve des intimés et si l'atteinte portée à la SARL A la Croisée des Pains était strictement proportionnée au but poursuivi, faute de demande en ce sens formée par les intimés.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce 18 et de déclarer cette pièce produite en première instance irrecevable.
V- Sur la demande visant à faire cesser un trouble manifestement illicite
L'article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L'article R1336-5 du code de la santé publique dispose qu'aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité.
Il est constant que nul ne doit causer à autrui de trouble dépassant les inconvénients normaux du voisinage.
Il appartient à celui qui se prétend victime d'un tel trouble d'apporter la preuve qu'il subit un dommage et que ce dommage est en lien de causalité avec un trouble anormal.
La cour, statuant sur appel d'une ordonnance de référé, doit se placer à la date à laquelle le juge des référés a statué pour déterminer le bien fondé des mesures ordonnées.
Il y a également lieu de préciser que l'application de l'article 835 précité, et visé par les demandeurs dans leurs prétentions initiales, n'exige aucune condition d'urgence. Il importe donc peu que l'urgence soit caractérisée ou non et les moyens formulés par la SARL A la Croisée des Pains sur ce point sont donc inopérants.
Il convient tout d'abord de relever que la pièce n° 7 de la SARL A la Croisée des Pains mentionnée sous l'intitulé « extraits vidéos » est une clé USB. Aucune extraction de son contenu n'est produite.
En l'absence de tout élément permettant de s'assurer de l'authenticité, de l'origine et du contenu de cette clé, il faut considérer que son contenu n'a aucune valeur probante.
La pièce 18 produite en première instance étant déclarée irrecevable, les intimés ne sont donc plus réputés s'approprier les motifs invoqués sur le fondement de cette pièce.
L'ordonnance vise dans ses autres motifs la production :
d'un courrier du 5 octobre 2023 de M. [T] se plaignant de bruits de marteaux entendus à plusieurs reprises en pleine nuit en septembre et octobre 2023, du bruit d'une benne à ordures le 5 octobre 2023 à 00h30, des allers-retours de voitures, piétons et scooter tout au long de la nuit, des conversations à voix hautes et des cris l'obligeant à dormir avec des boules Quies.
d'un courrier de Mme [B] du 13 octobre 2023 qui déplore les nuisances sonores provoquées par les locataires exploitant la boulangerie et évoque des portes qui claquent et des allers-retours la nuit dans le laboratoire de la boulangerie
d'une plainte auprès de la gendarmerie le 14 octobre 2023 de M. [B] pour des incivilités commises par la famille [R] et des tapages nocturnes et diurnes
d'une plainte auprès de la gendarmerie le même jour, soit le 14 octobre 2023 pour des nuisances sonores de jour comme de nuit depuis l'installation des nouveaux gérants de la boulangerie en juillet et plus particulièrement entre 2h et 5h du matin.
Si ces événements, à les supposer avérés, mettent en évidence des nuisances sonores nocturnes ponctuelles sur la période allant principalement de septembre au 14 octobre 2023, aucun élément ne permet de déterminer le niveau sonore de ces bruits, leur durée, ni leur imputabilité certaine à la SARL A la Croisée des Pains. En outre, il n'est pas justifié de leur fréquence, ni que ces troubles étaient toujours persistants lorsque le juge des référés a statué en mai 2024.
Les relevés sonores effectués par le commissaire de justice à la demande de la SARL A la Croisée des Pains démontrent par ailleurs l'existence de bruits ambiants et constants, non excessifs, générés par l'activité commerciale de la boulangerie et permettent d'établir que les machines utilisées dans le cadre de son activité quotidienne ne sont pas à l'origine d'un trouble anormal du voisinage.
En définitive, il n'est démontré aucun trouble manifestement illicite tel que visé par l'article 835 du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner en référé une quelconque mesure destinée à le faire cesser.
L'ordonnance sera donc infirmée sur ce point et les intimés seront déboutés de leurs prétentions.
VI- Sur la demande de provision au titre de la procédure abusive
Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il est constant que le droit d'agir en justice est un droit qui ne peut dégénérer en abus ouvrant droit en dommages et intérêts qu'en cas de mauvaise foi, d'intention de nuire, ou d'erreur grossière du plaideur.
En l'espèce, il n'est pas établi que l'action engagée par M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] était motivée par une intention de nuire ou exercée de mauvaise foi.
L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a débouté la SARL A la Croisée des Pains de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.
VII- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] succombant, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Metz du 28 mai 2024 dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau, M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance.
Par application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de condamner in solidum M. et Mme [B], M. [T], M. [N] et la SCI [S] & [Z] à payer à la SARL A la Croisée des Pains la somme totale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les débouter de leurs prétentions formées sur ce même fondement.
Les intimés succombant en appel seront condamnés aux dépens.
Au regard de l'équité, ils seront également condamnés in solidum à payer à la SARL A la Croisée des Pains la somme totale de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevables les actions et prétentions formées par Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z] ;
Confirme l'ordonnance du 28 mai 2024 du président du tribunal judiciaire de Metz statuant en référé en ce qu'elle a débouté la SARL A la Croisée des Pains de sa demande de dommages et intérêts provisionnels ;
L'infirme en ce qu'elle a :
dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce 18 des demandeurs
condamné à titre provisoire la SARL A la Croisée des Pains à cesser de générer dans les locaux privatifs et dans les communs des bruits nocturnes excédant ceux strictement nécessaires à son activité et ayant pour effet de troubler la tranquillité de la copropriété située [Adresse 8] à [Localité 2] sous peine d'une astreinte de 300 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente ordonnance
condamné la SARL A la Croisée des Pains aux frais et dépens
condamné la SARL A la Croisée des Pains à payer à M. [E] [B] La SCI [S] & [Z], Mme [M] [B] née [L], M. [D] [T], M. [E] [B], et M. [K] [N] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
débouté les parties de toute autre demande ;
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z] de leurs demandes tendant voir :
ordonner la SARL A la Croisée des Pains et tout occupant des locaux commerciaux loués de cesser tout trouble susceptible de perturber la quiétude de la copropriété
reconnaître la nature illicite des bruits perpétrés par les occupants des locaux commerciaux loués
ordonner la cessation des bruits et tapages diurnes et nocturnes sous astreinte de 250 euros par jour
Condamne in solidum Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z] aux dépens de première instance ;
Condamne in solidum Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z] à payer à la SARL A la Croisée des Pains la somme totale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les déboute de leur demande formée sur ce même fondement ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z] aux dépens de l'appel ;
Condamne in solidum Mme [M] [L] épouse [B], M. [E] [B], M. [D] [T], M. [K] [N] et la SCI [S] & [Z] à payer à la SARL A la Croisée des Pains la somme totale de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente de chambre