CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 12 juin 2025, n° 24/16727
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 12 JUIN 2025
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/16727 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKEET
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Août 2024 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 5] - RG n° 24/00487
APPELANTE
S.A.R.L. BAP 94, RCS de [Localité 6] sous le n°533 206 769, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
Ayant pour avocat plaidant Me Corine RUIMY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1649
INTIMÉE
S.C. [Adresse 9] (SECAR), RCS de [Localité 6] sous le n°784 880 130, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Davina SUSINI-LAURENTI de la SARL DAVINA SUSINI LAURENTI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P43
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 mai 2025, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
****
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 6 août 2020, la [Adresse 8] [Localité 7] (Secar) a loué à la société Bap 94, exploitant sous l'enseigne Adidas, des locaux n°9 et B10 situés à [Localité 10] (94) dans le centre commercial Belle Epine, ce, pour une durée de 10 années à compter de la date de livraison devant intervenir au plus tard le 1er décembre 2020.
Aux termes des conditions générales du bail commercial consenti, la société Bap 94 devait bénéficier :
D'un abattement de loyer correspondant à 100% du loyer minimum garanti pour la période comprise entre la date de prise d'effet du bail et la date d'ouverture des locaux au public et au plus tard à l'expiration d'un délai de 3 mois suivant la date de prise d'effet du bail,
D'un abattement de loyer d'un montant de 23.150 euros HT HC du loyer minimum garanti durant la première année du bail, ce à compter de la prise d'effet de ce bail,
De la prise en charge du cout des travaux d'aménagement dans les locaux loués à hauteur de 150.000 euros.
Des loyers sont demeurés impayés.
La société Secar a adressé à la société Bap 94, par courriers des 3 juin et 5 juillet 2021, des mises en demeure de régler les échéances impayées soit une somme de 48.361,41 euros puis par courrier du 26 octobre 2021, après avoir considéré que les abattements consentis devaient être résolus, a mis en demeure la société Bap 94 de lui régler la somme de 197.148,14 euros, arrêtée au 26 octobre 2021 puis les 20 octobre 2022 et 20 janvier 2023 de lui régler la somme de 131.557,66 euros TTC.
La société Secar a fait procéder à des saisies conservatoires sur les comptes bancaires de la société Bap 94 entre les mains du Crédit industriel et commercial (CIC).
Par ordonnance rendue le 20 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a rejeté la demande de condamnation provisionnelle sollicitée par la société Secar à hauteur de 93.425,44 euros TTC au motif que les sommes dues au titre des loyers et charges avaient été intégralement réglées au jour de l'audience, sans qu'aucune contestation sérieuse ne puisse être opposée, a dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes, a rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Bap 94 aux dépens.
La société Secar a adressé à la société Bap 94 des mises en demeure les 15 novembre 2023, 14 décembre 2023, 15 janvier 2024 et 14 février 2024 et lui a fait délivrer une sommation de payer la somme de 93.426,34 euros par exploit du 28 décembre 2023.
Elle a fait procéder le 21 février 2024 à une nouvelle saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la société Bap 94 entre les mains du CIC, ce, à hauteur de la somme de 190.210,11 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 20 février 2024.
Par exploit du 21 mars 2024, la société Secar a fait assigner la société Bap 94 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de voir :
Condamner la société Bap 94 à payer à la société Secar la somme provisionnelle de 190.210,11 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 21 mars 2024 avec intérêts au taux légal majoré de 500 points de base jusqu'à complet paiement,
Ordonner la capitalisation des intérêts ;
Condamner la société Bap 94 au paiement d'une somme de 19.021,01 euros TTC au titre de la clause pénale représentant 10% des sommes dues,
Condamner la société Bap 94 au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement.
Par ordonnance du 13 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :
Condamné la société Bap 94 à payer à la société Secar la somme provisionnelle de 278.548,97 euros au titre de l'arriéré locatif au 30 juin 2024 (4ème trimestre 2023, 1er et 2ème trimestres 2024, indexation du loyer et réajustement du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision),
Ordonné la capitalisation, année par année, des intérêts dus pour au moins une année entière à compter de la demande à cette fin formée le 4 juin 2024, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Débouté la société Bap 94 de sa demande de délais de paiement ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la clause pénale ainsi que sur le surplus des demandes des parties ;
Condamné la société Bap 94 aux entiers dépens ;
Condamné la société Bap 94 à payer à la société Secar la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 27 septembre 2024, la société Bap 94 a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 13 mars 2025, la société Bap 94 demande à la cour, au visa des articles 700, 834, 835 du code de procédure civile, L145-1 du code de commerce, 1103, 1134, 1231-5 et 1343-5 du code civil, de :
La déclarer bien fondée en son appel et le déclarer bien-fondé,
Déclarer la société Secar tant irrecevable que mal fondée en son appel incident.
Y faisant droit,
Réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et,
Statuant à nouveau,
Constater l'absence d'urgence,
Débouter la société Secar de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Constater les contradictions entre les sommes réclamées au fil de la procédure,
Constater l'absence de créance certaine, liquide et exigible,
Accueillir les contestations sérieuses de la société Bap 94,
Réduire la clause pénale de 38.672,90 euros à la somme de 1 euro,
Accorder 18 mois de délai à la société Bap 94 pour solder sa dette de 149.837,04 euros au 4ème trimestre 2024 inclus,
Condamner la société Secar au versement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
Condamner la société Secar aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Allerit, membre de la société Taze-Bernard-Allerit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 26 mars 2025, la société Secar demande à la cour, au visa des articles 835 alinéa 2, 696, 700 du code de procédure civile et 1103 du code civil, de :
Infirmer l'ordonnance rendue le 13 août 2024 par le président du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'elle a condamné la société Bap 94 à payer à la société Secar la somme provisionnelle de 278.548,97 euros au titre de l'arriéré locatif au 30 juin 2024, en rejetant la somme de 1.967,96 euros, au titre de la taxe sur les locaux commerciaux ;
Infirmer l'ordonnance rendue le 13 août 2024 par le président du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de l'application de la clause pénale contenue dans le bail ;
Confirmer l'ordonnance rendue le 13 août 2024 par le président du tribunal judiciaire de Créteil pour le surplus et notamment, en ce qu'elle a :
Ordonné la capitalisation, année par année, des intérêts dus pour au moins pour une année entière à compter de la demande à cette fin formée le 4 juin 2024, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Débouté la société Bap 94 de sa demande de délais de paiement ;
Condamné la société Bap 94 aux entiers dépens ;
Condamné la société Bap 94 à payer à la société Secar la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
Condamner la société Bap 94 au paiement, à titre provisionnel, de la somme de 226.187,87 euros, arrêtée au 11 février 2025, sauf à parfaire ;
Condamner par provision la société Bap 94 au paiement, au profit de la société Secar :
D'un intérêt de 10% sur l'intégralité des sommes dues à la date de ladite ordonnance ;
Outre l'intérêt légal majoré de 500 points de base jusqu'à complet paiement ;
Débouter la société Bap 94 de sa demande de réduction de la clause pénale à 1 euro symbolique ;
Confirmer l'ordonnance rendue le 13 août 2024 par le président du tribunal judiciaire de Créteil pour le surplus ;
En conséquence,
Rejeter les demandes de la société Bap 94 tendant à voir infirmer l'ensemble de la décision ;
Débouter la société Bap 94 de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
En tout état de cause,
Condamner la société Bap 94 à verser à la société Secar la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 avril 2025.
SUR CE,
La société Bap 94 expose notamment que la société Secar n'a jamais rapporté la preuve d'une urgence nécessitant l'examen de ses demandes. Elle indique que la créance réclamée n'est ni certaine, ni liquide ni exigible et reconnaît devoir la somme de 149.837,04 euros, la clause pénale devant par ailleurs être réduite à 1 euro, étant relevé qu'elle est de bonne foi et que le bailleur a lui-même failli à ses obligations de paiement de la somme de 150.000 euros au titre de la prise en charge des travaux d'aménagement, alors qu'il a accepté le principe d'un accord de paiement de l'arriéré locatif le 20 septembre 2024.
Elle ajoute que le bailleur, de mauvaise foi, a supprimé unilatéralement les franchises de loyers, alors que les retards de règlements s'expliquent par la mise en tension de sa trésorerie laquelle résulte des manquements du bailleur susvisés. Elle précise qu'elle a signé un nouveau bail avec ce même bailleur pour un local situé dans un autre centre commercial, ce qui explique sa trésorerie tendue. Elle fait valoir à l'appui de sa demande de délais de paiements qu'elle est in bonis, bien que confrontée à des difficultés financières.
La société Secar expose pour sa part en substance que les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile ne prévoient aucune condition d'urgence et que la créance dont elle dispose est certaine, liquide et exigible. Elle précise que le juge des référés a exclu de la provision accordée la somme de 1.967,96 euros correspondant à la taxe sur les locaux commerciaux, alors que cette somme n'est pas discutée et qu'elle en produit la facture. Elle indique que l'appelante reconnaît devoir la somme de 149.837,04 euros sans explications, alors qu'elle reconnaissait devant le premier juge devoir la somme de 268.016,61 euros. Elle soutient encore que le débat sur la révocation des franchises de loyers est vain et a été traité dans le cadre d'une précédente procédure, alors qu'au surplus, ces engagements ont été légitimement remis en cause. Elle ajoute que la somme de 150.000 euros au titre des travaux d'aménagement a bien été versée. Elle indique que l'appelante admet explicitement devoir une clause pénale qu'elle demande à la cour de réduire, si bien qu'elle admet le pouvoir du juge des référés pour statuer sur ce point, alors qu'en outre, s'agissant de l'accord de paiement invoqué, son objet est discutable, de sorte qu'il y a lieu de considérer que les parties ne se sont pas rapprochées. Elle prétend enfin que la demande de l'appelante portant sur des délais de paiement n'est étayée par aucune pièce permettant de déterminer l'état de sa trésorerie, alors que celle-ci ne dispose d'aucun autre local, de sorte qu'elle devra être rejetée.
L'article 835 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
En l'espèce, l'action de la société Secar consiste en une demande de provision. Sont donc applicables à la présente action les seules dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le critère à prendre en compte étant celui de l'obligation non sérieusement contestable, celui de l' urgence n'étant pas exigé.
Il ressort des éléments du dossier que la société Secar produit un décompte arrêté au 11 février 2025 (sa pièce n°25) aux termes duquel elle sollicite la somme de 226.187,87 euros, la société Bap 94 reconnaissant devoir la somme de 149.837,04 euros, mais, ainsi que le relève la société intimée, sans présenter toutefois d'explications sur ce quantum.
Elle élève en réalité deux contestations principales, qu'elle estime sérieuses, à la demande provisionnelle de la bailleresse : l'une portant sur la clause pénale et l'autre sur la suppression des franchises de loyers, le principal des loyers et charges, l'indexation des loyers, les ajustements du dépôt de garantie, la taxe sur les loyers commerciaux et l'imputation des paiements auxquels elle a procédés n'étant pas critiqués.
Il doit être précisé en tout premier lieu que la taxe sur les loyers commerciaux, qui ne fait pas débat, est en cause d'appel justifiée par la société Secar qui produit en pièce n°26 une facture de 1.967,96 euros.
S'agissant de la clause pénale, selon l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. S'agissant de l'application d'une telle clause pénale, le pouvoir du juge du fond de la modérer ne prive pas pour autant le juge des référés du pouvoir d'allouer une provision, au titre de celle-ci. Cependant, le juge des référés peut retenir l'existence d'une contestation sérieuse empêchant son application, lorsque la clause pénale apparaît sérieusement susceptible d'être modérée par le juge du fond, compte tenu de son montant et de l'avantage manifestement excessif pour le créancier qui résulterait de son application.
Au cas présent, les conditions particulières du bail consenti prévoient (article 29 de ces conditions particulières) qu'à défaut de paiement de toute somme due en vertu du bail à son échéance, « une majoration de 10% des sommes dues sera appliquée à titre de pénalité sans préjudice de la mise en jeu de la clause résolutoire si bon semble au bailleur, des intérêts de retards prévus ci-après et de tous dommages intérêts supplémentaires que le bailleur serait en droit de réclamer ('). Toute somme non réglée par le preneur à sa date d'exigibilité portera intérêts (si bon semble au bailleur) (') Cet intérêt sera égal au taux d'intérêt légal applicable à l'année majoré de cinq cents points de base (c'est-à-dire si par exemple le taux d'intérêts légal est de 4%, le taux majoré sera de 9% » (pièce n°1 de la société Secar).
Compte tenu de leur fonction tant indemnitaire que comminatoire, cette majoration de 10% des sommes dues et la majoration de l'intérêt au taux légal à hauteur de cinq cents points de base s'analysent d'évidence, dans leur intégralité, en une clause pénale, laquelle est susceptible de réduction par le juge du fond en ce qu'elle confère au créancier un avantage qui apparaît excessif. Le décompte produit par la société Secar fait apparaître au titre de cette clause pénale des avoirs, de sorte qu'elle n'a pas été incluse dans le total de la provision sollicitée et qu'il n'y a pas lieu d'en déduire à nouveau le montant. Il ne peut dans ces conditions être fait droit à la demande tendant à assortir les sommes dues des majorations prévues par la clause pénale, qui se heurte à une contestation sérieuse, étant précisé que la demande de la société Bap 94 tendant à voir la clause pénale réduite à 1 euro relève incontestablement du juge du fond. L'ordonnance rendue est donc confirmée de ce chef.
En ce qui concerne la franchise de loyers, dont il n'est pas discuté qu'elle a été révoquée par la bailleresse, le bail consenti stipule dans ses conditions particulières (article 22.2.5) que « si le preneur est défaillant pendant une période de plus de trente jours calendaires dans le paiement d'une quelconque des sommes dont il est redevable au bailleur, au titre du bail, la franchise (') sera résolue de plein droit, s'il plaît au bailleur » (pièce n°1 précitée de la société Secar).
Or, il ressort des pièces produites que la résolution des abattements consentis a été mise en 'uvre par la société Secar par courrier du 26 octobre 2021, mettant en demeure la société Bap94 de lui régler la somme de 197.148,14 euros, l'ordonnance de référé rendue le 20 octobre 2023 ayant constaté qu'aucune somme ne restait due au 3ème trimestre 2023, de sorte que les sommes dues au titre de la révocation de la franchise de loyers ont bien été réglées par le preneur au point qu'il résulte du décompte produit par la société Secar (sa pièce n°25) que les sommes réclamées à ce titre ne sont pas incluses dans la demande de provision actuelle et que la cour n'en est donc pas saisie. En outre, la société Bap 94 se contente sur ce point d'indiquer que la révocation de la franchise de loyers aurait été mise en 'uvre de mauvaise foi, alors que la société Secar elle-même n'aurait pas versé la somme prévue contractuellement de 150.000 euros au titre des travaux d'aménagement. Contrairement à ce qu'elle affirme ainsi, pourtant, il est justifié par la société Secar du paiement de cette somme le 25 octobre 2021, de sorte que cette contestation sur la révocation de la franchise de loyers n'est pas sérieuse.
Enfin, il est argué d'un accord de paiement de l'arriéré locatif qui serait survenu entre les parties (pièce n°10 de la société Bap 94) mais cependant, alors que cette pièce consiste en un échange de courriels, elle ne peut être sérieusement rattachée au litige en ce qu'elle retrace les courriels du preneur, pour des locaux qui ne sont pas de manière certaine ceux visés en l'espèce, les réponses du bailleur n'apparaissant pas. Ce moyen est donc inopérant.
Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance rendue doit être confirmée, sauf à actualiser le quantum de la provision, l'obligation de paiement de la société Bap 94 étant incontestable à hauteur de 226.187,87 euros.
L'article 1343-5, alinéa 1 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Au cas présent, la société Bap 94, qui indique qu'elle est in bonis, ne produit aucun élément comptable et financier, tandis que l'arriéré locatif reste important. Sa demande de délais de paiement doit, en conséquence, être rejetée, et l'ordonnance confirmée de ce chef.
Sur les frais et dépens
L'ordonnance rendue sera confirmée en ce qui concerne le sort des dépens et des frais irrépétibles, justement tranchés par le premier juge.
La société Bap 94, partie perdante, sera condamnée aux dépens de l'appel ainsi qu'à payer à la société Secar la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, à l'exception de celle relative au quantum de la provision ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Bap 94 à payer à la société civile pour l'étude et l'aménagement du centre d'affaires régional de [Localité 7] la somme provisionnelle de 226.187,87 euros au titre des loyers, charges et accessoires arrêtés au 11 février 2025,
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société Bap 94 aux dépens d'appel ;
Condamne la société Bap 94 à payer à la société civile pour l'étude et l'aménagement du centre d'affaires régional de [Localité 7] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 12 JUIN 2025
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/16727 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKEET
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Août 2024 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 5] - RG n° 24/00487
APPELANTE
S.A.R.L. BAP 94, RCS de [Localité 6] sous le n°533 206 769, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
Ayant pour avocat plaidant Me Corine RUIMY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1649
INTIMÉE
S.C. [Adresse 9] (SECAR), RCS de [Localité 6] sous le n°784 880 130, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Davina SUSINI-LAURENTI de la SARL DAVINA SUSINI LAURENTI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P43
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 mai 2025, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
****
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 6 août 2020, la [Adresse 8] [Localité 7] (Secar) a loué à la société Bap 94, exploitant sous l'enseigne Adidas, des locaux n°9 et B10 situés à [Localité 10] (94) dans le centre commercial Belle Epine, ce, pour une durée de 10 années à compter de la date de livraison devant intervenir au plus tard le 1er décembre 2020.
Aux termes des conditions générales du bail commercial consenti, la société Bap 94 devait bénéficier :
D'un abattement de loyer correspondant à 100% du loyer minimum garanti pour la période comprise entre la date de prise d'effet du bail et la date d'ouverture des locaux au public et au plus tard à l'expiration d'un délai de 3 mois suivant la date de prise d'effet du bail,
D'un abattement de loyer d'un montant de 23.150 euros HT HC du loyer minimum garanti durant la première année du bail, ce à compter de la prise d'effet de ce bail,
De la prise en charge du cout des travaux d'aménagement dans les locaux loués à hauteur de 150.000 euros.
Des loyers sont demeurés impayés.
La société Secar a adressé à la société Bap 94, par courriers des 3 juin et 5 juillet 2021, des mises en demeure de régler les échéances impayées soit une somme de 48.361,41 euros puis par courrier du 26 octobre 2021, après avoir considéré que les abattements consentis devaient être résolus, a mis en demeure la société Bap 94 de lui régler la somme de 197.148,14 euros, arrêtée au 26 octobre 2021 puis les 20 octobre 2022 et 20 janvier 2023 de lui régler la somme de 131.557,66 euros TTC.
La société Secar a fait procéder à des saisies conservatoires sur les comptes bancaires de la société Bap 94 entre les mains du Crédit industriel et commercial (CIC).
Par ordonnance rendue le 20 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a rejeté la demande de condamnation provisionnelle sollicitée par la société Secar à hauteur de 93.425,44 euros TTC au motif que les sommes dues au titre des loyers et charges avaient été intégralement réglées au jour de l'audience, sans qu'aucune contestation sérieuse ne puisse être opposée, a dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes, a rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Bap 94 aux dépens.
La société Secar a adressé à la société Bap 94 des mises en demeure les 15 novembre 2023, 14 décembre 2023, 15 janvier 2024 et 14 février 2024 et lui a fait délivrer une sommation de payer la somme de 93.426,34 euros par exploit du 28 décembre 2023.
Elle a fait procéder le 21 février 2024 à une nouvelle saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la société Bap 94 entre les mains du CIC, ce, à hauteur de la somme de 190.210,11 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 20 février 2024.
Par exploit du 21 mars 2024, la société Secar a fait assigner la société Bap 94 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de voir :
Condamner la société Bap 94 à payer à la société Secar la somme provisionnelle de 190.210,11 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 21 mars 2024 avec intérêts au taux légal majoré de 500 points de base jusqu'à complet paiement,
Ordonner la capitalisation des intérêts ;
Condamner la société Bap 94 au paiement d'une somme de 19.021,01 euros TTC au titre de la clause pénale représentant 10% des sommes dues,
Condamner la société Bap 94 au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement.
Par ordonnance du 13 août 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :
Condamné la société Bap 94 à payer à la société Secar la somme provisionnelle de 278.548,97 euros au titre de l'arriéré locatif au 30 juin 2024 (4ème trimestre 2023, 1er et 2ème trimestres 2024, indexation du loyer et réajustement du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision),
Ordonné la capitalisation, année par année, des intérêts dus pour au moins une année entière à compter de la demande à cette fin formée le 4 juin 2024, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Débouté la société Bap 94 de sa demande de délais de paiement ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la clause pénale ainsi que sur le surplus des demandes des parties ;
Condamné la société Bap 94 aux entiers dépens ;
Condamné la société Bap 94 à payer à la société Secar la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 27 septembre 2024, la société Bap 94 a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 13 mars 2025, la société Bap 94 demande à la cour, au visa des articles 700, 834, 835 du code de procédure civile, L145-1 du code de commerce, 1103, 1134, 1231-5 et 1343-5 du code civil, de :
La déclarer bien fondée en son appel et le déclarer bien-fondé,
Déclarer la société Secar tant irrecevable que mal fondée en son appel incident.
Y faisant droit,
Réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et,
Statuant à nouveau,
Constater l'absence d'urgence,
Débouter la société Secar de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Constater les contradictions entre les sommes réclamées au fil de la procédure,
Constater l'absence de créance certaine, liquide et exigible,
Accueillir les contestations sérieuses de la société Bap 94,
Réduire la clause pénale de 38.672,90 euros à la somme de 1 euro,
Accorder 18 mois de délai à la société Bap 94 pour solder sa dette de 149.837,04 euros au 4ème trimestre 2024 inclus,
Condamner la société Secar au versement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
Condamner la société Secar aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Allerit, membre de la société Taze-Bernard-Allerit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 26 mars 2025, la société Secar demande à la cour, au visa des articles 835 alinéa 2, 696, 700 du code de procédure civile et 1103 du code civil, de :
Infirmer l'ordonnance rendue le 13 août 2024 par le président du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'elle a condamné la société Bap 94 à payer à la société Secar la somme provisionnelle de 278.548,97 euros au titre de l'arriéré locatif au 30 juin 2024, en rejetant la somme de 1.967,96 euros, au titre de la taxe sur les locaux commerciaux ;
Infirmer l'ordonnance rendue le 13 août 2024 par le président du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de l'application de la clause pénale contenue dans le bail ;
Confirmer l'ordonnance rendue le 13 août 2024 par le président du tribunal judiciaire de Créteil pour le surplus et notamment, en ce qu'elle a :
Ordonné la capitalisation, année par année, des intérêts dus pour au moins pour une année entière à compter de la demande à cette fin formée le 4 juin 2024, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Débouté la société Bap 94 de sa demande de délais de paiement ;
Condamné la société Bap 94 aux entiers dépens ;
Condamné la société Bap 94 à payer à la société Secar la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
Condamner la société Bap 94 au paiement, à titre provisionnel, de la somme de 226.187,87 euros, arrêtée au 11 février 2025, sauf à parfaire ;
Condamner par provision la société Bap 94 au paiement, au profit de la société Secar :
D'un intérêt de 10% sur l'intégralité des sommes dues à la date de ladite ordonnance ;
Outre l'intérêt légal majoré de 500 points de base jusqu'à complet paiement ;
Débouter la société Bap 94 de sa demande de réduction de la clause pénale à 1 euro symbolique ;
Confirmer l'ordonnance rendue le 13 août 2024 par le président du tribunal judiciaire de Créteil pour le surplus ;
En conséquence,
Rejeter les demandes de la société Bap 94 tendant à voir infirmer l'ensemble de la décision ;
Débouter la société Bap 94 de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
En tout état de cause,
Condamner la société Bap 94 à verser à la société Secar la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 avril 2025.
SUR CE,
La société Bap 94 expose notamment que la société Secar n'a jamais rapporté la preuve d'une urgence nécessitant l'examen de ses demandes. Elle indique que la créance réclamée n'est ni certaine, ni liquide ni exigible et reconnaît devoir la somme de 149.837,04 euros, la clause pénale devant par ailleurs être réduite à 1 euro, étant relevé qu'elle est de bonne foi et que le bailleur a lui-même failli à ses obligations de paiement de la somme de 150.000 euros au titre de la prise en charge des travaux d'aménagement, alors qu'il a accepté le principe d'un accord de paiement de l'arriéré locatif le 20 septembre 2024.
Elle ajoute que le bailleur, de mauvaise foi, a supprimé unilatéralement les franchises de loyers, alors que les retards de règlements s'expliquent par la mise en tension de sa trésorerie laquelle résulte des manquements du bailleur susvisés. Elle précise qu'elle a signé un nouveau bail avec ce même bailleur pour un local situé dans un autre centre commercial, ce qui explique sa trésorerie tendue. Elle fait valoir à l'appui de sa demande de délais de paiements qu'elle est in bonis, bien que confrontée à des difficultés financières.
La société Secar expose pour sa part en substance que les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile ne prévoient aucune condition d'urgence et que la créance dont elle dispose est certaine, liquide et exigible. Elle précise que le juge des référés a exclu de la provision accordée la somme de 1.967,96 euros correspondant à la taxe sur les locaux commerciaux, alors que cette somme n'est pas discutée et qu'elle en produit la facture. Elle indique que l'appelante reconnaît devoir la somme de 149.837,04 euros sans explications, alors qu'elle reconnaissait devant le premier juge devoir la somme de 268.016,61 euros. Elle soutient encore que le débat sur la révocation des franchises de loyers est vain et a été traité dans le cadre d'une précédente procédure, alors qu'au surplus, ces engagements ont été légitimement remis en cause. Elle ajoute que la somme de 150.000 euros au titre des travaux d'aménagement a bien été versée. Elle indique que l'appelante admet explicitement devoir une clause pénale qu'elle demande à la cour de réduire, si bien qu'elle admet le pouvoir du juge des référés pour statuer sur ce point, alors qu'en outre, s'agissant de l'accord de paiement invoqué, son objet est discutable, de sorte qu'il y a lieu de considérer que les parties ne se sont pas rapprochées. Elle prétend enfin que la demande de l'appelante portant sur des délais de paiement n'est étayée par aucune pièce permettant de déterminer l'état de sa trésorerie, alors que celle-ci ne dispose d'aucun autre local, de sorte qu'elle devra être rejetée.
L'article 835 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
En l'espèce, l'action de la société Secar consiste en une demande de provision. Sont donc applicables à la présente action les seules dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le critère à prendre en compte étant celui de l'obligation non sérieusement contestable, celui de l' urgence n'étant pas exigé.
Il ressort des éléments du dossier que la société Secar produit un décompte arrêté au 11 février 2025 (sa pièce n°25) aux termes duquel elle sollicite la somme de 226.187,87 euros, la société Bap 94 reconnaissant devoir la somme de 149.837,04 euros, mais, ainsi que le relève la société intimée, sans présenter toutefois d'explications sur ce quantum.
Elle élève en réalité deux contestations principales, qu'elle estime sérieuses, à la demande provisionnelle de la bailleresse : l'une portant sur la clause pénale et l'autre sur la suppression des franchises de loyers, le principal des loyers et charges, l'indexation des loyers, les ajustements du dépôt de garantie, la taxe sur les loyers commerciaux et l'imputation des paiements auxquels elle a procédés n'étant pas critiqués.
Il doit être précisé en tout premier lieu que la taxe sur les loyers commerciaux, qui ne fait pas débat, est en cause d'appel justifiée par la société Secar qui produit en pièce n°26 une facture de 1.967,96 euros.
S'agissant de la clause pénale, selon l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. S'agissant de l'application d'une telle clause pénale, le pouvoir du juge du fond de la modérer ne prive pas pour autant le juge des référés du pouvoir d'allouer une provision, au titre de celle-ci. Cependant, le juge des référés peut retenir l'existence d'une contestation sérieuse empêchant son application, lorsque la clause pénale apparaît sérieusement susceptible d'être modérée par le juge du fond, compte tenu de son montant et de l'avantage manifestement excessif pour le créancier qui résulterait de son application.
Au cas présent, les conditions particulières du bail consenti prévoient (article 29 de ces conditions particulières) qu'à défaut de paiement de toute somme due en vertu du bail à son échéance, « une majoration de 10% des sommes dues sera appliquée à titre de pénalité sans préjudice de la mise en jeu de la clause résolutoire si bon semble au bailleur, des intérêts de retards prévus ci-après et de tous dommages intérêts supplémentaires que le bailleur serait en droit de réclamer ('). Toute somme non réglée par le preneur à sa date d'exigibilité portera intérêts (si bon semble au bailleur) (') Cet intérêt sera égal au taux d'intérêt légal applicable à l'année majoré de cinq cents points de base (c'est-à-dire si par exemple le taux d'intérêts légal est de 4%, le taux majoré sera de 9% » (pièce n°1 de la société Secar).
Compte tenu de leur fonction tant indemnitaire que comminatoire, cette majoration de 10% des sommes dues et la majoration de l'intérêt au taux légal à hauteur de cinq cents points de base s'analysent d'évidence, dans leur intégralité, en une clause pénale, laquelle est susceptible de réduction par le juge du fond en ce qu'elle confère au créancier un avantage qui apparaît excessif. Le décompte produit par la société Secar fait apparaître au titre de cette clause pénale des avoirs, de sorte qu'elle n'a pas été incluse dans le total de la provision sollicitée et qu'il n'y a pas lieu d'en déduire à nouveau le montant. Il ne peut dans ces conditions être fait droit à la demande tendant à assortir les sommes dues des majorations prévues par la clause pénale, qui se heurte à une contestation sérieuse, étant précisé que la demande de la société Bap 94 tendant à voir la clause pénale réduite à 1 euro relève incontestablement du juge du fond. L'ordonnance rendue est donc confirmée de ce chef.
En ce qui concerne la franchise de loyers, dont il n'est pas discuté qu'elle a été révoquée par la bailleresse, le bail consenti stipule dans ses conditions particulières (article 22.2.5) que « si le preneur est défaillant pendant une période de plus de trente jours calendaires dans le paiement d'une quelconque des sommes dont il est redevable au bailleur, au titre du bail, la franchise (') sera résolue de plein droit, s'il plaît au bailleur » (pièce n°1 précitée de la société Secar).
Or, il ressort des pièces produites que la résolution des abattements consentis a été mise en 'uvre par la société Secar par courrier du 26 octobre 2021, mettant en demeure la société Bap94 de lui régler la somme de 197.148,14 euros, l'ordonnance de référé rendue le 20 octobre 2023 ayant constaté qu'aucune somme ne restait due au 3ème trimestre 2023, de sorte que les sommes dues au titre de la révocation de la franchise de loyers ont bien été réglées par le preneur au point qu'il résulte du décompte produit par la société Secar (sa pièce n°25) que les sommes réclamées à ce titre ne sont pas incluses dans la demande de provision actuelle et que la cour n'en est donc pas saisie. En outre, la société Bap 94 se contente sur ce point d'indiquer que la révocation de la franchise de loyers aurait été mise en 'uvre de mauvaise foi, alors que la société Secar elle-même n'aurait pas versé la somme prévue contractuellement de 150.000 euros au titre des travaux d'aménagement. Contrairement à ce qu'elle affirme ainsi, pourtant, il est justifié par la société Secar du paiement de cette somme le 25 octobre 2021, de sorte que cette contestation sur la révocation de la franchise de loyers n'est pas sérieuse.
Enfin, il est argué d'un accord de paiement de l'arriéré locatif qui serait survenu entre les parties (pièce n°10 de la société Bap 94) mais cependant, alors que cette pièce consiste en un échange de courriels, elle ne peut être sérieusement rattachée au litige en ce qu'elle retrace les courriels du preneur, pour des locaux qui ne sont pas de manière certaine ceux visés en l'espèce, les réponses du bailleur n'apparaissant pas. Ce moyen est donc inopérant.
Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance rendue doit être confirmée, sauf à actualiser le quantum de la provision, l'obligation de paiement de la société Bap 94 étant incontestable à hauteur de 226.187,87 euros.
L'article 1343-5, alinéa 1 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Au cas présent, la société Bap 94, qui indique qu'elle est in bonis, ne produit aucun élément comptable et financier, tandis que l'arriéré locatif reste important. Sa demande de délais de paiement doit, en conséquence, être rejetée, et l'ordonnance confirmée de ce chef.
Sur les frais et dépens
L'ordonnance rendue sera confirmée en ce qui concerne le sort des dépens et des frais irrépétibles, justement tranchés par le premier juge.
La société Bap 94, partie perdante, sera condamnée aux dépens de l'appel ainsi qu'à payer à la société Secar la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, à l'exception de celle relative au quantum de la provision ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Bap 94 à payer à la société civile pour l'étude et l'aménagement du centre d'affaires régional de [Localité 7] la somme provisionnelle de 226.187,87 euros au titre des loyers, charges et accessoires arrêtés au 11 février 2025,
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société Bap 94 aux dépens d'appel ;
Condamne la société Bap 94 à payer à la société civile pour l'étude et l'aménagement du centre d'affaires régional de [Localité 7] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE